Une territorialité de l’accueil pensée et mise en pratique. Vers la ville hospitalière ? 

Dans quelles mesures peut-on saisir une affirmation de la ville dans une redéfinition en actes de l’accueil ?

Ce travail de recherche s’organise autour de la question de la territorialité de l’accueil des personnes exilées à l’échelle de Rennes et sa métropole. L’objectivation de mon expérience en service civique visera à mettre en lumière les dynamiques territoriales qu’implique(nt), à l’échelle locale, la ou les réponse(s) à la problématique de l’accueil des personnes exilées. Il y a de fait dans ce sujet, et dans sa problématisation, de nombreuses questions sur lesquelles le regard géographique peut apporter des tentatives de réponses – ou pour le moins, de description et d’analyse – qui peuvent contribuer à enrichir la réflexion autour des actuels dispositifs d’accueil, leur diversité et leur cohérence. C’est l’apport du champ de la géographie sociale qui peut à certains égards croiser celui de l’anthropologie urbaine telle qu’envisagée par Michel Agier : « L’anthropologue trouve dans l’enquête urbaine une mine de problématiques hybrides et complexes : il peut mettre en évidence les exclusions et les enfermements d’une part, les rencontres et les apprentissages d’autre part, mais il peut aussi tirer profit de cette complexité pour chercher le point du juste équilibre entre « le sens du lieu et la liberté du non-lieu » » (Agier, 2009, p.8-9). Ainsi, en prenant pour objet d’étude les dispositifs d’accueil, il s’agit d’identifier : les acteurs et la nature de ces dispositifs, sont-ils étatiques, municipaux, associatifs ? Comment ont-ils pu travailler ensemble, en collaboration, en conflit ? Tout un pan de travail de recherche qui a d’ores et déjà été traité à l’occasion de mon service civique. Ensuite, il convient de se questionner sur la portée et le sens voué à ces dispositifs : quelles constructions ou élaborations en termes politiques, sociaux et d’espaces sont trouvées, recherchées, revendiquées, évitées, rejetées ? Puis, vient le temps de la tentative de généralisation, pour sortir du seul cadre particulier : Quels modèles ? Quels résultats ? Les enjeux, dans le cadre de cette étude, sont multiples. Ils tiennent du contexte géographique, politique et social de l’espace d’étude et de l’objet d’étude considéré. Ainsi, un premier enjeu est celui de l’échelle géographique : « Dans la dimension spatiale des sociétés, la taille compte car elle traduit l’impact de la distance » (Lévy in Lévy et Lussault (dir.), 2003, p.285). Il semble pertinent, depuis les observations et les analyses de celle-ci que j’ai pu opérer, d’être en mesure de pouvoir jongler sur plusieurs échelles en même temps. L’échelle principale étant celle de la métropole, car étant celle de mon terrain d’étude lors de mon service civique, mais étant appelée à, en cas de besoin, s’élargir vers l’échelle départementale, voire nationale ou au contraire, se rétrécir à celle d’une commune, d’une quartier, et même, l’échelle microlocale qui peut s’avérer intéressante en ce qu’elle exprime une mobilité ou une non-mobilité, une accessibilité ou une exclusion à un niveau très fin qui pour autant peut avoir un impact fort sur une personne considérée. C’est ainsi par exemple qu’Alexis Spire a pu travailler à cette échelle infime en comparaison avec celle de la métropole, mais qui pourtant est tout autant significative, révélant « ce qu’on pourrait appeler la « politique des guichets » » (Spire, 2008, p.8). Le guichet d’une préfecture, la permanence d’une association, une cour de justice, une chambre d’hôtel, une cellule de centre de rétention… Autant de « micro-lieux », tous contenus à l’échelle d’une ville, qui font partie intégrante de la ville vécue par ces personnes exilées.
La prise en compte du caractère législatif, réglementaire et normatif qui englobe la question de l’accueil des personnes exilées constitue un autre enjeu de taille. Introduit de manière éclairante par Smaïn Laacher : « L’hospitalité est une des lois supérieures de l’humanité, une loi universelle, bref un droit naturel ; aussi est-elle, par définition, inaliénable et imprescriptible dans son fondement. En revanche, l’accueil, au sens juridique et politique du terme, obéit à des contraintes d’Etat. » (Laacher (dir.), 2012, p.84). Cette opposition entre accueil – réglementaire donc – et hospitalité – en tant qu’idéal de société – est lourde de sens. En effet, celle-ci est à la base des conflits qui opposent collectifs et associations militantes des décideurs politiques, en l’espèce des politiques migratoires, l’Etat. On retrouve cette opposition exacerbée chez les auteurs ayant conceptualisé la notion d’hospitalité. Ainsi Jacques Derrida, cité par Michel Agier, en développant le concept de ville-refuge : « Si nous nous référons à la ville, plutôt qu’à l’Etat, c’est que nous espérons d’une nouvelle figure de la ville ce que nous renonçons presque à attendre de l’Etat. » (Agier, 2009, p.96), ou encore Bontemps, Makaremi et Mazouz, allant jusqu’à parler d’« hostilité publique » : « Si l’hostilité publique modifie profondément les termes du débat politique, désormais polarisé par les extrêmes droites, elle provoque aussi des mouvements d’hospitalité privée à des échelles inconnues jusqu’alors » (Bontemps, Makaremi et Mazouz (coord.), 2018, p.28). A lui seul, le concept d’hospitalité est un enjeu central de ce sujet, si ce n’est un élément de réponse. Définie en premier lieu comme l’héritier du principe médiéval « Quid est in territorio est de territorio » , littéralement, « ce qui est dans le territoire fait partie du territoire », que certains juristes et Jacques Derrida associent à la généalogie du droit d’asile moderne.

L’hospitalité a été également définie par Yves Cusset dans l’« Abécédaire critique » paru dans la revue

Esprit. L’idée directrice de Cusset est de dire qu’il faut que l’hospitalité ait une acception politique,sociale et spatiale en tant principe et non de valeur : « Tout le problème est que l’adhésion à la valeur morale de l’hospitalité, au sens de cette sollicitude pour la détresse des exilés qui s’exprime dans la grande majorité des médias, n’implique nullement un choix politique en faveur de l’accueil des migrants. » (Cusset, 2018, p.97). Ainsi, pour éviter cet écueil, Cusset appelle plutôt à réaliser pratiquement le concept en tant que principe : « Le principe d’hospitalité n’a tout simplement de valeur que s’il fonde une politique d’accueil : la construction des conditions qui permettent la venue et l’inclusion de ceux qui cherchent, non pas tant un abri qu’un sol stable sous leurs pieds pour tenter de mener une vie normale, l’édification d’un monde commun, selon la définition limpide de Levinas : « Accueillir, c’est rendre le monde commun » » (Cusset, 2018, p.97-98). Cette même dichotomie est introduite chez Fabienne Brugère et Guillaume le Blanc, qui parlent d’une hospitalité éthique et d’une hospitalité politique. Mais pour ces derniers, ces deux facettes constitutives de l’hospitalité ne sont pas à opposer, bien au contraire : elles se nourrissent et se donnent du sens l’une à l’autre. Ainsi, dans une volonté de faire de l’hospitalité « un concept total », Brugère et le Blanc présentent ces deux acceptations : « Une hospitalité peut se développer à partir d’un soin de l’autre réfléchi politiquement et collectivement. » (Brugère et le Blanc, 2017, p.7), ce qui est du ressort d’une éthique collective, dont le maître mot serait la bienveillance à l’égard des personnes en situation d’exil, mais « Elle doit aussi être mise en place dans des dispositifs, des lieux d’accueils adaptés, des réglementations du droit d’asile qui rendent possible des recours, un passage facilité du droit d’asile à un travail. » (Brugère et le Blanc, 2017, p.7).

Géographie et ethnographie d’une expérience en service civique

Entre octobre 2017 et mai 2018, j’ai été volontaire dans le cadre d’un service civique portant sur le contrôle et l’enfermement des personnes étrangères en France. Pour réaliser cette mission, j’étais encadré par quatre associations et réseaux militants : une association d’accueil sur le terrain, la section d’Ille-etVilaine du Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP), deux organisations « d’envoi », Migreurop et l’Observatoire de l’Enfermement des Etrangers (OEE), et enfin une association d’agrément du service civique, Echanges et Partenariats (E&P).
Cette mission a été l’occasion de réaliser un travail proche de la recherche-action, comprise en tant que posture de recherche qui défend « l’implication des acteurs au processus de production des connaissances mais aussi sa finalité de transformation sociale » (Morvan, 2013). De fait mon travail consistait en la production d’un rapport sur la question des nouveaux dispositifs d’accueil mis en place par l’Etat, afin d’avoir, d’une part, une photographie et des informations à un instant « t » d’un secteur en constante évolution, et d’autre part, d’étudier en quoi ces nouveaux dispositifs permettaient, voire étaient même pensés, pour la mise sous contrôle et la conception d’un nouveau genre d’enfermement des personnes étrangères en France. L’idée fondamentale de la recherche-action étant de dépasser « la frontière entre théorie et pratique » en considérant « l’expérience, l’action (ou l’activité) comme source de connaissance » et en assumant « une posture d’engagement du chercheur dans la transformation de la réalité (ou d’efficacité pratique de la recherche) » (Morvan, 2013). On retrouve cette idée chez Bastien Soulé : « un engagement intellectuel (celui du militant) ou une visée appliquée (perspective de rechercheaction) font du chercheur un acteur central du changement opéré et/ou espéré. » (Soulé, 2007, p.136).
Tout un ensemble de méthodologies découlent de cette posture de recherche. Dans le cadre de mes activités, c’est la voie de l’observation participante qui fut retenue. Cette méthodologie, supposant « de la part du chercheur une immersion totale dans son terrain, pour tenter d’en saisir toutes les subtilités ».
(Soulé, 2007, p.128) a été privilégiée du fait de la richesse et la diversité des informations récoltées : « De fait, les personnes étudiées ont plus de chance d’être généreuses en informations, de se livrer à des confidences et de tolérer plus facilement la participation du chercheur » (Ghasarian, 2004, p.9). Le biais principal auquel le chercheur se confronte étant de « manquer de recul et de perdre en objectivité » (Soulé, 2007, p.128). Dans le cadre du service civique, ce biais était pleinement assumé : l’objectif avoué de la mission étant de produire un état des lieux dont la vocation était de nourrir les plaidoyers en faveur d’un accueil humain et pour dénoncer un détournement des dispositifs d’accueil à des fins de contrôle et d’expulsion. Toutefois, dans le cadre de ce mémoire, il s’agit de travailler à une objectivation et à opérer un retour réflexif plus poussé sur cette expérience de terrain, afin d’en cerner et faire ressortir la portée scientifique ; en fait, c’est un enjeu épistémologique auquel il faut répondre : « comment concilier la nécessité méthodologique de l’implication dans la vie d’un groupe avec le recul et la mise en perspective nécessaires au rôle de chercheur (Diaz, 2005) ? » (Soulé, 2007, p.129). Ainsi, la question de l’implication du chercheur dans son terrain de recherche, de la relation qu’il noue – ou qui le noue – avec ce dernier, de la place de sa subjectivité en tant qu’individu et de l’engagement dans un contexte scientifique formeront un ensemble de réflexions transcendantales dans le déroulé de ce mémoire.
On aura l’occasion de revenir à maintes reprises sur ce débat, notamment dans la présentation de cette expérience de service civique. Pour ce faire, l’idée est de rappeler le cadre théorique et pratique dans lequel la mission s’est déroulée, ce qui permettra de faire d’une part un point plus précis sur le contexte global entourant celle-ci mais également développer des éléments législatifs et réglementaires indispensables à la bonne lecture de ce travail de recherche. Une fois les bases jetées, il me faudra tenter de mettre en perspective mon expérience de six mois en ce qu’elle a pu me fournir tout un ensemble d’informations et de connaissances riches, et ce faisant, décrire un quotidien d’observation participante qui, selon la formule de Jean-Pierre Donzot citée par Marie Morelle et Fabrice Ripoll, « devient, à bien des égards, une participation observante » (Morelle et Ripoll, 2009, p.159). Une fois cette présentation des acteurs, des lieux et des dynamiques territoriales observées au cours de mes six mois de terrain, il sera temps d’aborder mes productions et réalisations, des choix personnels et collectifs opérés, et de la destination des travaux considérés. Derrière cette partie un tant soit peu descriptive, un enjeu : l’objectivation d’une expérience militante.

Contexte théorique et pratique de la mission

Entre octobre 2017 et mai 2018, j’ai effectué un service civique auprès de quatre associations. Il s’agit d’un montage particulier pour un volontariat, qui est du fait de l’association d’agrément du service civique : Echanges et Partenariats (E&P). Cette association parisienne forme des « sessions » de volontaires en service civique aux missions variées dont le point commun est la défense des droits humains. Ainsi, au sein de ma « session », nous étions huit volontaires, dont certains travaillaient sur la question des luttes autochtones aux Etats-Unis, des traités de libre-échange entre la France et le Maroc, sur les travailleurs saisonniers migrants en Europe, ou encore sur les mobilisations de défense des droits des Rohingyas en Birmanie. E&P nous a formé en amont du terrain, via différents ateliers proposés par des intervenants extérieurs, et a organisé une période dite de « capitalisation » à l’issue de nos missions, avec comme idée directrice de faire du lien entre les différents domaines de mobilisations dans lesquels nous nous étions investis. Chaque volontaire, en fonction de la mission pour laquelle il avait été recruté, avait une ou plusieurs « associations d’envoi » et une ou plusieurs « associations d’accueil ». Les structures d’envoi sont également parisiennes, ou du moins les sièges parisiens d’associations nationales ou internationales. Dans mon cas, il y avait deux structures d’envoi : le réseau d’associations, de militants et de chercheurs euroafricain Migreurop, travaillant sur la question de l’enfermement des étrangers et des camps, sur une aire étendue : Europe, Moyen-Orient et Afrique. Le réseau est né en 2002, suite au démantèlement du camp de Sangatte 18 à côté de Calais, et s’est formalisé en association dès 2005. L’autre structure d’envoi était l’Observatoire de l’Enfermement des Etrangers (OEE) , un collectif informel d’associations et de syndicats créé en 2011 dont l’objectif principal est de dénoncer la banalisation de l’enfermement administratif s’inscrivant comme mode de gestion des étrangers en France. L’association d’accueil, la structure qui accueillait en ses murs le volontaire civique pendant le temps de son terrain, était la section rennaise du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP). Cette association nationale créée au sortir de la seconde guerre mondiale a énormément d’activités variées au niveau national qui ne sont pas nécessairement représentatives des actions menées au sein de chaque section locale. A Rennes, les activités quotidiennes du MRAP consistent en la tenue de permanences d’aide administrative et juridique auprès des personnes étrangères, notamment en situation d’exil.

Les situations administratives

Une personne exilée qui arrive en France peut connaître un certain nombre de statut administratif au cours de sa trajectoire migratoire. Ces statuts sont attribués par l’administration française, et conditionnent les droits auxquels peuvent prétendre les personnes. Dans ce paragraphe, nous nous intéresserons uniquement aux droits conférés par l’Etat français et ses services déconcentrés – c’est-à-dire notamment les préfectures – aux personnes étrangères. D’autres droits et aides peuvent être alloués aux personnes étrangères par les collectivités locales du fait de la décentralisation et de l’acquisition par ces collectivités de compétences étatiques – notamment en matière d’action sociale en ce qui concerne les conseils départementaux – mais celles-ci fluctuent en fonction du département considéré, puisqu’il s’agit de décisions politiques inhérentes à des rapports de force locaux. Ne seront présentés ici que ce qui prévaut à l’ensemble du territoire français.
Dans un premier temps, intervient le parcours de l’asile – ou plus précisément, le parcours encadré par le droit d’asile. Une personne primo-arrivante en France obtient en général au bout de quelques semaines le statut de « demandeur d’asile » (DA). Ce statut ouvre un certain nombre de droits : être logé et de recevoir une allocation de demandeur d’asile (ADA) par exemple. C’est ce que l’administration appelle les conditions matérielles d’accueil (CMA). Ainsi, le temps de l’instruction de la demande d’asile par les administrations compétentes (cf. infra) la personne est, en théorie, logée par l’Etat et reçoit une allocation mensuelle qui lui permet de subvenir à ses besoins. Si la demande d’asile est jugée recevable, la personne obtient un nouveau statut, soit celui de « réfugié », soit celui de « bénéficiaire de la protection subsidiaire ». Afin de ne pas entrer dans des détails trop précis, l’essentiel à comprendre sur ces deux statuts est que l’Etat français reconnaît dans un cas comme dans l’autre sa responsabilité dans la protection de la personne considérée, et que l’attribution de ces statuts à une personne s’accompagne d’une carte de séjour dite « résident », c’est-à-dire que la personne obtient le droit de se maintenir sur le territoire pour une période de dix ans : elle pourra donc travailler, effectuer une demande de logement HLM, etc. « Le réfugié, protégé par son statut conventionnel s’est ainsi vu adjoindre en Europe une sorte de réfugié « bis » en la personne du bénéficiaire de la protection subsidiaire, conçue pour pallier les insuffisances de la notion de réfugié. » (Laacher (dir.), 2012, p.374). Il est à noter que contrairement au statut de réfugié, qui ouvre des droits à l’ensemble de la famille – conjoint et enfants – du réfugié, le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un statut nominatif : c’est la situation d’un individu qui est considéré. En revanche, si la demande d’asile est jugée irrecevable, la personne est dite « déboutée » de sa demande d’asile. Dès lors,aux yeux de l’administration française, elle sera considérée en situation de « séjour irrégulier » sur le territoire français. C’est ce qu’on appelle communément une personne « sans-papiers ». La personne ne bénéficiera plus de place d’hébergement étatique – sauf de manière exceptionnelle – ou d’allocation, et risquera la mise en rétention au sein d’un centre de rétention administrative (CRA) et le renvoi vers son pays d’origine si un arrêté préfectoral est pris contre elle dans ce sens. Toutefois, le parcours migratoire de la personne ne s’arrête pas nécessairement une fois le refus d’asile prononcé. Il existe d’autres possibilités pour obtenir un titre de séjour lui permettant de se maintenir en France. Ainsi, la personne sort du circuit de l’asile pour entrer dans celui encadré par le droit commun relatif au droit de séjour des étrangers en France.

Les administrations et procédures

Dans un parcours migratoire en France, une personne exilée se confronte à différents types de structures administratives et peut faire l’objet de certaines procédures. En ne considérant que les seules structures étatiques dans un premier temps, on peut distinguer d’une part les administrations à rayonnement national, et d’autre part les administrations locales.
Les administrations nationales qui font partie du parcours migratoire d’une personne exilée sont notamment celles chargées d’instruire les demandes d’asile. Ainsi, on retrouve l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Lorsqu’une personne dépose une demande d’asile, elle passe en premier lieu une audition à l’OFPRA. C’est un agent d’Etat qui est chargé de mener l’audition : sera présenté à cette occasion le récit d’asile de la personne exilée, qui explique pourquoi la personne fuit son pays et en quoi la France se doit de la protéger. Puis, à partir de ce récit, l’agent pose des questions à la personne sollicitant l’asile dans le but de s’assurer de la véracité de son récit. Les questions peuvent être très précises : une personne que j’ai suivie au cours de mon volontariat a par exemple du donner le numéro de la ligne de bus desservant le stade de sa ville d’origine. Ensuite, l’OFPRA rend sa décision à la personne par voie postale. En cas de réponse positive, la personne obtient une protection internationale, en cas de réponse négative, la personne peut faire appel auprès de la CNDA. A cette occasion, ce sont des juges qui mèneront l’audition. Il s’agit pour la personne de démontrer pourquoi l’OFPRA a rendu une mauvaise décision : un enjeu primordial est alors d’avoir un maximum de documents prouvant les éléments contenus dans le récit d’asile. La CNDA peut contredire la décision de l’OFPRA et accorder l’asile, ou au contraire valider la première décision et débouter le demandeur du droit d’asile. Dès lors, la personne est définitivement déboutée du droit d’asile.

Une journée-type de permanencier du MRAP

La section bretilienne du MRAP est présente à plusieurs endroits : elle a son siège, que les militants appellent « le local » à Rennes dans le quartier du Blosne, mais elle tient également des permanences dans d’autres lieux à Rennes, et ailleurs dans le département, comme à la Guerche-de-Bretagne, à proximité de l’ex-centre d’assignation à résidence, ou encore à Emmaüs Hédé. Au sein de l’association, il y a une dizaine de bénévoles qui se relaient pour assurer les permanences. J’étais permanencier au sein du local, où sont tenues quatre permanences hebdomadaires : le lundi matin de 9h30 à 12h, le mardi après-midi de 14h à 18h, le mercredi matin de 10h à 12h et le jeudi après-midi de 14h à 18h. En-dehors de ces temps, le local peut être réservé pour organiser des réunions, préparer des rendez-vous en préfecture, etc. Les permanences forment un moment essentiel pour les associations : elles forment un moment de rencontre, qui permet aux militants d’établir un premier contact et maintenir les relations avec les personnes exilées. J’assurais dans un premier temps deux à trois permanences par semaine afin de me former et de saisir toutes les petites subtilités de ce domaine extrêmement complexe. Le local est divisé en deux parties : une grande salle, qui en horaire de permanence consiste en la salle d’attente, et une plus petite subdivisée en deux postes « de travail » séparés par une cloison, tous deux équipés d’un ordinateur. Les bénévoles reçoivent les personnes exilées par ordre d’arrivée, et tentent de leur apporter l’aide dont elles ont besoin : préparation d’un dossier de demande de régularisation, orientation vers les associations caritatives pour une aide alimentaire ou matérielle, mise en lien avec des avocats en cas de nécessité, présentation des allocations et aides à leur disposition en matière de santé, d’éducation, de loisirs, etc. A chaque fois, les bénévoles prennent les coordonnées des personnes se présentant à la permanence, cela permet d’assurer un suivi et de pouvoir contacter la personne ultérieurement. Fait marquant, à chaque séance de permanence les bénévoles se trouvent confrontés à la problématique du logement. Si bien que l’association a décidé de tenir une liste des personnes sans solution de logement depuis décembre 2017. Cette liste ne cesse de grossir depuis.
Après la permanence, la journée n’est pas terminée : les bénévoles sont amenés à accompagner et soutenir des personnes dans leurs démarches administratives. Aux guichets de la préfecture, la présence d’un bénévole permet qu’il n’y ait pas de malentendu ou d’incompréhension entre ce que dit l’agent de la préfecture et ce qu’entend la personne exilée. Des audiences devant statuer sur la validité ou non d’une OQTF ou d’une IRTF peuvent avoir lieu au tribunal administratif de Rennes. Il importe qu’un maximum de soutien soit présent lors de ces audiences : plus la personne paraît entourée aux yeux du juge, meilleures sont ses chances d’obtenir une annulation de procédure de transfert.
Tout au long de mon expérience en tant que militant du MRAP, j’ai tenu un carnet de terrain me permettant de garder une mémoire des rencontres et des visites effectuées au cours de ma mission. « Car les notes de terrain sont le reflet d’une expérience, les marques du temps passé, et offrent au temps présent la seule valeur de vérification possible. » (Bellier, in Ghasarian, 2004, p.55) Ce matériau brut et riche m’a permis de prendre du recul vis-à-vis des situations individuelles et de cerner ce qui faisait système, ce qui revenait de manière récurrente dans une expérience migratoire sur le territoire rennais, et plus largement, dans la constitution d’un parcours migratoire en France et en Europe. Ses soixante pages font état des situations de détresse administrative, mais aussi sociale, éducative, médicale, psychologique, de plus de trois cents personnes. Elles démontrent également toute la diversité des profils et trajectoires migratoires que l’on peut rencontrer dans une seule ville. Ce matériau constitue une base pour l’édification de ce présent mémoire. Il est le témoin de l’investissement mis sur le terrain mais également de la traduction de la mise en place d’une forme de méthodologie de recherche : la participation observante. Selon l’analyse de Lièvre et Rix (2005), cités par Soulé : « La différence fondamentale entre observation participante et participation observante réside à leurs yeux dans l’activité principale du chercheur : s’il est avant tout acteur de terrain, se transformant uniquement en chercheur une fois sa mission terminée (par la prise de notes, par exemple), on peut parler de participation observante. » (Soulé, 2007, p.134).

Réalisations et rendus

Au cours de ces six mois de volontariat, j’ai été amené à produire un certain nombre de documents et réalisations, dans la perspective de communiquer les résultats de mon observation de terrain. D’autre part, il me fallait répondre aux objectifs fixés lors des réunions de travail avec les associations encadrantes du volontariat. Premier travail effectué, la rédaction des actes du colloque de l’OEE portant sur les nouvelles formes de contrôle et d’enfermement des personnes exilées, colloque qui a « ouvert » ma période de terrain. Par « nouvelles formes », il s’agit de désigner tout ce qui forme la zone grise entre l’accueil des personnes et leur enfermement au sein d’un centre ou local de rétention administrative. De fait, l’enfermement des personnes étrangères en France est très normé et défini au sein du code du droit d’asile et des étrangers. Mais il existe depuis quelques années des dispositifs permettant le contrôle des personnes exilées qui n’entrent pas dans le cadre de la rétention et qui s’appuient sur les dispositifs d’accueil. Ces dispositifs ont été passés en revue tout au long de cette journée: assignation à résidence, nouvelles formes de centres, procédures administratives de restriction des libertés et des droits, etc. Rédiger ces actes m’a permis d’une part de me former très concrètement sur la question du contrôle et de l’enfermement, du fait de la richesse des exposés et de la diversité des intervenants, professionnels du travail social, chercheurs, et militants provenant de diverses associations nationales et locales, belges et françaises. La journée était divisée en deux parties : le matin, ce sont les organisations nationales qui introduisaient le sujet du colloque,en présentant l’historicité du sujet ainsi que ses développements récents à partir de leurs analyses.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières
Introduction
Première partie : Géographie et ethnographie d’une expérience en service civique 
Chapitre 1 : Contexte théorique et pratique de la mission
Chapitre 2 : Le terrain en question
Chapitre 3 : Réalisations et rendus
Deuxième partie : la territorialité de l’accueil des personnes exilées à Rennes 
Chapitre 4 : Des « trajectoires-type » de personne exilée à Rennes.
Chapitre 5 : De la complémentarité des accueils en ville : essai de catégorisation des différents acteurs de l’accueil et du contrôle
Chapitre 6 : Jeux d’échelles, enjeux d’échelons
Partie 3 : Une territorialité de l’accueil pensée et mise en pratique. Vers la ville hospitalière ? 
Chapitre 7 : De l’actualisation du concept d’hospitalité
Chapitre 8 : Penser l’hospitalité comme « un Droit à la Ville en actes »
Conclusion 
Bibliographie 
Webographie 
Annexes 
Tables des matières

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *