Utilisation des antibiotiques chez les animaux destinés à l’alimentation humaine

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Caractères bactériologiques des salmonelles

Les salmonelles sont des bacilles à Gram-négatif qui se présentent sous forme de bâtonnets non sporulés. A l’exception du pathogène aviaire Salmonella enterica ser. Gallinarium, toutes les espèces de salmonelles sont mobiles via leurs flagelles péritriches (Lopes et al. 2016). Ce sont des bactéries mésophiles dont la température optimale de croissance est de 35° à 37°C. Bien que leur croissance soit nettement retardée en dessous de 10°C, elles peuvent survivre pendant plusieurs jours dans des aliments à des températures relativement basses (2° ± 2) (Akbar and Anal 2015). La présence de la catalase, l’absence d’uréase et la non-fermentation du lactose sont les principaux caractères biochimiques des salmonelles (Ryan et al. 2017).

Sérotypage biochimique

L’identification des différents sérovars est basée sur leurs antigènes somatique O, flagellaire H et capsulaire Vi suivant le schéma de Kauffmann-White-Le Minor (WKLM), régulièrement mis à jour par le Centre de Référence de l’OMS sur les salmonelles de l’Institut Pasteur de Paris. (Kim et al. 2006, Issenhuth-Jeanjean et al. 2014). Il s’agit classiquement d’une agglutination en utilisant des antisera qui reconnaissent spécifiquement ces antigènes. La détermination à la fois des antigènes O et H définit le sérotype. On parle de sérogroupe lorsque seul l’antigène O a été déterminé (Agasan et al. 2002, Liu et al. 2014).
Antigène O
C’est un polymère d’oligosaccharides contenant 2 à 8 résidus de sucre, associé à une fraction protéique. Il entre dans la composition du lipopolysaccharide membranaire et demeure l’un des composants cellulaires les plus variables. Il varie en fonction des types de sucres présents, leurs répétitions dans la structure et leurs liens internes (Hong and Reeves 2014). Sur cette base, on distinguerait plusieurs sérogroupes (Liu et al. 2014). L’antigène Somatique O, joue un rôle important dans la virulence de la souche (Liu et al. 2014).
Antigène H
L’identification de l’antigène H est basée sur la variabilité des sous-unités de flagellines, un motif qui, par polymérisation constitue le flagelle. Ils sont présents sous deux formes différentes (phases). Soit sous les deux formes simultanément (diphasique) soit sous la forme d’une seule phase (monophasique) ou plus rarement sous forme de trois phases (triphasique). Les deux premières phases sont codées par deux gènes différents mais très voisins, ils proviendraient de la duplication d’un même gène ancestral. Ce typage flagellaire est crucial pour affecter un isolat à un sérotype donné. L’identification de l’antigène H complète donc le sérotypage et permet d’identifier les différents sérovars au sein d’un même sérogroupe.
Antigène Vi
L’antigène capsulaire Vi n’apparaît que chez Salmonella Typhi, Salmonella Paratyphi C et dans quelques rares cas, chez Salmonella Dublin ; Il n’est pas exprimé chez Salmonella Paratyphi A et Salmonella Paratyphi B (D’Aoust and Maurer 2007, Nataro et al. 2011). Dans certains cas, ces antigènes capsulaires peuvent gêner le sérogroupage en masquant les antigènes somatiques. Ces derniers peuvent être démasqués par destruction à la chaleur (100°C/10 minutes) des antigènes capsulaires qui sont thermolabiles.
Ainsi selon le récent supplément (supplément 48) du schéma de WKLM, on compterait aujourd’hui 2659 serovars dont 2639 appartenant à l’espèce Salmonella enterica et les 20 autres, à l’espèce Salmonella bongori (Issenhuth-Jeanjean et al. 2014). Cette statistique pourrait être justifiée par le fait que Salmonella enterica soit l’espèce la plus étudiée à cause de son importance clinique (Suez et al. 2013). Les autres sous-espèces et l’espèce bongori seraient pour la plupart isolées de l’environnement ou des reptiles (Nataro et al. 2011).

Support génétique de la virulence

Les îlots de pathogénicité

La pathogénicité des salmonelles dépend d’un grand nombre de gènes de virulences regroupés  pour la plupart dans des îlots de pathogénicité (Sabbagh et al. 2010, Suez et al. 2013, Espinoza et al. 2017). En effet, les îlots de pathogénicité communément appelés Salmonella Pathogenicity Island (SPIs), sont de vastes régions génomiques (10-100 kb) probablement acquis par transfert horizontal (Ferreira et al. 2012, Nieto et al. 2016), qui jouent un rôle majeur dans l’évolution des espèces pathogènes car leur incorporation peut transformer un organisme bénin en pathogène ou augmenter son pouvoir pathogène(Blanc-Potard et al. 1999) ce qui justifierait la présence de l’ilot SPI-2 chez toutes les espèces de salmonelles pathogènes et son absence chez Salmonella bongori (Yin et al. 2017). Les gènes de virulence responsable de l’invasion, de la survie et de la propagation extra intestinale sont pour la plupart localisés dans les îlots de pathogénicité. Il existerait plusieurs SPIs au sein du genre Salmonella (Sabbagh et al. 2010, Siriken 2013) mais quelques-uns en demeurent indispensables pour une bonne virulence des salmonelles.
SPI-1 code pour un système de sécrétion de type 3 (T3SS) qui joue un rôle majeur dans les phases d’infection et d’invasion des tissus épithéliaux alors que le SPI-2 code un autre T3SS qui assure l’infection des macrophages et la dissémination de la salmonelle dans les autres tissus du corps de l’organisme (Vazquez-Torres and Fang 2001, Marlovits et al. 2004, Figueira and Holden 2012). Quant à l’îlot SPI-5, il semble être spécifique aux salmonelles et joue un rôle centrale dans la pathogénécité des salmonelles entériques de par sa diversité et son interaction avec d’autres SPIs (Sabbagh et al. 2010, Cao et al. 2014). D’ailleurs, il a été longtemps mis en évidence que des mutations dans ses gènes réduisaient significativement l’entéropathogénécité des salmonelles (Wood et al. 1998). Les autres îlots de pathogénicité ( SPI-3, SPI-4), coderaient pour des mécanismes de survie intracellulaire, d’absorption de magnésium et de fer (Blanc-Potard and Groisman 1997), des adhésines fimbriales mais aussi la résistance aux antibiotiques et le développement d’infections systémiques (Jones et al. 2007, Siriken 2013).

Autres supports de virulence

Il existe d’autres gènes ou groupes de gènes de virulence localisés sur le chromosome en dehors des îlots de pathogénicité connus ou sur des plasmides, qui coderaient des protéines structurales, des toxines, etc. Il s’agit de facteurs qui aideraient la bactérie à se passer de certains facteurs limitants tels que l’acidité gastrique, les sels biliaires, les antibiotiques, la flore intestinale compétitive (Siriken 2013).
Le facteur de tolérance à l’acidité, permet à la souche qui l’abrite (Salmonella Typhimurium) de détecter l’acidité de l’environnement et de développer des mécanismes d’adaptation lui permettant de survivre à des pH bas (Ryan et al. 2015). Le facteur de transcription sigma S
(RNA polymerase) en est un autre exemple. Ce dernier semble avoir une fonction plus large. C’est le régulateur transcriptionnel principal de la phase stationnaire et la réponse générale au stress. Il Contrôle, positivement ou négativement, l’expression de plusieurs centaines de gènes, principalement impliqués dans le métabolisme, le transport, la régulation et la gestion du stress (Cheng et al. 2015, Sedighi et al. 2015, Lago et al. 2017). Il joue un grand rôle dans la parasitose facultative des salmonelles, dans leur compétitivité et leur persistance mais également dans la résistance aux antibiotiques.
Les plasmides en constituent un autre support qui héberge des gènes codant des mécanismes d’adaptation à des environnements nouveaux. Les plasmides facilitent également l’échange de gènes qui favoriseraient une meilleure occupation de la niche par l’espèce. Il semble que l’expansion de la gamme d’hôtes soit liée à un transfert latéral de gène impliqués dans les interactions hôtes- pathogènes (Ferreira et al. 2012).

UTILISATION DES ANTIBIOTIQUES EN ELEVAGE

Utilisation des antibiotiques chez les animaux destinés à l’alimentation humaine

En raison des conditions climatiques changeantes et de la sédentarisation, les populations se nourrissent essentiellement de produits d’origine animale. Cette forte demande en viandes et autres produits d’origine animale est à l’origine de l’intensification de l’élevage. Ainsi les ATB sont utilisés en élevage à la fois pour soigner les animaux malades, prévenir les pathologies courantes mais également comme promoteur de croissance (McEwen and Fedorka-Cray 2002). Chaque jour des quantités élevées d’antibiotiques sont administrées aux animaux afin de croître plus vite ou grandir plus. En Europe par exemple, la quantité d’ATB utilisée en médecine vétérinaire, serait supérieure au double de celle utilisée en médecine humaine (ECDC/EFSA/EMA 2015). Aux USA environ 15% des veaux de boucherie qui entrent dans les parcs d’engraissement reçoivent des ATB pour le traitement des maladies respiratoires et près de 10% des veaux apparemment en bonne santé, en reçoivent également pour atténuer les flambées de maladies respiratoires (USDA 2000). De plus, les macrolides y sont massivement administrés à ces veaux malades comme sains : 42% des veaux dans ces parcs reçoivent de la tylosine (macrolide vétérinaire) (Sawant et al. 2005, Raymond et al. 2006).
Cependant il faut signaler qu’au Sénégal, l’élevage du bétail est principalement de type rural. Sauf en cas de maladies, l’administration des ATB au bétail est très rare. Cette administration est le plus souvent notée dans le domaine avicole où l’élevage est de type intensif. Une étude a montré que les antibiotiques seraient utilisés à 100% (en association avec des vitamines) comme anti-stress et à 83% pour prévenir les infections dans les fermes avicoles au Sénégal (Niyibizi 2012).

Conséquences de l’utilisation des antibiotiques dans l’élevage

Cette forte utilisation d’ATB n’est pas sans conséquence sur la flore bactérienne résidente. Elle induit la résistance à plusieurs antibiotiques au sein de certaines bactéries qui, naturellement seraient sensibles à ces antibiotiques et une diffusion de celles-ci. Cette utilisation abusive des ATB entraine également la présence de résidus d’ATB dans les viandes lorsque les délais d’attente avant abattage ne sont pas respectés.
La diffusion de cette résistance peut entrainer des échecs thérapeutiques et par conséquent la mort des animaux. Ce problème peut pousser l’éleveur à utiliser d’autres ATB qui peuvent couter cher ou qui ne sont pas bien adaptés pour une bonne croissance des animaux.

LA RESISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES

Problématique

La résistance aux antibiotiques ou l’antibiorésistance est un processus par lequel, des microorganismes naturellement sensibles évoluent et développent des mécanismes qui leurs permettent de survivre malgré la présence d’un, ou de plusieurs antibiotiques. La plupart des composés antimicrobiens sont des molécules produites naturellement, et, en tant que telles, les bactéries co-résidentes ont développé des mécanismes pour se passer de leur action afin de survivre. C’est la résistance intrinsèque. Cependant lorsqu’on parle de l’énigme de l’antibiorésistance, cette résistance naturelle ne fait pas l’objet du débat. On s’intéresse plutôt à la résistance acquise. Cette dernière peut être le résultat d’une mutation chromosomique ou d’une acquisition de gènes (probablement d’origine intrinsèque) par transfert horizontal. Généralement, elle résulte d’une sélection naturelle suite à une exposition aux composés antibactériens (Aminov and Mackie 2007).
Ces mécanismes de résistance peuvent être partagés entre bactéries commensales et pathogènes par le biais d’éléments mobiles contenus dans leurs génomes. D’ailleurs, une souche pathogène peut cumuler plusieurs facteurs de résistance lui permettant d’élargir son spectre de résistance, on parle de la multirésistance. Ainsi de nouveaux mécanismes de résistance ne cessent d’apparaître et de se propager dans le monde, compromettant notre capacité à traiter les maladies infectieuses courantes, entrainant une augmentation des dépenses médicales, une prolongation des hospitalisations et une hausse du taux de mortalité. Il existe aujourd’hui des bactéries résistantes à tous les antibiotiques utilisables chez l’homme (Ryter 2017). Même si ce tout nouveau phénomène n’existe pas encore chez les salmonelles, il risque de se produire dans le temps. Ce serait une catastrophe humaine connaissant le nombre d’infections qu’entrainent les salmonelles chaque jour dans le monde (Majowicz et al. 2010).
En effet le Centre Européen de Contrôle des Maladies (ECDC/EFSA/EMA) rapporte que l’antibiorésistance serait associée à 25 000 cas de décès chaque année en Europe. Des données aussi alarmantes seraient notées en Amérique par le CDC d’Atlanta (CDC 2013, Ryter 2017). Même dans les pays à faible revenu comme le Sénégal, nul doute que ce fléau serait lié à des cas de décès ou des hospitalisations graves même s’il n’existe pas de systèmes de surveillance élaborés qui permettraient de recueillir de telles données. A l’échelle mondiale, chaque année, au moins 700.000 personnes meurent de l’antibiorésistance dans des maladies telles que les infections bactériennes, le sida, etc. (O’Neill 2016). D’ailleurs en 2014, l’OMS avait classé l’antibiorésistance parmi les trois problèmes de santé les plus menaçants du 21e siècle (OMS 2014). De plus, selon un rapport récent, on estime que la résistance aux antibiotiques entrainera environ 300 millions de décès prématurés d’ici 2050, avec une perte de l’ordre de 100 trillions de dollars pour l’économie mondiale (O’Neill 2015).
Il est donc urgent de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques pour faire face à ce problème. Cependant pour concevoir des stratégies visant à limiter l’émergence et la diffusion de l’antibiorésistance en mettant en place des approches thérapeutiques innovantes, il faut forcément bien comprendre les mécanismes de résistance déployés par les organismes résistants en réponse aux antibiotiques.

Mécanismes d’action de résistance aux antibiotiques

Principalement pour résister à l’antibiotique, la bactérie i) dénature l’antibiotique, ii) décroît sa perméabilité membranaire ou/et utilise la pompe à efflux, iii) modifie la cible de l’antibiotique, ou
iv) remplace ou démultiplie la cible.

Dénaturation de l’antibiotique

L’une des stratégies les plus efficaces pour faire face au antibiotique est la production d’enzyme capables d’inactiver la molécule ou de la détruire directement (Munita 2016).
La modification chimique peut toucher toutes les familles d’antibiotiques mais elle affecte pour la plupart les antibiotiques qui ont comme action, inhibition de la synthèse protéique au niveau du ribosome (Wilson 2014). Cette modification consiste à ajouter un groupement chimique à la molécule entrainant ainsi un encombrement stérique, et/ou un changement de polarité et donc une instabilité de la molécule. Ce groupement peut être une acétylation (aminoglycosides, chloramphénicols), une phosphorylation (aminoglycosides, chloramphénicols) ou une adénylation (aminoglycosides, lincosamides) (Ramirez and Tolmasky 2010). Certaines enzymes sont dotées de plusieurs fonctions et sont capables de catalyser plusieurs réactions. A titre d’exemples, l’enzyme ACC(6’)APH(2’) principalement retrouvés chez les bactéries à Gram positif, a une activité à la fois acétyltransférase et phosphotransférase. Cette protéine confère ainsi une résistance de haut niveau aux aminoglycosides et est la principale responsable de la résistance à la gentamicine des entérocoques et de la résistance à la méticilline de Staphylococcus aureus (Hollenbeck and Rice 2012, Munita 2016).
Le second mécanisme de dénaturation de l’antibiotique qui est la destruction de la molécule, est la principale stratégie déployée par les bactéries résistantes aux bêtalactamines. Celles-ci hébergent des gènes qui codent pour des bêta lactamases qui hydrolysent la liaison amine rendant la molécule inefficace. Ce type de résistance est d’une importance capitale puisqu’il touche aussi bien les bêtalactamines que les carbapénèmes (Munita 2016).

Modification de la perméabilité membranaire et pompe à efflux

Pour la plupart des antibiotiques, leurs cibles se trouvent à l’intérieur de la cellule bactérienne. Par conséquent le composé antibactérien devrait pénétrer la membrane plasmique pour atteindre sa cible. Pour certaines bactéries dites résistantes, une diminution de la perméabilité membranaire limite considérablement l’absorption des composés antibactériens. En effet, la membrane agit comme première ligne de défense contre beaucoup de composés toxiques incluant les antibactériens. Cette imperméabilité membranaire affecte particulièrement certaines molécules hydrophiles telles que les bêtalactamines, les tétracyclines et quelques fluoroquinolones qui, normalement passent à travers les porines (Pages et al. 2008). L’exemple typique de cette résistance naturelle est celle des bactéries à gram-négatif à la vancomycine (glycopeptide). D’ailleurs la faible expression de porines chez Acinetobacter baumanii et Pseudomonas pourrait expliquer le fait qu’elles aient naturellement une faible sensibilité aux bêtalactamines par rapport aux autres entérobactéries (Hancock and Brinkman 2002).
Parfois cette imperméabilité membranaire est couplée avec une pompe à efflux qui rejette activement les composés antibactériens hors de la cellule. L’implication de pompe dans la résistance aux antibiotiques notamment les tétracyclines, a été montrée depuis 1980 et depuis, des classes de
« pompes à antibiotiques » ne cessent d’être caractérisées (McMurry et al. 1980). Selon la conformation structurelle, la source d’énergie, et la gamme de substrats qu’elles sont capables de rejeter hors de la cellule, on distingue plusieurs classes de pompes (Piddock 2006). Un type de pompe peut être spécifique à un ATB donné ou en affecter plusieurs. C’est. En effet la résistance à la tétracycline est l’exemple classique de l’antibiorésistance médiée par une pompe à efflux, notamment chez les bactéries à gram-négatif. Mais la plupart de ces types de pompes qui affectent l’activité de la tétracycline, n’interfèrent pas avec la sensibilité à la minocycline et à la tigécycline (Poole 2005, Roberts 2005).

Modification de la cible

Lorsque malgré l’imperméabilité membranaire et les pompes actives, l’antibiotique arrive à pénétrer dans la bactérie, l’une des dernières stratégies pour échapper à son activité toxique, est la modification de la cible. La bactérie peut protéger ou modifier le site de fixation de l’antibiotique.

Protection de la cible

Il semble que ce type de mécanisme soit codé par des gènes situés sur des éléments mobiles même si certains déterminants seraient trouvés sur le chromosome. La plupart des antibiotiques qui ont comme cibles, les acides nucléiques, sont souvent substitués par des enzymes bactériennes qui agissent comme des facteurs d’élongation et occupent les sites de fixation. C’est pourquoi cette stratégie affecterait particulièrement les fluoroquinolones (Qnr), l’acide fusidique (FusB et FusC) et la tétracycline (tetM et tetO) (Li et al. 2013, Munita 2016). Des études ont montré que les protéines Tet M codées par les gènes de résistance, tetM délogent la tétracycline du ribosome en interagissant avec le domaine IV de l’ARNr 16S et le site de fixation de cet antibiotique. En outre cette interaction altèrerait la conformation du ribosome empêchant ainsi une ultérieure fixation de la tétracycline (Donhofer et al. 2012). De même, TetO semble compétir avec la tétracycline pour le même espace ribosomal et altérerait la géométrie du site de fixation permettant ainsi la reprise de la synthèse protéique en déplaçant la molécule du ribosome (Li et al. 2013).
La résistance aux fluoroquinolones codée par les gènes qnr (plasmidiques) en est aussi un mécanisme de résistance par protection de cible. Les protéines Qnr fonctionnent comme des homologues d’ADN et entrent en compétition avec l’ADN gyrase et la topoisomérase IV, pour le même site de fixation (sur l’ADN). Il semble que cette réduction de l’interaction ADN gyrase-ADN, diminue les possibilités de la molécule de quinolone d’atteindre l’ADN de la cellule bactérienne car la molécule en question ne se fixe pas directement sur l’ADN mais sur ces enzymes (Robicsek et al. 2006, Maria et al. 2010, Rodriguez-Martinez et al. 2011).
Légende : (1) Résistance médiée par la cible. Les mutations de la gyrase et de la topoisomérase IV affaiblissent les interactions quinolone-enzyme. (2) Résistance induite par un plasmide. (2a) Les protéines Qnr (jaune) diminuent la liaison de l’ADN topoisomérase et protègent les complexes enzyme-ADN des quinolones. (2b) Aac (6 ‘) – Ib-cr est une aminoglycoside acétyltransférase qui ajoute un groupement acétyle à l’azote libre sur le cycle C7 de la ciprofloxacine et de la norfloxacine, diminuant ainsi leur efficacité. (2c) Les pompes d’efflux codées par un plasmide diminuent la concentration des quinolones dans la cellule. (3) Résistance induite par les chromosomes. (3a) La sous-expression des porines chez les espèces à Gram négatif diminue l’absorption des antibiotiques. (3b) La surexpression de pompes d’efflux codées par des chromosomes diminue la rétention de médicament dans la cellule.

Modification proprement dite de la cible

C’est l’un des mécanismes de résistance les plus fréquents chez les bactéries pathogènes et peut affecter toutes les familles d’antibiotiques. Il consiste à introduire une modification au niveau du site cible par i) mutation ponctuelle du gène codant la cible, ii) altération enzymatique du site (ex : méthylation) et/ou iii) remplacement ou contournement du site original.
• Une mutation ponctuelle au niveau du gène pourrait entrainer un changement dans la séquence du site cible sans altérer sa fonction ce qui permettrait à la bactérie de conserver la même voie métabolique tout en restant à l’abri de l’antibiotique.
• La méthylation d’un site est une stratégie hautement évoluée qui permettrait à la bactérie d’attacher un groupement méthyl au site. Elle n’altère pas la fonction du site, mais entraine des modifications superficielles suffisantes pour que le composé antibactérien ne puisse pas reconnaitre sa cible. L’exemple le mieux connu est la méthylation du ribosome catalysée par l’enzyme codée par erm (erythromycin ribosomal methylation) conférant une résistance aux macrolides (Weisblum 1995, Roberts 2008). Lorsque la menace (antibiotique) est absente, il peut avoir lieu une déméthylation du site le rendant à nouveau fonctionnel et accessible aux enzymes propres à la bactérie.

Remplacement ou démultiplication du site de fixation

Le remplacement du site consiste à développer une autre voie métabolique qui permettrait d’exercer la même fonction biologique (sinon similaire) à partir d’un nouveau site pour contourner l’inhibition de la voie métabolique (à partir de l’ancien site par l’antibiotique en question). L’exemple le plus marquant est la résistance à la méticilline de Staphylococcus aureus (Hiramatsu et al. 2013).
L’autre façon de contourner l’antibiotique est la surexpression de la cible de l’antibiotique. De cette façon, si l’antibiotique inhibe la voie à partir d’un site, les autres sites seront fonctionnels et permettront de gérer le stress induit par l’antibactérien. La résistance au trimétoprime-sulfaméthoxazole en est un exemple (Huovinen 2001).

Acquisition et transfert de la résistance

La plupart des antibiotiques sont d’origine naturelle ce qui entrainerait une résistance naturelle chez certaines souches ayant évolué dans le même environnement. En général, cette résistance intrinsèque se transmet verticalement aux générations descendantes. Elle peut concerner un ou plusieurs antibiotiques mais n’affecterait pas les nouvelles molécules car son évolution est lente. De la même façon, la consommation abusive d’antibiotiques dans le monde animal et humain a entrainé la sélection et l’évolution de souches résistantes dans la population bactérienne commensale du microbiote intestinal (Thiemann et al. 2016). Dans un premier temps cette résistance serait portée par des souches commensales, généralement des protéobactéries qui la transmettent par transfert horizontal de gènes (HGT), à d’autres bactéries pathogènes du même embranchement (Berman and Riley 2013, Hu et al. 2016, Thiemann et al. 2016). C’est pourquoi, certaines espèces de cet embranchement telles que Pseudomonas aeruginosa et Klebsiella pneumoniae cumuleraient plusieurs dizaines de gènes de résistance aux antibiotiques (ARGs). Récemment une étude a montré que le génome de Klebsiella pneumoniae contenait 119 gènes de résistance aux antibiotiques et qu’il serait loin de la saturation (Hu et al. 2016).

Base génétique de la résistance aux antibiotiques

Les bactéries utilisent deux stratégies génétiques majeures pour s’adapter à l’action des ATB : i) des mutations du ou des gènes souvent associés au mécanisme d’action du composé, et ii) l’acquisition d’ADN étranger codant pour des déterminants de résistance par transfert de gène horizontal.

Les mutations géniques

En raison de la variation génétique normale au sein des populations, des bactéries individuelles peuvent porter des mutations qui rendent inefficaces les composés antibactériens, conférant un avantage de survie à la souche mutée (Courvalin 2008). En effet, l’ADN de la bactérie est fréquemment soumis à des mutations qui peuvent entrainer des changements dans la séquence et/ou le produit du gène. Les mutations génétiques sont souvent soumises à des mécanismes de corrections développés par l’ingénierie de la cellule bactérienne (Genois et al. 2014). En effet, elles sont coûteuses (à la l’homéostasie de la bactérie) c’est pourquoi elles ne sont pas conservées lorsqu’elles n’entrainent pas un intérêt écologique pour la bactérie. Dans le cas de la résistance aux antibiotiques, une mutation au niveau de la séquence cible de l’antibiotique entrainerait une diminution de sensibilité. L’antibiotique en question élimine les autres espèces sensibles et sélectionne la souche ayant acquis cette résistance. C’est types de mutations affectent le plus les antibiotiques inhibiteurs de la synthèse protéique et de la réplication mais peuvent toucher les autres familles (Munita 2016). Elles sont souvent conservées et partagées entre cellules bactériennes ce qui entraine la prolifération du trait.

Le Transfert horizontal de gène HGT

« Les gènes voyageurs, clés de l’évolution… Les gènes ne se transmettent pas que par l’hérédité : ils voyagent aussi entre organismes non apparentés » (Bapteste 2015).
Les éléments mobiles sont des fragments d’ADN insérés dans le génome d’un organisme hôte, qui ont la propriété de se déplacer d’un point à un autre. L’acquisition de matériel génétique étranger par HGT est l’un des plus importants moteurs dans l’évolution bactérienne et est fréquemment responsable du développement de la résistance aux antimicrobiens, d’où l’importance des intégrons, impliqués dans la dissémination de la résistance à de nombreux antibiotiques fréquemment utilisés (Gassama et al. 2004). La bactérie acquiert du matériel génétique étranger au moyen de trois stratégies principales : transformation (incorporation d’ADN nu), transduction (médiée par les phages) et conjugaison (plasmides, chromosomes) (Hardiman et al. 2016).
Toutefois, les transposons et les plasmides restent les plus grands véhicules d’ADN étranger chez les bactéries.
Les transposons sont capables de se multiplier dans le génome par les mécanismes de « copier-coller ». Ceci est particulièrement important dans la mesure où, lorsqu’ils portent un gène d’intérêt (gène de résistance) ils peuvent le multiplier en plusieurs copies dans le génome. Ils sont capables aussi de se déplacer sur la séquence d’ADN d’un point à un autre par le phénomène « jumping genes ». Ainsi ils peuvent déplacer un gène de résistance d’un point éloigné, à un site proche du promoteur permettant une forte expression de ce gène et par conséquent, confèrent une résistance de haut niveau à l’antibiotique correspondant.
En présence d’antibiotiques, des mutations avantageuses peuvent également être transférées par échange de plasmide au sein de la colonie bactérienne. Les plasmides sont des entités stables capables d’autoréplication. Certains de leurs gènes, codent pour des pili sexuels et d’autres protéines facilitant leur transfert, leur intégration et leur stabilité dans un autre organisme. Ils peuvent cumuler plusieurs gènes de résistance qu’ils confèrent à la bactérie réceptrice (fig.3) (Courvalin 2008).

METHODES

Recherche de salmonelles dans les viandes et plats cuisinés

La recherche de Salmonella spp a été réalisée suivant la méthode horizontale de la norme NF EN ISO 6579 qui peut se résumer en quatre (4) étapes successives.
• Pré-enrichissement : 25g de chaque échantillon de viande ou de plat cuisiné a été homogénéisé avec un broyeur STOMACHERND dans 225 ml d’EPT puis le mélange a été incubé entre 34°C et 38°C pendant 18h.
• Enrichissement (en bouillons sélectifs) : à partir des suspensions de pré-enrichissement, 0,1ml a été repiqué dans un tube contenant 10 ml de bouillon RVS et 1 ml dans 10ml de bouillon MKTTn. Les tubes contenant le bouillon RVS ont été incubés à 41,5°C dans un bain agité et ceux du MKTTn dans une étuve à 37°C pendant 24h.
• Isolement sur milieux sélectifs : Les bouillons ont été repiqués sur milieux gélosés sélectifs : le XLD et le Hektoen coulés dans des boîtes de pétri puis incubés à 37°C. Après 24h d’incubation les colonies présentant un centre noir avec halo sur Hektoen et un centre noir entouré d’une zone rougeâtre, légèrement transparente sur XLD ont été considérées comme colonies présomptives de salmonelles. Confirmation biochimique : à partir des géloses sélectives, cinq (5) colonies caractéristiques sont repiquées sur gélose nutritive puis incubées entre 34 et 38°C pendant 21h±3h. Le test de l’oxydase est fait avec des kit sous forme de bandelettes avant d’utiliser la galerie API
20E destinée à l’identification biochimique des entérobactéries. A partir de la gélose GN, une colonie pure est suspendue dans 5 ml d’eau physiologique puis répartis dans les différents puits de la galerie selon le protocole. La galerie est ensuite incubée à 37°C pendant 24h puis lue avec le logiciel apiweb.
Les souches identifiées sont congelées (-80°C) dans du bouillon TCS+Glycérol pour la suite des travaux. Le glycérol est utilisé pour que les cellules bactériennes n’éclatent pas sous le choc du froid.

Sérotypage

Les souches de salmonelles ont été repiquées en même temps sur les milieux de culture MH (Muller Hinton) et HK (Hajna Klinger) pour la détermination respective des phases somatique et flagellaire. Le milieu HK dans lequel 1ml d’eau physiologique a été ajoutée, a été utilisé pour favoriser le développement flagellaire.
Détermination de la phase somatique O
La culture (pure) sur MH a été utilisée pour faire les tests d’agglutination avec les antisera polyvalents (OMA, OMB, OMC, OMD et OME) pour déterminer le groupe auquel appartient l’isolat. A chaque fois qu’un isolat avait agglutiné avec un des polyvalent, il a été confronté aux différents monovalents qui composent ce groupe pour déterminer sa phase somatique.
Détermination des phases flagellaires
Comme dans la plupart des cas, les salmonelles possèdent deux (2) phases flagellaires. La première à apparaître a été appelée phase H1 et la seconde, H2. Dans de rares cas, il y a une troisième phase.
H1 : la culture sur HK a été utilisée pour déterminer les phases flagellaires. Chaque souche de salmonelle a été testée contre 5 antisera polyvalents que sont HMA, HMB, HMC, HMD et HME. Les souches ayant agglutiné avec deux différents polyvalents, ont été confrontées aux monovalents qui composent respectivement ces deux polyvalents pour déterminer directement les phases H1 et H2. Pour une souche n’exprimant pas simultanément ses deux phases, sa phase H1 est d’abord déterminée, ensuite une inversion de phase est effectuée pour déterminer la deuxième phase.
Inversion de phases (Fig.5) : De la gélose molle Sven Guard coulée dans des boîtes de pétri de 55cm. Une goutte du monovalent qui a servi à la détermination de H1 a été déposée au centre de la gélose molle Sven Gard ensuite une goutte de culture de la même souche a été ajoutée dessus puis la culture est incubée à 37°C/24h. Le principe consiste à bloquer la phase H1 pour permettre le développement de la phase H2.
A. Piégeage de la première phase (blanc foncé au centre) et développement de la deuxième (couche blanchâtre à la périphérie)
B. Piégeage de la Première phase (blanc foncé au centre) – absence de deuxième phase
Au cours de l’incubation, la souche développe sa phase H2 pour migrer. 24h après, la souche qui avait développé sa phase H2, avait bien migré vers les rebords de la boîte (Fig. 5A). La détermination de la phase H2 a été donc faite en faisant les tests d’agglutination à partir de la pousse bactérienne à la périphérie de la boîte.
Après avoir déterminé les phases O et H de la souche, sa formule antigénique qui s’écrit comme suit : O :H1 ; H2, a été utilisée pour déterminer le sérovar auquel correspond cette formule on se référant au Schéma de WKLM 2007 (exemple : 38 : eh ; 1,2 correspond à Salmonella Thiaroye). Certaines souches avaient développé une seule phase flagellaire et ont été notées O : H1 ; – (exemple 4 : fgs ; – correspond au sérovar Agona). D’autres avaient présenté trois phases (O :
H1 ; H2 ; H3. Exemple : 8,20 : r[i] ; z6 correspond au sérovar Altona)
NB : les souches non typées ou partiellement typées par cette méthode, seront envoyées au Centre National de Référence de l’Institut Pasteur de Paris pour une meilleure caractérisation.

Tests de sensibilité aux antibiotiques

Repiquage des souches

10µl de stock-culture pour chaque souche, ont été prélevés à l’aide d’une anse et suspendus dans 5 ml de LB puis incubés à 37°C pendant 20h±4. A partir de chaque bouillon de culture, 10µl ont été prélevés et repiqués sur gélose BCP en boîte de Pétri puis incubés à 37° C pendant 18h.

Préparations de l’inoculum pour l’antibiogramme

A partir de chaque boîte de Pétri, une colonie pure a été soigneusement prélevée et introduite dans 5ml de l’eau physiologique dans des tubes à hémolyse. Après avoir bien homogénéisé avec le vortex, la densité optique a été mesurée avec le densimètre. Celle-ci a été ajustée à l’étalon 0,5 de l’échelle Mac Ferland, à chaque fois qu’elle différait significativement du standard.

Choix et dispositions des disques

Les disques ont été choisis à partir de la liste standard et supplémentaire proposée par CA-SFM/EUCASTL version 2017. Les disques ont été disposés d’une façon permettant de connaître à la fois, la sensibilité de la souche à chaque antibiotique et la synergie ou l’antagonisme entre antibiotiques (Fig. 6). Ainsi la disposition de AMC par rapport aux C3G et C4G permettait de rechercher une éventuelle bêta lactamase à spectre élargi (BLSE).

DISCUSSIONS

Méthodes

Nous avons usé des bonnes mesures de manipulations bactériologiques conformément aux dispositions du laboratoire de l’Unité de Bactériologie Expérimentale (UBE) de l’Institut Pasteur de Dakar pour s’assurer de la qualité de nos résultats. Nous avons également respecté la méthodologie du test de sensibilité aux antibiotiques par diffusion sur milieu gélosé, suivant les guides du CA-SFM 2017 et l’utilisation de souches de référence pour valider les tests. Nous avons également respecté la méthodologie du sérotypage suivant le schéma de WKLM 2007.
Isolement des souches
Cependant, nous avons constaté que certains stock-cultures n’étaient pas purs en plus de certaines erreurs d’identification et de codification des souches. Mais Ces biais ont pu être éliminés par la purification des stocks contaminés en procédant à un ensemencement par épuisement et à la réidentification.
Sérotypage biochimique.
Bien que cette technique de sérotypage soit la plus courante, elle consomme beaucoup de temps, les réactifs coûtent cher et 5 à 8% des isolats sont partiellement typés ou non typés en raison des surfaces bactériennes tantôt muqueuses tantôt rugueuses ou des pertes de motilité. D’ailleurs, à cause de ce problème et de manque de sera, nous n’avons pas pu typer toutes les souches. D’autres techniques de typages basés sur la biologie moléculaire, permettant d’économiser du temps et de l’argent tout en donnant des résultats fiables, seraient d’une main forte à l’identification des salmonelles.
Les tests de sensibilité.
La sensibilité des souches aux antibiotiques est quelque part fonction des nutriments (milieux de culture) et donc tout défaut dans ces milieux de culture pourrait affecter les profils phénotypiques des souches. On y remédie en effectuant les contrôles (stérilité, productivité et sélectivité), contrôle des caractéristiques de l’eau utilisée (conductivité, charge bactérienne) pour la préparation de milieu de culture avant utilisation selon la norme ISO 111333 et les procédures en vigueur au niveau du laboratoire. Il s’agit d’un matériel mutualisé entre l’UBE et le LSAHE.

Résultats Taux de contamination

Nos résultats montrent qu’au Sénégal bien que les plats cuisinés aient un niveau important de contamination par des salmonelles (13%), les viandes d’origines bovine et ovine sont largement plus contaminées (40 à 42%). Mais les taux de contamination les plus alarmants ont été notés avec les poulets de chair (58% des échantillons analysés). Les peaux des animaux de bétail sont souvent source de contamination pour les viandes lorsque des mesures d’hygiène rigoureuses ne sont pas prises à l’abattage. Elles véhiculent des salmonelles d’origines environnementale, fécale, etc. A ces contaminants externes, il faut ajouter la flore microbienne interne de ces animaux qui peuvent aussi contaminer la viande lors de l’abattage et de l’éviscération. Ceci justifierait les niveaux de contamination en salmonelles (40% et 42,5% pour les viandes bovine et ovine respectivement). Notre étude corrobore celle d’une autre étude faite au Sénégal en 2017 qui montrait que ces deux types de viandes sont contaminés à 40% par les salmonelles (données non publiées). De tels niveaux de contamination ont été rapporté par Diawara. Selon cette étude, les taux de contamination des viandes bovine et ovine, étaient de 56,6% et de 66,6% respectivement (Diawara 2016)
Les conditions d’élevage, de traitement et d’abattage des bovins et des ovins sont presque identiques c’est pourquoi leurs niveaux de contaminations ont la même tendance. Ces conditions diffèrent de celles des poulets de chair qui sont en élevage intensif. En effet les conditions d’élevage des poulets (poulaillers humides et riches en nutriments) constituent une source primaire de contaminations des poulets par les salmonelles. Ensuite viennent l’abattage et la plumaison qui sont des étapes critiques pour la qualité microbiologique des poulets. En effet ils sont fréquemment à l’origine d’une augmentation de la charge bactérienne du poulet en raison de manipulations non hygiéniques et de contaminations croisées. Cette même situation se reproduirait au marché lorsque les poulets sont entassés et exposés pour la vente. Ceci expliquerait les taux élevés de contamination que nous avons obtenus (58%). D’autres études faites au Sénégal, révèlent des niveaux de contamination aussi alarmants soient 59% selon une étude de 2017 (données non publiées) et 52% d’après Diouf (DIOUF 2006). De même, des résultats similaires ont été trouvés ailleurs dans le monde : 60% au Cameroun (Wouafo et al. 2010) et 54% au Japon (Furukawa et al. 2017). Bien que les produits carnés ayant servi à la préparation des chawarma, de sandwiches et autres plats soient contaminés au même titre que les viandes crues (Tableau III), la chaleur de cuisson réduit considérablement ces contaminants. Les salmonelles sont quasi supprimées à 70°C c’est pourquoi les plats cuisinés seraient moins contaminés par rapport aux viandes crus. D’ailleurs ces contaminations viendraient principalement d’une source post-cuisson. C’est pourquoi on obtiendrait un taux de contamination relativement faible mais non négligeable (13%). De tels résultats ont été trouvé par El Marnissi au Maroc, soit 13,70% des plats cuisinés (El Marnissi et al. 2012).
A partir des 124 échantillons contaminés (124/337), 136 souches de salmonelles ont été isolées. En fait, dans certains échantillons, 2 à 3 salmonelles ont été isolées ce qui qui expliquerait le fait qu’il y a plus de souches que d’échantillons contaminés.
Le sérotypage de ces 136 souches a permis d’identifier 47 différents sérovars dont Kentucky, Chester et Brancaster étaient respectivement les sérovars les plus fréquents. Nos résultats sont similaires à ceux de certains auteurs en Afrique. Alambedji et collaborateurs avaient précédemment montré que les sérotypes Kentucky, Muenster et Brancaster étaient les plus retrouvés dans les carcasses de poulets à Dakar. Une étude de surveillance de 10 ans faite au Maroc a montré, sans tenir compte de l’origine des souches de salmonelles, que Salmonella Kentucky était majoritaire (28,1%) (Karraouan et al. 2017). Une autre étude faite au Nigéria montre la même tendance (Fagbamila et al. 2017). Cependant 7% de nos souches ne sont pas complètement typées par conséquent cette dominance du sérovar Kentucky par rapport aux autres, pourrait être basculée. Selon son profil de résistance naturelle, Salmonella appartient au groupe 0 c’est-à-dire sensible à toutes les bêtalactamines c’est pourquoi il est un peu plus rare de trouver des salmonelles résistantes, comparées aux autres entérobactéries du groupe IV tels que Enterobacter cloacae ou Klebsiella spp (CA-SFM 2017). Toutefois la pression de sélection et les besoins d’adaptation des souches ont fait émerger des clones résistants qui propagent cette résistance.
Notre étude montre un niveau de résistance relativement élevé (31,62%). En effet, nos résultats sont similaires à ceux de Bouchrif et de Ejo. Le travail de Bouchrif et al. portant sur des souches de salmonelles isolées de poulets de chair, de viande bovine, de plats cuisinés au Maroc montrait des niveaux de résistance similaires et relativement importants, soit 29% de leurs isolats étaient résistants (Bouchrif et al. 2009). De plus, les résultats de Ejo et al. seraient dans la même fourchette avec un niveau de résistance d’environ 47% chez des souches de salmonelles alimentaires d’origine animale (Ejo et al. 2016).
Par ailleurs, une étude récemment faite en Ethiopie montrait une forte prévalence de salmonelles résistantes, soit 72,7% des souches qu’ils ont isolées, étaient au moins résistant à un antibiotique (Kassahun Tessema 2017). Cette prévalence est largement supérieure à celle de nos résultats. Néanmoins cet écart (72,7% contre 31,62%) pourrait être justifié par le fait que leur étude ne portait que sur des salmonelles isolées de poulets de chair où la prévalence de l’antibiorésistance est généralement très élevée. Cependant on obtiendrait des résultats similaires si on considérait que nos souches isolées de poulets car 85% de ces isolats sont au moins résistants à un antibiotique. D’ailleurs, selon une étude faite à Dakar en 2006, environ 79% des salmonelles isolées de poulets étaient résistant au moins un antibiotique (Bada-Alambedji et al. 2006).
Il en ressort que le niveau de sensibilité de la souche dépendrait également de son environnement immédiat, la matrice à partir de laquelle elle a été isolée. Des souches ayant évolué dans des environnements différents auraient acquis des mécanismes de résistance différents, matérialisés par des mutations (gain ou perte de déterminants génétiques) au sein de leurs génomes. Ceci pourrait se traduire par une différence de sensibilité aux antibiotiques des souches isolées d’animaux exposés aux antibiotiques par rapport à celles isolées d’animaux non exposés ou moins exposés.
Les résultats que nous avons obtenus montrent que les profils de résistances des souches isolées de poulets de chair, sont significativement différents de ceux des isolats des autres matrices (p-value < 0,0001). Au Sénégal les ovins et les bovins sont très peu ou non exposés aux antibiotiques ce qui expliquerait la faible évolution des souches isolées de ces secteurs du point de vue résistance aux antibiotiques. Les plats cuisinés que nous avons étudiés montrent les mêmes profils puisqu’ils sont principalement faits à base de viande bovine.
Le niveau de résistance des isolats ne dépend donc pas seulement de l’espèce bactérienne mais également de plusieurs autres facteurs. Il apparaît clairement que l’expositions aux antibiotiques accélère le phénomène de l’antibiorésistance (CDDEP 2017). Dans le secteur avicole par exemple, les exploitants utilisent massivement des antibiotiques comme, à la fois traitements et aliments de croissance pour la volaille. Ceci « supprime » les populations bactériennes sensibles et sélectionne les quelques-unes ayant acquis la résistance à ces antibiotiques. Cette nouvelle population résistante et/ou multirésistante se développe et devient prédominant dans ces secteurs. C’est ce qui expliquerait les niveaux élevés de résistance obtenus dans nos travaux à partir des poulets de chair (85%). Ces résultats de notre étude concordent avec ceux de plusieurs autres travaux faits au Sénégal (Bada-Alambedji et al. 2006) et dans le reste du monde (Pulido-Landinez et al. 2014, Yang et al. 2014, Mattiello et al. 2015). Au Brésil une étude faite sur des carcasses de poulets montrait un taux de résistance plus élevé avec 100% de résistance (Medeiros et al. 2011). Ceci serait due au fait que le Brésil est l’un des cinq pays les plus grands consommateurs d’antibiotiques dans le domaine de l’élevage, à côté de la Chine, des Etats Unis, Allemagne et Inde (Van Boeckel et al. 2015). Cependant au Sénégal on note une nette augmentation de l’utilisation des antibiotiques en élevage ces dernières années. La quantité d’antibiotiques utilisés dans l’élevage au Sénégal est passée de 11 435 kg en 2015 à 14 547 kg en 2017, soit une hausse de près de 3,112 tonnes (FAO 2018).
Dans notre étude nous n’avons pas observé de résistance aux céphalosporines de 3e et de 4e Génération ou aux carbapénèmes. De tels résultats ont été trouvés ici au Sénégal (Cardinale et al. 2005, Dione et al. 2009, Dione et al. 2012), en Afrique (Bouchrif et al. 2009, Kassahun Tessema 2017) et ailleurs (Sodagari et al. 2015). Cependant des salmonelles d’origine alimentaire, productrices de BLSE ont été précédemment décrites (Gassama-Sow et al. 2004).
Contrairement à ces antibiotiques, la résistance aux pénicillines (AMP, TIC), aux tétracyclines (TET) et aux sulfamides, serait très largement distribuée au sein des souches de salmonelles. A cela s’ajoute la résistance aux fluoroquinolones de plus en plus retrouvée chez ces souches. Ces tendances sont rapportées dans la littérature, par de nombreux auteurs (DIOUF 2006, Yu et al. 2014, Kassahun Tessema 2017). De plus, ces données concordent avec celles de nos résultats. Nous avons obtenu 83,72% et 74,42% de résistance à la TET et au SXT respectivement. La large diffusion de la résistance à ces antibiotiques serait sans doute médiée par les éléments mobiles. En effet, les gènes de résistance aux sulfamides sont portés par les intégrons de classe 1 alors que ces derniers seraient très prévalents chez cette espèce (Naghoni et al. 2010, Yu et al. 2014, Siriken et al. 2015) ce qui justifierait la large diffusion de ces gènes de résistance. Récemment une étude faisant le point sur « les gènes de résistance mobiles », a montré que les gènes de résistance à la tétracycline, tet(M) and tet(Q) , et au sulfamides, sul1 (associé à l’intégron) étaient les trois principaux gènes de résistance, les plus largement transférés à l’échelle de l’espèce (Hu et al. 2016).
Par ailleurs la résistance aux fluoroquinolones, serait aussi distribuée au sein de l’espèce Salmonella enterica dans des proportions relativement importantes. Parmi nos souches résistantes, 32,56% présentent une résistance au Fluoroquinolones. Des résultats similaires ont été trouvés dans d’autres études : 44,3% en Thaïlande (Chotinun et al. 2014), Corée 21,6% (Kidie et al. 2013). Cette résistance est généralement due à une mutation chromosomique des séquences d’ADN codant les enzymes cibles de l’antibiotique, l’ADN gyrase (gyrA et gyrB) et la topoisomérase IV (parC et parE) ou à d’autres mécanismes médiés par des plasmides. Trois mécanismes de résistance aux fluoroquinolones, associés plasmides ont été décrits :
Les QNR, codées par les gènes qnrA, qnrB, qnrS qui protègent l’ADN gyrase de l’action des quinolones ; l’enzyme aac-(6‘)-Ib-cr (aminoglycoside acétyltransférase) à capable d’ajouter spécifiquement un groupement acétyl aux fluoroquinolones hydrophiles présentant une pipérazinylamine libre (c’est-à-dire ciprofloxacine et norfloxacine) et les Qep (qepA, qepB) impliqués dans un efflux actif (Robicsek et al. 2006, Crump et al. 2015)..
Cependant chez les salmonelles cette résistance est le plus souvent due aux plasmides portant les gènes qnrA, qepA et aac-(6‘)-Ib-cr ou à des mutations de la topoisomérase IV (Sjölund-Karlsson 2010, Crump et al. 2015). Cette résistance largement médiée par des plasmides, peut être transférée depuis une bactérie de la même espèce ou d’espèces différentes par conjugaison, augmentant la probabilité pour la salmonelle, d’en recevoir (Kim et al. 2013). Ce qui justifierait la large diffusion de la résistance aux fluoroquinolones, que nous avons obtenue (32,56%).
Cette résistance peut varier en fonction des sérovars. En effet les sérovars Kentucky, Istanbul, Johannesburg, Chester et Brancaster présentent les niveaux de résistance les plus élevés. Ceci pourrait être expliqué par le fait qu’ils étaient tous isolés à partir de poulets de chair. Comme il a été montré à la figure 8, on observe plus de résistance chez les souches d’origine avicole à cause de la forte exposition aux antibiotiques. Par ailleurs notre étude corrobore celles de Karraouan (Karraouan et al. 2017) et de Alambedji (Bada-Alambedji et al. 2006)

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Table des matières

ETUDEBIBLIOGRAPHIQUE
I. GENERALITES SUR LES SALMONELLES
1. Classification taxonomique
2. Caractères bactériologiques des salmonelles
3. Sérotypage biochimique
4. Support génétique de la virulence
4.1. Les îlots de pathogénicité
4.2. Autres supports de virulence
II. UTILISATION DES ANTIBIOTIQUES EN ELEVAGE
1. Utilisation des antibiotiques chez les animaux destinés à l’alimentation humaine
2. Conséquences de l’utilisation des antibiotiques dans l’élevage
III. LA RESISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES
1. Problématique
2. Mécanismes d’action de résistance aux antibiotiques
2.1. Dénaturation de l’antibiotique
2.2. Modification de la perméabilité membranaire et pompe à efflux
2.3. Modification de la cible
2.3.1. Protection de la cible
2.3.2. Modification proprement dite de la cible
2.4. Remplacement ou démultiplication du site de fixation
3. Acquisition et transfert de la résistance
4. Base génétique de la résistance aux antibiotiques
4.1. Les mutations géniques
4.2. Le Transfert horizontal de gène HGT
ETUDE EXPERIMENTALE
Cadre de l’étude
CHAPITRE I : MATERIEL ET METHODES
I. MATERIEL
1. Matériel de laboratoire
2. Matériel biologique
II. METHODES
1. Recherche de salmonelles dans les viandes et plats cuisinés
2. Sérotypage
3. Tests de sensibilité aux antibiotiques
3.1. Repiquage des souches
3.2. Préparations de l’inoculum pour l’antibiogramme
3.3. Choix et dispositions des disques
3.4. Tests de sensibilité aux antibiotiques
3.5. Lecture des antibiogrammes
3.6. Interprétation des résultats
4. Traitement et exploitation des données :
CHAPITRE II : RESULTATS ET DISCUSSION
I. RESULTATS
1. Taux de contamination
2. Sérotypage
3. Tests de sensibilité aux antibiotiques
3.1. Résultats par type de matrice
3.2. Résultats par type d’antibiotiques
3.3. Niveaux de résistance en fonction des différents sérovars
II. DISCUSSIONS
1. Méthodes
2. Résultats
CHAPITRE III : CONCLUSION, RECOMMANDATIONS ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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