Introduction
La tuberculose multifocale est définie par l’atteinte d’au moins deux sites extra pulmonaires associée ou non à une atteinte pulmonaire[1]. Elle est rare chez l‘enfant et survient habituellement chez des sujets immunodéprimés [2]. Aucune série pédiatrique européenne de tuberculose multifocale n’est retrouvée dans la littérature, suggérant la rareté de cette forme dans les pays industrialisés[3]. En France, seuls trois cas de tuberculose multifocale chez l’enfant ont été décrites dans la littérature[4]. L’objectif de cet article était de décrire un cas de tuberculose multifocale révélé par une spondylodiscite tuberculeuse, observé en Guyane Française en 2014, chez une enfant de onze ans, afin d’alerter sur la difficulté et l’importance d’un diagnostic précoce de cette maladie en soins primaires
Discussion
La tuberculose multifocale est rare chez l’enfant, même dans les pays endémiques[3]. Son diagnostic doit être précoce car il s’agit d’une forme grave de tuberculose avec une mortalité pouvant atteindre 16% à 25%[5] et un risque de séquelles fonctionnelles non négligeable[6]. Notre patiente a présenté une forme rare de tuberculose multifocale et avait un terrain peu propice au développement d’une tuberculose multifocale. Nous retrouvons chez notre patiente, trois facteurs de risque d’infection auMycobateriumtuberculosis, parmi ceux décrit par Aissa[7]: mauvaises conditions socioéconomiques, naissance et adolescence dans un pays à forte incidence de tuberculose. Rappelons que le critère de forte incidence est un taux supérieur à 25 cas pour 100 000 habitants et que le taux de déclaration annuelle de la tuberculose en Guyane était de 28 cas pour 100 000 habitants en 2013 [8]. En revanche, aucun facteur augmentant le risque de progression vers la maladie en cas d’infection n’est retrouvé chez cette patiente. Selon Delacourt[9], ces facteurs dépendent du contaminateur (présence de cavernes à la radiographie de thorax) et d’autres facteurs liés à l’enfant exposé (âge inférieur à cinq ans, diabète, insuffisance rénale et immunodépression). La patiente ne présente pas non plus les facteurs de risque favorisant le développement d’une tuberculose multifocale. Selon les données de la littérature, ces facteurs de risque sont la malnutrition et le déficit immunitaire, notamment le VIH[5]. Par ailleurs, la patiente était vaccinée par le BCG. Il est donc important de souligner que ce vaccin n’est efficace que dans 75% des cas concernant la prévention des formes graves[10]. Notons que l’association tuberculose multifocale et mal de Pott chez l’enfant est rare. Une étude rétrospective sur dix enfants ayant une tuberculose multifocale a été réalisée au Maroc par Cherkaoui entre 2004 et 2007[2] ; parmi eux, un seul avait une localisation vertébrale. Ce qui rend notre cas exceptionnel est l’atteinte quadrifocale avec une localisation vertébrale. Dans une étude réalisée à Brazzaville, on retrouve seulement deux cas d’atteinte quadrifocale rapportés sur les 61 enfants présentant une tuberculose multifocale[3]. Sur ces deux cas, un seul présentait une localisation vertébrale parmi les différents sites atteints par la tuberculose[3]. Le retard diagnostique est fréquent dans une tuberculose multifocale[3]. L’évolution clinique insidieuse de la maladie et ses signes cliniques multiples peuvent être trompeurs [1].Chez notre patiente, le motif initial d’hospitalisation était une boiterie fébrile isolée. Nous avons évoqué, dans un premier temps, une ostéoarthrite à Staphylococcus aureus, celui-ci étant responsable de 75% des ostéo-arthrites chez l’enfant de plus de quatre ans[11]. Le fait qu’initialement, la patiente n’ait pas présenté d’autres signes cliniques que sa boiterie, a probablement contribué au retard diagnostique. L’absence d’isolement de Mycobacterium tuberculosis a pu aussi contribuer au retard diagnostique chez cette patiente. L’enfant étant paucibacillifaire, les cultures sont en effet très souvent négatives, même si elles sont réalisées dans de bonnes conditions [12]. Le diagnostic de tuberculose multifocale a été posé sur un faisceau d’arguments, comme c’est souvent le cas chez l’enfant [13,14]. Parmi les éléments qui ont fait retenir le diagnostic de tuberculose chez notre patiente, nous avons relevé :
– Une rachialgie subaiguë, orientant vers un mal de Pott[15]. Les atteintes multivertébrales (>2), observées chez notre patiente, sont très fréquentes dans la tuberculose [16] et, chez l’enfant, elles prédominent au niveau du rachis dorsal (51%)[17].
– Dans notre observation, l’IDR était positive à 18 mm. D’après Wang, une IDR dont le diamètre est supérieur à 15mm résulte plus d’une infection tuberculeuse que d’un faux positif secondaire à une vaccination par le BCG.[18]
– Un syndrome inflammatoire. Le mal de Pott entraine un syndrome inflammatoire biologique dans 71 à 100% des cas[15].
– Les données de l’IRM, permettant d’identifier une lésion d’origine tuberculeuse avec une sensibilité de 100% et une spécificité de 88%, bien avant la déformation osseuse[19]. Cet examen est préconisé en première intention en cas de suspicion d’une spondylodiscite[16].
– L’évolution clinique et biologique favorable sous traitement antituberculeux, argument indirect en faveur du diagnostic.[3]. La tuberculose multifocale est une forme grave de la tuberculose[20]. Chez notre patiente, la gravité était d’autant plus importante que le diagnostic s’est fait tardivement[21]. Le mal de Pott entraine des complications neurologiques, pouvant aller jusqu’à une paraplégie[22], et une cyphose, celle-ci pouvant entrainer des problèmes cardio-respiratoires [23]. Ces complications sont plus sévères chez l’enfant [24]. Notre patiente présentait aussi une localisation au niveau de la hanche gauche. Or, avec le mal de Pott, la hanche est la localisation où le pronostic fonctionnel est le plus engagé [25] Notre patiente n’était pas suivie par un médecin généraliste avant son hospitalisation. Une étude a été réalisée sur le parcours de soins avant le diagnostic des tuberculoses maladies déclarées en France en juin 2010. . Le premier recours médical avait lieu en ville dans 56 % des cas, le plus souvent auprès d’un médecin généraliste, ce qui réduisait de façon significative le recours tardif[26].
Conclusion
En conclusion, notre cas illustre à la fois les difficultés diagnostiques de la tuberculose multifocale chez l’enfant, les conséquences graves que peut entrainer un retard diagnostique et le rôle du médecin généraliste, qui, en diminuant le recours tardif, pourrait diminuer le délai diagnostique
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Table des matières
Introduction
Observation
Discussion
Conclusion
Conflit d’intérêt
Bibliographie
Annexes
Annexe 1: Tableau récapitulatif de la prise en charge de la patiente/ Summary of the care of the patient
Annexe 1: Tableau récapitulatif de la prise en charge de la patiente/ Summary of the care of the patient (suite)
Annexe 1: Tableau récapitulatif de la prise en charge de la patiente/ Summary of the care of the patient (suite)
Annexe 2: Critères augmentant significativement le risque d’infection au Mycobateriumtuberculosis chez l’enfant vacciné de moins de 15 ans
Annexe 3: Figure 1
Annexe 4: Figure 2
SERMENT D’HIPPOCRATE
Imprimatur
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