Le modรจle naturaliste
ย ย ย ย ย ย ย La majoritรฉ des auteurs qui, dans lโEurope du XIXe siรจcle, ont critiquรฉ la grande ville industrielle, nโen รฉtaient pas moins marquรฉs par une longue tradition urbaine, ร travers lโhistoire, les citรฉs europรฉennes leur sont apparues comme le bureau des forces qui transforment la sociรฉtรฉ. Aussi, avant mรชme que nโy soient perรงus les premiers contrecoups de la rรฉvolution industrielle, la nostalgie de la nature inspire dans ce pays un violent courant antiurbain. Et la grande ville est ainsi successivement critiquรฉe sous une sรฉrie dโangles diffรฉrents ;au nom de la dรฉmocratie et dโun empirisme politique par Jefferson ; au nom dโune mรฉtaphysique de la nature par Emerson9 , et surtout Thoreau10, en fonction dโune simple analytique des rapports humains, par les grands romanciers. Tous ces auteurs, ร lโunisson, mettent naรฏvement leurs espoirs dans la restauration dโune sorte dโรฉtat rural dont ils pensent quโil est compatible avec le dรฉveloppement รฉconomique de la sociรฉtรฉ industrielle et que, seul, il permet dโassurer la libertรฉ, lโรฉpanouissement de la personnalitรฉ, voire la vรฉritable sociabilitรฉ. Les idรฉes du courant anti-urbain amรฉricain, se cristallisent, au XXe siรจcle, dans un nouveau modรจle. Trop radicalement utopique pour sโรชtre prรชtรฉ ร une rรฉalisation, mais appelรฉ cependant ร marquer la pensรฉe dโune partie des sociologues ettown-planners amรฉricains, ce modรจle a รฉtรฉ รฉlaborรฉ sous le nom de Broadacre-City par le grand architecte amรฉricain F. L. Wrigh11t. Les principes idรฉologiques sur lesquels il fonde Broadacre sont ceux dโun fidรจle disciple dโEmerson12. La grande ville industrielle est accusรฉe dโaliรฉner lโindividu dans lโartifice. Seul, le contact avec la nature peut rendre lโhomme ร lui-mรชme et permettre un harmonieux dรฉveloppement de la personne comme totalitรฉ. Et il explique, comme pour ses maรฎtres Jefferson et Emerson, quโil nโest possible de sโarracher aux servitudes de la mรฉgalopolis et de retrouver la nature que par la rรฉalisation de la dรฉmocratie. Il implique essentiellement la libertรฉ pour chacun dโagir ร sa guise. Pour lui la dรฉmocratie dรฉsigne individualisme intransigeant, liรฉ ร une dรฉpolitisation de la sociรฉtรฉ, au profit de la technique. A partir de ses prรฉmisses, F. L. Wright, propose une solution ร laquelle il a toujours gardรฉ le nom de la City, bien quโil รฉlimine la mรฉgalopolis et lโidรฉe de ville en gรฉnรฉrale. Ici la nature redevient un milieu continu, dans lequel toutes les fonctions urbaines sont dispersรฉes et isolรฉes sous forme dโunitรฉs rรฉduites. Le logement est individuel : pas dโappartements, mais des maisons particuliรจres dont chacune dispose dโau moins quatre acres de terrain, que les occupants consacrent ร lโagriculture et aux loisirs divers. Toutes les cellules (individuelles et sociales) sont liรฉes et reliรฉes entre elles par un abondant rรฉseau de routes terrestres et aรฉriennes. Lโespace de ce modรจle naturaliste est complexe; certains de ses caractรจres sโapparentent au modรจle progressiste, dโautres au modรจle culturaliste. Il est ร la fois ouvert et clos, universel et particulier. Cโest un espace moderne qui sโoffre gรฉnรฉreusement ร la libertรฉ de lโhomme. Le rapport de Brodacre avec la technique moderne est davantage dรฉcisif encore que dans le modรจle progressiste : ce sont lโautomobile, lโavion, le parkway, la tรฉlรฉvision, les techniques les plus avancรฉes de transport et de communication qui donnent son sens ร ce mode dโรฉtablissement dispersรฉ. Nous pouvons dรฉfinir alors que le climat de Brodacre est caractรฉrisรฉ par sa qualitรฉ rurale et il devient, ainsi, ร notre connaissance, la seule proposition urbanistique qui refuse complรจtement la contrainte. Ainsi, ces trois modรจles nโont pas eu les mรชmes ralentissements dans la pratique. Lโรฉtude des rรฉalisations concrรจtes de lโurbanisme fait apparaรฎtre, comme on peut le deviner, la grande supรฉrioritรฉ numรฉrique des agglomรฉrations progressistes. Le modรจle naturaliste nโa pu sโexprimer que trรจs particuliรจrement, et surtout aux Etats-Unis, dans des formes suburbaines. Le modรจle culturaliste continue dโinspirer la construction des villes nouvelles en Angleterre.
LES RAISONS DE LโURBANISATION DE LA VILLE DโANTANANARIVO
ย ย ย ย ย ย ย ย ย ย ย Lโurbanisation doit รชtre prise en compte pour au moins quatre raisons majeurs et complรฉmentaires :
1. Aspect dรฉmographique : Dรฉjร plus dโun mรฉnage sur trois vis dans lโagglomรฉration urbaine et au rythme actuel, prรจs de la moitiรฉ de la population sera localisรฉe en ville dans une dizaine dโannรฉe.
2. Aspect รฉconomique : Aujourdโhui, les centres urbains gรฉnรจrent prรจs de ยพ du PIB national et concentrent presque toutes les grandes entreprises du pays. Les perspectives de trouver un emploi sont de plus en plus cantonnรฉes dans et autour de la ville.
3. Aspect social : La concentration dรฉmographique entraine lโรฉclatement des familles et la disparition graduelle des mรฉcanismes dโentraides traditionnels. Les facteurs de vulnรฉrabilitรฉ ne sont plus les mรชmes quโen zones rurales car les familles sont moins dรฉpendantes des conditions climatiques mais dโavantages affectรฉes par lโenvironnement รฉconomique.
4. Aspect politique : Les crises politiques malgaches ont toutes รฉtรฉ exclusivement urbaines, peut-รชtre parce que la richesse y est plus concentrรฉe, les inรฉgalitรฉs plus visibles, et les capacitรฉs de mobilisation plus aisรฉes. La ville doit offrir des opportunitรฉs dโรฉtudes et dโemplois pour absorber les flux des jeunes qui quittent leur campagnes dans lโespoir dโune vie meilleure, alors que les paysans doivent devenir plus productifs pour assurer la sรฉcuritรฉ alimentaire des centres urbains.
La formation de lโagglomรฉration dโAntananarivo
ย ย ย ย ย ย ย ย ย ย Constituรฉ autrefois par une multitude de villages fortifiรฉs, et malgrรฉ la tentative de regroupement menรฉe par le Roi Andriamasinavalona (1970-1710), le royaume de lโImerina nโa รฉtรฉ unifiรฉ que durant le rรจgne dโAndrianampoinimerina (1787-1810). Aprรจs la prise dโAntananarivo en 1794, ce roi a รฉrigรฉ la capitale de son royaume ร Analamanga sur un promontoire situรฉ ร 1480 m dโaltitude. Lโhistoire dโAntananarivo en tant que ville, a dรฉbutรฉ sur ce site collinaire exceptionnel. Aprรจs avoir conquis les flancs escarpรฉs de cette colline, la ville sโest รฉtendue progressivement vers lโouest, dans la plaine de Betsimitatatra. Dรฉfiant le mode traditionnel dโoccupation de lโespace sur les Hautes Terres Centrales, cette extension de lโurbanisation dans la plaine sโexplique par une poussรฉe dรฉmographique, qui semble se maintenir dans les annรฉes ร venir. Peuplรฉe par un peu moins de deux millions dโhabitants en 2003, lโagglomรฉration dโAntananarivo sโest formรฉe ร la suite de la densification de la ville collinaire, lโurbanisation en ยซ doigts de gant ยป guidรฉe par les Routes Nationales, le remplissage des interstitiels dรฉdiรฉes aux รฉquipements publics et/ou ร lโรฉpandage des crues, lโextension des remblaiements dans la plaine et lโabsorption progressive des tissus discontinues composรฉs de bourgs et villages pรฉriphรฉriques.Son dรฉveloppement dans un site difficile, constituรฉ principalement par une vaste plainemarรฉcageuse et menacรฉe par les crues de lโIkopa et ses affluents, ne fait que renforcer et justifier lโรฉclatement de lโurbanisation. La ville semble actuellement conquรฉrir les sites externes qui lโentourent. Lโextension de la ville dโAntananarivo peut sโexpliquer par de nombreux facteurs au-delร de ses limites administratives :
– Depuis le phรฉnomรจne naturel de dรฉbordement de la population de la ville sur sa pรฉriphรฉrie (le plus simple et le plus logique),
– Jusquโaux choix politiques et stratรฉgiques fixรฉs dans le cadre des planifications urbaines successives (le plus volontariste),
– En passant par les contraintes hydrauliques et topographiques posรฉes par son site dโimplantation (le plus dรฉterministe).
Au fil des temps, ces divers facteurs se sont entremรชlรฉs pour donner lโรฉtat des lieux physiques et urbanistiques, qui prรฉvaut ร Antananarivo ร lโheure actuelle, ร savoir : la surdensification de la ville haute, moyenne et basse, lโextension tentaculaire le long des R.N., lโinterpรฉnรฉtration unique dโactivitรฉs urbaines et rurales dans la plaine inondable, et enfin lโurbanisation pรฉriphรฉrique, en gagnant de plus en plus de pรฉrimรจtre des douze collines sacrรฉes de lโImerina
CONCLUSION
ย ย ย ย ย ย ย ย ย ย La modรฉlisation de lโurbanisation et lโรฉvolution dโun systรจme de ville a fortement progressรฉ au cours de la derniรจre dรฉcennie. Elle devrait continuer ร progresser ร lโavenir dans la mesure oรน tendent ร se dรฉvelopper des modรจles qui sont susceptibles de montrer lโimpact sur la migration des changements enregistrรฉs dans les conditions dรฉmographiques, politiques et socio-รฉconomiques des villes. Le processus de lโurbanisation et les raisons qui poussent les pays ร sโurbaniser sont multiples et parfois se manifestent de maniรจre indirecte. Lโurbanisation est un phรฉnomรจne mondial mais elle ne se prรฉsente pas de la mรชme maniรจre ร travers chaque pays. Comme tout changement, lโurbanisation apporte de bonnes et de mauvaises graines. La surpopulation urbaine est ร lโorigine de nombreux problรจmes (insรฉcuritรฉ, chรดmage, pauvretรฉ etc.) qui se prรฉsentent comme des dรฉfis ร surmonter sur le long terme. Nรฉanmoins, elle prรฉsente aussi des intรฉrรชts รฉconomiques comme la crรฉation des diverses entreprises fournissant des valeurs ajoutรฉes essentielles pour faire augmenter la richesse dโun pays et par consรฉquent pour faire augmenter la croissance. Les villes malgaches sont mal prรฉparรฉes face ร leur avenir. Les opportunitรฉs รฉconomiques sont freinรฉs par de nombreux obstacles, les habitats y sont prรฉcaires et ne sont guรจre soutenus par une gestion fonciรจre opaque et chaotique. Le transport rendu difficile par les congestions et le manque dโinfrastructures, lโaccรจs ร lโรฉducation perturbรฉ par lโarrivรฉe de nouveaux รฉlรจves et les rรฉseaux dโeaux et dโassainissements tant dรฉlabrรฉs ร tel point quโAntananarivo est perรงue comme une des villes les plus sales du monde. Actuellement, la capitale regroupe presque trois millions dโhabitants et fait dรฉjร partie des 160 plus grandes villes de la planรจte du fait de nombreuses opportunitรฉs quโelle offre. Mais en parallรจle avec cette situation, divers problรจmes รฉmergent. Si les taux de pauvretรฉ sont moins รฉlevรฉs en ville que dans le milieu rural, le nombre absolu de pauvres urbains a considรฉrablement augmentรฉ ร cause de la pression dรฉmographique. Cette forte augmentation de la population nโest pas sans poser des problรจmes aux les services publics et les conditions de vie dans les villes malgaches, notamment lโhabitat et lโhygiรจne. En somme, les villes produisent le meilleur et le pire. Pour beaucoup de mรฉnages, elles offrent des opportunitรฉs dโรฉducation et donc dโemplois. Pour dโautres, elles prรฉcipitent la marginalisation et lโexclusion car les mรฉcanismes traditionnels de solidaritรฉ sociale ont tendance ร disparaitre. Les รฉtudes de dรฉveloppement urbain ร Antananarivo, trรจs ร la mode ces derniรจres annรฉes, constituent lโune des prรฉoccupations majeures des spรฉcialistes dont lโamรฉnagement urbain constitue le champ de recherche. Cet รฉtat de fait tient ร plusieurs raisons dont la principale est sans doute la dรฉtรฉrioration de la qualitรฉ de la vie des citadins due ร une explosion urbaine sans prรฉcรฉdent. Lโexamen des politiques urbaines mises en place sur la ville ร cet effet a permis dโen montrer les limites car elles ignorent totalement les habitants en raison de leur technicitรฉ ou de leur complexitรฉ. Cette dรฉfaillance a donnรฉ naissance ร un cadre de vie incompatible avec la culture populaire des utilisateurs. Pour redonner ร la ville un nouveau dynamisme urbain afin de rรฉpondre aux besoins et aux attentes de la population mais aussi rendre cette urbanisation plus viable, des mesures doivent รชtre prise et particuliรจrement par les autoritรฉs, mais aussi par la contribution de chacun dโentre nous, car souvenons-nous que nous sommes tous responsables de ce qui se passe dans cette ville. Quel avenir ? Quโest-ce quโil en sera de la ville dโAntananarivo vis-ร vis de tout cela?
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
Partie I : APPROCHE THEORIQUE : CONSIDERATIONS GENERALES DE LโURBANISATION
Chapitre 1 : Les caractรฉristiques de lโurbanisationย
Section 1 : Dรฉfinitions
Section 2 : Les concepts thรฉoriques de lโurbanisme
1. Lโurbanisme progressiste
2. Lโurbanisme culturaliste
3. Un nouveau modรจle-le modรจle naturaliste
Chapitre 2 : Les processus de lโurbanisationย
Section 1 : Les raisons de lโurbanisation
1. Les villes sont plus prospรจres
2. Lโattrait politique
3. Lโattrait touristique
4. Les villes comme lieux dโopportunitรฉs
Section 2 : les dรฉterminants micro-รฉconomique des migrations urbains-rural
1. Choix professionnel et choix rรฉsidentiel : deux domaines de dรฉcisions indรฉpendants
2. Dimension historique des phรฉnomรจnes migratoires
3. Prise en compte des opportunitรฉs locales offertes aux individus
Section 3 : Illustrations et exemples
Belgique
1. Brรฉsil
2. Chine
3. Rwanda
Partie II : ETUDE DU CAS DE LA VILLE DโANTANANARIVO
Chapitre 1 : Gรฉnรฉralitรฉs sur Antananarivoย
Section 1 : Les raisons de lโurbanisation de la ville dโAntananarivo
1. Aspect dรฉmographique
2. Aspect รฉconomique
3. Aspect sociale
4. Aspect politique
Section 2 : Etat des lieux
1. La formation de lโagglomรฉration dโAntananarivo
2. Mutation et รฉvolution de la ville dโAntananarivo
Chapitre 2 : Analyse de lโurbanisation ร Antananarivoย
Section 1 : Constats et interprรฉtations de la rรฉalitรฉ urbaine ร Antananarivo
1. Le manque de volontรฉ politique : Comprendre lโinefficacitรฉ de la Commune Urbaine dโAntananarivo (C.U.A.)
a. Les incohรฉrences politiques et administratives
b. Le manque de ressources budgรฉtaires
c. Les dรฉfaillances en matiรจre de gouvernance
2. Lโinapplication des lois et des rรจglements en matiรจre dโamรฉnagement et dโurbanisme
3. Absence dโoutil de planifications territoriales efficaces
Section 2 : Comment redynamiser la ville dโAntananarivo ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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