Une volonté de financer des projets directement plus ou moins affirmée

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Une complémentarité et non une substitution

Comme le soulignent Blanc et Perrissin-Fabert (2016)1, la monnaie locale complémentaire ne vient pas se substituer à la monnaie nationale, pour nous l’euro, mais vient le compléter. C’est donc une circulation en parallèle de celle de l’euro qui est attendue, et non pas une exclusion totale de l’euro. La monnaie locale s’applique sur un territoire défini et limité. De ce fait, l’existence de l’euro reste essentielle lorsqu’on se déplace sur un autre territoire. En effet, si deux territoires limitrophes avaient chacun leur monnaie locale et que l’euro était supprimé dans ces territoires, il serait impossible d’échanger entre ces deux territoires, ce qui, sur du long terme, entrainerait un cloisonnement de chaque territoire. Cela serait complétement contradictoire avec le fonctionnement actuel des territoires. Ceux-ci ne sont pas autosuffisants et des besoins particuliers ne peuvent parfois être satisfaits que dans d’autres territoires. Le but des monnaies locales n’est pas d’empêcher la circulation entre territoires lorsque cela est nécessaire, mais simplement de relocaliser les échanges pouvant être réalisés à l’échelle locale.
Enfin, l’obtention de monnaie locale se fait à travers un échange avec de la monnaie nationale. La monnaie sociale a donc besoin de monnaie nationale pour exister et pour circuler.
La monnaie locale, bien que parfois présente sous forme électronique, est principalement développée sous format papier, à travers des billets. De ce fait, elle fonctionne sur la base d’unités entières, les centimes n’existant pas. Lors des échanges, il est donc nécessaire de faire l’appoint avec des euros pour atteindre le prix des produits.
Ces monnaies complémentaires, bien qu’elles existent dans le monde depuis longtemps, pouvaient encore être perçues comme des initiatives illégales aux yeux des citoyens, de peur de perdre la valeur de l’euro notamment. Ce n’est aujourd’hui plus le cas.

Une reconnaissance légale depuis 2014

Si les MLC se sont développées de manière importante depuis le début des années 2010, elles n’ont été reconnues officiellement que depuis 2014. En effet, elles obtiennent une reconnaissance légale dans la loi de juillet 2014, relative à l’Économie Sociale et Solidaire. L’article 16 de cette loi reconnait « les titres des monnaies locales complémentaires ». Les monnaies locales complémentaires sont alors reconnues dans le code monétaire et financier comme des moyens de paiement. Cette reconnaissance est notamment importante pour le développement du réseau adhérent aux monnaies locales. En effet, afin de permettre l’utilisation de monnaies locales non pas seulement par des habitants et des entreprises, mais également par les collectivités territoriales, il est nécessaire que leur utilisation en tant que moyen de paiement soit défini par le code monétaire et financier (Magnen, 2015)2. Cette nouvelle réglementation vis-à-vis des monnaies locales autorise donc aujourd’hui les collectivités locales à accepter ce système de paiement, on pourrait imaginer par exemple que la population paie une partie des impôts en monnaie locale, ou aussi l’utiliser, par exemple en payant une partie des salaires en monnaie locale. Pour Dupré, Longaretti et Servet (2015), l’entrée de ce nouvel acteur dans le dispositif constitue un levier de développement important. En effet, le financement d’un projet de MLC est souvent très compliqué, l’implication des collectivités dans ces processus serait donc un élément favorable au bon développement d’une MLC sur le territoire. Lorsque la collectivité est présente dans le dispositif, l’ampleur de la monnaie locale grandit. C’est par exemple le cas pour le Bristol pound (Angleterre), ou encore le Galléco qui a été initié par le département.
Bien que les MLC aient commencé à exister en 2010, cette loi a permis de les rendre plus acceptables et plus crédibles aux yeux des citoyens, leur développement en France étant, comme on va le voir, plus important depuis 2014.

La situation en France en 2016

Les premiers projets de monnaies locales en France ont émergé en 2010. Les premières ont été l’Abeille, à Villeneuve-sur-Lot, et l’Occitan, à Pézenas, mises en circulation en janvier 2010. Se sont ensuite multipliés les projets à travers toute la France. En novembre 2016, on compte environ 453 monnaies locales en circulation. C’est également une quarantaine de projets qui sont actuellement en cours de réflexion, à des stades d’avancement variés. Certains sont sur le point d’être mis en circulation, comme c’est le cas pour le Vendéo (Vendée) qui devrait être lancée en mars 2017, tandis que d’autres cherchent encore un nom pour leur future monnaie, comme c’est le cas pour le projet de monnaie locale des Vosges et la monnaie du Pays de Vannes, ou d’autres qui cherchent encore un graphique pour les billets, comme pour la Sonnante (Hautes-Pyrénées). Une des deux monnaies créées en 2010 (l’Abeille) est toujours en circulation, puis quatre monnaies ont été lancées en 2011, 3 en 2012, 7 en 2013, 10 ont été mises en circulation en 2014, 11 de ces dispositifs se sont développés en 2015 et enfin 10 ont été lancées en 2016. C’est donc 67% de ces dispositifs qui ont été créés dans les trois dernières années, comme on peut le voir sur le graphique ci-contre. Ce sont donc des dispositifs très en vogue actuellement.

Dynamiser les échanges

La dynamisation des échanges constitue le deuxième objectif des monnaies locales complémentaires. Elle résulte entre autres du premier objectif qui est la localisation des échanges. En effet, si le nombre de transactions des acteurs locaux n’augmente pas dans sa globalité, il augmente cependant dans le système local. De ce fait, la localisation des échanges permet d’augmenter la production locale et donc d’augmenter le nombre d’emplois. Pour illustrer ce propos, prenons quarte entreprises (ou artisans/commerçants) A, B, C et D. Imaginons que C se fournisse chez A, et A se fournit chez B. D quant à lui se fournit à 400km de chez lui. Il souhaite se fournir dans une entreprise plus proche et C correspond à ce qu’il cherche. La production de C va donc augmenter, puisqu’il a un nouveau client important. Il aura donc besoin d’un ou peut-être deux nouveaux salariés et aura besoin de plus de matières premières, qu’il achète à A. La production de A va donc également augmenter de même que celle de B. La production locale augmente donc, alors que le nombre de transactions effectuées est le même, à la seule différence qu’elles ne sont réalisées qu’entre acteurs locaux.
La dynamisation des échanges correspond également à une rapidité d’échange dans le système, sans avoir recours à la possible accumulation de monnaie ou de spéculation, comme c’est le cas pour l’euro. C’est ce que montre le support de communication de l’Elef, monnaie locale de Chambéry. En effet, la MLC, en circulant dans une boucle fermée, ne peut pas « s’échapper » du territoire comme le ferait l’euro. La MLC est donc uniquement utilisée pour l’échange de biens et de services, alors que l’euro serait principalement utiliser sur des marchés financiers. Cette dynamisation dépend cependant de plusieurs facteurs. Tout d’abord, il est nécessaire de diversifier l’offre locale afin de diversifier les échanges et permettre de les dynamiser. La dynamisation passe également par différents mécanismes mis en oeuvre afin de limiter la détention monétaire et donc favoriser sa circulation. Ces mécanismes seront développés plus tard.

Créer du lien social et transformer les pratiques

La MLC est, en plus d’être un outil d’échange monétaire, un outil pédagogique. En effet, elle permet de faire prendre conscience aux consommateurs de l’impact de leurs achats et de se rendre compte de la façon dont circule la monnaie. En payant nos divers achats en monnaie nationale, on ne se rend pas nécessairement compte de l’utilisation qui en est faite ensuite. A travers la monnaie locale, il est possible de voir cette circulation dans le territoire.
Elle permet également un renforcement de la cohésion sociale. En effet, le fait d’adhérer à l’association et l’échange de monnaie locale permettent d’exprimer un sentiment d’appartenance à un groupe ainsi qu’une reconnaissance sociale par les autres acteurs de ce réseau. Elle vise également à créer de nouveaux contacts entre les différents utilisateurs. En effet, autre qu’un simple moment d’échange intéressé, les monnaies locales ont pour but de lier les utilisateurs par une idée de partage, selon Magnen (2015).
Enfin, la monnaie locale pourrait être porteuse d’un changement des représentations sociales de la monnaie. Comme le montre Tichit (2015), un contraste entre les citoyens et les adhérents d’un projet de monnaie locale est visible quant à leur représentation de la monnaie et de l’argent. Par exemple, alors qu’à la question « Que pensez-vous de la spéculation ? », 87% des adhérents à une monnaie locale répondent que c’est scandaleux, ils ne sont que 33% chez les citoyens non adhérents. Ces réponses sont à nuancer puisque seules quatre réponses étaient possibles, des réponses déjà orientées : « C’est une bonne chose ça récompense la prise de risque », « c’est normal, chacun essaie de tirer un profit », « Malheureusement on ne peut pas faire autrement » et « c’est scandaleux, ça ne devrait pas exister ». De plus, pour les citoyens non-adhérents, la monnaie ressort comme étant un élément lié à des institutions et à des symboles étatiques, alors qu’elle est plutôt liée au local pour les adhérents. Enfin, les adhérents semblent plus détachés du rapport entre la monnaie et le salaire ou le travail, tandis que c’est un élément qui ressort fréquemment dans le discours des citoyens. De ce fait, on se rend compte que les représentations sociales de la monnaie sont bien différentes entre les différents groupes de citoyens. L’évolution de ces représentations de la monnaie est nécessaire pour comprendre le système financier actuel et faire prendre conscience aux ménages que des changements ne se réaliseront pas sans des actions citoyennes.

Financer des projets localisés sur le territoire

Enfin, le dernier objectif des monnaies locales, bien qu’il ne soit que rarement mis en avant par la littérature, est de financer des projets localisés sur le territoire. En effet, il n’est pas nécessairement l’objectif majeur de ces monnaies mais peut malgré tout être un facteur de développement territorial non négligeable.
De par l’échange de monnaie nationale en monnaie locale, un dédoublement monétaire se réalise alors, on peut donc considérer que l’argent est utilisé deux fois. Tout d’abord, la monnaie locale circule après avoir été échangée contre des euros. D’autre part, les euros récupérés par l’échange constituent une masse monétaire, qui est un fonds de réserve dans une banque éthique ou locale, qui est La Nef dans la majeure partie des monnaies locales, permettant alors de financer la création ou l’installation d’entreprise (dans l’exemple qui suit c’est un éleveur) qui prendra part dans le réseau de professionnels de la monnaie locale. C’est notamment le cas pour l’Eusko, monnaie locale basque, qui a investi 80 000 € dans deux entreprises, et qui peut encore investir 330 00€ dans des projets structurants. Ce système est illustré dans le schéma ci-après. Lorsqu’un euro est échangé contre une unité de MLC, il est déposé dans une banque solidaire et éthique. Le fonds constitué par ces euros permet de financer l’installation de nouveaux acteurs, ici dans l’exemple un éleveur. Ce nouvel acteur fait donc partie du réseau de professionnels adhérents à la MLC. D’autre part, l’unité de MLC obtenue suite à la conversion va entrer dans le réseau, l’adhérent va la dépenser chez un commerçant, ici le boulanger et la monnaie va ensuite circuler dans le réseau. Lorsqu’un projet est financé, il faut cependant être conscient qu’il est important que celui-ci prenne ensuite part au réseau afin de soutenir le développement local et la circulation de la monnaie locale, grâce à laquelle il a pu se construire.

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Table des matières

Introduction
Partie 1 : État de l’art
I. La monnaie locale complémentaire, qu’est-ce que c’est ?
II. Des objectifs de développement territorial
III. Différents principes caractéristiques
IV. Une réalité différente de la théorie ?
Partie 2 : Cas d’étude et Méthodologie
I. Présentation des terrains d’étude
II. Justification des terrains d’étude
III. Méthodologie de récolte des données
Partie 3 : Résultats et analyse des données
I. Des projets indirectement financés par la NEF
II. Une volonté de financer des projets directement plus ou moins affirmée
III. La possibilité de choisir les projets financés
IV. Un impact plus fort lorsque la monnaie est très développée
V. Réflexion sur le réel intérêt des MLC
Conclusion
Bibliographie

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