L’รฉtat de l’universitรฉ au lendemain de la Seconde Guerre mondiale
En France
Aprรจs la Seconde Guerre mondiale, les universitรฉs franรงaises restaient encore organisรฉes sur le plan de celles construites au XIXรจme siรจcle, voire sur celles de structures bien plus anciennes, remontant parfois jusqu’au XIIIรจme siรจcle pour Paris. Ces universitรฉs รฉtaient caractรฉrisรฉes par un hรฉritage dit ยซ latin ยป8, opposรฉ au modรจle anglo-saxon, qui voyait les locaux des universitรฉs intรฉgrรฉs au tissus urbain des villes, bien souvent en centre-ville ou en proche pรฉriphรฉrie. Toutefois, des problรจmes commenรงaient dรฉjร ร surgir, liรฉs notamment ร la dรฉmographie รฉtudiante. En effet, si les locaux du XIXรจme siรจcle avaient รฉtรฉ surdimensionnรฉs dรจs le dรฉpart et restaient confortables avant la guerre, ils vont trรจs vite devenir insuffisants au sortir du conflit pour deux raisons qui seront dรฉtaillรฉes ci-aprรจs.
Avant toute chose, ces bรขtiments rรฉsultent d’un hรฉritage administratif que nous allons relater ici. Structurellement, les universitรฉs d’avant 1950 ne sont pas les institutions et entitรฉs organisรฉes telles que nous les connaissons ร lโheure actuelle. On parle alors de facultรฉs, Nรฉes de la volontรฉ de Napolรฉon, qui ne sont pas nรฉcessairement regroupรฉes au sein d’une universitรฉ (aussi bien lโinstitution que le bรขtiment), mais sont bien souvent placรฉes sous la tutelle d’un doyen et du recteur d’acadรฉmie. Ce systรจme puise son origine au Siรจcle des Lumiรจres, oรน les humanistes et les officiels dรฉsavouent les universitรฉs, respectivement parce quโelles sont prisonniรจres d’enseignements eux-mรชmes reliquats des universitรฉs mรฉdiรฉvales et parce qu’elles peuvent รชtre des foyers d’idรฉaux antimonarchistes. C’est pourquoi, jusqu’ร la Rรฉvolution franรงaise, les universitรฉs nationales vont stagner et prodiguer des enseignements dรฉpassรฉs. Elles seront totalement supprimรฉes par la Convention du 15 septembre 1793. Seules persisteront quelques รฉcoles parisiennes (Collรจge de France, lโรcole Nationale des Mines, lโรcole Polytechnique etc.), et quelques facultรฉs de mรฉdecines ressuscitรฉes, notamment ร Montpellier. Les universitรฉs survivront alors sous forme d’รฉcoles municipales ou dรฉpartementales, toujours dรฉnommรฉes facultรฉs, mais avec une frรฉquentation nettement moindre que par le passรฉ. Plus รฉlitistes, elles se mettront ร accueillir de jeunes bourgeois et ยซ oisifs ยปvenus parfaire une culture ยซ mondaine ยป. La recherche est alors quasiment inexistante jusqu’en 1860, รฉpoque oรน Napolรฉon III essaiera de les rรฉformer en autorisant ร nouveau le regroupement des facultรฉs au sein de vรฉritables structures universitaires, avec une ยซ diversification, une expansion et une professionnalisation ยป de l’enseignement supรฉrieur. Cette rรฉforme est motivรฉe par la concurrence avec l’Allemagne, alors en avance dans bien des domaines sur le plan universitaire. Cela se traduit par des budgets accrus (d’un peu plus de 7 000 000 de francs en 1875 on passe ร 23 200 000 en 1913). Une politique de modernisation, via la construction de nouveaux locaux plus modernes dans beaucoup de villes de province (par les municipalitรฉs) et ร Paris avec la nouvelle Sorbonne (1901), oeuvre de lโarchitecte Nรฉnot. La formation des cadres pour l’administration explique รฉgalement ces investissements massifs. En effet, la politique menรฉe sous la seconde Rรฉpublique, puis l’Empire a besoin de cadres compรฉtents, en nombre suffisant pour couvrir le territoire. Cette politique mรจne ร une absence de diversitรฉ sociale, en effet cโest majoritairement des enfants issus de la bourgeoisie marchande qui accรจdent ร lโuniversitรฉ, vois des enfants dโanciennes familles nobles. ร Toulouse, pour reprendre l’exemple de Jacques Verger, seuls 3 % des รฉtudiants en droit sont issus de familles d’ouvriers.
Quant aux locaux des anciennes universitรฉs et รฉcoles, ces diffรฉrentes institutions รฉtaient logรฉes dans des bรขtiments situรฉs en centre-ville, mais souvent vรฉtustes, rรฉcupรฉrรฉs sur les biens du clergรฉ pour la rรฉvolution franรงaise. D’autres institutions, comme la Sorbonne, se verront dotรฉes de nouveaux locaux datant de la fin du XIXรจme, dรฉbut XXรฉme siรจcle. C’est รฉgalement le cas dans de nombreuses villes de province, profitant du despotisme รฉclairรฉ de l’รtat. Mais, comme nous le signalions plus haut, ces locaux sont alors trop spacieux pour lโusage qui devait en รชtre fait. Le prestige de l’Empire puis celui de la Rรฉpublique devaient รชtre rehaussรฉs par le gigantisme de ces รฉdifices, suffisants pour accueillir une population d’รฉtudiants alors anecdotique mais cependant en lรฉgรจre augmentation. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les effets du baby boom pour que le nombre dโรฉtudiants augmente de maniรจre vertigineuse.
Il convient ร prรฉsent de faire un rapide รฉtat des lieux institutionnel du monde universitaire franรงais aprรจs la seconde guerre mondiale.
Avant la crรฉation du ministรจre de l’Enseignement supรฉrieur et de la recherche en 1993, les universitรฉs sont totalement intรฉgrรฉes au ministรจre de lโรducation national (MEN). Elles dรฉpendent donc du recteur, garant du MEN pour l’acadรฉmie qu’il administre. Cependant les universitรฉs ne sont alors que de petites structures censรฉes regrouper les facultรฉs, plus puissantes et plus renommรฉes qu’elles. En France ces derniรจres sont quasiment autonomes et ne dialoguaient que trรจs peu entre-elles avant cette reconstruction. Il existe dรฉjร une forte scission entre les sciences dures et les sciences humaines. Toutefois, elles doivent rendre compte au prรฉsident du Conseil d’universitรฉ, nommรฉ parmi les doyens des facultรฉs. Parfois le recteur occupait ce poste, ce qui engendrait une certaine confusion entre la mission du recteur et celle du prรฉsident du Conseil.
Pour ce qui est des constructions universitaires, elles commencent ร รชtre prises en compte par les pouvoirs publics avec la loi-cadre du 7 aoรปt 1957. Cette loi qui matรฉrialise l’engagement de l’รtat ร poursuivre les constructions de logements et d’รฉquipements en France, ร Paris et en rรฉgion, va permettre dโapporter des rรฉponses aux facultรฉs qui souhaitent s’รฉtendre, notamment en quittant les centre-villes devenus trop รฉtroits. On notera l’importance de la crรฉation du campus de Saclay en 1947, oรน sera installรฉ le Centre d’รtude Atomique. Ce site se veut influencรฉ par les campus amรฉricains, qui ont marquรฉ les scientifiques exilรฉs aux รtats-Unis au cours de la Seconde Guerre mondiale.
C’est sans doute sous leur influence que le ministรจre de la Reconstruction et de l’urbanisme dรฉcide de donner au site de Saclay une organisation similaire. C’est le dรฉbut de la construction de campus de tradition anglo-saxonne, voulus de la sorte par lโรtat pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les centre-villes sont saturรฉs et il est trรจs difficile d’y construire de nouveaux bรขtiments : souvent le tissus urbain est trรจs resserrรฉ et composรฉ dโรฉdifices anciens, ce qui impliquerait des destructions importantes. Et lorsque des nouveaux quartiers sont rรฉamรฉnagรฉs ce nโest pas pour autant que les facultรฉs y trouvent leur place.
On peut tout de mรชme noter l’exception que constitue le site de Jussieu (arch. รdouard Albert, 1962-1972, inachevรฉ) pour l’universitรฉ de Paris โ futur campus des Universitรฉs Paris VI et Paris VII, aujourd’hui rรฉservรฉ ร l’universitรฉ Pierre et Marie Curie โ qui vient prendre la place des anciennes halles aux vins de la capitale. Le campus de Caen, cโest รฉgalement une exception car le site est implantรฉ ร proximitรฉ du centre-ville lors de lโรฉlaboration du projet de reconstruction. Gรฉnรฉralement, l’administration choisit de regrouper les facultรฉs et de les implanter en pรฉriphรฉrie des centres urbains. C’est le cas de Dijon, de Grenoble, de Nantes, de Rennes ainsi que de nombreuses universitรฉs Parisiennes.
Par ailleurs, l’explosion de la dรฉmographie รฉtudiante entraรฎne la saturation des locaux.
Le pic de natalitรฉ survenu ร lโissue de la guerre (le baby boom), a pour effet dโaccroรฎtre lโexode rural tout en menaรงant dโengorger les รฉtablissements dโenseignement supรฉrieurs. Par exemple, lโacadรฉmie de Bretagne, regroupant alors sept dรฉpartements (jusqu’en 1962), voit sa population รฉtudiante passer de 1 609 en 1900 ร 11 618 en 196023. La France entiรจre suit le mรชme schรฉma, le nombre dโรฉtudiants ne fait que croรฎtre, passant de 148 000 รฉtudiants en 1956 ร 340 000 รฉtudiants en 1965 et 761 000 en 1975. L’รtat va donc tenter d’anticiper cette explosion dรฉmographique en proposant des locaux plus vastes.
Le coรปt est donc la troisiรจme cause du choix des campus pour les universitรฉs franรงaises.
En effet, les terrains รฉtant chers et rares en centre-ville, ce sont des terrains pรฉriphรฉriques qui seront mis ร disposition du ministรจre afin de construire ces nouvelles universitรฉs. La taille des locaux est aussi dimensionnรฉe en fonction des รฉquipements universitaires (comme ร Saclay, le premier campus projetรฉ en France). Les outils nรฉcessaires ร la recherche sont alors parfois gigantesques et nรฉcessitent des locaux adaptรฉs. Cela va engendrer, subsรฉquemment, une forte demande auprรจs des professions du BTP, et le ministรจre de lโรducation nationale va tenter de mettre en place des modรจles et des rรจgles afin de limiter le coรปt de constructions.
Le dernier grand intรฉrรชt pour cette dรฉlocalisation hors des centres-villes est de regrouper toutes les facultรฉs sur un mรชme site. Ceci permet par la mรชme occasion de concentrer les services aux รฉtudiants, tels que les citรฉs universitaires et les restaurants, dans une logique de dรฉmocratisation de lโenseignement supรฉrieur. Cette politique doit notamment favoriser les enfants dโouvriers qui nโont pas forcรฉment les finances nรฉcessaires pour louer des appartements en ville et faire le trajet jusquโau campus. Ces terrains sont nรฉanmoins moins bien desservis, ce qui va crรฉer des tensions au sein de la communautรฉ universitaire, en particulier avec Nantes et Rennes, qui ne souhaite pas abandonner le confort dโun emplacement en central. Toutefois, nous pouvons noter quelques exceptions : plusieurs รฉcoles de mรฉdecine, comme celle de Nantes, sera ainsi transformรฉe en facultรฉ en 1961 (arch. Michel Roux-Spitz, ca. 1957), ร proximitรฉ du CHR, construit simultanรฉment. C’est aussi le cas de la facultรฉ de droit de l’universitรฉ de Rennes (arch. Raymond Cornon, 1961-1963) qui va rester en centre-ville. Cette dรฉcision date d’avant la construction des campus de Villejean et de Beaulieu, qui sโest effectuรฉe dans une relative urgence au vu de l’insalubritรฉ des anciens locaux. Elle a รฉtรฉ permise grรขce ร l’anticipation de la ville qui possรฉdait des terrains inaffectรฉs.
ร Nantes
Pour dรฉcrire les locaux occupรฉs par l’universitรฉ de Nantes et plus largement par l’enseignement supรฉrieur ร Nantes, nous avons choisi un classement chronologique (Fig. 1) et non pas uniquement disciplinaire. Deux mรฉthodes diffรฉrentes ont รฉtรฉ utilisรฉes pour expliquer la rรฉpartition des anciens locaux de Rennes et de Nantes. Les sources relatives aux รฉcoles de Nantes permettent un classement chronologique de lโapparition et de la disparition des institutions ainsi que de leur localisation dans la ville, tandis quโร Rennes les sources permettent un classement par institution.
L’universitรฉ de Nantes est crรฉรฉe en 1460 par la bulle du pape Pie II sous Franรงois II de Bretagne. L’enseignement รฉtant majoritairement donnรฉ par le corps religieux de la ville, il se situait dans des รฉdifices catholiques, notamment dans la chapelle de l’Oratoire. Au XVIIรจme siรจcle, on y donnait les cours de thรฉologie qui composaient alors la majoritรฉ de l’enseignement universitaire avant le Siรจcle des Lumiรจres. Le droit canon et civil est enseignรฉ au couvent des Carmes, au nord de l’รฉglise Sainte-Croix, avant son transfert ร Rennes en 1735, signant ainsi la fin de lโuniversitรฉ ร Nantes.
Entre 1720 et 1729, le maire Gรฉrard Mellier ne semblait pas s’intรฉresser ร l’universitรฉ, et aux รฉcoles (notamment celle dโhydrographie) qui gravitaient autour et souhaitait la voir transfรฉrรฉe ร Rennes, laissant ainsi ร Nantes le monopole du commerce au dรฉtriment de l’enseignement.
Mais ce commerce entraรฎne une nouvelle catรฉgorie professionnelle ร Nantes, que sont les chirurgiens et les mรฉdecins. En effet, la prรฉsence dโun chirurgien รฉtait alors obligatoire ร bord de tous les navires marchands. Cette lรฉgislation est ร lโorigine de la crรฉation de l’รฉcole de chirurgie en 1741, qui changera rรฉguliรจrement de lieu jusqu’ร s’installer, en 1793, ร l’Hรดtel-Dieu (emplacement actuel du CHU, sur l’รฎle Gloriette).
Ces bรขtiments resteront en place jusqu’ร la Rรฉvolution, ร partir de laquelle des ยซ initiatives locales ยป prennent le relais des universitรฉs de l’Ancien Rรฉgime. Les premiรจres รฉcoles nantaises font leur apparition et inscrivent la ville dans un mouvement de recherche important. La ville va en effet clairement s’orienter vers l’enseignement en ingรฉnierie et en sciences dures. Cette prise de position des รฉlus commence avec M. Giraud, maire en 1792, qui prendra des dรฉcisions en faveur dโun enseignement inspirรฉ de la philosophie des Lumiรจres. Cette volontรฉ politique anti-monarchique va entraรฎner la crรฉation de l’รcole Centrale quatre ans plus tard, sous le mandat de Gilbert Beaufranchet. Cette derniรจre remplacera l’รฉquivalent nantais de l’Institut National, mis en place sous le mandat Noyer en septembre 1792. Mais lโรcole disparaรฎt dรจs 1806, sans doute par manque de moyens et dโusagers.
Parallรจlement, un Institut dรฉpartemental des arts et des sciences fait son apparition. Il fait figure d’acadรฉmie ร Nantes, ville qui en est alors dรฉpourvue. De nombreux professeurs y enseignent et le nombre d’รฉlรจves, de fait, augmente. Les domaines sont regroupรฉs en trois classes : physiques et mathรฉmatiques pour la premiรจre, sciences morales et politiques pour la deuxiรจme, littรฉratures et beaux-arts pour la derniรจre. Ces classes se substituent aux facultรฉs de l’universitรฉ de Nantes qui n’existent alors plus. Il faudra attendre 1961 pour quโune universitรฉ renaisse ร Nantes avec ses facultรฉs propres.
Au XIXรจme siรจcle, la ville de Nantes connaรฎt un deuxiรจme souffle qui relance la crรฉation dโรฉcoles, crรฉation qui avait dรฉbutรฉe au XVIIIรจme siรจcle. La ville va attirer une รฉlite qui prendra une large part aux affaires publiques. Lโexemple Arsรจne Leloup (1803-1876)36, qui deviendra mรชme maire de la ville, est rรฉvรฉlateur de cette tendance. Fusionnรฉe avec l’รcole de la marine marchande et militaire, l’รcole hydrographique, notamment, est rรฉformรฉe pour mieux correspondre aux principes de l’enseignement du XIXรจme siรจcle. Elle est aussi une sorte de lien entre l’ancien et le nouveau systรจme. On peut citer l’รcole polytechnique ainsi que les รฉcoles prรฉparatoires aux sciences et ร la mรฉdecine, qui vont permettre aux รฉtudiants de Nantes dโaccรฉder ร l’universitรฉ, qui se trouve alors ร Rennes. Plusieurs facteurs vont initier des rรฉflexions sur l’implantation d’une universitรฉ ร Nantes dรจs les annรฉes 1870 . En premier lieu, la perte de l’Alsace-Lorraine oblige la France ร recrรฉer ces universitรฉs dans la limite des nouvelles frontiรจres. Les facultรฉs de mรฉdecines et pharmacie sont donc rapatriรฉ et Nantes se porte candidate pour les accueillir, toutefois cโest Montpellier et Paris qui vont accueillir les รฉtudiants ne souhaitant pas rester ร Strasbourg. Cependant, ils nโobtiendront pas satisfaction, et le rรฉseau dโรฉcoles restera inchangรฉ jusquโร la Seconde Guerre mondiale.
Les bombardements de 1943 qui ravageront la ville de Nantes vont d’ailleurs gravement endommager les locaux de plusieurs รฉcoles, notamment celle de mรฉdecine, de droit, commerce et lettres. Ces bombardements entraรฎneront la dispersion des cours dans des locaux provisoires (l’hรดpital Saint-Jacques pour la mรฉdecine, le Palais de justice pour le droit…). En 1947 est organisรฉe une exposition universitaire dans le palais du Champ-de-Mars. Celle-ci prรฉsente les diffรฉrentes รฉcoles implantรฉes ร Nantes et leur รฉvolution dans le temps. Des รฉlรจves de lโรฉcole dโarchitecture nouvellement crรฉรฉe proposent une citรฉ universitaire et un campus au sud de l’รle Beaulieu pour accueillir les รฉcoles sinistrรฉes (Fig. 2).
Louis XV le 1er octobre 1735 que cette facultรฉ est ainsi transfรฉrรฉe ร Rennes, dans une salle de l’Hรดtel de Ville puis au parlement de Bretagne.
Le plan Hรฉvin nous informe prรฉcisรฉment des diffรฉrents lieux occupรฉs par la facultรฉ : en 1750, elle sera transfรฉrรฉe dans une salle donnant sur le cloรฎtre des Cordeliers et, ร partir de 1793, les cours seront dispensรฉs dans la chapelle de la Congrรฉgation. Il faudra attendre 1810 et la crรฉation de la facultรฉ par l’acadรฉmie de Rennes pour que l’enseignement soit encadrรฉ.
La facultรฉ des lettres de Rennes, et plus gรฉnรฉralement les facultรฉs littรฉraires, sont considรฉrรฉes comme ยซ infรฉrieures ยป48 jusqu’ร la Rรฉvolution franรงaise et ne se voient dotรฉes que d’une seule salle dans l’Hรดtel de Ville. Il faudra attendre la construction du palais universitaire en 1855 pour qu’elles bรฉnรฉficient de locaux plus adaptรฉs ร l’enseignement.
De plus, les cours ne sont pas donnรฉs ร des รฉtudiants, mais ร des curieux et personnes qui veulent briller en sociรฉtรฉ, ce qui contribue sensiblement ร dรฉgrader l’image des filiรจres littรฉraires.
Les facultรฉs de mรฉdecine et de pharmacie ayant รฉtรฉ supprimรฉes le 18 aout 1792 en France, ce sont des enseignements privรฉs qui vont faire office de formation dans ces domaines jusqu’en 1803. On assistera alors ร la crรฉation de l’รฉcole dรฉpartementale de Mรฉdecine. Dans un premier temps, les cours seront assurรฉs directement chez les professeurs. Puis, rapidement, ils seront dรฉlocalisรฉs ร l’hospice Saint-Yves, au deuxiรจme รฉtage des tours de la Cathรฉdrale et dans l’รglise Saint-รtienne oรน ils perdureront jusqu’en 1871.
Pour ce qui est de la facultรฉ des sciences, elle รฉtait, comme les autres facultรฉs, intรฉgrรฉe ร l’Hรดtel de Ville avec diffรฉrentes salles qui lui รฉtaient allouรฉes. C’est ร partir de 1855 que la facultรฉ scientifique prendra une importance considรฉrable dans la ville de Rennes.
Le Plan de la ville imprimรฉ par Oberthรผr nous renseigne sur l’emplacement de l’institution de droit au XIXรจme siรจcle, qui continue d’investir le Palais de justice et la mairie. On y voit aussi l’emplacement de la facultรฉ des lettres, gรฉrรฉe par la municipalitรฉ, et des sciences, toutes prรฉsentes dans l’Hรดtel de Ville depuis 1839. Malgrรฉ l’exigรผitรฉ des locaux, la plupart des cours continueront de se dรฉrouler dans ce lieu jusqu’ร la construction du Palais Universitaire et mรชme au-delร .
En 1854, la construction du Palais Universitaire (architecte V. Boullรฉ, 1854) permet le transfert de ces trois facultรฉs dans un mรชme lieu, sur les quais dรฉsormais dรฉnommรฉs ยซ quais de l’universitรฉ ยป. On y trouve รฉgalement les classes prรฉparatoires de mรฉdecine et de pharmacie qui donnent accรจs aux รฉcoles รฉponymes, ainsi que les collections de peintures, sculptures et des curiositรฉs appartenant ร la ville comme cโรฉtait souvent la tradition au XIXรจme siรจcle. En effet, lโart et les collections dโantiquitรฉs et de curiositรฉs รฉtaient souvent associรฉs aux universitรฉs, utilisรฉes comme des supports de cours. Il sโagit donc dโun vรฉritable lieu dรฉdiรฉ au savoir et ร la recherche que s’offre la ville de Rennes avec le concours de l’รtat et du dรฉpartement.
Cependant, les locaux du Palais universitaire sont rapidement saturรฉs. Il est donc dรฉcidรฉ la construction d’un Palais des Sciences (arch. Jean-Baptise Martenot, 1883) face au Palais universitaire (qui conservera la facultรฉ des lettres). Il ouvre ses portes en 1888 et, ร son tour, se rรฉvรจlera rapidement insuffisant suite ร lโapparition de nouvelles disciplines. Par exemple, au dรฉbut du XXรจme siรจcle, le dรฉpartement de biologie voit ses besoins en surface exploser. La ville de Rennes dรฉcide alors son transfert dans l’ancien archevรชchรฉ de la ville, juxtaposรฉ ร l’รฉglise Saint-Melaine, partagรฉ avec la facultรฉ de droit. Le Palais des Sciences est agrandi par l’architecte de la ville, Yves Lemoine, en 1953 (Quai Dujardin). Aujourd’hui, ces locaux abritent l’inspection acadรฉmique.
Par la suite, diffรฉrents bรขtiments seront construits entre les deux guerres, notamment ร proximitรฉ de la facultรฉ Pasteur, pour pallier le manque de place. On voit ainsi la crรฉation d’รฉdifices pour les instituts (รฉtablissements de recherche rattachรฉs ร une facultรฉ), en particulier celui de gรฉologie qui est construit rue du Thabor en 1939, รฉgalement par Yves Lemoine.
La facultรฉ de mรฉdecine et de pharmacie est elle aussi rapidement ร l’รฉtroit dans le Palais des Sciences. Il est alors dรฉcidรฉ de construire un nouvel amphithรฉรขtre ร l’angle du Boulevard Laรซnnec et Dupont-des-Loges. Commencรฉ par lโarchitecte Martenot, les travaux se poursuivent en 1894 avec Emmanuel Le Ray (1859-1936), et c’est seulement en 1950, aprรจs des destructions partielles liรฉes aux bombardements, quโYves Lemoine termine l’รฉdifice.
Pour ce qui est de la facultรฉ des lettres, elle se voit attribuer l’ancien couvent des Cordeliers, devenu Grand Sรฉminaire au dรฉbut du XIXรจme siรจcle, en plus du Palais Universitaire. Le bรขtiment que l’on connait aujourd’hui date de 1856 et est pensรฉ par Henri Labrouste. ร lโheure actuelle, il est occupรฉ par la facultรฉ de sciences รฉconomiques et sociales.
La facultรฉ de droit, quant ร elle, est transfรฉrรฉe dans l’ancien archevรชchรฉ oรน elle y restera jusqu’ร la construction de la facultรฉ actuelle (1964), avenue Jean Guehรฉnno, par Raymond Cornon et Louis Arretche. Cโest donc au milieu du XIXรจme siรจcle que Rennes devient une vรฉritable ville universitaire. Avant cette date lโuniversitรฉ qui existait nโavait donc quโun rรดle administratif mineur au vu des prรฉrogatives dont รฉtaient dotรฉs les facultรฉs. Lโuniversitรฉ de Rennes existait surtout pour signaler la prรฉsence de ces facultรฉs. Au final รงa ne sera pas une, mais deux universitรฉs qui seront crรฉรฉes en 1969, Rennes 1 regroupera les UER en sciences dites dures et Rennes 2 regroupe les UER de sciences humaines et sociales.
La dรฉmographie รฉtudiante, cause du bouleversement de l’universitรฉ en France
Les annรฉes qui suivent la fin de la guerre prรฉsentent le taux de natalitรฉ le plus fort quโait jamais connu le pays (Fig. 4). Cela va se rรฉpercute sur la population รฉtudiante, qui va elle aussi connaรฎtra un bond spectaculaire quelques annรฉes aprรจs, ร partir de 1962.
Les grands projets des annรฉes 1950
Rรฉforme de l’enseignement universitaire
La pรฉriode de 1950 est assez mal documentรฉe du point de vue des rรฉformes universitaires. Pourtant, le cadre dans lequel รฉvoluaient alors les facultรฉs est bouleversรฉ par plusieurs dรฉcisions politiques visant ร relancer la recherche et faire bรฉnรฉficier ร l’ensemble de la population d’une amรฉlioration du systรจme รฉducatif. Ces dรฉcisions font suite ร un constat simple, celui que la maniรจre d’enseigner hรฉritรฉe du XIXรจme siรจcle ne convient plus. En effet, il y a dรฉsormais une concurrence ร lโรฉchelle mondiale, dominรฉe en particulier par les รtats-Unis dโAmรฉrique : la France, et dans une plus large mesure, les pays europรฉens, nโont plus le monopole de lโexcellence dans le monde de la recherche.
La nouvelle politique voulue par le gouvernement s’oriente selon deux axes : un investissement massif dans de nouveaux locaux, avec la mise en place d’un dialogue entre l’รtat, les municipalitรฉs, les dรฉpartements et les facultรฉs, et un renouvellement du systรจme d’enseignement qui apporte la modernitรฉ nรฉcessaire pour concurrencer les universitรฉs amรฉricaines.
Ce renouvellement passe par diffรฉrentes lois imaginรฉes par des personnalitรฉs gravitant autour du ministรจre de l’รducation nationale : on peut citer celles mises en oeuvre par Max Querrien (1921-) proposant l’abandon d’un systรจme issu des lois napolรฉoniennes. Jusquโalors, les facultรฉs ne faisaient que fournir des jurรฉs pour lโรฉvaluation du baccalaurรฉat dans le secondaire โ elles nโavaient dโailleurs pas vocation ร รชtre des institutions de recherche. Ce rรดle รฉtait dรฉvolu aux รฉcoles et facultรฉs ร partir de la thรจse de doctorat.
La nouvelle organisation va donc faire table rase de ce systรจme datรฉ, et propose, aprรจs l’รฉcole primaire (gรฉrรฉe par les municipalitรฉs), le collรจge (gรฉrรฉ par les dรฉpartements) et les lycรฉes, qui prรฉparent dรฉsormais au baccalaurรฉat (gรฉrรฉ par les dรฉpartements puis les nouvelles rรฉgions en 1964 ou par l’รtat), une premiรจre annรฉe dite de propรฉdeutique. Elle consiste en une mise ร niveau et une prรฉparation au monde de la recherche en universitรฉ, elle est suivie de trois annรฉes qui permettent d’obtenir une maรฎtrise. Avec une annรฉe supplรฉmentaire, l’รฉtudiant obtient un master qui lui permet de poursuivre en thรจse de doctorat.
Ce dรฉcoupage est lui-mรชme accompagnรฉ d’une refonte de l’offre universitaire, avec l’apparition de nouvelles matiรจres et une rรฉpartition entre รฉcoles et facultรฉs. On trouve toujours les quatre grandes disciplines des sciences, lettres (et sciences humaines depuis 1957), droit (et sciences รฉconomiques depuis 1957), et mรฉdecine. Par ailleurs, on observe une densification du maillage du territoire, de sorte que chaque รฉtudiant potentiel peut avoir accรจs ร lโenseignement qui lui correspond. Ainsi seront crรฉรฉs de nombreux dรฉpartements dans les grandes villes universitaires, souvent sur des initiatives dโenseignants.
Des constructions nouvelles, quelques exemples de complexes universitaires en France
Au sortir de la guerre, le gouvernement engage donc un grand plan de modernisation des structures universitaires. Cela va mener ร quelques expรฉriences, notamment autour de Paris, aussi bien dans la conception des locaux que dans l’enseignement. Le campus scientifique situรฉ sur le plateau de Saclay, campus phare de la recherche nuclรฉaire franรงaise, fait figure dโexemple. Il est actuellement au centre des prรฉoccupations des รฉlus avec son agrandissement prรฉvu pour lโรฉchรฉance 202460.
En plus de moderniser les infrastructures de la recherche franรงaise, ce campus, comme d’autres, participe ร la rรฉflexion sur ยซ la politique d’amรฉnagement ยป61 des pรฉriphรฉries des villes. Cet abandon des mรฉtropoles pose aussi la question de l’accueil de ces nouveaux sites dans des villes relativement modestes en comparaison de lโextrรชme diversitรฉ de services (librairies, logements, barsโฆ) disponibles dans le quartier Latin de Paris. Saclay et Orsay comptent respectivement moins de 2 000 habitants et un peu plus de 5 000 habitants en 1950, contre prรจs de 4 000 et 16 000 chacune actuellement.
La place de l’รtat : expรฉrimentation, normalisation et rรฉglementation
Depuis les premiers grands projets de reconstruction dรฉbutรฉs sous le rรฉgime de Vichy, Lโรtat se veut lโinstigateur et le gรฉrant de la construction et de la reconstruction en France. Cette volontรฉ passe par diffรฉrents ministรจres dont lโorigine remonte au ministรจre de la Reconstruction et de lโurbanisme (1944-1954) pour devenir le ministรจre de la Construction (1958-1962). Au sortir de la guerre, des plans triennaux sont mis en place afin de programmer les grandes orientations รฉconomiques du pays dans des domaines tels que la construction, lโรฉnergie et lโindustrie. Chaque ministรจre a donc des objectifs ร atteindre pour relancer la croissance et faire entrer la France dans la modernitรฉ de cette deuxiรจme moitiรฉ du XXรจme siรจcle. En ce qui concerne les universitรฉs et en gรฉnรฉral les constructions scolaires, le MRU, puis le ministรจre de la Construction, dรฉlรจgue lโรฉdification de nouveaux complexes scolaires et universitaires directement au ministรจre de lโรducation ou ร son รฉquivalent (ce dernier changera plusieurs fois de nom au cours de la chronologie que nous รฉtudions). Cโest donc la Direction de la construction scolaire, universitaire et sportive (DCSUS) qui hรฉrite du budget liรฉ ร la construction des nouvelles รฉcoles, collรจges, lycรฉes, universitรฉs mais aussi des piscines et autres infrastructures sportives.
Lโadministration
Lโadministration mise en place sous le MRU consiste en une hiรฉrarchisation des compรฉtences sous forme dโune structure pyramidale avec, ร son sommet, le ministre, puis les rapporteurs du ministre, les dรฉlรฉguรฉs dรฉpartementaux et leurs services. Cette organisation hiรฉrarchique sera reprise par le ministรจre de lโรducation nationale. Lโรtat, reprรฉsentรฉ par le ministre, accompagnรฉ dโexperts, choisira des lieux oรน la construction de nouvelles facultรฉs apparaรฎt le plus judicieux. Pour cela, comme exposรฉ prรฉcรฉdemment, plusieurs facteurs sont pris en compte, notamment la croissance dรฉmographique et le potentiel industriel de la ville ou de la rรฉgion. Ensuite, la dรฉcision est notifiรฉe au recteur de lโacadรฉmie, reprรฉsentant du ministรจre dans la rรฉgion choisie, qui doit alors mettre en place avec les รฉquipes enseignantes reprรฉsentรฉes par les doyens un programme pรฉdagogique.
Ces actions seront supervisรฉes par un dรฉlรฉguรฉ dรฉpartemental voire par le recteur de lโacadรฉmie. Le concours conception-construction intervient alors pour dรฉfinir le cahier des charges du ministรจre, ร lโimage des chantiers dโexpรฉriences du MRU. 483 รฉquipes dโarchitectes et dโentreprises y participent.
Le but de ce concours est de rechercher des solutions de construction associant lโensemble des corps dโรฉtat, dans une technique coordonnรฉe, et qui prรฉsenteraient sur le plan de la qualitรฉ, de lโรฉconomie et de la rapiditรฉ de mise en oeuvre, des avantages indiscutables par rapport aux rรฉalisations selon le mode traditionnel Architecte des Bรขtiments civils et palais nationaux, du ministรจre de lโรducation nationale, des Postes et de la SNCF, Louis Arretche, malgrรฉ le fait quโil est nommรฉ directement par le ministรจre pour les missions de Rennes et de Nantes, prรฉsente tout de mรชme trois รฉquipes au concours. Sโil souhaite concourir, cโest sans doute car il estime pouvoir proposer des solutions quโil a dรฉjร pu expรฉrimenter sur les campus dont il a eu la conception en charge. Cโest รฉgalement le cas de lโรฉquipe Candilis, Josic et Woods qui y participe trois fois et a ainsi pu mener des rรฉflexions architecturales lors des concours de lโuniversitรฉ de Berlin ou de Zurich.
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Table des matiรจres
Liste des abrรฉviations utilisรฉes
Introduction
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION DES CAMPUS EN FRANCE
1 L’รฉtat de l’universitรฉ au lendemain de la Seconde Guerre mondiale
2 La place de l’รtat : expรฉrimentation, normalisation et rรฉglementation
CHAPITRE 2 : URBANISME DES CAMPUS DE NANTES ET DE RENNES
1 Urbanisme et lien avec la ville
2 Urbanisme des campus
CHAPITRE 3 : LโARCHITECTURE DES CAMPUS, ENTRE ORIGINALITร ET RรCURRENCE
1 Avant-projets et projets finaux, รฉtat des lieux des modifications de la composition des campus
2 Composition des sites
3 Les faรงades et la prรฉfabrication
Conclusion
Bibliographie
Sources
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