Utilisation de l’aluminium
Utilisation de l’aluminium dans les ponts et passerelles
Généralités
Il existe une vaste documentation traitant de l’utilisation de l’aluminium dans les ponts routiers et les passerelles. La documentation concernant ce sujet ne cesse de s’accroître d’année en année. Cette section présente tout d’abord un bref historique de l’utilisation de l’aluminium dans les ponts routiers. Par la suite, quelques exemples de passerelles piétonnières en aluminium sont donnés. Cette section se termine avec une présentation de différents types de platelage en aluminium ainsi que des exemples d’utilisation.
Historique de l’utilisation de l’aluminium dans les ponts
L’aluminium est utilisé dans les ponts routiers depuis plus de 80 ans. L’histoire commence à Pittsburgh, en Pennsylvanie, en 1933. Le pont Smithfield Street doit être réhabilité en raison de son endommagement. Le remplacement du platelage en acier et en bois par un platelage en aluminium beaucoup plus léger permet d’augmenter la charge de trafic admissible en réduisant le poids propre de la structure. Le platelage était formé de l’alliage 2014-T6 avant d’être remplacé, en 1967, par les alliages 6061-T6 et 5456-H321, qui offrent une meilleure résistance à la corrosion. De plus, la nouvelle conception permettait d’avoir un platelage plus léger utilisant une surface d’usure jumelée à ce dernier. Ce nouveau platelage est demeuré en service jusqu’en 1994, au moment où le pont a été réaménagé pour satisfaire la demande croissante de trafic routier (Siwowski, 2006).
Le pont de Massena à New-York, construit en 1946, est le premier qui utilise l’aluminium sur une portée complète, d’une longueur de 30 m. Les six autres portées étaient faites d’acier. La structure en aluminium était 43% plus légère que celles en acier (Siwowski, 2006). Le premier tablier de pont routier entièrement en aluminium a été construit en 1950 à Arvida, au Saguenay (voir Figure 2-1). Il fait toujours partie des ponts en aluminium les plus longs au monde avec une portée centrale de 88,4 m pour une longueur totale de 153 m (Tindall, 2008). Ce pont est encore en service aujourd’hui et il n’a subi sa première réfection majeure qu’à l’été 2015, soit après 65 ans de service.
Figure 2-1 ─ Le pont d’Arvida, au Saguenay (Potvin, 2006)
Entre 1958 et 1963, la construction de l’Interstate Highway System aux États-Unis a fait grimper les prix de l’acier en plus de réduire la disponibilité des produits de l’acier (Das et Kaufman, 2007; Siwowski, 2006). Bien que le prix de l’aluminium était plus élevé, sept ponts utilisant l’aluminium furent construits à cette époque (Siwowski, 2006). Les ingénieurs ont considéré que les coûts de fabrication, de transport, d’érection ainsi que ceux d’entretien étaient en mesure de compenser l’investissement initial. Le premier pont de ce groupe fût celui de Clive Road, à Des Moines, en Iowa. Ce pont était constitué de quatre portées continues pour une longueur totale de 66 m sur une largeur d’environ 11 m. Quatre poutres d’une hauteur de 965 mm et constituées de plaques en aluminium soudées les unes aux autres formaient la superstructure. C’était la première fois que des plaques soudées en aluminium étaient utilisées dans un pont. Une dalle en béton venait agir de façon composite avec ces poutres. L’action composite était alors utilisée pour la première fois dans les structures en aluminium. Les alliages d’aluminium 5083 et 5456 ont été utilisés. Ces derniers possèdent une résistance mécanique, une soudabilité ainsi qu’une tenue à la corrosion supérieure à la série 2000 qui était utilisée jusqu’alors. Ce pont a été démoli en 1993 en raison d’une reconfiguration de l’intersection.
Plusieurs autres exemples de pont en aluminium sont donnés au Tableau 2-1 (Tiré de Walbridge et De La Chevrotière, 2012). Une liste plus exhaustive de l’utilisation de l’aluminium dans les ponts routiers est disponible dans (Roche, 2008).De nos jours, l’aluminium est surtout utilisé dans les projets pour lesquels la légèreté du matériau est mise en valeur. Par exemple, à Amsterdam, il existe plusieurs ponts à bascule utilisant l’aluminium en raison de son rapport résistance/poids élevé (Tindall, 2008). Toujours aux Pays-Bas, une utilisation innovatrice de l’aluminium a été développée : un pont flottant sur lequel les automobiles peuvent circuler jusqu’à 80 km/h (Soetens, 2003) (voir Figure 2-2). La légèreté de l’aluminium a été mise à contribution dans ce projet. Situé à Hedel, le pont est constitué de modules en aluminium de dimensions 5,3 m × 3,5 m × 1,5 m. Le pont est aussi conçu pour recevoir un véhicule d’un poids maximal de 8000 kg.
Utilisation de l’aluminium dans les passerelles piétonnières
Certaines passerelles piétonnières profitent aussi des avantages de l’aluminium. La légèreté et la résistance à la corrosion de l’aluminium (sans besoin de peinture) permettent de construire des ponts piétonniers de longues portées ne nécessitant que peu d’entretien. De plus, la malléabilité de ce matériau permet d’ajouter des qualités architecturales aux éléments composants la passerelle. Plusieurs passerelles piétonnières en aluminium ont été construites au Japon (Okura, 2003). Des passerelles piétonnières utilisant l’aluminium ont aussi été érigées en Europe. Parmi les exemples, le célèbre Pont du Millennium, à Londres, utilise une plate-forme en aluminium de 4 mètres de large ; la passerelle piétonnière de 42 m de portée, en Suède, composée de poutres assemblées ainsi que la passerelle en arche de 52 m de portée, en Écosse (Tindall, 2008). Au Québec, la passerelle du Parc de la Rivière-aux-Sables, à Jonquière, d’une portée de 80 m, utilise un platelage en aluminium, en plus des garde-corps (Figure 2-3) (Structurae, 2016). Celle de Chandler, en Gaspésie, est la passerelle en aluminium la plus longue au monde en date de 2013, avec une longueur totale de 142 mètres pour trois travées (Saint-Pierre, 2013). Le Port de Québec s’est aussi doté d’une passerelle en aluminium, en 2008, pour accueillir les voyageurs des bateaux de croisières lors de leur passage dans la vieille capitale (Maadi Group, 2015).
Utilisation de l’aluminium dans les platelages de ponts routiers
Les platelages en aluminium sont une alternative intéressante en remplacement des dalles en béton armé en raison de leur légèreté et de leur résistance à la corrosion. Différents types de platelage en aluminium sont déjà utilisés aux États-Unis, aux Pays-Bas, en Norvège, en Suède ainsi qu’au Japon (Viami International et The Technology Strategies Group, 2013; Beaulieu, 2003; Siwowski, 2006; Nippon Light Metal, 2011).Entre le milieu des années 1990 et 2013, des profilés en aluminium ont été utilisés à cinq occasions dans les platelages de pont aux États-Unis (Viami International et The Technology Strategies Group, 2013). Le pont de Smithfield Street, cité plus haut, est un exemple de réhabilitation utilisant un platelage en aluminium. Dans cet exemple, la charge de trafic admissible a pu être augmentée en raison de la réduction du poids propre de la structure. Le pont Corbin, à Huntingdon, en Pennsylvanie, comprenait le remplacement des poutres en acier par des poutres en aluminium, le renforcement des treillis et le remplacement du platelage par un platelage en aluminium. Le pont, d’une portée de 300 pieds (un peu plus de 90 m), a pu supporter une charge de 24 tonnes, contrairement à seulement 7 tonnes avant la réfection (Thompson, 2010). Cette augmentation de la charge vive admissible est encore une fois possible grâce à la réduction de la charge morte offerte par l’utilisation de l’aluminium. Selon Osberg et Vachon (2014), le pont de Little Buffalo Creek dans le sud de la Virginie a pu être élargi de 7 m (23 pieds) à 8,50 m (28 pieds) en réutilisant la majeure partie de la structure. Cette conception n’aurait pu être réalisée sans l’utilisation d’un platelage aussi léger que celui en aluminium. Plus récemment, les ponts de Saint-Ambroise, au Saguenay et de Sandisfield, au Massachusetts, utilisent un platelage en aluminium (Osberg et Vachon, 2014). En ce moment, en Amérique du Nord, seul le fabricant américain AlumaBridge conçoit des extrusions en aluminium suffisamment résistantes pour pouvoir être utilisées dans les ponts routiers (voir Figure 2-4). Les ingénieurs de cette compagnie ont développé des platelages en aluminium dont les extrusions sont assemblées les unes aux autres à l’aide de soudage par friction-malaxage.Les pays de l’Europe devancent largement ceux de l’Amérique du Nord en ce qui concerne l’utilisation de platelages en aluminium dans les ponts routiers. Par exemple, le platelage développé par SAPA bridge decking system, anciennement Svensson Decking System (voir Figure 2-5), a été utilisé dans plus de 70 ponts à travers l’Europe (Thompson, 2010). Ce platelage est conçu pour être disposé transversalement par rapport à l’axe principal du pont. La compagnie possède deux types de profilé : le système 50, d’une hauteur de 50 mm pour une largeur de 250 mm, et le système 100 qui a une hauteur de 100 mm et une largeur de 300 mm. Le système 50 est principalement utilisé pour le remplacement de platelages de bois et le système 100, pour le remplacement de dalles de béton.
La compagnie Bayards, située aux Pays-Bas, s’est aussi lancée dans la production de platelage en aluminium au début du XXIè siècle (voir Figure 2-6). Depuis, la compagnie a complété 26 ponts et passerelles en aluminium (Beaulieu et al., 2015).Au Japon, la compagnie Nippon Light Metal a récemment conçu un platelage en aluminium utilisant des sections extrudées soudées les unes aux autres à l’aide de soudures par friction-malaxage (Figure 2-7). Le pont est situé au-dessus de la rivière traversant la propriété de la compagnie. Ce pont, d’une longueur de 4,56 m et d’une largeur totale de 12,82 m, est utilisé un platelage en aluminium disposé transversalement aux poutres principales et agit de façon composite avec celles-ci.
(a) Profil du platelage (b) Installation du platelage
Dans le cadre de ce projet, un nouveau concept de platelage en aluminium est proposé. Ce concept se base sur les profils déjà disponibles sur le marché. Entre autres, la forme en treillis de l’extrusion permet de répartir les efforts induits par le passage d’une roue de camion (Arrien, 1995). Aussi, la hauteur du platelage de 200 mm permet d’obtenir une section ayant une inertie plus grande en comparaison avec les sections actuellement disponibles sur le marché nord-américain. Cette augmentation de l’inertie permet d’améliorer la rigidité et la résistance du platelage, ce qui permet d’augmenter l’espacement entre les poutres. En raison de la capacité limitée des extrudeuses, la conception de l’extrusion en aluminium doit se basée sur une géométrie se trouvant à l’intérieur d’un rayon circonscrit maximal de 460 mm. Ainsi, la largeur maximale disponible pour une extrusion de 200 mm de haut se limite à 370 mm. Un schéma du platelage est disponible à l’annexe A.
Avantages de l’aluminium
Généralités
L’aluminium possède de nombreux avantages qui peuvent être exploités dans le milieu de la construction. Parmi ceux-ci, il faut noter sa légèreté, sa stabilité à basse température, sa résistance à la corrosion atmosphérique, sa facilité de recyclage et sa facilité de fabrication. Les différents avantages de l’aluminium sont détaillés dans la section suivante.
Légèreté de l’aluminium
Un platelage en aluminium pèse entre 72 à 122 kg par mètre carré (15 et 25 livres par pied carré), ce qui fait en sorte qu’ils sont généralement cinq fois plus légers que les dalles en béton armé (Siwowski, 2006). Ils sont aussi plus légers que la majorité des autres systèmes de platelage offerts sur le marché (Thompson, 2010). La réduction de la charge permanente permet d’accroître la charge utile admissible du pont (charge vive) ou la largeur du pont. Le rapport entre la charge vive et la charge morte (Ratio L/D) est donc plus élevé. Cette donnée est particulièrement intéressante lors de la reconstruction partielle d’un pont dont la capacité portante a été réduite avec le temps, comme il a été montré dans les exemples ci-haut. La légèreté des éléments en aluminium facilite aussi la construction en réduisant les coûts de transport, le coût des équipements de levage et le nombre de travailleurs requis pour l’exécution des travaux (Siwowski, 2006).
Stabilité à basse température
L’aluminium garde sa ductilité et sa résistance même à une température très basse (Tindall, 2008). Ce point est important lors de l’utilisation de l’aluminium dans des climats nordiques comme celui du Québec. Ceci permet d’assurer un comportement adéquat de la structure et réduit le risque d’une rupture fragile lors des périodes de grands froids.
Tenue à la corrosion
La corrosion est l’une des principales inquiétudes lorsqu’il est question d’utiliser un métal quelconque dans un milieu où il entre en contact avec des produits de déglaçage. L’aluminium ne fait pas exception. Cependant, en consultant la littérature, il est possible de voir que l’aluminium se comporte très bien dans ces conditions (Beaulieu, 2003). L’aluminium s’oxyde en contact de l’air pour former l’oxyde d’aluminium (Al2O3), communément appelé alumine. Cette mince couche d’oxyde, d’une épaisseur d’environ 5 à 10 nm, se forme à la surface et rend cette dernière imperméable et très résistante aux attaques atmosphériques (Beaulieu, 2003; Mazzolani, 1995). Cette couche se forme dès que le métal est mis en contact avec l’air et elle se forme à nouveau après des opérations de mise en forme ou de soudage. Le risque de corrosion est donc moins grand avec l’aluminium (en particulier la série 6000) même en présence de sels de déglaçage (Osberg et Vachon, 2014; Beaulieu, 2003; Arrien, 1995; Hoglund et Nilsson, 2006). Grâce à cette protection, les éléments en aluminium ne nécessitent pas de peinture ni de produits anticorrosion. D’ailleurs, les panneaux de signalisation en aluminium sont utilisés depuis longtemps en bordure de route au Québec sans qu’aucune protection ne soit nécessaire (Transports Québec, 2010).
Le point le plus préoccupant avec l’aluminium est lorsque celui-ci entre en contact avec d’autres métaux ou avec du béton. La corrosion galvanique peut alors se produire. Plus de détails seront donnés à ce sujet à la section 2.4.
Facilité de recyclage
L’aluminium est recyclable à 100% et à l’infini (Beaulieu, 2003). Dans l’industrie de la construction, 95% de l’aluminium est recyclé (Tindall, 2008). Toujours selon Tindall (2008), l’énergie nécessaire pour recycler ce matériau est d’environ 5% l’énergie nécessaire à sa production. De plus, les profilés en aluminium peuvent avoir un important contenu issu du recyclage. Ainsi, la faible empreinte écologique de l’aluminium, qui pourrait être déterminée lors d’une analyse de cycle de vie, est un autre avantage de ce matériau.
Facilité de fabrication
L’aluminium est un matériau malléable, c’est-à-dire qui est facile à travailler. Cette propriété permet de produire des pièces aux géométries complexes grâce au procédé d’extrusion (voir Figure 2-8). Ces profilés ne peuvent pas être produits à l’aide de laminoir.De plus, l’un des grands avantages de l’aluminium en comparaison du béton est qu’il ne nécessite pas de coffrage et ni de temps de cure. Les platelages en aluminium peuvent être préfabriqués en usine, ce qui permet une érection rapide de la structure sans perturbation majeure du trafic routier. Les sections préfabriquées ne nécessitent aucune soudure sur le terrain et sont installées plus rapidement (les soudures étant faites en usine). L’utilisation de sections préfabriquées fait gagner plusieurs jours de travail comparativement aux solutions classiques en béton et en acier. Par exemple, le pont de Forsmo en Norvège, long de 39 m, devait être remplacé en raison de sa structure d’acier et de béton très détériorée. La démolition de l’ancien tablier de pont et la mise en place du nouveau tablier, en aluminium, se sont déroulées dans un intervalle de 5 jours seulement (Tindall, 2008). Un pont en Suède a même été réhabilité en moins de 24 heures grâce à l’utilisation de panneaux préfabriqués en aluminium qui possédaient déjà une surface d’usure (Arrien et al., 2001).
Inconvénients de l’aluminium
Coût élevé du matériau
Le coût initial de l’aluminium est parmi les premières préoccupations lorsqu’il s’agit d’utiliser ce matériau dans les ouvrages d’art. Le coût des platelages de pont dépend de nombreux facteurs, notamment la conception du platelage, la distance entre le fournisseur et le chantier, les coûts de la main-d’œuvre, de l’énergie et du matériau ainsi que le nombre de platelages de pont produit à la fois ou durant une certaine période (Viami International et The Technology Strategies Group, 2013). Toujours selon Viami International et The Technology Strategies Group (2013), le coût initial d’un platelage en aluminium est nettement supérieur à celui des platelages en acier ou en béton armé. Cependant, une analyse du cycle de vie peut montrer que le coût à long terme compense le coût initial du projet (Siwowski, 2006; Arrien, 1995; Wright, 1997). Ce résultat est possible en raison du faible coût d’entretien d’un platelage en aluminium. De plus, si le volume de production de platelage en aluminium augmente, cela va sans doute entrainer une diminution des coûts chez les fabricants. Cependant, la majorité des ministères et départements de transport accorde une importance plus grande au coût initial des projets en raison de leurs contraintes budgétaires. Ceci limite l’utilisation des platelages en aluminium à quelques projets spécifiques, ce qui a comme conséquence de maintenir les prix élevés.
Manque d’expertise
Le manque d’expertise de la part des ingénieurs et concepteurs est une autre raison qui limite l’utilisation de l’aluminium dans les ponts routiers. Une des premières lacunes était associée au manque d’informations techniques au niveau des codes de conception, bien que la norme CAN/CSA S157-05 (2005) et l’AASHTO LRFD (2012) pouvaient être consultées. Cette lacune a été corrigée avec l’ajout d’une section traitant spécifiquement de l’aluminium dans la norme canadienne des ponts routiers (CAN/CSA S6-06, réédition de 2011 (CAN/CSA S6-06, 2011)) qui a été bonifiée dans la version 2014. Le manque de formation des ingénieurs est aussi un problème qui peut être constaté. Il n’existe que peu de collèges ou d’universités au Canada donnant une formation sur l’utilisation de l’aluminium dans les structures (Roche, 2008). Sans les connaissances nécessaires, les concepteurs ne sont pas enclins à utiliser l’aluminium comme matériau dans les structures. L’Association de l’aluminium du Canada fait cependant des efforts afin de former les ingénieurs canadiens sur la conception des structures en aluminium grâce à la mise en place de formations, présentées par le Dr. Denis Beaulieu, auteur du livre Calcul des charpentes d’aluminium (Beaulieu, 2003). Néanmoins, les ingénieurs et concepteurs demeurent peu enclins à utiliser l’aluminium dans les ponts routiers.
Résistance à la fatigue
La fatigue d’un métal est un phénomène d’endommagement du matériau sous un chargement cyclique à des contraintes inférieures à sa limite élastique. Une rupture par fatigue dépend de l’amorce d’une ou de plusieurs fissures qui ne sont généralement pas détectables lors de l’inspection visuelle d’une structure. Cette rupture se produit brutalement. Pour cette raison, des pondérations appropriées de la résistance sont prises en compte dans les normes afin de réduire la probabilité de rupture par fatigue. Ceci se traduit normalement par une pondération plus faible de la résistance à la fatigue des éléments. La résistance à la fatigue de l’aluminium correspond au tiers de celle de l’acier (Das et Kaufman, 2007). Néanmoins, l’aluminium est utilisé depuis de nombreuses années dans les véhicules routiers et dans les avions où le nombre de cycles de chargement en fatigue est très élevé. Notamment, Alutrec (2017) fabrique des remorques conçues entièrement en aluminium. Ceci montre qu’à l’aide d’une conception appropriée, aucun problème de fatigue ne devrait être rencontré avec les éléments en aluminium. Des exemples récents témoignent qu’en réduisant les concentrations de contraintes à l’aide d’une conception appropriée, le comportement de l’aluminium sous les charges cycliques est adéquat. Wright (1997) rapporte que le platelage en aluminium du pont de Smithfield Street Bridge ne montre que très peu de signes de dégradation dues à la fatigue après 27 ans de service. Les poutres du pont de Des Moines, en Iowa, possédaient des propriétés en tension et en fatigue comparables à la mise en service même après environ 40 ans de service (Das et Kaufman, 2007). Cependant, pour contrer les problèmes de fatigue, des pièces de plus grandes dimensions sont généralement utilisées, ce qui augmente le coût d’un projet. Néanmoins, il est possible d’utiliser des pièces en aluminium dans les ponts routiers sans rencontrer de problèmes de fatigue. Plus de détails concernant la résistance
à la fatigue des éléments en aluminium ainsi que des méthodes de calcul pour tenir compte de ce phénomène peuvent être trouvés dans (Beaulieu, 2003).
Ajout d’une surface d’usure
Le choix de la surface d’usure est primordial puisque l’aluminium possède une surface molle qui favorise la délamination de la surface d’usure. De plus, l’utilisation d’une couche asphaltée viendrait augmenter le poids total de la structure, ce qui vient réduire le gain offert par l’utilisation d’un platelage en l’aluminium. Plusieurs propositions ont été faites concernant la surface d’usure pour les platelages en aluminium : des couches en asphalte, un mélange de polymère et d’agrégats et des mélanges à base d’acryliques. Hoglund et al. (2006) rapportent que le mélange à base d’acrylique offre une grande résistance à l’usure, même à long terme, sur des ponts existants. Parmi les platelages développés par SAPA, plusieurs utilisaient une surface d’usure de 6 mm d’épaisseur en acrylique afin de minimiser le poids de la structure. Il existe aussi des mélanges d’agrégats et de polyuréthane (les mêmes mélanges que ceux utilisés pour certaines dalles en béton) qui donnent d’excellents résultats (Thompson, 2010). Ces mélanges offrent une bonne résistance au glissement et adhèrent bien à la surface d’aluminium. Selon Osberg et Vachon (2014), la surface d’usure installée sur le pont de la route 58E, en Virginie du Sud, se comporte de manière adéquate depuis 1997, malgré un trafic routier important et le passage de camions lourds. Toujours selon Osberg et Vachon (2014), la surface d’usure du pont de Little Buffalo Creek est toujours intacte après 17 ans d’utilisation malgré le passage de camions lourds et de déneigeuses. Cette surface est formée de deux couches de polyuréthane-époxy mélangées avec des agrégats pour former du béton polymère (polymer concrete). Les auteurs de l’article cité proposent d’appliquer la surface d’usure en usine afin de contrôler les conditions de température et d’humidité. Dans le cas du pont de Saint-Ambroise, au Québec, la surface d’usure est composée d’un mélange de polyuréthane recouvert d’agrégats (Fortin, 2016).
Bien que les différentes couches d’usure proposées sur le marché se comportent d’une façon adéquate, les concepteurs ont toujours une préoccupation quant à la durabilité de ces revêtements. De plus, le coût associé à ces revêtements est plus élevé que le coût de l’enrobé bitumineux habituellement utilisé en raison du manque de compétiteurs.
Corrosion galvanique
La corrosion galvanique a lieu lorsque deux métaux, dont les potentiels d’oxydoréduction diffèrent l’un de l’autre, sont mis en contact électrique en présence d’un électrolyte. Ce type de corrosion agit comme une pile en court-circuit. Le matériau le moins noble, c’est-à-dire dont le potentiel électrique, en volt (V), est le plus faible, agit comme une anode et libère des électrons qui circulent vers la cathode. Pour déterminer quel matériau est le moins noble, des essais peuvent être réalisés en laboratoire afin d’obtenir un classement, appelé série galvanique, du métal le plus noble vers le moins noble. Un exemple est donné ci-dessous : Au > Ag > Acier inox. > Fonte > Acier > Al > Zn > Mg.Ce classement est donné pour les métaux plongés dans l’eau de mer. Il dépend de certaines conditions (composition de l’eau, pH et température, entre autres). Dans cette liste, l’or (Au) est le matériau le plus noble. L’aluminium (Al), quant à lui, se retrouve parmi les matériaux les moins nobles de cette liste, tout juste devant le zinc (Zn). Plus la différence entre les potentiels électrochimiques des deux métaux est grande, plus la probabilité de corrosion augmente. De façon générale, la corrosion galvanique ne se produit pas si la différence entre les potentiels électrochimiques des métaux en contact est inférieure à 100 mV. L’aluminium et l’acier possèdent des potentiels électrochimiques largement plus de grand que 100 mV dans la plupart des milieux (Amira et al., 2010). Ainsi, une attention doit être portée quant à la possibilité de corrosion galvanique. Lors de la mise en contact de l’acier avec l’aluminium, ce dernier agit comme une anode et se corrode au profit de l’acier (voir Figure 2-9).La corrosion galvanique a lieu en présence de trois conditions différentes :
1. Deux métaux de natures différentes, aux potentiels d’oxydoréduction différents ;
2. La mise en contact électrique entre les deux métaux ;
3. La présence d’un électrolyte (de l’eau de pluie, par exemple).
Pour inhiber la réaction, il faut retirer l’une de ces trois composantes. Une première solution serait d’éviter l’accumulation d’eau dans les endroits critiques (près d’un assemblage acier/aluminium) à l’aide d’une conception appropriée. Si les pièces ne sont pas complètement submergées dans l’eau, la corrosion galvanique se produit à des fréquences irrégulières en raison du manque d’humidité. À cela s’ajoute la faible conductivité de l’eau de pluie, qui fait en sorte que l’intensité de la corrosion galvanique est faible, voire nulle (Beaulieu, 2003). La corrosion est cependant accélérée en présence de sels de déglaçage. Cette solution est donc plus à risque lorsque l’aluminium est utilisé sur des ponts routiers.Une deuxième piste de solution serait d’éviter le contact électrique entre les métaux par la galvanisation de l’acier. Selon ce qu’en dit la littérature, il n’y a généralement pas de corrosion de l’aluminium lorsqu’il est en contact avec des pièces en acier galvanisé (Beaulieu, 2003; Osberg et Vachon, 2014; The Aluminum Association, 2015; Tindall, 2008). Le Code canadien sur le calcul des ponts routiers (CAN/CSA S6-14, 2014) considère d’ailleurs que la galvanisation de l’acier est une façon adéquate de prévenir la corrosion galvanique entre l’acier et l’aluminium. Plus encore, The Aluminum Association (2015) rapporte que plusieurs assemblages utilisant conjointement l’aluminium et l’acier inoxydable ou galvanisé ont été utilisés dans les ponts à bascule en Floride sans que des signes de corrosion n’aient été remarqués. Un autre exemple est le pont de Petersburg qui surplombe la rivière Appomattox où un platelage en aluminium a été utilisé en 1961. En date de mars 2009, soit après 48 ans de service, les assemblages qui utilisent de l’acier galvanisé et de l’aluminium ne montrent que de faibles signes de corrosion, bien qu’aucune peinture n’ait été utilisée (voir Figure 2-10).Le pont de Little Buffalo Creek est un autre exemple d’utilisation d’aluminium et d’acier galvanisé dans une même structure. Ce pont a été construit en 1996 près de Clarksville, en Virginie. L’alliage d’aluminium 6063-T6 a été utilisé comme matériau pour le platelage. Cette fois-ci, un niveau important de rouille des boulons en acier galvanisé sous le platelage est visible, bien que l’aluminium soit encore en très bon état (voir Figure 2-11). Selon Beaulieu et al. (2015), l’épaisseur de la couche de zinc sur les boulons n’était probablement pas suffisante. Ces boulons devront être remplacés. Néanmoins, ceci montre que le zinc corrode de façon préférentielle à l’aluminium.
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Table des matières
Chapitre 1. Introduction
1.1 Mise en contexte
1.2 Objectifs
1.3 Résumé de la méthodologie
1.4 Organisation du mémoire
Chapitre 2. Revue de la littérature
2.1 Utilisation de l’aluminium dans les ponts et passerelles
2.1.1 Généralités
2.1.2 Historique de l’utilisation de l’aluminium dans les ponts
2.1.3 Utilisation de l’aluminium dans les passerelles piétonnières
2.1.4 Utilisation de l’aluminium dans les platelages de ponts routiers
2.2 Avantages de l’aluminium
2.2.1 Généralités
2.2.2 Légèreté de l’aluminium
2.2.3 Stabilité à basse température
2.2.4 Tenue à la corrosion
2.2.5 Facilité de recyclage
2.2.6 Facilité de fabrication
2.3 Inconvénients de l’aluminium
2.3.1 Coût élevé du matériau
2.3.2 Manque d’expertise
2.3.3 Résistance à la fatigue
2.3.4 Ajout d’une surface d’usure
2.4 Corrosion galvanique
2.5 Les connecteurs en cisaillement et les sections mixtes
2.5.1 Définition d’une section mixte
2.5.2 Les avantages de développer une section mixte
2.5.3 Le choix du connecteur
2.6 Résistance au glissement des assemblages boulonnés
2.7 Les coefficients de glissement
2.7.1 Généralités
2.7.2 Assemblages acier-acier
2.7.3 Assemblages aluminium-aluminium
2.7.4 Assemblages acier-aluminium
2.8 Charge thermique sur les ponts routiers
2.8.1 Généralités
2.8.2 Les charges thermiques
2.8.3 Charges thermiques selon CAN/CSA S6-14
2.8.4 Effets de la température sur les tabliers de pont
Chapitre 3. Description du modèle d’analyse par éléments finis
3.1 Généralités
3.2 Les ponts types
3.3 Calcul de la résistance
3.3.1 Hypothèses de calcul
3.3.2 Utilisation d’une poutre en I équivalente au platelage
3.3.3 Résumé des résultats de conception
3.4 Modélisation du tablier de pont
3.4.1 Détails de l’assemblage boulonné
3.4.2 Propriétés des matériaux
3.4.3 Type d’éléments et maillage
3.4.4 Type d’analyse
3.4.5 Interaction
3.4.6 Conditions aux limites et chargement
3.4.7 Analyse du problème
Chapitre 4. Résultats et discussion
4.1 Généralités
4.2 Évolution des contraintes suite à la mise en précontrainte des boulons
4.3 Résultats pour la poutre de 15 m de long
4.3.1 Généralités
4.3.2 Résultats à l’état limite d’utilisation (ÉLUT)
4.3.3 Résultats à l’état limite d’utilisation (ÉLUL)
4.4 Résultats pour la poutre de 25 m de long
4.4.1 Généralités
4.4.2 Résultats à l’état limite d’utilisation (ÉLUT)
4.4.3 Résultats à l’état limite d’utilisation (ÉLUL)
4.5 Effet des cycles thermiques pour le pont de 15 m
4.6 Solution pour empêcher le glissement
4.6.1 Généralités
4.6.2 Effets de l’augmentation du coefficient de glissement
4.6.3 Augmentation du coefficient de glissement et du nombre de boulons aux appuis pour la poutre de 15 m de long
Chapitre 5. Conclusion
5.1 Revue des objectifs du projet
5.2 Recommandations
5.3 Travaux futurs
Bibliographie
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