Utilisation de l’espace et comportements dans l’enclos
Une occupation différentielle de l’espace
Les carnivores en captivité passent plus de 75 % de leur temps dans moins de la moitié de leur espace clos (Mallapur, 1999). Cette occupation différentielle de l’espace se retrouve chez les 3 espèces. Autrement dit, les animaux sur-utilisent certaines parties de leur enclos, et en sousutilisent d’autres. Cela serait lié aux ressources limitées disponibles qu’ils ne peuvent utiliser uniformément. L’identification des zones sous-utilisées et de ses causes peut permettre d’optimiser la taille effective d’une enceinte (Schultz, 2017).
Dholes
• Zone sur-utilisées : les zones comprenant la tanière ou un point d’observation. La tanière « constitue un refuge, un lieu de regroupement pour les phases de repos mais aussi pour les observations » (Ferrer, 2004, p. 16). Les dholes semblent avoir une affinité avec les zones planes à proximité des visiteurs, et si les animaux ont suffisamment d’espace, les dholes resteront probablement près des visiteurs plutôt que de se cacher hors de vue (Palmér, 2014 ; Maisch, 2010).
• Zones sous-utilisées : Les zones très humides sont délaissées pour le repos (Palmér, 2014).
• Comportement général : Avec un enclos assez grand, les dholes se déplacent normalement en groupe plutôt qu’individuellement (Palmér, 2014; Maisch, 2010). Cela fait écho au milieu naturel.
• Résultats divergents : Une étude montre la zone de la mare comme privilégiée (Ferrer, 2004). De plus, les dholes en captivité utilisent les zones aquatiques pendant l’été et l’hiver (Maisch, 2010) et ces dernières seraient par ailleurs propices aux comportements de jeux (Palmér, 2014; Maisch, 2010). Cependant, en Suède, les zones dans lesquelles il y avait des zones d’eau ont le moins été utilisées pendant toutes les observations au total (Palmér, 2014). Cela est peut-être dû au fait que dans le premier cas la zone était également favorisée pour la prise de nourriture et les déplacements.
Contrairement aux deux autres auteures, Natacha Ferrer a poussé son projet de recherche à l’étude des comportements des dholes de la meute de la Haute Touche. Elle a ainsi relevé 31 comportements en 5 catégories: repos, observation, interactions sociales, prises alimentaires et déplacements (Ferrer, 2004. Liste détaillée en annexe 1). Le répertoire comportemental des dholes est donc “riche”, avec néanmoins quelques comportements stéréotypés comme des allers-retours.
Loups
Les loups « réservent certaines zones de l’enclos à la conduite alimentaire, d’autres au repos, d’autres à la miction et à la défécation, d’autres aux comportements de creusement et d’enfouissement, alors que certaines zones ne sont jamais fréquentées » (Neault, 2003, p. 196). Les animaux n’utilisent qu’une partie de l’espace disponible, ce dernier étant plus faible dans les enclos les plus grands. Les figures suivantes résument les observations de 2 meutes de loups en captivité, une avec des individus socialisés (North American, a et b), et l’autre avec des individus non-socialisés (Sparkwell, c et d).
L’utilisation de l’espace est différenciée selon les zones et les comportements et une différence se fait entre individus socialisés et non. Dans les deux cas les aires ouvertes sont les plus utilisées pour les comportements de repos (zones bleues, schémas b et d) (Gunning, 2008a). Cependant, pour les individus non socialisés (schéma d), cela correspond à des points hauts permettant de toujours surveiller et anticiper les activités humaines (Gunning, 2008a). Les comportements généraux de ces loups non socialisés sont également majoritairement retrouvés aux abords des clôtures (schéma c), ou les individus sont toujours alertes des mouvements humains. Pour les loups habitués à l’Homme moins d’attention est prêtée aux abords de l’enclos (schéma a) d’où les visiteurs et les soigneurs arrivent (Gunning, 2008a).
Une variation selon l’âge
Il y a une utilisation hétérogène de l’enclos par les loups en fonction des classes d’âges (adultes, sub-adultes et juvéniles) (De Gaulejac, 1997; Neault, 2003). Ainsi, les investissements comportementaux de l’espace par les adultes et les juvéniles sont radicalement différents tandis que les sub-adultes adoptent une conduite intermédiaire. Cela peut être visualisé avec le schéma ci-contre (figure 5), réalisé par Fabienne de Gaulejac à partir des observations menées sur la meute de loups de la Haute Touche (De Gaulejac, 1997). La distinction entre les jeunes, en croix plus claire, et les adultes et sub-adultes en plus foncée, est bien visible.
L’activité générale des juvéniles « est la plus grande à la lisière des enclos, où ils explorent et où les comportements de chasse sont les plus observés » (Gunning, 2008a, p. 21). De plus, les juvéniles sont plus enclins à dormir dans les tanières et les espaces notés par Nadia Gunning comme “Ressource” (comprenant tanières, plateformes…) (Gunning, 2008a). Cette différence n’a cependant pas été mesurée ou détectée pour les autres espèces. Le sexe des individus ne semble pas être un facteur influençant cette occupation différentielle de l’espace, contrairement au milieu naturel.
Certains chemins privilégiés
Même si les dholes utilisent la totalité de l’enclos avec des déplacements variés, de très rares chemins définissont fréquemment utilisés(Milton, 2013; Malmqvist, 2013). L’un de ces chemins est parallèle à celui des visiteurs, ce qui traduirait une curiosité des animaux envers les visiteurs (Milton, 2013; Maisch, 2010). C’est également une voie menant à la mare, que les dholes utilisent assez régulièrement. Le second chemin très utilisé parcourt le long de la clôture. Derrière celle-ci l’activité humaine peut-être importante (visiteurs, personnels du zoo), et c’est également de là que la nourriture est donnée. En parcourant cette voie les dholes exploreraient leur environnement en cherchant à prédire les mouvements des soigneurs. De plus, ces chemins permettent de patrouiller le territoire et d’y collecter des informations, comportement retrouvé dans le milieu naturel. La « tendance de ne pas fréquemment suivre de chemins prédéfinis peut indiquer que les dholes ne présentent pas de comportements stéréotypés » (Milton, 2013, p. 22).
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Table des matières
Introduction
Dholes, Loups gris et Lycaons
Impact de la captivité sur les canidés
Matériel et méthode
Résultats – Discussion
1. Utilisation de l’espace et comportements dans l’enclos
Une occupation différentielle de l’espace
Une variation selon l’âge
Certains chemins privilégiés
Comparaison avec un environnement naturel
Limites et observations complémentaires
2. Utilisation de l’espace, entre personnalité, comportements individuels et relations entre individus
Relation hiérarchiques
Amitiés et famille
Personnalités
Relations avec d’autres espèces
3. Les changements et leurs effets sur l’utilisation de l’espace
Changements dans le nourrissage
Présence de juvéniles
Changements dus à la présence de l’Homme
Mort d’un individu
Changements dans la journée
Changements de saisons
4. Enrichissement environnemental, design des enclos, et leurs effets sur les canidés
Des comportements stéréotypés
Design des enclos
Enrichissement environnemental, exemples et résultats
5. Limites, applications et recherches complémentaires nécessaires
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Annexe 1 : Comportements relevés par Natacha Ferrer dans son étude sur les dholes du parc zoologique de la
Haute Touche. Selon Ferrer, 2004.
Annexe 2 : Description des zones de l’enclos au San Diego Zoo. Selon Hunter et al., 2014
Annexe 3 : Description des zones de l’enclos au Bronx Zoo. Selon Hunter et al., 2014
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