L’origine des villes
Selon la tradition biblique, Caïn a construit la première ville qu’il baptisa Hénoc (Genèse 4). Ce serait ensuite donc les descendants de Caïn qui ont fondé les premières villes. La Bible commence avec l’histoire d’une ville (Hénoc) et se termine dans l’Apocalypse par celle d’une autre ville (Jérusalem céleste) 17. La Bible est aussi une longue succession d’histoire de villes qui toutes seront détruites, y compris Jérusalem et son temple par trois fois. Selon les sources, les villes, dans sa conception récente, sont apparues entre 3500 et 1500 avant Jésus Christ, dans les régions fertiles de Syrie, d’Egypte, de Mésopotamie, de la vallée du Jourdain, de la vallée de l’Indus et du Yangzi Jiang18. Dès le IIIème millénaire, avant Jésus Christ, des agglomérations comme Babylone, Ur ou Akkad atteignent des tailles importantes19. Mais le développement de grandes agglomérations est surtout caractéristique de l’âge du bronze, d’abord dans la vallée du Nil et en Mésopotamie, puis en Palestine, en Syrie, enfin en Anatolie ou dans la vallée de l’Indus. L’apparition de villes coïncide avec l’émergence de l’agriculture durant la période du néolithique20. Paul Bairoch le souligne d’ailleurs, en parlant de la « révolution néolithique » 21, que la naissance du phénomène urbain est liée à l’apparition de l’agriculture. L’existence d’un centre urbain présuppose l’échange de surplus agricoles. À cette période, la ville se caractérise par 3 éléments :
le mur d’enceinte monumental ;
la superficie (la ville mésopotamienne d’Uruk s’étend sur 400 ha) ;
la population (la population de Xi’an est estimée à un million d’habitants 1000 ans avant l’ère chrétienne).
La cité de Rome
La fondation de la ville de Rome (vers 753 av. J-C) est liée à la naissance de Romus et Romulus, comme évoqué dans les récits légendaires racontés de Virgile (L’Enéide) et de Tite-Live. La ville se trouve au centre de la péninsule italienne. Le site est propice aux échanges commerciaux. À Rome, c’est au Vème siècle avant Jésus Christ,qu’est édifiée la première grande enceinte en dur de la ville, celle du roi Servius Tullius. Elle remplace un mur en terre longé d’un fossé. La muraille dépasse largement le bâti urbain, afin de prévoir son extension et de protéger aussi des vergers et des jardins, voire des champs. Dès la période royale, la citoyenneté romaine a eu une valeur juridique. Elle peut donc être étendue à des individus ou des communautés vivant loin de Rome, de manière infinie. On devient citoyen en étant de père citoyen romain ou d’une mère romaine si l’union est illégitime. On le devient aussi par naturalisation, individuelle ou collective. On le devient aussi par affranchissement. Rome est fondée sur un modèle civique plus assimilationniste. Le point logique d’aboutissement de ce modèle est l’extension de la citoyenneté romaine à tous les habitants de l’Empire (édit de Caracalla)29. Quelques symboles caractérisent Rome, et d’une manière générale, les villes à l’époque romaine : les immeubles ou insula qui font 3 ou 4 étages, le cyprès et le buis, les jardins (avec pergolas et fontaine) pour s’allouer les bienfaits des dieux, les mines d’eau sont courantes.
La notion de « faubourg »
Le mot « faubourg » a deux explications historiques. Premièrement, à partir du Xème siècle, les habitants portent le titre de bourgeois. Ils sont dotés, par une charte municipale, d’une personnalité juridique collective, d’un sceau, d’un trésor; ils ont le droit d’élire un conseil municipal, de délibérer, de tenir un marché, de former des communautés de métiers, de lever des taxes, une milice et de se clore de murs pour assurer leur défense. Sous la Révolution française, la distinction administrative entre village, bourg et cité a été supprimée avec tous les autres privilèges de la noblesse. Les anciens bourgs de la campagne ont été transformés en municipalités. Avec cette réforme, les anciens bourgs ont perdu une grande partie de leur richesse, de leur autonomie et de leurs pouvoirs, notamment pour la fiscalité, les affaires sociales, l’instruction, la culture ou l’urbanisme, qui sont désormais centralisés au niveau de l’administration départementale ou centrale. À partir de cette période, les appellations de ville, de bourg et de village se spécialisent pour distinguer les agglomérations urbaines selon leur taille, les bourgs étant des petites villes ou de gros villages établis à la campagne. Deuxièmement, les populations des villes se sont agrandies, les villes fortifiées sont devenues trop étroites. On construit alors hors des murs (faubourgs, littéralement « faux bourgs ») protégés par de nouvelles enceintes.
Les villes durant la Renaissance
Durant la renaissance, les activités urbaines sont très organisées : marchés, ateliers, artisanat, commerce, banque, administrations, etc. Le développement des réseaux du commerce et de la banque entraîne des changements dans les structures des villes. Le popolo grasso, acteur majeur de la circulation des idées et de la culture, prend les rênes des villes de la Renaissance. La ville de la Renaissance est marquée par les aspects « religion » et « fête ». Pour la religion, on assiste à des processions, confession et communion de Pâques, des processions de confréries de métier et confréries pieuses, assistance aux sermons de carême. La ville en fête de la Renaissance se caractérise par des musiciens de toutes sortes et des jeux théâtraux. L’Italie est le pays où l’on trouve le plus grand nombre de villes et les plus peuplées durant la Renaissance, comme les villes d’Urbino, Milan et Venise. Milan devient un lieu d’accueil privilégié pour des artistes comme Léonard de Vinci. Longtemps marquée par ses contacts avec le monde byzantin, Venise devient au XVème siècle une puissance italienne.
Les villes islamiques
La conquête arabe, qui débute en 634, s’est accompagnée d’un effet d’urbanisation. Les villes de l’Islam médiéval sont génératrices de mouvements culturels. Constantinople fut avant l’an 1000 la plus grande ville du monde. La pression turque et le déferlement des croisades ont engendré une contraction urbaine jusqu’à la chute de Constantinople en 1453. La formation de l’empire ottoman a renforcé le caractère primatial d’Istanbul, tandis que, dans le reste de l’empire, on observe une désurbanisation. Dès la fin du VIIe siècle, la conquête arabe va couvrir le Moyen-Orient, le Maghreb et l’Espagne. Dans le Maghreb et dans une partie de l’Afrique noire, la diffusion de la civilisation musulmane a été un puissant facteur d’urbanisation. Les Arabes se sont installés dans des villes préexistantes ou en ont créé de nouvelles le long des axes commerciaux : Bagdad (la plus grande ville du monde entre 850 et 930), Alger, Fez, Marrakech… La colonisation européenne, qui a débuté au XVe siècle, et qui s’intensifie à partir du début du XIXe siècle, aura des conséquences sur l’urbanisation au Maghreb. La présence européenne plus importante a renforcé un système urbain « dualiste » : la ville européenne se développe à côté de l’ancien centre urbain musulman (exemple la ville de Médina). Ce dualisme a entraîné une forte ségrégation sociale et ethnique.
La migration des ruraux vers les centres urbains
On ne peut parler de la création et développement des villes sans évoquer l’exode rural. Pendant plusieurs siècles, les Malgaches ont migré57 à l’intérieur du pays pour différentes raisons : commerce, conditions climatiques dures, mécontentement politique, expansion impériale, conflit, mais surtout pour le travail et la subsistance (Deschamps 1959). Les groupes sociaux qui migrent fréquemment sont les Merina, les Betsiléo, les Antandroy et les groupes du Sud – Est. Les motifs de migration, selon les groupes ethniques, sont connus : plutôt pour faire du commerce chez les Merina ; migration vers les bassins rizicoles d’Ambatondrazaka dans les hautes terres orientales ou à Marovoay pour les Betsiléo ; tireurs de pousse-pousse dans les villes côtières ou accompagnateurs de zébus pour les Antandroy. Le nombre de personnes qui migrent en direction des centres urbains à Madagascar n’est pas connu avec précision. On sait que la migration rurale-urbaine s’est accentuée surtout depuis le début de la période coloniale, avec la modernisation des villes. La richesse des villes, face à la pauvreté et l’insécurité des campagnes sont des facteurs qui poussent à la migration rurale-urbaine. Deux catégories majeures de migrants en ville peuvent être mises en exergue. En premier lieu, les paysans qui sont à la recherche de conditions de vie plus favorables, en particulier des opportunités d’emplois et un accès facilité aux écoles (les étudiants) et aux centres de santé. Ils espèrent que les conditions sont effectivement en moyenne meilleures en ville que dans les campagnes, en particulier pour ceux qui peuvent compter sur un appui familial. En second lieu, les migrants dont le but est de vendre leur surplus de production agricole dans les centres urbains. Ceux-ci, relativement éduqués, deviennent alors des commerçants ou des vendeurs de produits agricoles, et restent fortement attachés au monde rural par des liens le plus souvent familiaux et éthiques. Pour Madagascar, l’attirance pour les villes est facilement associée à (i) la présence d’établissements scolaires ; (ii) de réseaux de communications (internet et téléphone) ; (iii) l’accès aux services d’électricité et d’eau ; et (iv) l’accès au crédit. Par contre, la présence de fonctions administratives et politiques ainsi que de services de santé ne semblent pas jouer un rôle majeur dans les regroupements démographiques.
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Table des matières
Remerciements
Acronymes
Introduction générale
PREMIERE PARTIE : Théories des villes et méthodologie
Chapitre I – Les villes à travers l’histoire : naissance et caractéristiques
I. L’origine des villes
II. Lesvillesdansl’Antiquité
III. Les villes sous le Moyen Age
IV. Les villes durant la Renaissance
V. Les villes après la révolution industrielle
VI. L’urbanisation dans les 5 continents
VII. Des critères pour définir les villes
Chapitre II – Les villes à Madagascar : évolution et caractéristiques
I. L’urbanisation durant la période coloniale
II. L’évolution des villes et des plans d’aménagements urbains après l’indépendance
III. La migration des ruraux vers les centres urbains
IV. Généralités sur quelques villes de Madagascar
Chapitre III : La contribution des sciences sociales dans l’étude des villes
I. Généralités sur la sociologie urbaine
II. Les différentes écoles et les objets d’étude
III. L’apport des autres sciences sociales pour étudier la « ville »
Chapitre IV – Méthodologie
I. Méthode
II. Techniques
III. Méthodologie
IV. Les approches privilégiées
V. Méthodes Qualitatives et Quantitatives
VI. Analyse des données collectées
VII. Les théories utilisées
VIII. Les difficultés rencontrées
DEUXIEME PARTIE : Fianarantsoa, une ville en mutation
Chapitre V : Cadre historique et géographique du pays Betsileo
I. La Société Betsileo avant l’émergence de la ville
II. Les conditions d’apparition d’une ville nouvelle
Chapitre VI : Présentation de la ville de Fianarantsoa
I. Evolution de la population de la ville de Fianarantsoa
II. Les aspects économiques de la ville de Fianarantsoa
III. Les aspects sociaux
IV. Quelques obstacles au développement de la ville
Chapitre VII : Identification des habitants de la ville
I. La composition de la famille fianaroise
II. Le niveau d’instruction
III. La profession du chef de famille
IV. L’origine des habitants
V. L’appartenance religieuse
Chapitre VIII : La transformation de la ville de Fianarantsoa
I. La période de floraison des Eglises et des Ecoles
II. Les transformations opérées durant la période coloniale
III. Les transformations durant la période de la Première République
IV. Les transformations durant la période de la Deuxième République
V. Les transformations durant la période de la Troisième République
VI. Les transformations durant la période de la Quatrième République
Conclusion partielle
TROISIÈME PARTIE : Rapports espace et société et perspectives de développement
Chapitre IX : les faits d’habitation
I. Les différents types ou formes de maisons dans la ville
II. La prédilection des habitants en matière d’habitation
III. Les relations propriétaires – locataires
IV. La ségrégation
V. Mobilités dans la ville
Chapitre X : l’urbanisation et ses problèmes
I. L’urbanisation de la ville
II. Les problèmes de la gestion de la ville ou de l’urbanisme
III. Les transformations récentes dans la ville
IV. Les expropriations et déménagements faits dans la ville
Chapitre XI : Quelques analyses sur les rapports entre espace et société
I. Distribution des groupes sociaux dans l’espace
II. Les acteurs des transformations opérées
III. Le conflit entre pouvoirs politico-administratifs
IV. Les conséquences de la modification de l’espace
Chapitre XII : Perspectives pour une meilleure gestion de la ville
I. Propositions pour l’amélioration des plans d’urbanisme
II. Réalisation des projets ou activités primordiaux et urgents
III. Culture des infrastructures
IV. Appuis aux dirigeants de la commune
V. Education des citadins
VI. Responsabilités et engagements de la commune
VII. Séparation entre technique et politique
VIII. Le juridique comme un leitmotiv non pas un frein
IX. Adoption des principes de la bonne gouvernance
Conclusion partielle
Conclusion générale
Bibliographie
Webographie
Annexes
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