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Présentation de l’auteur
Marilena BITTAR est docteur en sciences de l’éducation, spécialisée dans la didactique des mathématiques, professeur à l’Université de Mato Grosso do Sul (Brésil). Elle a collaboré a plusieurs articles avec des chercheurs de l’université Joseph Fourier (Grenoble). Le présent article est issu d’une recherche de Mme BITTAR menée au sein du laboratoire Leibniz (CNRS / université Joseph Fourier). La base de données Publimath recense deux autres articles publiés par Mme BITTAR, qui portent sur l’enseignement des vecteurs dans le secondaire et l’apport des calculatrices symboliques ou des logiciels. Les recherches récentes de Mme BITTAR ont d’ailleurs pour thème, de manière générale, l’intérêt des logiciels et de la technologie dans l’enseignement des mathématiques.
Présentation générale de l’article
L’article analyse dans une première partie les savoirs à enseigner sur les vecteurs dans le secondaire, notamment au travers des manuels scolaires, de la quatrième à la seconde, en détaillant particulièrement le niveau de seconde. On notera en effet, et c’est une des leçons intéressantes de cet article au regard de la situation actuelle, que les vecteurs étaient introduits auprès des élèves dès la quatrième, jusqu’au début des années 2000. Dans sa seconde partie, l’article cherche à identifier les difficultés que cet enseignement peut engendrer chez les élèves.
Analyse de la seconde partie
Afin d’étudier les difficultés des élèves, l’auteur tente de mesurer la disponibilité (au sens d’un outil disponible pour la résolution d’un problème) et l’efficacité (au sens de la réussite dans la résolution d’un problème) de l’outil vectoriel. Un exercice est ainsi soumis à des élèves d’une classe de première S. Ce problème est classique et peut être résolu avec différentes méthodes. L’énoncé du problème est écrit avec l’objectif d’éviter les automatismes créés par l’enseignement du calcul vectoriel : plutôt que de demander de montrer que trois points A, E et C sont alignés (ce qui devrait inciter les élèves à utiliser la notion de colinéarité de vecteurs), il est demandé de prouver que E appartient au segment [AC].
L’expérience montre qu’environ la moitié des élèves pensent d’eux-mêmes à l’outil vectoriel pour résoudre le problème qui leur est soumis. Sur ces copies, environ un quart réussit à démontrer le résultat demandé, les autres commettant des erreurs ou ne parvenant pas à aboutir à la conclusion. Cette expérience est une illustration d’une difficulté majeure des élèves dans leurs débuts avec le calcul vectoriel, sur laquelle nous reviendrons dans ce mémoire : l’absence de stratégie de résolution. Les élèves connaissent ainsi la relation de Chasles mais ne savent souvent pas l’utiliser à bon escient (n’ayant, en particulier, pas de notion de décomposition dans une base vectorielle).
Entraînement au calcul vectoriel
En seconde, le calcul vectoriel à proprement parler est constitué de la bilinéarité de la multiplication des scalaires et des vecteurs. Les élèves ne découvriront en effet le produit scalaire qu’en classe de 1ère (série scientifique). A ces relations de bilinéarité s’ajoutent éventuellement, lorsque les vecteurs s’expriment grâce à deux points (origine-extrémité), des simplifications obtenues grâce à la relation de Chasles.
Il est tout à fait indispensable d’entraîner les élèves à ces calculs (développement, factorisation, réduction d’écritures vectorielles longues… ). Voici un exemple d’exercices, corrigés en cours, qui ont été réalisés dans ce but.
Voici également un exercice de DS qui a été soumis aux élèves, sur le même thème : On constate que les élèves réussissent plutôt bien ce type d’exercices et acquièrent ainsi rapidement une bonne maîtrise du calcul vectoriel. Les difficultés (mauvaise factorisation, erreurs d’étourderies… ) sont généralement rencontrées chez les mêmes élèves que ceux qui peinent dans les exercices d’arithmétique ou de résolution d’équations. Elles sont donc, pour ces derniers, d’autant plus difficiles à combattre.
Calcul vectoriel dans les problèmes ouverts
Nous avons voulu tester si les élèves avais compris l’utilité des vecteurs et du calcul vectoriel dans des problèmes de géométrie.
Pour cela, nous avons choisi de leur poser deux problème ouverts. Nous avons opté pour un problème trouvé dans Transmath, 2nde, p 245 et un autre trouvé provenant de Maths Déclic, 2nde, p 318.
L’énoncé de l’exercice de Déclic utilise des égalités vectorielles. Afin de ne pas mettre les élèves sur la voie des vecteurs et du calcul vectoriel, nous avons volontairement modifié l’énoncé afin de ne pas faire apparaître la notion de vecteur.
Modalités :
• Ces exercices furent proposés en demi-groupe.
• On a demandé aux élèves de se mettre par groupe de deux.
• Les élèves devaient d’abord chercher le problème 1 et disposaient d’une heure pour leurs recherches.
• On a demandé aux élèves de nous remettre une trace écrite de leurs recherches en leur précisant qu’ils seraient évalués sur la narration de leurs idées et la façon dont ils les avaient exploitées, qu’elles aient abouti ou non.
• Ces problèmes furent posés à la fin du chapitre « Vecteurs dans le plan » et la veille de l’évaluation des élèves sur ce chapitre.
• Aucune indication ne fut donné pendant la séance pour résoudre l’exercice, seules des explications et clarifications des énoncés furent apportées.
Résultats :
• 11 groupes sur 13 ont passé l’heure entière sur le problème 1. Un seul d’entre eux a réussi à résoudre le problème 1. Seuls deux groupes ont abordé le problème 2 après plusieurs tentatives infructueuses de résolution du problème 1. Parmi ces deux groupes, un a réussi à résoudre le problème 2 sans l’outil vectoriel, en se plaçant dans un repère orthogonal.
• Parmi les tentatives infructueuses :
◦ deux groupes ont voulu montrer dans le problème 1 que les droites (BL) et (AC) étaient perpendiculaires en utilisant la réciproque du théorème de Pythagore (alors que les droites n’étaient pas perpendiculaires).
◦ deux groupes ont voulu utiliser la notion de repère, mais ont buté sur la façon dont fixer l’axe des abscisses et des ordonnées (Nota Bene : cela est à mettre en parallèle avec la remarque sur l’existence générale d’un repère sous-jacent dans de nombreux problèmes utilisant les vecteurs, montrée dans BITTAR et rappelée au paragraphe 3.b ci-dessus).
Résumé des difficultés rencontrées
En résumé, nos investigations ont permis de mettre en lumière trois types de difficultés d’élèves en calcul vectoriel :
1. Quelques élèves ne savent pas appliquer directement la relation de Chasles en commettant l’erreur classique, du type : −⃗AB+⃗BC=⃗AC.
2. Certains élèves ne savent pas quels points introduire dans la relation de Chasles pour leur permettre de démontrer un résultat. Ils n’ont pas de stratégie et « tournent en rond » en espérant que le résultat finira par apparaître.
3. Certains élèves ne comprennent pas l’utilité du calcul vectoriel dans l’approche d’un problème de géométrie plane. Ils perdent de vue les deux applications majeures des vecteurs, qui sont l’objectif de cette année de seconde (preuve du parallélisme de droites et de l’alignement de points) sans oublier l’application immédiate, apprise dès la définition des vecteurs (preuve qu’un quadrilatère est un parallélogramme). Ils confondent ces applications avec les outils du calcul vectoriel (somme, multiplication par un scalaire, bilinéarité, relation de Chasles, coordonnées).
Les exercices de calcul vectoriel
Analyse critique d’un exercice
Reprenons l’exercice déjà évoqué dans le paragraphe 3 issue du manuel Déclic 2nde, Hachette :
Dans un repère, on donne les 3 sommets du triangle ABC : A(2 ; 3), B(-4 ; 2) et C(3;-7).
1. Calculer les coordonnées du point G tel que : ⃗GA+⃗GB +⃗GC =⃗0.
2. Soient I, J et K les milieux respectifs des segments [AB], [AC] et [BC].
a) Calculer les coordonnées des points I,J et K.
b) Démontrer que ⃗AG= 23 ⃗AK ; ⃗BG= 23 ⃗BJ ; ⃗CG= 23 ⃗CI.
c) Reconnaître le point G.
• Analysons de plus près la question 1 : « Calculer les coordonnées du point G tel que : ⃗GA+⃗GB +⃗GC =⃗0 ».
A la réflexion, cette question nous est apparu mal formulée. En effet, à ce stade de l’exercice, rien ne permet d’affirmer qu’il existe un unique point G vérifiant la relation ⃗GA+⃗GB+⃗GC=⃗0 .
Il aurait d’abord fallu montrer l’existence et l’unicité d’un tel point.
Ainsi se privant de résultats généraux sur les barycentres, qui ne sont plus au programme, des questions supplémentaires auraient pu/du être intégrées à cet exercice afin de lever toute interrogation/doute qu’auraient pu avoir certains élèves.
Qui plus est, ces questions supplémentaires auraient permis l’utilisation de la relation de Chasles qui est au programme de seconde.
Pistes pour améliorer la compréhension du calcul vectoriel
Plusieurs leçons peuvent être tirées de notre expérience de l’enseignement des vecteurs en seconde et des réflexions qui précèdent.
Tout d’abord, il est important de faire acquérir aux élèves une approche très méthodologique des exercices portant sur les vecteurs. Les questions qu’ils doivent se poser sont : est-ce un exercice de technique pure (calcul vectoriel, relation de Chasles… ) dans lequel il est demandé de prouver une égalité par exemple, y a-t-il des hypothèses de l’énoncé à traduire vectoriellement (milieu d’un segment, parallélogramme), est-ce une application des vecteurs (recherche des coordonnées d’un quatrième point pour constituer un parallélogramme, preuve du parallélisme de droites, preuve d’un alignement de points… ). L’essentiel est de posséder une stratégie pour ne pas « tourner en rond ». L’analyse de l’énoncé est essentielle, encore plus ici que dans d’autres parties du cours.
Il est important de retarder autant que possible l’introduction des coordonnées afin que les vecteurs soient bien perçus dans leur cadre géométrique et en tant qu’éléments d’un groupe (existence de l’addition, d’un opposé, d’un vecteur nul) avant d’être vus numériquement comme un couple de réels (coordonnées).
Les énoncés des exercices (qui ne soient pas juste des exercices d’entraînement mais des exercices d’approfondissement) doivent être pensés pour illustrer auprès des élèves la puissance du calcul vectoriel. A ce sujet, le thème des barycentres offre bien sûr plusieurs exercices intéressants. Mais il faut se souvenir que cette notion n’est pas du tout au programme et donc prévoir un énoncé progressif (qui commence notamment par montrer l’existence du barycentre). Nous pensons donc qu’il serait utile de prévoir un ou deux « beaux » DM récapitulatifs, qui permettraient d’obtenir un résultat important. BITTAR propose comme illustration de cet objectif une démonstration élégante du théorème des milieux grâce aux vecteurs. Nous pouvons suggérer deux exemples de tels DM récapitulatifs : la démonstration de l’existence de la droite d’Euler d’une part et, d’autre part, trois méthodes pour résoudre le problème posé dans la seconde partie de l’article BITTAR, qui, si elles n’utilisent pas uniquement la puissance du calcul vectoriel pour arriver au résultat (et pour cause : trois méthodes seraient proposées avec des outils différents), permettent de faire le point sur de nombreux aspects de la géométrie de seconde (repères, coordonnées, longueur d’un segment, équations de droite, vecteurs, … ).
Enfin, la question se pose de diviser le cours sur les vecteurs en deux parties sur l’année de seconde. La première partie serait consacrée à la technique du calcul vectoriel, ayant pour seule application la caractérisation vectorielle d’un parallélogramme. La seconde partie, éloignée d’une ou deux séquences, aurait pour objet la colinéarité et ses applications. En effet, la séquence sur les Vecteurs nous paraît être la plus longue de l’année. Les élèves nous ont semblé se lasser vers la fin de celle-ci et nous craignons que l’enseignement, en un seul bloc, de cette séquence engendre un apprentissage moins en profondeur que si elle était transmise en deux parties séparées.
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Table des matières
1. Fiche de lecture
a) Présentation de l’auteur
b) Présentation générale de l’article
c) Analyse de la seconde partie
d) Conclusion
2. Programme sur les vecteurs
a) Programme actuel
b) Remarques sur le programme
3. Les difficultés classiques des élèves
a) Erreur d’application directe de la relation de Chasles
b) Utilisation à bon escient de la relation de Chasles
c) Entraînement au calcul vectoriel
d) Calcul vectoriel dans les problèmes ouverts
e) Résumé des difficultés rencontrées
4. Les exercices de calcul vectoriel
a) Analyse critique d’un exercice
b) Modification de l’énoncé
5. Pistes pour améliorer la compréhension du calcul vectoriel
Conclusion
Annexe – Extraits de manuels
Bibliographie
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