Déterminants généraux du paludisme
Les déterminants du paludisme sont l’ensemble des facteurs qui interviennent dans la transmission de parasite et dans le développement de ses manifestations cliniques (Mouchet et al., 2004). Il est quasiment impossible d’isoler chaque déterminent et leur prise en compte globale est indispensable pour envisager l’ensemble des événements dans l’expression du paludisme. Les facteurs couvrent principalement les secteurs suivants (Mouchet et al., 2004) :
· facteurs biologiques intrinsèques liés au parasite et à son cycle.
· Facteurs de transmission liés au comportement du parasite chez son vecteur.
· Facteurs biogéographiques liés à la répartition des vecteurs et éventuellement à des parasites.
· Facteurs climatiques : variation de la précipitation et de la température. En effet, la précipitation permet de créer les sites de reproduction des moustiques. Mais la quantité et la fréquence des précipitations doivent être considérées. Les changements dynamiques de l’hydrologie des fleuves ou des rivières peuvent créer des gîtes de larves dans une certaine mesure, ou les détruire par le lessivage. La température influence également le développement du moustique et sa durée de la vie. Le cycle aquatique dans le cycle du développement du moustique (Figure I-2) dure moins de huit jours en pays tropical (plus chaud) mais peut durer un mois en pays tempéré (moins chaud).
· Facteurs humains : démographiques, occupationnels / migratoires.
· Facteurs opérationnels : développement de la lutte antipaludique.
· Facteurs environnementaux : déforestation, canalisation des eaux de surface (barrage, bassins d’arrosage, citernes etc.), urbanisation, pratiques culturales et élevage, orpaillage, etc.
Stratégies de lutte
Actuellement, il n’existe aucun vaccin homologué contre le paludisme ou autre parasite de l’homme. La stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme pour les années 2016-2030, adoptée par l’Assemblée mondiale de la Santé en mai 2015, constitue un cadre technique pour tous les pays endémique. Elle oriente et soutient les programmes régionaux et nationaux qui s’efforcent de combattre et d’éliminer le paludisme. Cette stratégie fixe des buts ambitieux mais réalistes à l’échelle mondiale : 1) réduire de 90% l’incidence du paludisme au plan mondial par rapport d’ici à 2030 ; 2) réduire de 90% les taux de mortalité palustre au plan mondial d’ici à 2030 ; 3) éliminer le paludisme dans au moins 35 pays d’ici à 2030 ; et 4) empêcher la réapparition du paludisme dans tous les pays exempts. D’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la lutte anti-vectorielle est le principal moyen de réduire la transmission du paludisme. La pulvérisation intradomiciliaire (PID) et les moustiquaires imprégnées d’insecticide (MII) sont deux formes de lutte antivectorielle les plus efficaces pour protéger l’homme contre les piqûres de vecteurs du paludisme. Dans certains cas, ces deux mesures peuvent être combinées pour protéger les personnes exposées au paludisme. La PID est un moyen à réduire rapidement la transmission du paludisme en réduisant le temps de survie des moustiques qui pénètrent à l’intérieur des habitations. Pour obtenir un résultat optimal, il faut pulvériser au moins 80% des habitations dans les zones ciblées, sur les surfaces intérieures des murs où les moustiques se posent après leur repas sanguin. La MII, barrière physique réduit les contacts entre l’homme et les moustiques. Cependant, ces mesures ne sont pas suffisantes pour interrompre la transmission du paludisme. La résistance des moustiques aux insecticides est un problème récurrent.
Diagnostic et traitement
Accès palustre : il se définit par une fièvre ou une histoire de fièvre dans les 48 heures précédant la consultation associée à la présence du parasite dans le sang. Il existe plusieurs techniques (directs / indirects) de diagnostics. La microscopie classique est une méthode directe qui permet d’établir un diagnostic d’espèce en ne nécessitant qu’un microscope optique et des colorants d’un coût modéré. La goutte épaisse (GE) a une grande sensibilité car elle permet la détection des très faibles charges parasitaires, tandis que le frottis mince (FM) est lui très spécifique car il permet de préciser l’espèce. Les techniques indirectes peuvent être classées en plusieurs catégories : sérologie, microscopie de fluorescence, recherche d’antigènes (bandelettes) et biologie moléculaire (PCR). Le traitement antipaludéen sera adressé au patient en fonction de plusieurs facteurs : accès grave / simple, espèces du Plasmodium, âge, sexe et zone concernée du patient, femme enceinte / allaitante.
Conséquence économique
Le paludisme contribue à renforcer la pauvreté dans les pays concernés. L’écart se creuse sans cesse entre la richesse des pays avec ou sans le paludisme, particulièrement en Afrique. Le déficit annuel de croissance imputable au paludisme est estimé à 1,3% dans certains pays d’Afrique. On estime que chaque année, le paludisme coûte plus de 12 milliards de US$ en perte du produit intérieur brut. Le tribut payé par les pays touchés par le paludisme est économiquement et socialement extrêmement lourd. Les dépenses directes imputables au paludisme peuvent représenter jusqu’à 40% des dépenses de santé publique, 30-50% des admissions hospitalières et jusqu’à 50% des consultations externes.
Transmission du Paludisme en Amazonie
En Guyane, environ deux tiers des paludismes déclarés à la surveillance épidémiologiques sont dus à Plasmodium vivax et un tiers à Plasmodium falciparum. La transmission du paludisme est essentiellement assurée par le moustique Anophèles darlingi. Cette espèce présente une large distribution sur le territoire. Une carte de la qualité d’habitat d’An. darlingi en Guyane française prédite à partir des données de captures entre 2000 et 2013 présente la qualité d’habitat élevée pour une grande partie du département (Figure I-4) (Moua et al., 2016). L’équipe de l’Unité d’Entomologie Médicale (UEM) de l’Institut Pasteur de Guyane (IPG) a trouvé récemment trois autres espèces infectées par P. falciparum : An. Nuneztovari, An. Intermedius et An. Oswaldoi. Des femelles porteuses de P. falciparum ont été collectées dans les régions de Saint Georges de l’Oyapock et de Cacao (ARS / Plan de lutte contre le Paludisme 2015-2018). Dans l’Est du territoire la transmissio est saisonnière avec un pic qui débute en milieu de la grande saison sèche, alors que dans l’Ouest ce pic apparait en fin de grande saison des pluies. En forêt, sur les sites d’orpaillages elle s’effectue tout au long de l’année. Au Brésil, 99 % des cas diagnostiqués sont localisés dans les neuf Etats de la « région amazonienne légale : Acre, Amapa, Amazonas, Maranhão (partie occidentale), Mato Grosso (partie septentrionale), Para, Rondônia, Roraima, et Tocantins. L’intensité de la transmission varie d’une municipalité à l’autre, mais elle est plus élevée dans les zones de production minière, d’exploitation forestière et de colonisation rurale créées depuis moins de cinq ans, Les parasites responsables du paludisme au Brésil sont Plasmodium falciparum (13%) et P. vivax (87%), ce dernier étant l’espèce dominante depuis 2008. Le vecteur principal est An. darlingi, mais d’autres espèces sont aussi impliquées dans la transmission (Manguin 2008).
Liens entre occupation du sol amazonienne et paludisme
Stéfani et al. (2013) ont réalisé une revue systématique de la littérature sur les liens entre la transmission du paludisme et les différents types d’occupation d’usage du sol en Amazonie. La plupart des 17 études sur lesquelles porte cette revue ont été réalisées à l’échelle locale7 et se sont appuyées sur des images satellites optiques avec une résolution spatiale de 30 m (Landsat 5 et 7) et 10 m (SPOT 5). Les différents types d’occupation du sol ayant un lien plus ou moins dans le cadre de la transmission du paludisme vont être maintenant décrits.
· Forêts primaire / secondaire : La forêt procure les sites de repos privilégiés pour les anophèles adultes après un repas de sang (Tadei et al., 1998). Elle contribue ainsi à constituer un habitat favorable aux vecteurs du paludisme, et à favoriser la transmission du paludisme (Rosa-Freitas et al., 2007; Zeilhofer et al., 2007). Deux études lient le caractère protecteur de la forêt avec les caractéristiques spécifiques des zones étudiées. La forêt secondaire9 présente également une relation positive avec la transmission du paludisme (Vittor et al., 2006; Vittor et al., 2009).
· Orpaillage : L’orpaillage correspond la recherche et l’exploitation artisanales légalement ou illégalement d’alluvions aurifères. Cette activité est corrélée positivement avec la transmission du paludisme (Barbieri et al., 2005; Pommier de Santi et al., 2016).
Forêt : la forêt tropicale située dans la zone amazonienne qui n’a jamais influencée par l’homme qui comporte cinq classes : Terrasse alluviale, terre basse (5 à 100 m), submontagne (100 à 600 m), montage (600 à 2 000 m) et haute montage (> 2 000 m).
Forêt secondaire : la forêt repoussée de manière anthropique ou spontanée naturelle après la déforestation (environ 5-15 ans) avec une hauteur de 5-15 mètres. entraine un changement du paysage qui favorise la reproduction et le repos des moustiques et qui se traduit par une déforestation localisée et la création de bassins de rétention d’eau. Le fort degré d’interactions des orpailleurs avec les vecteurs du paludisme rend les orpailleurs très vulnérables. De plus, ces populations mobiles et souvent clandestines sont considérées également comme des hôtes importants du parasite.
· Savane / savane roche : La savane et la savane roche 10 présentent une grande diversité de types de végétation et de densités : herbacée (non-ligneuse) et ligneuse dense (Stefani et al., 2013). Elles affectent positivement la transmission du paludisme. Ce type d’occupation du sol peut favoriser l’abondance des vecteurs aux stades adultes et / ou larvaires. Les zones de savane régulièrement inondées en saison des pluies, favorisent la création des gîtes larvaires (Vezenegho et al., 2015).
· Zones agricoles : Les zones agricoles amazoniennes peuvent présenter des paysages différents : agriculture typique sur brûlis, fermes d’élevage, agriculture industrielle à grande échelle, etc. Elles présentent des relations différentes avec la transmission du paludisme suivant les études (Stefani et al., 2013). Une relation positive a été constatée entre le risque de transmission du paludisme et l’agriculture sur brûlis (Vittor et al., 2006; Vittor et al., 2009) par rapport à l’agriculture ou l’élevage à grande échelle (Zeilhofer et al., 2007).
· Sol nu : Les sols nus ne sont généralement pas favorables au développement des vecteurs (Vasconcelos et al., 2006; Castro and Singer 2012) et par conséquent à la transmission du paludisme. Néanmoins, dans certaines zones d’étude, il peut être également considéré comme un proxy de l’existence et de l’intensité des activités humaines en interaction plus ou moins importante avec la végétation environnante, propice à la présence des vecteurs : forêt, forêt secondaire, végétation basse, zones agricoles, etc. (Vittor et al., 2006; Vittor et al., 2009).
· Urbain : Les zones urbaines influent de plusieurs façons sur la transmission du paludisme. L’urbanisation peut réduire le nombre des habitats des moustiques en remplaçant la végétation par l’asphalte et le béton (Johnson et al., 2008). En revanche, une association positive entre les zones urbaines et le risque de paludisme a été confirmée parce que elles peuvent être considérées comme un proxy des activités humaines dans certaines zones d’étude spécifiques (Vittor et al., 2006; Vittor et al., 2009). En effet, la végétation (arbre / jardin) présente dans de nombreux milieux urbains fournit des sites de repos pour les vecteurs adultes. Les zones en eaux d’origine anthropiques, telles que les zones agricoles urbaines et les étangs à pisciculture fournissent des habitats aquatiques potentiels (Robert et al., 2003; Takken et al., 2005; Maheu-Giroux et al., 2010). De plus, le type, le nombre et la localisation de bâtiments influent également significativement sur la transmission du paludisme (Leandro-Reguillo et al., 2015).
· Déforestation : La déforestation correspond au phénomène de régression des surfaces couvertes par la forêt sur une courte période de temps, pour l’obtention des terres agricoles, l’exploitation des ressources minières du sous-sol, l’urbanisation, etc. La relation entre la déforestation et le risque de transmission du paludisme est un problème diachronique : les zones déboisées présentent un risque élevé de transmission du paludisme après la déforestation, puis ce risque décroît avec l’éventuelle urbanisation (Barbieri et al., 2005; de Castro et al., 2006). En considérant l’impact des différents types de l’occupation du sol sur la transmission du paludisme en Amazonie, un modèle de connaissance générique, faisant consensus parmi les différents travaux étudiés par Stefani et al. (2013), a été proposé afin de formaliser les liens entre le processus de déforestation la transmission du paludisme. D’un point de vue écologique, il spécifie que (Figure I-6) (Tadei et al., 1998; Stefani et al., 2013) :
-Les zones déboisées créent des conditions favorables pour la reproduction et l’alimentation des moustiques parce qu’elles s’accompagnent de la présence et d’activités humaines ;
-La forêt et la forêt secondaire correspondent à des sites de repos pour les moustiques adultes, qui retournent à la forêt et à la forêt secondaire après leur repas de sang. D’après ce modèle, plus le degré d’interaction entre les zones forestières (forêt et forêt secondaire) et les patchs déboisées (milieux non-forestiers) est élevé, plus le paysage est favorable à la rencontre entre l’homme et les moustiques adultes, et plus le risque de transmission du paludisme est élevé. En effet, ce paysage tend à maximiser à la fois la disponibilité des sites de reproduction et de repos des moustiques et l’interaction entre milieux forestiers et non-forestiers, en diminuant la distance entre les sites de repos et l’homme. Ce modèle décrit donc les mécanismes expliquant la contribution de la surface et de la structure spatiale des zones déforestées au risque de transmission du paludisme en Amazonie.
· Zones en eau libre et humides : Les zones en eau libre et humides forment des sites potentiels de reproduction des vecteurs (Singer and De Castro 2001; Zeilhofer et al., 2007; Olson et al., 2009; Vittor et al., 2009). Elles incluent une grande variété de milieux : eaux profondes ou non, ombragée ou non, stagnantes ou soumises à des courants plus ou moins fortes, riches ou non en matières organiques, d’origine anthropique ou naturelle, bassin de pisciculture, etc. De plus, les zones humides sont associées à des contextes géomorphologiques et environnementaux variés : hauts plateaux latéritiques qui peuvent présenter des nappes affleurantes ou sub-affleurantes, en particulier en début de saison des pluies ; zones temporairement inondées en bord de fleuve et de ses affluents. Enfin, les propriétés physiques et chimiques des eaux influencent la reproduction des moustiques (Barros et al., 2011; Girod et al., 2011; Stefani et al., 2011b).
· Synthèse des relations entre occupation du sol et transmission du paludisme
Eléments participant à la construction du risque de paludisme
De manière très générale, le risque est considéré comme une mesure (une probabilité) de la situation dangereuse qui résulte de la confrontation de l’aléa et de la vulnérabilité. L’équation du risque est : risque = aléa * vulnérabilité. La prévention vise l’annulation ou la réduction d’un / deux éléments participant à la construction du risque. Dans le cas du paludisme, nous pouvons diviser le risque du paludisme en deux types en fonction de l’aléa :
· le risque d’exposition au vecteur (risque d’anophèlien) construit dans la rencontre d’un aléa associé avec le danger de l’abondance des vecteurs et d’une vulnérabilité correspondant à l’exposition aux piqûres des vecteurs du paludisme ;
· le risque lié au Plasmodium construit par rapport à la rencontre d’un aléa lié aux propriétés du Plasmodium et d’une vulnérabilité correspondant à l’incidence du paludisme.
Le calcul de ces risques s’appuie sur les :
· données entomologiques : présence / persistance des gîtes larvaires d’anophèle, densité larvaire, agressivité sur homme (Human Biting Rate ou HBR), prévalence des moustiques infectés par le Plasmodium, taux d’inoculation entomologiques (Entomological Inoculation Rate ou EIR) ;
· données épidémiologiques dans la population humaine : prévalence, incidence, morbidité, mortalité. Leur localisation est l’un des points critiques du recueil des données. Il est généralement difficile de connaître précisément le lieu d’exposition du fait de la mobilité des individus. Cette difficulté est plus marquée pour les études à l’échelle fine. Ainsi, il est souvent nécessaire de poser l’hypothèse que les individus les plus exposés vivent à proximité d’un environnement à risque. Ces données peuvent être géoréférencées et spatialisées pour pouvoir être comparées aux données de la télédétection. Elles sont utilisées pour valider des indicateurs du risque de transmission du paludisme. L’intérêt porté à la télédétection pour l’étude des problématiques de santé et des maladies vectorielles en particulier n’est pas récent. Les possibilités d’application sont multiples comme en atteste un grand nombre d’articles descriptifs (Cline 1970; Jovanovic 1987; Hughjones 1989; Barnes 1991; Connor et al., 1998; Beck et al., 2000; Stefani et al., 2011a; Stefani et al., 2011b; Roux et al., 2012). L’application de la télédétection en épidémiologie pose comme hypothèse que : la distribution d’une maladie est liée à son environnement qui peut être caractérisé par cet outil (Curran et al., 2000; Emmanuel et al.,2011). Les données de télédétection permettent d’étudier les éléments biotiques et abiotiques à la surface de la terre. Parmi ces éléments, certains peuvent avoir des rapports directs et/ou indirects pour le suivi des maladies vectorielles (agents pathogènes, vecteurs, réservoirs, et hôtes). La télédétection est souvent appliquée à l’étude des maladies parasitaires (59% des études) dont le paludisme (16%) (Herbreteau et al., 2007). Hebreteau et al. (2007) ont établit également un bilan qui montre une utilisation de la donnée satellite plus contrastée, avec une sous-exploitation des données disponibles, et parfois, l’inadéquation entre les données utilisées et les problématiques sanitaires abordées. En effet, les auteurs démontrent que l’imagerie haute résolution n’est utilisée que dans 10% des études et que l’imagerie hyperspectrale est pratiquement absente. De plus, la télédétection est souvent utilisée afin de régionaliser des résultats obtenus localement, mais le passage à plus grande échelle est souvent realisable (Wu and Li 2009). Alors que les problématiques sanitaires devraient être abordées par une approche multi-scalaire, les études considérées dans cette revue n’adoptent pas une telle démarche. Enfin, les auteurs concluent par la nécessité d’une plus grande interdisciplinarité. Depuis le milieu des années 2000, de nouvelles approches et de nouveaux concepts ont cependant contribué à mieux exploiter la télédétection pour répondre aux problématiques de santé et des maladies vectorielles en particulier. L’approche éco-épidémiologique, intégrant les concepts, méthodes et outils de l’écologie et de l’épidémiologie, a également permis de faire émerger des approches nouvelles, notamment au travers des concepts et des méthodes développées dans le cadre de l’écologie du paysage, exploitant une caractérisation de l’environnement des points de vue compositionnel et structurel. Ostfeld et al. (2005) précise ainsi que la caractérisation de l’environnement immédiat d’un cas de maladie, d’une donnée entomologique ou de toute autre observation ne suffit pas. Il convient de caractériser le « contexte paysager » dans lequel ces observations s’insèrent. Ce contexte est décrit, par exemple, par les types, les tailles, les positions relatives des différents éléments du paysage (Ostfeld et al., 2005). Toutefois, les études pour une meilleure caractérisation des paysages (anthropiques ou naturels) par télédétection restent rares. En effet, en compilant 438 articles de recherche publiés entre 2004 et 2008 dans la revue Landscape Ecology, Newton et al. (2009) soulignent que seulement 36% des études mentionnent explicitement la télédétection. Parmi ces études, 5% seulement sont menées à différentes échelles, 3% utilisent la télédétection pour développer de nouvelles approches d’analyse de paysage ou améliorer des classifications, 2% exploitent des données multi-sources et 0,5 % seulement des données de très haute résolution et radar. Plus récemment, Aurélia Stéfani et al. ont retenu en 2013, 17 articles sur les 40 recensés pour réaliser un état de l’art des études utilisant la télédétection pour les impacts en santé (paludisme) pour le bassin amazonien (cf. 1.2.2).
Fusion de données optiques / radar
La multiplication des capteurs, aussi bien radar qu’optique, de données externes comme les données de système modial de positionnement (Global Position System ou GPS), ou contenues dans un système d’information géographique (SIG), appelle au développement de méthodes permettant d’exploiter conjointement les différentes sources. La fusion d’images correspond à la combinaison d’images issues de différentes sources. Elle a pour but de fournir une nouvelle image plus riche en information. En général, la fusion des images peut être réalisée au niveau du pixel, au niveau desattributs et au niveau de décisions où l’extraction de l’information est effectuée de haut en bas dans les trois schémas de fusion, qui se différencient par le niveau auquel intervient la fusion (Figure II-1) (Pohl and Van Genderen 1998). La fusion au niveau du pixel est la fusion de niveau le plus bas qui se réfère à la fusion des paramètres physiques. La fusion au niveau des attributs exige l’extraction des caractéristiques des images sources. Les caractéristiques ne sont pas localisées au niveau du pixel, mais mettent en jeu les critères complexes des objets tels que les contours, ou la forme qui définissent des régions. Ces objets similaires sont ensuite fusionnés pour être évaluer en utilisant des approches statistiques. Pour ce dernier niveau de la fusion il est nécessaire que les images soient traitées individuellement pour l’extraction des informations. Les informations obtenues sont ensuite combinées par application des règles de décision. L’avantage de la fusion de pixels sur les deux autres types de fusion est d’éviter toute perte d’information liée à l’extraction d’attributs. Cependant fusionner au niveau du pixel nécessite un recalage géométrique précis entre les images. La comparaison de pixels hétérogènes (par exemple optique et radar) peut également se révéler difficile et le temps de calcul important. Le recalage géométrique est moins critique pour la fusion d’attributs, qui peut faire appel à des critères géométriques ou de relations entre les attributs. Le recalage n’est pas nécessaire à la fusion de décision, qui permet de traiter des images non corrélées dans l’espace. Cependant, la fusion de décisions n’est pas optimale dans le sens où elle optimise chaque traitement mono-image individuellement, mais ne recherche pas la solution globalement optimale. Quelle que soit la technique de fusion utilisée, la diversité des capteurs, des réponses spectrales et des objets à caractériser, que ce soit en optique ou en radar, offre un éventail de possibilité très intéressant dans l’optique de caractériser l’occupation du sol via des chaines de traitements, surtout si les informations issues des capteurs optique et radar sont utilisées conjointement. Ainsi, dans le cadre des travaux qui pourront être menés dans cette thèse, les travaux de (Bourgeau-Chavez et al., 2009), ont montré que la fusion des données optiques et radars offre la possibilité de réaliser une carte d’occupation sol précise en zones en eau libre et humides, les propriétés des capteurs optique et radar étant complémentaires pour ce type d’objets. Ces méthodes sont également particulièrement efficaces en domaine urbain (Corbane et al., 2011).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
I. Paludisme
1.1. Généralités sur le paludisme
1.1.1. Définition et répartition géographique
1.1.2. Vecteurs
1.1.3. Déterminants généraux du paludisme
1.1.4. Stratégies de lutte
1.1.5. Diagnostic et traitement
1.1.6. Conséquence économique
1.1.7. Contexte transfrontalière et paludisme
1.2. Transmission du Paludisme en Amazonie
1.2.1. Anophèles darlingi, vecteur principal
1.2.2. Liens entre occupation du sol amazonienne et paludisme
II. Potentiel de la télédétection pour l’étude du paludisme
2.1. Eléments participant à la construction du risque de paludisme
2.2. Apport de la télédétection pour l’étude du paludisme
2.2.1. Apports des données optiques
2.2.2. Complémentarité des données radars avec les données optiques
2.2.3. Fusion de données optiques / radar
2.3. Caractérisation du paysage pour l’étude du paludisme
2.3.1. Qu’est-ce que le paysage et les métriques paysagères ?
2.3.2. Apports de métriques paysagères pour l’étude paludisme
2.4. Méthodologie de cartographie du risque du paludisme
2.4.1. Cartographie des risques fondée sur les données
2.4.2. Cartographie des risques fondée sur la connaissance
III. Cas particulier de la zone transfrontalière franco-brésilienne
3.1. Présentation de la zone d’étude
3.2. Echelles adaptées à la caractérisation de l’environnement
3.2.1. Echelles spatiales
3.2.2. Echelles temporelles
3.3. Présentation des données disponibles
3.3.1. Données mise à disposition
3.3.2. Données collectées
3.4. Synthèse des images disponibles, d’échelles d’étude et des objectifs
IV. Occupation du sol et vecteurs adultes ·
4.1. Introduction
4.2. Caractéristiques générales de l’indicateur d’aléa
4.3. Classification forêt / non-forêt
4.4. Caractérisation du paysage forêt / non-forêt
4.5. Construction de l’indicateur d’aléa
4.6. Validation
4.6.1. Evaluation qualitative
4.6.2. Evaluation quantitative
4.7. Résultats
4.7.1. Etude comparative du contenue informationnel des métriques
4.7.2. Comportements empiriques des métriques et des indicateurs candidats
4.7.3. Relations entre indicateurs candidats et taux d’incidence
4.7.4. Choix définitif du NLHI
4.8. Discussion
4.9. Conclusion
V. Identification des gîtes larvaires potentiels
5.1. Introduction
5.2. Occupation du sol
5.2.1. Exploitation de données optique à haute résolution
5.2.2. Apports des données radars en complément des données optiques
5.2.3. Typologie des zones humides à partir du radar en band L
5.2.4. Exploitation de données radar à haute résolution
5.2.5. Contribution de la fusion optique / radar
5.3. Topographie, typologie des sols et distribution des gîtes larvaires potentiels
5.3.1. Modèle conceptuel de l’évolution des sols
5.3.2. Cartographie de bassins versants et de la typologie des sols
5.3.3. Combinaison RADAR / MNT
5.4. Résultats
5.4.1. Occupation du sol optique
5.4.2. Zones en eau libre et humides
5.4.3. Typologie des formes de modelé des sols
5.5. Discussion
5.5.1. Identification des gîtes larvaires potentiels
5.5.2. Topographie, typologie des sols et gîtes larvaires potentiels
5.6. Conclusion
VI. Du local au régional : vers la spatialisation du NLHI à l’échelle de l’Amazonie
6.1. Introduction
6.2. Impact de la résolution spatiale sur l’indicateur NLHI
6.2.1. Simulation du NLHI à 30 m
6.2.2. Etude comparative
6.3. Mise en œuvre de NLHI à l’échelle régionale
6.4. Résultats
6.4.1. Etude comparative entre NLHIsim et NLHIval
6.4.2. Relation entre NLHI simulé et taux d’incidence actuels
6.5. Discussion
6.6. Conclusion
Discussion générale et perspectives
CONCLUSION GENERALE
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