Utilisation de l’outil isotopique 13c pour evaluer la dynamique de carbone du sol

À l’échelle mondiale, l’environnement et surtout la population entière sont menacés par le réchauffement climatique qui semble lié en grande partie à la production de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. Les émissions de ces GES (principalement le CO2, CH4 et N2O) sont essentiellement dues aux activités humaines tels que l’utilisation des combustibles fossiles, les changements d’usage de sol et de l’agriculture (IPCC, 2007 ; Razafimbelo, 2011).

Tous nos regards se tournent vers ces grands problèmes mondiaux et conduisent à s’interroger sur le rôle joué par le sol en termes de source et puits de carbone (C). Le sol, le plus grand réservoir de matières organiques (MO), emmagasine entre 1500 et 2400Gt de C dans le premier mètre, soit trois fois plus que la végétation et deux fois plus que l’atmosphère (Marco et al., 2010 ; Razafimbelo, 2011). La quantité de carbone organique (CO) stockée, la vitesse de minéralisation ainsi que la durée de stockage dans le sol dépendent des facteurs naturels comme le climat, le relief et le type de sol mais aussi, des facteurs anthropiques comme le mode d’utilisation des terres, les pratiques culturales, le niveau et la qualité des restitutions organiques. En fonction de ces régulateurs, le sol pourrait jouer le rôle d’un puits ou d’une source de C (Razafimbelo, 2005 ; Blanchart et al., 2009).

Actuellement, il est de plus en plus admis que les activités humaines liées à la déforestation sont très répandues dans les régions tropicales. La conversion des forêts en terres agricoles et/ou pâturages a concerné 200 millions d’hectares entre 1980 et 1995 (FAO, 1997), principalement dans les régions tropicales et subtropicales. Les forêts naturelles à Madagascar ont été fortement déboisée au cours du dernier demi-siècle en raison de la déforestation pour la production de bois et des pratiques d’utilisation des terres (Harper et al., 2007 ; Styger et al., 2007 ; Harvey et al., 2014). Dans la région Est de Madagascar, les pratiques agricoles traditionnelles de culture sur brûlis conduisant à des changements de végétation marqués par la transition de la forêt primaire en prairies sont encore très utilisées (Styger et al., 2007). Or, plusieurs recherches ont mentionné que les changements d’usage des terres, dus à la déforestation et à la dégradation des forêts, affectent les stocks de carbone du sol (Guo et Gifford, 2002 ; Arrouays et al., 2003 ; Blanchart et Bernoux, 2005 ; Day et al., 2013). En 2010, Don et al. ont affirmé que la conversion des terres forestières en terrain de culture peut causer une perte de 40 à 50% du stock de C initial du sol.

Face à l’augmentation des GES et surtout au changement climatique, à partir de 2005, le Mécanisme de Développement Propre (MDP) pour les pays en développement a révélé l’introduction de programme REDD (Réduction des Emissions issues de la Déforestation et de la Dégradation des forêts) qui constitue un des moyens pour réduire les émissions des GES. La 22ème conférence des parties des pays des Nations Unies sur le changement climatique a fixé aux pays signataires l’objectif de réduire de 14% leurs émissions de GES et d’augmenter la capacité d’absorption de 30% d’ici 2030 (rapport du COP 22, 2016).

Carbone

Cycle du carbone

Le carbone est un élément très répandu dans le sol, dans l’air, dans la roche mère, dans les océans, ainsi que dans la matière vivante. L’échange ou le transfert du carbone sur une échelle à courte terme se fait au niveau de ces grands réservoirs naturels : l’hydrosphère, la lithosphère, l’atmosphère et la biosphère (Saugier, 1999; FAO, 2008). Divers mécanismes naturels peuvent engendrer la migration du carbone de ces réservoirs de l’un à l’autre. Ils peuvent être de nature physique, chimique et biologique. Les processus physiques regroupent la sédimentation et le volcanisme tandis que les processus chimiques sont la dissolution, l’érosion et le dégazage. Les processus biologiques sont représentés par les activités de la biomasse continentale (végétaux et sols) à savoir la photosynthèse, la respiration et la minéralisation (Brunet, 2007 ; Bernoux et al., 2013 ; Ramifehiarivo, 2014). Ainsi, les réservoirs peuvent être soient des sources ou des puits de carbone en fonction des mécanismes agissant sur ces derniers .

Formes du carbone

Le carbone peut se trouver sous deux formes :
Le carbone organique, composé produit par des organismes vivants, lié soit à d’autres carbones, soit à l’oxygène (O), l’hydrogène (H), l’azote (N) ou le phosphore (P) dans les molécules organiques ou les hydrocarbures. Il représente environ 50% de la matière organique.
Le carbone inorganique, représenté par des composés inorganiques, issus en général du CO2 atmosphérique ou des roches carbonatées (Bernoux et al., 2013).

Importance du compartiment sol dans le stockage de carbone

Le sol représente le plus grand réservoir de carbone de la biosphère continentale avec 1500 à 2000 Gt de C dans le premier mètre. Il stock, sous forme de matières organiques, deux fois plus de carbone que l’atmosphère et trois plus que la végétation (Roussillon, 2012). Cependant, les moindres modifications de la capacité de la séquestration de cet énorme réservoir pourraient avoir des répercussions déterminantes sur le flux de CO2 atmosphérique (ADEME, 2014). Il est donc important de limiter les pertes lorsqu’elles sont liées aux émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’accroître les stocks par la promotion des changements de mode d’usage des terres et des pratiques agricoles adaptées .

Les flux entre le carbone terrestre ou le carbone organique du sol et l’atmosphère sont importants et peuvent être positifs (séquestration) ou négatifs (émission de CO2). En d’autres termes, les échanges de C entre les sols, la végétation et l’atmosphère sont intenses : les sols à la fois émettent du CO2 (via la respiration des racines et des microorganismes) et piègent du CO2 (via la photosynthèse et la transformation des résidus des plantes en humus). Au final, les sols puisent globalement plus de CO2 qu’ils n’en rejettent, constituant ainsi un puits de C de 1 à 3Gt de C par an, atténuant ainsi les émissions GES au niveau global  (Bernoux et al., 2013). Toutefois, pour contribuer à cette atténuation, diverses pratiques agricoles permettent de séquestrer du C dans le sol tel que l’utilisation des «mulch» ou couverture morte à la surface du sol, l’agroforesterie et les rotations et/ou association de cultures, en permettant une meilleure disponibilité des éléments minéraux et par conséquent, entrainant une accumulation de C dans le sol (Razafimbelo et al., 2006 ; Hutchinson et al., 2007 ; Nair et al., 2009a).

Dynamique du carbone organique dans le sol 

L’évolution du stock de carbone organique dans les sols résulte de l’équilibre entre les apports de matières organiques végétales au sol et leur minéralisation (Roussillon, 2011). Différents facteurs peuvent affecter cet équilibre et conduit à une perte de carbone organique du sol tel que : la déforestation et la dégradation de la forêt favorisant l’inondation et l’érosion du sol et par conséquent, entrainent une grande réduction de la matière organique. Les changements d’usages des terres, comme la mise en culture des prairies ou des forêts entrainant une diminution du stock de carbone (Thompson et al., 2012). Par ailleurs, la minéralisation du carbone organique du sol est plus rapide en milieu tropical qu’en milieu tempéré. Néanmoins, les stocks de carbone sont souvent plus élevés dans les sols tropicaux en raison des conditions climatiques favorables à une productivité végétale abondante (INRA, 2002).

Matière organique du sol

Relation entre le carbone et la matière organique du sol

Le carbone est le principal constituant de la matière organique du sol. Il représente 50% de cette dernière, suivi de l’oxygène (40%), de l’hydrogène (5%) et de l’azote (4%) (Vigot, 2012). Les variations des stocks de carbone sont dues à divers processus affectant la matière organique : modification des apports de la matière organique, lixiviation, ruissellement et pertes par minéralisation (Blanchart et Martial, 2005). De plus, les matières organiques du sol libèrent du dioxyde de carbone CO2 et des composés organiques en se décomposant sous l’influence du climat et des conditions ambiantes du sol (Duparque et Rigalle, 2011). Une perte de carbone ou de la matière organique se traduit invariablement par une perte de qualité des sols et une altération des fonctions associées tels que : la dégradation des sols et le déclin de la productivité agronomique (CRA, 2013). Ainsi, les termes carbones et la matière organique du sol sont interchangeables.

Importance de la matière organique du sol

Dans les sols, les matières organiques sont essentielles au bon fonctionnement et à la durabilité des écosystèmes agricoles et forestiers car : (i) elles aident à retenir les particules de sol entre elles et stabilisent la structure du sol, ce qui rend ce dernier moins sensible à l’érosion et améliore la capacité d’échange du sol en eau et en air ; (ii) elles stockent et fournies de nombreux éléments nutritifs nécessaires à la croissance des plantes et des organismes présents dans le sol et enfin (iii) elles fixent les substances potentiellement toxiques (métaux lourds et pesticides) et stockent le CO2 capté dans l’atmosphère (McConkey et al., 2001). Du fait de sa composition très complexe et hétérogène, la matière organique est la plus souvent mélangée ou associée aux constituants minéraux du sol. Elle représente donc, l’indicateur principal de la qualité des sols, à la fois pour les fonctions agricoles (production et économie) et pour les fonctions environnementales (séquestration du carbone et la qualité de l’air) (FAO, 2002).

Carbone isotope stable

Isotopes du carbone

Le carbone possède deux isotopes stables 12C, 13C et un isotope radioactif 14C avec des abondances respectives de 98,89%, 1,11% et 10-10% (Stumm et Morgan, 1996 ; Mook, 2001). Les isotopes stables peuvent être utilisés en tant que témoins des échanges biogéochimiques passés et en tant que traceurs en raison d’une composition isotopique 13C différente entre un sol forestier et non forestier ou l’inverse. Le 14C est utilisé pour estimer l’âge de la matière organique du sol (Billet et al., 2007 ; Lambert, 2013).

Fractionnement isotopique

Les processus physiques, chimiques ou biologiques qui se produisent dans le milieu naturel peuvent conduire à d’infimes variations dans la composition isotopique en raison de la différence de masse atomique entre le 12C et le 13C. Ces phénomènes à l’origine de ces différences isotopiques sont appelés fractionnements isotopiques ou discriminations isotopiques (∆). L’isotope lourd 13C a généralement tendance à réagir plus lentement que l’isotope léger 12C (Lambert, 2013). Par ailleurs, il existe plusieurs types de végétation, avec des signatures isotopiques très différentes. Cette différence de composition isotopique est la conséquence d’une différence dans le processus de photosynthèse de la plante. Ainsi, deux sortes de réaction de photosynthèse permettent de classer les plantes en deux grandes familles à savoir : les plantes en C3 et C4.

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Table des matières

INTRODUCTION
SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Carbone
1.1. Cycle du carbone
1.2. Formes du carbone
1.3. Importance du compartiment sol dans le stockage de carbone
1.4. Dynamique du carbone organique dans le sol
2. Matière organique du sol
2.1. Relation entre le carbone et la matière organique du sol
2.2. Importance de la matière organique du sol
3. Carbone isotope stable
3.1. Isotopes du carbone
3.2. Notations des isotopes stables
3.3. Fractionnement isotopique
4. Photosynthèse
4.1. Plantes C3
4.2. Plantes C4
4.3. Fractionnement des plantes C3 et C4
MATÉRIELS ET MÉTHODES
1. Présentation des sites et de la situation étudiée
1.1. Sites expérimentales
1.2. Modes d’usage des terres étudiés
2. Prélèvements des échantillons de sol
3. Conditionnement des échantillons de sol
4. Analyse des échantillons de sol
4.1. Teneur en carbone du sol
4.2. Détermination de la composition isotopique en 13C du sol
4.3. Détermination de la texture du sol
5. Analyses des résultats et traitements statistiques
RÉSULTATS ET INTERPRÉTATIONS
1. Teneurs en carbone du sol selon les modes d’usage
2. Teneurs en carbone du sol en fonction des profondeurs
3. Composition isotopique δ13C du sol selon les modes d’usage
4. Composition isotopique δ13C du sol en fonction des profondeurs
5. Teneurs en C du sol provenant des plantes à cycle photosynthétique C3 (mode d’usage forêt) et C4 (mode d’usage jachère arborée, arbustive et terre dégradée)
5.1. Variation de la teneur en C du sol provenant des plantes à cycle photosynthétique C3 et C4 (ou teneur en CC3 et CC4) suivant les modes d’usage des terres
5.2. Teneurs en carbone provenant des plantes à cycle photosynthétique C3 et C4 (ou teneurs en CC3 et CC4) en fonction des profondeurs du sol
6. Evaluation des pourcentages du carbone provenant des plantes à cycle photosynthétique C3 (mode d’usage forêt) et C4 (mode d’usage jachère arborée, arbustive et terre dégradée)
6.1. Variation des pourcentages du C provenant des plantes à cycles photosynthétiques C3 et C4 (ou pourcentages du CC3 et CC4) selon les modes d’usages des terres
6.2. Pourcentages du C provenant des plantes à cycles photosynthétiques C3 et C4 (pourcentages du CC3 et CC4) en fonction des profondeurs du sol
7. Corrélations entre les teneurs en C et la composition isotopique en 13C du sol
DISCUSSIONS
1. Effet des modes d’usage des terres sur le C du sol
2. Effet des modes d’usage des terres sur la composition isotopique en 13C du sol
3. Variabilité verticale du C du sol
4. Variabilité verticale de la composition isotopique δ 13C du sol
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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