« La ville est la plus complète et la plus réussie des entreprises de l’Homme de refaire le monde à l’image de ses désirs. Mais, si la ville est le monde que l’Homme créé, elle est aussi le monde dans lequel il est condamné de vivre. Ainsi, indirectement, et sans pleinement connaître le sens de son action, en faisant la ville, l’Homme se change lui-même » Robert Park, On Social Control and Collective Behavior, 1967 .
« Refaire le monde à l’image de ses désirs ». C’est par cette phrase, écrite dans son livre On social Control and Collective Behaviour apparu en 1967, que le sociologue américain R.Park qualifie l’action urbanistique de l’homme sur la Terre. L’homme cherche, à travers ses actions, à créer un monde qui le satisfera pleinement, comblera ses désirs. En Effet, si Spinoza a pu faire du désir l’essence même de l’homme, c’est que désirer n’est pas un phénomène accidentel mais bien le signe de notre condition humaine. L’homme veut combler ce manque en agissant sur le monde. Parfois, il agit de façon démesurée, dans le désordre. C’est pourquoi il est qualifié « d’homo sapiens demens » . Pour E.Morin, le propre de l’homo sapiens est d’être « un animal doué de déraison ». En urbanisme, il agira en créant des espaces qui permettront d’atteindre ce désir. « Les affects entrent en interaction avec le désir». C’est pourquoi, parfois submergé par ses affects, il n’a pas forcément conscience que ses actions ont un impact sur lui, que le simple objet implanté aura un effet sur son comportement, sur sa sensibilité et son affection. Le désir est la source de toutes les émotions. En effet, Charles Hoch, chercheur américain fut l’un des premiers à « montrer, à travers l’analyse des discours produits par un ensemble de professionnels, comment les émotions orientent en réalité leur action, comment les sentiments, en participant de la formation des désirs, des préférences, des croyances de ces acteurs, contribuent ainsi à l’aménagement des espaces » . Il va structurer le monde et se structurer par la même occasion. « L’individu se trouve plus sensible au principe de plaisir ».
Ce désir est sans doute le moteur de l’activité de négation et de transformation du monde et de l’homme. Sans désir, aucune création ne serait alors possible. C’est donc par ce désir que l’homme cherche à inventer et à réinventer. La notion du modernisme et de la contemporanéité est tirée de cette insatisfaction naturelle de l’homme dans le sens où, ce désir, par nature inatteignable, oblige l’homme à innover, à chercher des solutions pour atteindre quelque chose qu’il ne pourra pas. «La volonté est un des principaux organes de la créance » . Ce désir tire l’homme vers le haut, le pousse dans ses retranchements pour développer de nouvelles techniques, de nouveaux modes de vie. Cependant, la notion de désir peut aussi s’avérer délicate. En effet, comme les objets désirables ne sont pas en nombre illimité, le désir se heurte tôt ou tard au désir d’autrui. De plus, étant par essence liée à la faculté d’imagination, le désir est donc susceptible de se porter sur des objets inaccessibles. Le désir se déploie dans l’imagination et non dans la réalité. Il dépend donc de la capacité de l’homme à se projeter et à se représenter consciemment un objet désiré. Certaines logiques, qu’elles soient économiques ou politiques peuvent empêcher un urbanisme qui voudrait procurer le désir de plaisir. « Le citoyen de la fin du siècle est avide de moments de loisir ».
Urbanisme commercial
Tel est ce que l’on pourrait nommer le « principe galapagos » de ces lieux différents et autonomes, de ces « hétérotopies » qui se distinguent par cette capacité insigne de se soustraire aux règles communes de l’aménagement de l’espace externe. L’insularité des lieux de loisirs, séparés du monde, par une mer de parkings, par des barrières surveillées, par tout un no man’s land d’irréalité, est propice à l’invention endémique ». B.Bégout, Suburbia, 2013 .
Si nous regardons le dictionnaire Larousse, l’urbanisme est un « Art, science et technique de l’aménagement des agglomérations humaines ». Ainsi qu’un « ensemble des règles et mesures juridiques qui permettent aux pouvoirs publics de contrôler l’affectation et l’utilisation des sols. (Divers plans d’urbanisme sont élaborés à cet effet : schéma directeur, plan d’occupation des sols, etc.) » Du point de vue commercial, l’urbanisme va donc consister à aménager, matérialiser les espaces commerciaux. Ces commerces ont pour but d’inciter à l’achat, ayant pour fonction première de vendre un produit à un individu. Du marchand qui crie sur son stand pour attirer le client jusqu’aux centres commerciaux qui usent de stratégies toujours plus habiles pour inciter le client à acheter, rien ne change en ce qui concerne la finalité : vendre. Tout va être mis en place de manière à ce que le produit soit vendu, peu importe la méthode employée. La notion d’urbanisme incluant un contrôle des pouvoirs public, l’urbanisme commercial apparaîtra très tardivement.
Tout d’abord, il est important de voir qu’avant l’apparition de l’urbanisme commercial, nous retrouvons le commerce depuis des siècles. En effet, il est intéressant de remarquer que le marchand est toujours présent, à l’origine de la cité. Ainsi, le commerce s’est retrouvé sous plusieurs formes. Nous pouvons noter les marchés de l’antiquité et du Moyen-âge ou encore les magasins d’usine du 19ème siècle. Ils se sont implantés en suivant le même principe, à savoir le long des accès de transport, localisés pour attirer le plus de personnes possibles. La fonction première était là aussi de vendre quelque chose à quelqu’un, exactement comme nous le faisons aujourd’hui. Cependant, nous ne pouvons pas parler d’urbanisme commercial, puisque rien ne régulait leur implantation et leur fonctionnement en matière d’aménagement du territoire. Aujourd’hui, régi par des régulations, les centres commerciaux sont les symboles de l’urbanisme commercial. En effet, ils s’installent dans l’imaginaire urbain où la famille postmoderne change les lieux traditionnels de loisir pour réinscrire une ancienne option de récréation, c’est-à-dire le marché, aujourd’hui travesti en « malls ».
Devant la prolifération de tous ces centres commerciaux, une notion est apparue dans les années 1960 : l’urbanisme commercial. L’urbanisme commercial est un urbanisme régi par des objectifs économiques. L’achat étant un rapport constant entre produit et argent. Toutes ces règles ont été créées lorsqu’il a fallu implanter les centres commerciaux en banlieue parisienne, qualifie le développement des espaces commerciaux. Cet urbanisme commercial s’opère entre l’Etat et les entreprises dans le but de diversifier et d’agrandir l’offre commerciale ainsi que pour restructurer le tissu urbain. Cependant, la restructuration du tissu urbain ne s’est pas forcément passée comme le souhaitaient les pouvoirs publics. Ces derniers sont donc devenus des acteurs et non plus des spectateurs en terme d’urbanisme commercial. Ainsi, des régulations et des lois sont apparues.
La première loi notable fut la loi Royer, le 27 décembre 1973 (la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat). Elle visait à limiter le développement des grandes surfaces dans le but de profiter aussi aux autres formes d’entreprises évitant de les écraser. « Ce qui est recherché, c’est un équilibre » disait le ministre. Elle obligeait les grandes surfaces qui excédaient 1500m2 à effectuer une procédure d’autorisation dans les villes de plus de 40 000 habitants et à 1000m2 dans les autres villes. Celle-ci est accordée par la Commission Départementale d’Urbanisme Commercial. Cependant, la loi est vite contournée par les entrepreneurs, développant les surfaces de 1499m2. Il a donc fallu renforcer cette loi.
C’est ce qui a été fait avec une deuxième loi importante, la loi Raffarin de 1996. Après le constat que les centres commerciaux empêchent le développement des centres villes, que ce dépérissement engendre un mal être des populations, et que ces centres commerciaux portent atteinte à l’environnement, cette loi accentue les mesures prises par la loi Royer. En effet, un gel des ouvertures s’effectue en plus d’un abaissement de 300m2 des 1500m2 mentionnés précédemment. Là encore une critique est faite, celle de la favorisation des hard discounter germaniques, profitant allègrement de cette loi. En terme d’aménagement du territoire, la loi Raffarin avec le soutient de la loi SRU en 2000, prévoit la compatibilité entre Schéma de développement et schéma d’urbanisme commercial, le Plan de Déplacements Urbains et le Schéma de Cohérence Territoriale, la compatibilité des décisions de Commissions Départementales d’Équipement Commercial avec les documents d’urbanisme, la limitation de l’emprise au sol des surfaces de stationnement bâties ou non des grandes surfaces commerciales à une fois et demie la surface hors oeuvre nette (SHON) de bâtiments affectés au commerce, la prise en compte de problèmes de déplacement dans les politiques d’urbanisme commercial. De plus, il y a eu un ajout de trois alinéa après le troisième alinéa de l’article 28 de la loi Royer de 1973, à savoir « l’impact global du projet sur les flux de voitures particulières et véhicules de livraison, la qualité de la desserte en transport public ou avec des modes alternatifs et enfin, les capacités d’accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises ».
Urbanisme contemporain
« Il est communément admis que les lieux de grand commerce forment aujourd’hui les rares lieux de brassage social à grande échelle ». D.Mangin, La ville franchisée, 2004
Après avoir tenté de définir ce qui est entendu par un urbanisme dit commercial, nous allons voir ce qu’est un urbanisme dit contemporain.
Tout d’abord, un centre commercial peut être vu de deux manières différentes. En tant qu’objet, par son architecture, son organisation ou bien en tant que lieu de vie, vécu par ses usagers. Comme nous l’avons vu à travers la définition de l’urbanisme commercial, les centres commerciaux sont soumis à de nombreuses mutations. Des nouvelles pratiques de ces espaces sont visibles. L’accroissement de la mobilité générale et la qualité urbaine, aujourd’hui indissociable de la pertinence d’un projet, sont les deux moteurs de ces nouvelles pratiques.
Urbanisme contemporain des modes de vies
Ces nouvelles pratiques sont dues aux changements de mode de vie de la population. « L’existence d’instances démocratiques d’agglomérations puissantes et porteuses de projet constitue une condition pour qu’un urbanisme des modes de vie ne se réduise pas simplement en un urbanisme de proximité à des logiques commerciales » . En effet, nous entrons dans un urbanisme qui doit répondre à une complexité de ces modes de vie de plus en plus individualisés et aussi répondre au mode de vie collectif. Pour comprendre ces nouveaux modes de vie, nous allons nous appuyer sur le livre d’Alain Bourdin et Ariella Masboungi, « un urbanisme des modes de vie », écrit en 2004. « Le mode de vie urbain est caractérisé par des appartenances multiples, des processus de « zapping territorial », d’individualisation des pratiques et de mobilités généralisées ».
L’individualisation étant au cœur des préoccupations de la société, le consommateur contemporain est caractérisé par une volonté de différenciation. Il veut de plus en plus de diversité dans l’offre et rompt avec la consommation de masse. Il aime donc avoir le choix. Ce consommateur est régulé par des flux. En effet, tout est flux, que ce soit d’information, d’objet, de sens… Pour finir, celui-ci adore la mise en scène et le spectacle. Il se trouve à la fois acteur et spectateur.
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Table des matières
INTRODUCTION
URBANISME COMMERCIAL
URBANISME CONTEMPORAIN
1) URBANISME CONTEMPORAIN DES MODES DE VIES
2) URBANISME CONTEMPORAIN DES CENTRES COMMERCIAUX
LES SOURCES D’INFLUENCES DES CENTRES COMMERCIAUX
LES GRILLES CARACTERISTIQUES DES CENTRES COMMERCIAUX
CAS D’ETUDE DE L’HEURE TRANQUILLE A TOURS (37)
1) LOCALISATION ET PRESENTATION GENERALE DE L’HEURE TRANQUILLE
2) PRESENTATION DES TROIS CENTRES COMMERCIAUX DE REFERENCES
3) LA METHODE D’ANALYSE : L’OBSERVATION DE TERRAIN
4) PREMIERES IMPRESSIONS ET PREMIERS QUESTIONNEMENTS
5) ANALYSE DES ELEMENTS OBSERVES
6) CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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