Métabolisme et écologie
Le Bt présente un éventail de capacités physiologiques qui lui permettent de vivre dans une grande variété d’habitats. Il est naturellement présent dans le sol, entomopathogène, flagellé, caractérisé par la production dUrant la sporulation d’un corps parasporal, désigné cristal. Le cycle de croissance du Bacillus thuringiensis est caractérisé par une alternance de trois phases [11]. Après inoculation, une phase d’adaptation à laquelle fait suite une phase de croissance rapide. Durant cette dernière, le Bt se multiplie de façon végétative. Les cellules se divisent de façon exponentielle par scissiparité jusqu’à appauvrissement du milieu pour l’un des nutriments essentiels, commence dès lors la phase stationnaire et s’engage alors la sporulation [11]. Ce processus intervient lorsque les conditions deviennent défavorables à la croissance (carence en nutriments, en sels minéraux et manque d’eau). Durant la phase de croissance végétative, les cellules de Bt utilisent le carbone comme source de carbone et d’énergie pour la synthèse des protéines et autres métabolites. Lors du passage à la sporulation, des changements marquants sont observés au niveau du métabolisme, de la physiologie et de la cinétique cellulaire [12].
On constate une diminution du taux de croissance cellulaire pendant la formation de spores, du fait de la réduction de l’énergie nécessaire pour opérer la fission binaire [12]. Bien que la formation de l’inclusion cristalline et celle des spores soient considérées comme deux phénomènes indépendants, il a été rapporté qu’un blocage au niveau de l’expression des plasmides suite à des conditions défavorables au début de la sporulation pouvait empêcher la formation du cristal [12]. Il a également été rapporté que Bacil/us thuringiensis est étroitement lié à deux autres importants Bacil/us formant des spores, qui sont Bacil/us cereus et Bacillus anthracis [13]. Il existerait une similitude dans le génome de ces trois bactéries. Ils devraient être considérés comme appartenant à une seule et même espèce. Ils se distinguent fonctionnellement par la plupart des gènes portés sur les plasmides [13]. Cette similitude a été démontrée par MEE (électrophorèse enzymatique multifocale), en comparant les alloenzymes de 13 loci enzymatiques de 13 souches de B. anthracis à ceux de 227 de B cereus et B thuringiensis. Il a été conclu que les plus proches parents de Bacillus anthracis sont Bacil/us thuringiensis et Bacillus cereus. 2.2 Usage industrielle de Bacillus thuringiensis pour la production d’insecticides
En 1911, le biologiste allemand Berliner isole à nouveau Bacil/us thuringiensis sur des chrysalides infectées de la teigne de farine, le Bacil/us fut baptisé du nom de la province de Thuringe. Mais c’est en France en 1938 que les premières fonnulations commerciales furent réalisées, elles étaient utilisées comme insecticide agricole [14]. Dans les années 1950, il fut prouvé que Bt tuait les larves de lépidoptères grâce à une inclusion cristalline protéique (Figure 2.1). Et c’est dans ces années, qu’il entrait en usage commercial aux États-Unis [15]. Il fallut attendre le début des années 1970 pour que la recherche amène la découverte de nouvelles souches et améliore la fonnulation du produit. Le Bt a suscité alors un intérêt croissant [16]. Aujourd’hui, plus de 50000 souches de Bt ont été répertoriées. L’activité insecticide de Bacil/us thuringiensis est due à sa capacité de produire de grandes quantités de protéines, qui se trouvent dans une inclusion parasporal pendant la phase de sporulation. Ces protéines cristallines sont également connues comme les deltaendotoxines [17]. Il existe deux types de delta-endotoxines: les Cry (cristal deltaendotoxines) et les Cyt (cytolysines) [18]. Hofte et Whiteley ont défini quatre classes de gènes Cry (Tableau 2.1) et deux classes de gènes Cyt en 1998 [7], les toxines Cry se lient à des récepteurs spécifiques tandis que les toxines Cyt n’ont pas de récepteurs spécifiques.
Les toxines Cry 1 et Cry II sont actives contre les Lépidoptères, Cry II et Cry IV contre les Diptères et Cry III contre les Coléoptères (Tableau 2.1). D’autre part, les toxines Cyt sont actives contre les Diptères et les Coléoptères [7], cependant leur activité est inférieure à celle des toxines Cry [19]. Les delta-endotoxines existent sous fonne de protoxines dans l’inclusion parasporal également nommé cristal (Figure 2.1). Lorsqu’elle est ingérée par les insectes, l’inclusion parasporal est solubilisée dans l’intestin moyen, ce qui induit la libération des delta-endotoxines. Ces protoxines sont ensuite activées par les protéases de l’intestin moyen [20]. Les toxines activées se lient spécifiquement à des récepteurs de protéines dans l’épithélium de l’intestin moyen de l’insecte [21], ils produisent ensuite des pores, ce qui provoque une perte de la fonction normale de la membrane [22]. Cette augmentation de la perméabilité de la membrane conduit à la lyse des cellules épithéliales, une paralysie de l’activité d’alimentation et fmalement la mort des insectes [22].
Découverte de l’activité anti-cancéreuse de Bacillus thuringiensis Dès les années 1970, Prasad et Shethna avaient effectué des recherches sur les effets antitumoraux des toxines de Bt [24-25]. Dans les années 1980 et 1990, de nombreuses études ont été menées sur l’effet de diverses toxines de Bt sur les cellules cancéreuses [26-27]. La plupart des travaux d’inauguration ont été lancés par Mizuk:i et al. en 1999 [28], où un criblage massif a été effectué sur un grand nombre de souches de Bt au Japon, 1 744 souches de Bt ont été étudiées pour leur activité cytotoxique contre des lymphocytes T de la leucémie humaine, ainsi que leur activité hémolytique contre des érythrocytes de mouton. Sur ces 1 744 souches, 1 684 souches étaient non hémolytiques et 42 souches démontraient une cytotoxicité in vitro contre des cellules T leucémiques. Ces souches appartiennent aux serovars dakota, neolensis, shangongiensis et coreanensis [28]. En l’an 2000, le mot « parasporine » a été d’abord utilisé par Mizuk:i et al. pour décrire une nouvelle protéine avec une activité cytotoxique [28]. Aujourd’hui, le mot « parasporine» est défIni comme Bacillus thuringiensis et les protéines parasporales connexes qui sont non-hémolytique, mais capables de tuer préférentiellement les cellules cancéreuses. Depuis la découverte de Mizuk:i, d’autres parasporines ont été isolées, ces dernières afficheraient des propriétés anticancéreuses et non-hémolytiques. Par conséquent, l’immense réservoir de toxines Bt dans la nature demeure la cible d’une recherche constante, parce qu’ils représentent de bons candidats potentiels pour le traitement du cancer. En 2006, le comité de classifIcation et de nomenclature des parasponnes [29] a été organisé pour construire un système de classillcation taxonomique [29] (Tableau 2.2). Les parasporines sont divisées en six catégories principales, à savoir parasporine 1 (PSI), parasporine 2 (PS2), parasporine 3 (PS3), parasporine 4 (PS4), parasporine 5 (PS5) et parasporine 6 (PS6).
Bacillus anthracis
Bacillus anthracis est l’agent causal de la maladie de l’anthrax avec un taux élevé de mortalité associé aux infections de l’anthrax non traitées, spécifiquement le charbon pulmonaire qui est une forme particulièrement virulente de l’ infection par le taux de mortalité avoisinant les 100 %, même avec un traitement agressif [30]. Bacillus anthracis a attiré l’attention de la communauté au cours de ces dernières années, en raison de sa classification par le NIH comme agent bioterroriste [31]. Il appartient à la famille des Bacillaceae, c’est une bactérie gram positif, aérobie [32], qui sporule en réponse à un stress environnemental [33]. Cette virulence est en grande partie due à deux toxines [34] composées de trois protéines distinctes : l’antigène protecteur (PA), facteur oedématogène (EF) et le facteur létal (LF). Ces deux toxines agissent en synergie avec la capsule directement sur la virulence de la bactérie [35, 36]. La fièvre charbonneuse est une anthropozoonose, affectant les herbivores de pâturage qui rencontrent des spores dans le sol. Les humains contractent la maladie par contact du bétail infecté, principalement par des spores piégées dans le pelage ou la consommation de viande contaminée de l’animal [37]. Les manifestations cliniques de l’anthrax varient selon le mode d’infection. Il existe trois principaux modes d’infection: cutanées [38, 39] qui ont habituellement une évolution bénigne, cependant des formes graves avec oedème malin [40, 41] peuvent subvenir.
La forme gastro-intestinale avec ulcération et oedème sévère du tractus gastrointestinal [38, 39]. Et la forme pulmonaire par inhalation, qui est la plus grave avec un taux de mortalité de près de 90 % [42, 43]. Bacillus anthracis peut être observé dans le sang par la coloration de Gram et lors d’une hémoculture ordinaire, mais souvent dans les derniers stades de la maladie. Seuls les bacilles végétatifs encapsulés sont présents pendant l’infection [44]. Les spores ne peuvent être observées dans le sang, en partie parce que les niveaux de C02 dans le corps préviennent la sporulation. Actuellement, la pénicilline [45], la doxycycline et la ciprofloxacine [46] ont été approuvées par la FDA pour le traitement du charbon pulmonaire [45]. La résistance à la sulfaméthoxazole/triméthoprime (Bactrim), le céfuroxime, la céfotaxime sodique, l’aztréonam et ceftazidime a été démontrée [47]. Des études récentes ont montré que la daptomycine [48], dalbavancine [49] et faropenem [50] sont efficace dans des modèles de souris, ouvrant la voie à une nouvelle évaluation clinique. Le schéma de traitement recommandé pour les cas de charbon pulmonaire comprend plusieurs antibiotiques dont au moins un des trois antibiotiques approuvés, avec une prise pendant 60 jours. Récemment, il a été démontré que la vaccination post-exposition peut raccourcir la durée du traitement d’ antibiotiques [51]. La prévention du charbon chez l’homme et chez l’animal repose sur des mesures de lutte contre la maladie appliquées au bétail dans les régions d’ endémie, notamment l’élimination sans risque des carcasses d’animaux charbonneux (par incinération ou enfouissement) et la vaccination des troupeaux à risque. Les conditions qui prévalent dans beaucoup de pays d’endémie font que ces mesures de lutte apparemment simples sont difficiles à mettre en oeuvre [52].
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RESUME
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
CHAPITRE II REVuE DE LITTERATURE
2.1 Description générale du Bacil/us thuringiensis
2.1.1 Historique
2.1.2 Taxonomie et organisation cellulaire de Bacil/us thuringiensis
2.1.3 Métabolisme et écologie
2.2 Usage industrielle de Bacillus thuringiensis pour la production d’insecticides
2.3 Découverte de l’activité anti-cancéreuse de Bacillus thuringiensis
2.4 Espèces du genre Bacillus à implication médicale
2.4.1 Bacil/us anthracis
2.4.2 Bacillus produisant des antibiotiques
2.4.3 Bacillus polyfermenticus
2.4.4 Bacil/us cereus
2.5 Les parasporines anti-cancéreuse de Bacil/us thuringiensis
2.5.1 Mode d’action des parasporines
2.5.1.1 Parasporine 1 (PSI)
2.5.1.2 Parasporine 2 (PS2)
2.5.1.3 Parasporine 3, 4, 5 et 6 (PS 3,4,5,6)
2.5.2 Activation des parasporines
2.6 Milieux pharmaceutiques utilisés pour la production des vaccins
CHAPITRE llI PROBLÉMATIQUE, HYPOTHÈSES ET OBJECTIFS DU PROJET DE RECIIER ellE
3.1 Problématique, hypothèses du projet de recherche
3.2 Objectifs du projet de recherche
CHAPITRE IV MATERIEL ET METHODES
4.1 Souche bactérienne
4.2 Milieux de culture
4.2.1 Milieu de culture synthétique (milieu témoin)
4.2.2 Milieux de culture liquide de grade pharmaceutique
4.2.3 Milieu de culture solide
4.3 Inoculum et conditions de culture
4.4 Analyse des échantillons
4.5 Séparation des protéines de l’inclusion cristalline par électrophorèse en gel de polyacrylarnide en présence de laurysulfate de sodium (SDS-PAGE)
4.6 Culture cellulaire et test de cytotoxicité sur la lignée cellulaire HepG2 (cancer du foie)
CHAPITRE V RESULTATS ET DISCUSSION
5.1 Analyse des échantillons: décompte des cellules, des spores et détermination de la concentration totale des protéines
5.1.1 Milieu synthétique TSB (milieu témoin)
5.1.2 Milieu de production du vaccin sporulé contre l’anthrax
5.1.2.1 Milieu liquide aux peptones de caséine
5.1.2.2 Milieu gélosé aux peptones de caséine
5.1.3 Milieu de production du vaccin adsorbé contre l’anthrax: milieu
Puziss Right 1095
5.1.4 Milieu de croissance Sauton (milieu de production du vaccin BCG
5.2 Résultats de l’électrophorèse sur gel de polyacrylarnide en présence de
laurysulfate de sodium (SDS-PAGE)
5.3 Activité cytocide de la PS2Aa1 de Bacillus thuringiensis 4R2 sur la lignée
cellulaire HepG2 (cancer du foie
CHAPITRE VI CONCLUSION
REFERENCES
BIBLIOGRAPIDQUES
ANNEXE A
DÉCOMPTE DES CELLULES ET SPORES POUR LES DIFFÉRENTS
MILIEUX DE CULTURE EMPLOYES
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