Caractรฉristiques du contact roue – railย
En gรฉnรฉral, nous considรฉrons le contact roue – rail comme un contact รฉlastique roulant. La zone de contact est souvent modรฉlisรฉe par une ellipse (contact de Hertz). La taille de cette zone de contact est petite (moins de 1 cm2) devant les rayons de courbures principaux du rail et de la roue. Dans la zone de contact roue – rail, nous trouvons toujours deux parties : une partie dโadhรฉrence (les deux solides sont collรฉs) et une partie de glissement (il y a un mouvement relatif entre deux solides en contact) .
Avec une charge sur la roue assez รฉlevรฉe, entre 40 kN (Tramway) et 130 kN (TGV ou Fret), nous pouvons avoir une trรจs haute pression (1000-2000 MPa) dans la zone de contact roue – rail. En fonction de la vitesse de roulement du train et de lโรฉtat des surfaces de contact, les efforts tangentiels dans la zone de contact peuvent รชtre plus ou moins importants. La haute pression et les contraintes tangentielles sont des causes directes de diffรฉrents types de dรฉgradation du rail et de la roue (usure, fissuration, rupture,โฆ).
Thรฉories de contactย
Thรฉorie de Hertz
En 1881, Hertz a dรฉveloppรฉ une mรฉthode pour รฉtudier la forme de la zone de contact ainsi que la distribution des pressions sur la surface de contact entre deux solides รฉlastiques. Cette thรฉorie a รฉtรฉ utilisรฉe ร de nombre reprises pour calculer les efforts normaux dans le contact roue – rail. La thรฉorie de Hertz n’est cependant valide que si les trois conditions suivantes sont rรฉunies: Les surfaces sont du second degrรฉ, continues, et non-conformes; Chaque solide peut รชtre considรฉrรฉ comme un demi-espace รฉlastique; Les dimensions du contact sont petites devant les dimensions et rayons de courbure des corps en contact. Dans le cas du ferroviaire, si le contact entre la roue et le rail se passe sur la table de roulement du rail, les dimensions du contact (a et b sont souvent infรฉrieurs ร 10 mm) restent nรฉgligeables devant les rayons de courbure de la roue et du rail (< 300 mm) et les conditions de Hertz sont souvent vรฉrifiรฉes. Cependant, l’inscription d’un train dans une courbe tend souvent ร localiser le contact roue – rail au niveau du congรฉ de raccordement entre la table de roulement et la joue active du rail, dont le rayon de courbure est infรฉrieur ร 20 mm. Les conditions de Hertz ne sont alors plus vรฉrifiรฉes et la thรฉorie de Hertz nโest plus valable.
Thรฉorie de Carter
La premiรจre solution ยซย classiqueย ยป au problรจme du contact roulant avec frottement a รฉtรฉ dรฉterminรฉe analytiquement par Carter en 1926. Ce dernier modรฉlise le roulement d’une roue sur un rail par celui d’un cylindre sur un massif plan semi-infini permettant ainsi de rรฉsoudre ce contact sous la forme d’un contact linรฉique en deux dimensions dans le plan (ฮง, ฮ). Carter montre tout d’abord que la diffรฉrence entre la vitesse d’avance (Va) et la vitesse linรฉaire (Vr) de la roue est non nulle tant que des conditions d’accรฉlรฉration ฮฟu de dรฉcรฉlรฉration sont appliquรฉes ร cette derniรจre : c’est le glissement longitudinal ฮฝx. Cette diffรฉrence croรฎt avec le couple moteur tant que la valeur limite de l’effort tangentiel (ฮคx) dans le contact reste infรฉrieure ร sa limite en accord avec la loi de Coulomb. D’autre part, il dรฉmontre, tant expรฉrimentalement que thรฉoriquement, la coexistence de zones d’adhรฉrence et de glissement dans le contact, dont la rรฉpartition varie en fonction du glissement longitudinal ฮฝx. Expรฉrimentalement, cette coexistence est รฉtablie en photoรฉlasticitรฉ en considรฉrant l’inertie des corps nรฉgligeable, les surfaces lisses et non contaminรฉes et pour de trรจs faibles vitesses d’avance. Thรฉoriquement, cette coexistence est obtenue par la superposition des contraintes tangentielles ql(x) et q2(x*), รฉtablies respectivement dans les cas de non glissement et de glissement complet .
Extensions de la thรฉorie de Carterย
La thรฉorie de Carter, ne traitant que du contact linรฉique 2D en glissement longitudinal ฮฝx, est tout d’abord รฉtendue aux contacts circulaires en glissements longitudinal ฮฝx et transversal ฮฝy par Johnson (1958). Puis une extension supplรฉmentaire est faite aux contacts elliptiques par Haines et Ollertฮฟn (1963) ainsi que Vermeulen et Johnson (1964) dont les coefficients de glissement (k) seront dรฉterminรฉs avec plus de prรฉcision par Shen-Hedrick-Elkins (1983). Ces thรฉories permettent de dรฉterminer la rรฉpartition d’une part des contraintes tangentielles q(x, y) et d’autre part, des zones d’adhรฉrence et de glissement dans un contact roulant elliptique. Une extension de la thรฉorie de ShenHedrick-Elkins pour le cas de grand spin est celle de Zhang-Knothe (1995). Enfin, la thรฉorie de Polach (1999) est une des derniรจres thรฉories classiques traitant le problรจme tangentiel du contact entre deux solides.
Thรฉories de Kalkerย
Les thรฉories de Kalker (simplifiรฉe, linรฉaire et complรจte) sont particuliรจrement dรฉdiรฉes au contact roue- rail. Les algorithmes dรฉrivรฉs de celles-ci sont donc naturellement implantรฉs dans la plupart des logiciels multicorps de dynamique ferroviaire actuels.
La premiรจre thรฉorie de Kalker est ยซ la thรฉorie linรฉaire ยป (1967). Cette thรฉorie est basรฉe sur la linรฉarisation de la formule de Carter. Cependant, cette thรฉorie nโest valable que sous les conditions suivantes : Le taux de glissement ฮพ est petit ; La zone de contact est elliptique hertzienne ; Le roulement se passe dans la direction de lโun des axes de lโellipse (approximation pour le contact railroue).
La deuxiรจme thรฉorie de Kalker est ยซ la thรฉorie simplifiรฉe ยป (1973-1989). Cette thรฉorie rรฉsout d’abord le problรจme normal du contact roue – rail, gรฉomรฉtrie et champ de pression, par la thรฉorie de Hertz. Ensuite, les taux de glissement, estimรฉs gรฉomรฉtriquement au centre de l’ellipse de contact, sont considรฉrรฉs constants sur l’ensemble du contact. Afin de dรฉterminer les efforts tangentiels induits par ces glissements, le contact est discrรฉtisรฉ en bandes parallรจles indรฉpendantes orientรฉes parallรจlement au sens de circulation du vรฉhicule. Chaque bande est alors modรฉlisรฉe par un ensemble de trois ressorts orthogonaux dont les raideurs, appelรฉes aussi coefficients de glissement de Kalker (Cij), sont constantes en tout point de la surface de contact. Une relation linรฉaire est ainsi dรฉfinie entre les dรฉplacements et les efforts tangentiels. Cette thรฉorie, avec lโalgorithme FASTSIM, est particuliรจrement utilisรฉe dans la littรฉrature pour le contact roue – rail.
La troisiรจme thรฉorie de Kalker est ยซ la thรฉorie complรจte ยป (1979-1990). La roue et le rail ne sont plus des surfaces lisses du second degrรฉ comme dans la thรฉorie linรฉaire et la thรฉorie simplifiรฉe : le contact n’est plus Hertzien et la surface de contact rรฉsultante n’est plus elliptique. La zone potentielle de contact est alors divisรฉe en mailles รฉlรฉmentaires rectangulaires au sein desquelles les forces normales et tangentielles sont rรฉsolues par un schรฉma itรฉratif basรฉ sur une approche รฉnergรฉtique du problรจme. L’hypothรจse de dรฉcouplage du problรจme tangentiel et du problรจme normal faite pour les deux thรฉories prรฉcรฉdentes n’est donc ici plus valide.
Bien que plus reprรฉsentative de la rรฉalitรฉ du contact roue – rail que les thรฉories prรฉcรฉdentes, la thรฉorie complรจte n’est pratiquement pas utilisรฉe dans les logiciels de dynamique ferroviaire car sa mise en application, via l’algorithme CONTACT, multiplie les temps de calcul par 1000. D’autre part, le comportement du matรฉriau รฉtant รฉlastique linรฉaire, cette thรฉorie ne permet pas d’รฉtudier les phรฉnomรจnes d’usure tel que l’usure ondulatoire des voies pour les trains de marchandise. Cette thรฉorie reste alors une rรฉfรฉrence pour les autres thรฉories.
Autres approches du contact roue – railย
Il faut noter que toutes les thรฉories de contact roue – rail prรฉsentรฉes prรฉcรฉdemment ne prennent pas en compte lโeffet plastique des matรฉriaux. Pour surmonter ce problรจme, de nouvelles approches du contact roue – rail (รฉlรฉments finis, troisiรจme corps,โฆ) sont en dรฉveloppement depuis quelques annรฉes. Cependant, en considรฉrant la complexitรฉ et le temps de travail ainsi que le temps de simulation, ces approches ne seront pas abordรฉes dans notre รฉtude.
Mรฉthodes de simulation du contact roue – railย
En utilisant les thรฉories de contact prรฉsentรฉes dans la partie prรฉcรฉdente, diffรฉrents logiciels ont รฉtรฉ dรฉveloppรฉs pour simuler lโinteraction voie – vรฉhicule et le comportement du systรจme ferroviaire. Nous pouvons citer ici quelques logiciels des plus utilisรฉs dans le domaine ferroviaire : VAMPIRE, SIMPACK, VOCO, GENSYS, NEWCAR, MEDYNA, ADAMS, DYMOCAL โฆ La modรฉlisation utilisรฉe dans ces logiciels est de type ยซ corps rigides – multicorps ยป. Les solides (caisse, chรขssis, bogie, essieux, moteurs, rรฉducteurs,โฆ) sont modรฉlisรฉs par des masses ponctuelles, reliรฉes par des liaisons viscoรฉlastiques, des butรฉes avec jeu, des รฉlรฉments ร seuil, etc.
Usure du railย
ยซ Usure : dรฉtรฉrioration par un usage prolongรฉ, par le frottement, etc. ยป, le petit ROBERT.ย
Pour mieux comprendre lโusure du rail, nous commenรงons par prรฉsenter le mรฉcanisme dโusure du contact entre deux solides oรน il y a enlรจvements de matiรจre. Les termes de ยซ premiers corps ยป et ยซ troisiรจme corps ยป sont couramment employรฉs en tribologie. Ils dรฉsignent respectivement les deux solides en contact et le milieu intermรฉdiaire situรฉ entre leurs surfaces, composรฉ dโรฉventuels dรฉbris dโusure, du fluide, du lubrifiant, etc. Dans lโinterface composรฉe du troisiรจme corps et des surfaces des deux premiers corps ont lieu le contact et la dรฉgradation.
Selon la gravitรฉ de ses consรฉquences (relatives ร un contexte donnรฉ) lโusure est dite douce ou sรฉvรจre (par exemple, la coupe dโun mรฉtal est de lโusure sรฉvรจre alors que la perte dโune couche surfacique par oxydation est plutรดt de lโusure douce). Quand ร ses causes et aux processus, ils sont classรฉs en cinq types suivant les mรฉcanismes: usure adhรฉsive, usure abrasive, usure รฉrosive, usure par fatigue et usure corrosive. Dans un problรจme dโusure, il existe toujours ces diffรฉrents types. Cependant, la rรฉsolution dโun problรจme couplรฉ (prenant en compte tous les types dโusure) est complexe, et on travaille souvent avec un seul type dโusure (celui qui est le plus important pour le cas traitรฉ). Pour le problรจme dโusure du contact roue – rail, certains spรฉcialistes se sont accordรฉs sur lโorigine essentiellement abrasive des usures observรฉes des roues et des rails.
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Table des matiรจres
Introduction gรฉnรฉrale
0.1. Contexte gรฉnรฉral
0.2. Systรจme de la voie ferrรฉe
0.3. Structure du rapport
Partie 1 : Usure et fatigue du rail
Introduction
Chapitre 1: Revue bibliographique – Usure et Fatigue du rail
1.1. Introduction
1.2. Contact roue – rail
1.2.1. Caractรฉristiques du contact roue – rail
1.2.2. Thรฉories de contact
1.2.3. Mรฉthodes de simulation du contact roue – rail
1.3. Usure du rail
1.3.1. Mรฉcanisme dโusure abrasive
1.3.2. Lois dโusure
1.3.3. Mรฉthode dโessai pour dรฉterminer les paramรจtres de lโusure du rail
1.3.4. Mรฉthodes de calcul de lโusure du rail
1.4. Usure ondulatoire du rail
1.4.1. Mรฉcanismes de lโusure ondulatoire du rail
1.4.2. Diffรฉrents types de lโusure ondulatoire du rail
1.4.3. Traitement de lโusure ondulatoire du rail
1.4.4. Mรฉthodes de prรฉdiction de lโusure ondulatoire du rail
1.5. Fatigue du contact roulant (RCF) du rail
1.5.1. Phรฉnomรจne de fatigue de lโacier en gรฉnรฉral
1.5.2. Phรฉnomรจne de fatigue du contact roulant (RCF) du rail
1.5.3. Modรจles existants de prรฉdiction de RCF du rail
1.6. Conclusion
Chapitre 2 : Dรฉveloppement des outils numรฉriques โ Usure et Fatigue du rail
2.1. Rappels thรฉoriques
2.1.1. Efforts normaux du contact de Hertz
2.1.2. Efforts tangentiels
2.1.3. Calcul de lโusure abrasive
2.1.4. Modรจle linรฉaire pour รฉtudier lโusure ondulatoire
2.1.5. RCF du rail
2.2. Prรฉsentation de lโoutil numรฉrique CONUS
2.2.1. Problรจme de contact roue – rail
2.2.2. Problรจme dโusure abrasive du rail
2.2.3. Problรจme dโusure ondulatoire du rail
2.2.4. Problรจme de RCF du rail
Conclusions et perspectives
Partie 2 : Fatigue des dalles ferroviaires en bรฉton
Chapitre 3 : Revue bibliographique – Fatigue du bรฉton
3.1. Introduction
3.2. Matรฉriau bรฉton โ Prรฉsentation gรฉnรฉrale
3.2.1. Constituants du bรฉton
3.2.2. Comportements mรฉcaniques typiques du bรฉton
3.3. Matรฉriau bรฉton โ approches empiriques pour la fatigue
3.3.1. Fatigue du bรฉton : investigations expรฉrimentales
3.3.2. Modรฉlisations de la courbe de Wรถhler pour le bรฉton
3.4. Matรฉriau bรฉton โ approches thรฉoriques pour la fatigue
3.4.1. Application de la mรฉcanique de lโendommagement pour รฉtudier la fatigue du bรฉton
3.4.2. Application de la mรฉcanique de la rupture pour รฉtudier la fatigue du bรฉton
3.5. Conclusions
Chapitre 4 : Endommagement par fatigue du matรฉriau bรฉton
4.1. Introduction
4.2. Modรจles thรฉoriques
4.2.1. Thรฉorie de lโendommagement
4.2.2. Formalisme de Marigo : endommagement par fatigue
4.2.3. Modรจle dโendommagement de Mazars
4.2.4. Endommagement par fatigue
4.3. Rรฉsultats numรฉriques
4.3.1. Fatigue sous chargements de compression
4.3.2. Fatigue sous chargement de traction
4.3.3. Fatigue sous chargement biaxial de traction – traction
4.4. Etude expรฉrimentale de la fatigue du bรฉton
4.4.1. Description de la procรฉdure expรฉrimentale
4.4.2. Prรฉsentation des rรฉsultats expรฉrimentaux
4.5. Application โ Dimensionnement des dalles ferroviaires en bรฉton
4.5.1. Problรฉmatique
4.5.2. Modรฉlisation 3D de la voie ferrรฉe
4.5.3. Post-traitement en fatigue – Dimensionnement de la dalle
4.6. Conclusions
Conclusion gรฉnรฉrale