Analyser les différents types de discours présentés
Le concept de discours : terminologie, contexte et éléments de définition
Dans l’encyclopédie Bordas, de 1994, le terme de « discours » est défini comme le produit de l’acte d’énonciation, qui obéit à des règles qui se superposent à celles de la langue. Ces règles d’énonciation sont liées à l’histoire, au savoir et à l’idéologie. Un discours correspond donc à l’ensemble de mots et de phrases qui constituent un énoncé verbal ou écrit. Les discours sont alors constitués d’énoncés qui sont alors analysables selon Michel Foucault. Le champ d’analyse du discours est énormément marqué par les sciences sociales, notamment par la sociologie. Aujourd’hui, l’analyse de discours correspond à une approche multidisciplinaire, qui s’est développée en Europe (Grande Bretagne et France) et aux Etats-Unis depuis les années 1960. La langue devient alors un moyen de communiquer et le discours en est son expression, comme le mentionne Émile Benveniste : « avec la phrase on quitte le domaine de la langue comme système de signes, et l’on entre dans un autre univers, celui de la langue comme instrument de communication, dont l’expression est le discours ». Empruntant des concepts aux domaines de la sociologie, de la philosophie, de la psychologie, de l’informatique, des sciences de la communication, de la linguistique et de l’histoire, l’analyse de discours s’applique à des discours variés : discours politiques, religieux, scientifique ou artistique. Opposée à l’analyse de contenu traditionnelle, l’analyse de discours s’intéresse particulièrement aux concepts utilisés et à l’organisation narrative des discours oraux ou écrits. Cette analyse étudie à la fois la qualité d’un discours et sa quantité ainsi que le contexte dans lequel le discours est produit. Dès lors, la langue est expliquée, grâce aux discours prononcés, par des causalités externes : à un état de discours correspond un état de société, un contexte particulier.
En 1971, c’est Michel Foucault qui a précisé l’analyse de discours et ses caractéristiques. Considéré comme le père fondateur de l’analyse de discours, Michel Foucault avance de nouveaux éléments pour comprendre et appliquer l’analyse de discours dans sa leçon inaugurale au Collège de France, prononcée le 2 décembre 1970. D’après lui, le discours doit faire face à des « procédures d’exclusion »37. La première procédure d’exclusion est ce que Michel Foucault appelle l’interdit. Cet interdit, ces choses qu’on ne peut dire, provient de différentes sources : du tabou de l’objet, d’une circonstance particulière ou même du sujet qui parle lui-même qui décide ce dont il parle ou non. D’après Michel Foucault, la politique et la sexualité sont les deux domaines où l’interdit est le plus fréquent. Un autre principe d’exclusion mentionné par l’auteur est celui de la folie, principe tout de suite relayé par celui de la vérité et du mensonge. Aujourd’hui, un discours doit être prononcé par qui de droit et selon un certain rituel, dans une volonté de vérité. C’est pour cela que Michel Foucault rappelle qu’un discours est loin d’être transparent ou neutre : « le discours, en apparence, a beau être bien peu de chose, les interdits qui le frappent révèlent très tôt, très vite, son lien avec le désir et le pouvoir »38. Même dans les domaines où le discours comporte le plus d’interdits, la politique et la sexualité, il peut exercer toute sa puissance et révéler ses liens avec la notion de pouvoir.
Analyser les discours donnés par les sites officiels de la marque Disney
Dans les deux terrains précédemment exposés, physique et virtuel, différents discours me sont parvenus. Il m’est donc apparu logique de les analyser telle l’analyse de discours précédemment définie : trouver les concepts récurrents, interpréter les messages que nous délivrent ces concepts. Dès lors, ces messages peuvent être reliés aux techniques marketings mises en place par cette entreprise culturelle mondialisée qu’est l’entreprise Disney. Il m’a donc fallu analyser à la fois les discours donnés par la marque Disney sur les sites internet : chaque parc à thèmes Disney dispose d’un site officiel qui présente le parc. On retrouve sur ces sites tous les aspects pratiques dont le visiteur peut avoir besoin lors de la planification de sa visite (horaires d’ouverture, plans, restaurants et hôtels). Mais ces sites sont réellement des acteurs, des producteurs du soft power Disney, et à moindre mesure nous le verrons, du soft power américain. En effet, grâce à ces sites, il sera possible de dégager les stratégies marketing et culturelles qui montre comment on vend la marque Disney à travers le monde. Les cinq sites des cinq parcs Disney ont donc servi de base pour analyser les discours donnés par la marque Disney : www.disneyland.disney.go.com (pour le parc Disneyland Park en Californie), www.disneyworld.disney.go.com (pour le parc Walt Disney World, en Floride), www.tokyodisneyresort.co.jp/en/index.html (pour le parc Tokyo Disneyland, au Japon), www.disneylandparis.fr/index.html (pour le parc Disneyland Paris, en France) et www.park.hongkongdisneyland.com/hkdl/en (pour le parc Hong Kong Disneyland, en Chine). L’analyse de ces cinq sites officiels Disney permettra de mettre en avant la répétition de certaines notions, certains concepts récurrents qui témoignent de la production d’un message spécifique. Les discours proposés par ces sites nous permettront de mettre en lumière les dimensions du soft power disneyen et dans des mesures moindres, le soft power américain.
Tout d’abord, chaque site internet Disney met en avant un bandeau publicitaire, une sorte de slogan qui est la première chose que l’on découvre. Ces bandeaux publicitaires se présentent sous la forme de phrases courtes, sans ornement où l’objectif est simple : mettre en avant la dimension féérique du parc pour attirer le visiteur. On recense trois bandeaux publicitaires représentatifs. Pour Disneyland Park (Californie), on peut lire : « The happiest place on earth. Just got happier ».
Pour le parc de Floride, le bandeau publicitaire est le suivant : « Dreams come true at Magic Kingdom Park ». Enfin, pour Tokyo Disneyland, le slogan est simple : « Where dreams come true ». Ces trois bandeaux mettent donc en avant trois idées majeures qui définissent les parcs Disneyland : ce lieu est unique où rêves et réalité sont entremêlés et où chacun vit un moment de joie intense. Lorsque l’on parcourt plus en détail ces sites internet, les concepts de ces bandeaux font partie des concepts généraux et mis en avant par les sites. Les notions récurrentes, traduites de l’anglais vers le français, suivent la typologie suivante. Sont représentés les thèmes du rêve (« l’imagination », « un monde magique et fantastique », « splendeur et magie », « un monde de mystère », « voeux », « monde de rêves »), d’un divertissement familial inoubliable (« pour les petits et les grands », « se forger des souvenirs, « la famille », « bonheur sans limite »,) et le thème d’un divertissement extraordinaire et unique à Disney (« des attractions spectaculaires, « divertissement », « feux d’artifice », « royaume enchanté », « héros et héroïnes Disney », « contes de fées et histoires »). Il apparaît donc que ces thèmes récurrents font transparaître le soft power Disney, ou la capacité de vendre cet univers à travers le monde. Ces sites vendent donc un univers unique, merveilleux, un univers qui doit être vécu en famille, le lieu où les rêves deviennent réalité.
Mais, ces sites présentent aussi un autre avantage pour ce travail. En effet, au-delà de vendre l’image, les valeurs et les symboles de l’univers Disney, ces sites montrent aussi une certaine image des Etats-Unis et de leur culture, origines de la marque Disney. Chaque site présente les différents lands (ou zones thématiques de chaque parc) : Main Street USA, Adventureland, Discoveryland, Fantasyland, et Frontierland (ou Westernland). Les descriptions qui sont intéressantes sont celles de Main Street USA et de Frontierland. En effet, ces deux lands sont, me semble-t-il, l’essence même du territoire américain en plein univers disneyen. Mais les mots employés dans ces descriptions ne sont pas les mêmes d’un site internet à un autre, d’un parc à un autre. Les sites des deux parcs Disney américains présentent le land de Frontierland comme le land des « trailblazers, settlers and other heroes of the Old West, in a pioneers’ paradise »42. Ici, les concepts de héros et de paradis témoignent d’une vision patriotique de ce land Disney, vision patriotique que le créateur, Walt Disney, voulait transmettre aux visiteurs du parc. Dans les autres parcs Disney du monde, les valeurs et la culture américaine ont été exportées mais les termes employés à leur propos sont différents : il faut s’adapter au pays d’accueil pour mieux attirer et séduire. Les visiteurs sont dès lors plongés au coeur de l’Amérique : l’Amérique du Far West dans Frontierland et l’Amérique du début du XXème siècle pour Main Street USA. Ce land a été reproduit à l’identique du parc original dans les autres parcs Disney, hormis dans le parc de Tokyo où la rue porte le nom de World Bazaar et est couverte (en raison des importantes précipitations). Mais chaque site internet parle de ce land de la même manière : il faut que les visiteurs se croient être des citoyens américains de petites villes telles que Walt Disney les a connues. Sur le site de Tokyo Disneyland, ce sont les arcades et les jeux mécaniques qui sont mis en avant : « Penny arcade favorites from the turn of the 20th century are here, with their antique designs and fun little quirks, and old-fashioned pinball machines, baseball games and more.
La même description de Main Street USA se retrouve sur le site de Hong Kong Disneyland : « Step into an American town. Take a stroll in the quaint streets or ride in old-fashioned vehicles ». Ainsi, toutes les Main Street USA des parcs Disney présentent la même architecture, les mêmes décors, les mêmes musiques. Il en est de même pour le land de Frontierland, qui représente le land de la conquête de l’Ouest et de la ruée vers l’or. Tout comme Main Street USA, ce land reprend les mêmes éléments de décors que le land original californien : des montagnes ocre, des arbres très verts et la plongée dans une ville de cow-boys. Sur les sites internet, c’est cette atmosphère qui est mise en avant : les cow-boys, la vie au temps du Far West, les mines et la ruée vers l’or. A Disneyland Paris, Frontierland nous plonge au coeur des « secrets de la conquête de l’Ouest ». A Tokyo Disneyland, l’attraction Beaver Brothers Explorer Canoes est encore plus réaliste, puisque le visiteur peut ramer dans un véritable canoë sur une rivière américaine : « so you really want to explore the Rivers of America ? Then, it’s the ride just for you. Everyone is given a paddle for a journey once around the Rivers of America »45. Ainsi, des différences entre les sites internet des parcs américains et ceux des autres parcs sont visibles. Dans les sites des autres parcs Disney, on retrouve plus de références aux Etats-Unis, à leur histoire et aux paysages américains. Même si la magie disneyenne est vendue comme pour les autres parcs, il semble que les parcs non américains présentent la visite comme une vraie découverte, un vrai voyage au coeur des Etats-Unis.
Les discours délivrés par les sites internet Disney relèvent donc de l’analyse de discours et témoignent d’éléments intéressants. Grâce aux discours qui interpellent directement le visiteur, avec des verbes à l’impératif en anglais comme en français ou des expressions qui semblent d’adresser directement au visiteur, on observe un fort soft power disneyen pour attirer toujours plus de visiteurs grâce à l’univers merveilleux de Disney. Mais plus encore, ces sites veulent plonger les visiteurs dans une atmosphère propre aux parcs Disney : une atmosphère de nostalgie et d’idéalisation de la terre d’origine de Walt Disney, les Etats-Unis. Une analyse plus développée des parcs Disney même permettra de voir si, en effet, ces lieux sont des morceaux de territoire choisi des Etats-Unis.
Analyser les publicités que l’on peut trouver concernant Disney
Alors que les discours des sites internet présentent des concepts récurrents, des expressions qu’il est simple d’analyser, les publicités, quelque soit le produit vendu, sont des produits plus complexes qui mêlent à la fois une image et un texte, que l’on appelle slogan ou encore accroche. Cette accroche est le texte phare de la publicité et se doit d’être analysée, au même titre que l’image qui l’accompagne. Ainsi, pour analyser une publicité, deux outils sont nécessaires : la déconstruction de sa composition et l’étude des acteurs (émetteur-récepteur). Le terme de promesse est un terme qui est employé dans le domaine de la communication et de la publicité : il s’agit du message, créé par un premier acteur, qu’une publicité délivre à un second acteur. Si chaque publicité s’adresse à une cible précise, en fonction de l’âge, du sexe ou encore de la catégorie socioprofessionnelle, il existe cependant des bases publicitaires obligatoires : la publicité, quelle que soit la cible, utilise toujours l’imaginaire de celle-ci, mêlé aux valeurs du groupe qu’elle vend ou qu’elle représente. Mais, une publicité est une image industrielle : elle vend toujours les mérites d’un groupe, d’une entreprise ou d’une marque. Ce qui implique donc qu’elle soit distribuée en masse, à travers le monde selon la renommée du groupe, de l’entreprise ou de la marque en question. La publicité est aujourd’hui un des moyens les plus importants de diffuser un message, d’attirer un consommateur ou de vendre quelque chose.
C’est pourquoi une entreprise culturelle mondialisée, telle que la Walt Disney Company, a vu l’importance majeure de faire de la publicité, et ce, sur des territoires réduits, comme un pays, mais aussi à travers le monde et sur internet. Par l’analyse de certaines publicités Disney, prises comme exemples dans ce travail, il serait possible de mettre en avant les techniques marketings d’une marque mondiale telle que Disney pour attirer consommateurs de produits dérivés et visiteurs de parcs à thèmes. Les publicités Disney peuvent dès lors faire l’objet d’une typologie, selon les personnes qu’elles visent. Tout d’abord, elles visent ce qui semble être les consommateurs principaux de l’univers Disney : les enfants. Avec des publicités simples et compréhensibles, Disney permet d’attirer et de fidéliser le public le plus accessible que sont les jeunes enfants.
A l’image de cette publicité, dont le slogan est « get rid of your bad dreams », les enfants savent qu’ils se débarrasseront de tous leurs cauchemars, comme ce jeune enfant qui se débarrasse d’un monstre, en allant à Disneyland Paris. Cette publicité est donc un moyen dérivé de témoigner du côté féérique et merveilleux de Disneyland Paris, où seuls les rêves sont autorisés. Mais, si les enfants représentent la principale cible de la marque Disney, ceux-ci ne peuvent se rendre seuls dans les parcs à thèmes. C’est pour cela que la marque a compris le besoin nécessaire de faire des publicités pour les adultes et parents. Loin de miser sur la magie ou les rêves promis par l’ambiance des parcs à thèmes, ces publicités présentent des dimensions plus pratiques : offres de réduction, offres spéciales pour les séjours ou offres pour les familles. Si les publicités Disney ont compris l’importance de viser une cible précise, les publicités des parcs à thèmes utilisent un autre atout : vendre le parc et les évènements qu’il peut proposer. Ainsi, certaines publicités vendent les périodes telles que Noël ou Halloween et bien sûr les anniversaires de chaque parc. Grâce à l’analyse et à l’explication de certaines publicités créées par la marque Disney et diffusées à travers le monde, il sera donc possible d’expliquer le phénomène de la Disneyisation : comment se propage la culture Disney à travers le monde.
Ainsi, ce travail va allier culture Disney, entreprise culturelle et mondialisation mais aussi soft power américain et diffusion d’un modèle culturel. Par la suite, nous allons étudier les éléments empiriques de l’univers Disney et nous définirons précisément ce qu’est le concept de soft power et quel peut-être le lien entre le soft power américain et une entreprise culturelle telle que la Walt Disney Company.
Le fait Disney : éléments empiriques d’une entreprise culturelle mondialisée
L’entreprise Disney est une entreprise que l’on qualifie ici comme culturelle et mondiale. Culturelle, car cette entreprise n’a cessé de proposer, depuis sa création avec Walt Disney, des produits différents et innovants : dessins animés, films, chaînes de télévision et de radio, produits dérivés, parcs à thèmes. Mondiale, car cette marque est présente sur toute la planète, conquérant à la fois la planète physique (Disney Stores, parcs à thèmes) et la planète virtuelle (images, réseaux sociaux). Il semble que la mondialisation finale de cette marque soit la création des parcs à thèmes, véritable territorialisation de cet empire à travers le monde.
L’empire Disney : des origines à la mondialisation du phénomène
Walter Elias et Roy Disney
Le 5 décembre 1986 a été, aux Etats-Unis, le « Walt Disney Recognition Day », c’est-à-dire la journée de reconnaissance à Walt Disney. Cette journée insiste sur le fait que cet homme occupe une place prépondérante dans la vision américaine du monde, même vingt ans après sa mort. Walt Disney est celui qui a hissé le dessin animé au rang des grandes productions hollywoodiennes et qui a créé un empire industriel et commercial dépassant largement les frontières de l’Amérique et du cinéma. Retour sur les années qui ont fait de cet homme le créateur d’une entreprise culturelle mondiale : l’empire Disney.
Walter Elias Disney, né le 5 décembre 1901 à Chicago, passe quatre ans de sa vie dans la petite ville de Marceline, Missouri, ville qui sera l’une de ses principales sources d’inspiration. Dès l’âge de 14 ans, Walt suit les cours de l’Institute of Art de Kansas City. Après un court séjour en France comme ambulancier de la Croix-Rouge, il revient à Kansas City en 1919 et son frère Roy réussit à le faire embaucher dans une agence de publicité, où Walt rencontre Ub Iwerks, son futur plus proche collaborateur. Ces deux hommes se font embaucher en 1920 à la Kansas City Film, qui produit des dessins animés publicitaires. Deux plus tard, ils créent la Laugh-o-Grams Films et réalisent des dessins animés inspirés de contes, comme le Chat Botté ou les Musiciens de Brême. Cette firme fait faillite, ce qui amène Walt Disney à rejoindre son frère Roy à Los Angeles, où ils ouvrent un modeste studio. Avec le soutien du créateur Friz Freleng et des frères Clark, les frères Disney relancent la série Alice in Cartooland (créée quelques années auparavant). Walt crée en 1923 le personnage d’Oswald le Lapin. En 1928, c’est avec Ub Iwerks que Walt crée la souris prénommée Mortimer, qu’il rebaptisera Mickey l’année suivante. Trois dessins animés sont créés : Plane Crazy (reprenant l’exploit de Lindbergh traversant l’Atlantique en avion), Gallopin’ Gaucho et Steamboat Willie, qui est un véritable succès à l’époque. En effet, dès 1927, le cinéma sonore avait conquis les salles de cinéma américaines. Walt Disney met donc au point un système de synchronisation et imagine un scénario rempli de gags et d’effets sonores et musicaux. Steamboat Willie sort en première à New York le 18 novembre 1928 et connait un triomphe. Dès lors, l’univers de Mickey Mouse s’enrichit de nouvelles histoires et de nouveaux personnages : Pluto et Goofy en 1932, Donald en 1934. Dès 1932, Walt Disney aborde le dessin animé en couleurs, avec l’innovation du Technicolor. Fleurs et Arbres sera couronné par un Oscar, et de nombreux films suivent : les Trois Petits Cochons ou encore le Lièvre et la Tortue, tiré des Fables de la Fontaine.
L’année 1937 marque une étape importante : Blanche Neige et les Sept Nains, le premier long métrage signé Disney, sort dans les salles de cinéma. La même année, la compagnie Disney déménage à Burbank en Californie, qui va devenir le plus gigantesque studio de dessins animés. Ce studio s’organise sur un mode de production industriel, avec une division des activités et une multiplication des effectifs. Des équipes spécialisées sont créées : story-board, traçage, encrage, gouachage. Walt poursuit la réalisation de longs métrages aujourd’hui mondialement connus : Pinocchio (1939), Fantasia (1940), Dumbo (1941) ou encore Bambi (1942). De 1943 à 1945, ce sont surtout des dessins animés qui serviront à l’effort de guerre et à la propagande des Etats-Unis : des films d’instruction militaire (Victory Through Air Power en 1943) ou contre le nazisme (Education for Death ou Der Fuehrer’s Face). Après la guerre, le studio Disney se tourne vers les productions non animés (documentaires) et Walt Disney fonde sa propre compagnie de distribution, Buena Vista. La première réussite de Disney dans ce domaine est le film Mary Poppins (1964), mélange de film, comédie musicale et animation, qui reste à l’heure actuelle l’un des succès les plus populaires de Disney. En même temps, le studio continue la production de dessins animés : Cendrillon (1950), Alice au Pays des Merveilles (1951), Peter Pan (1953), la Belle et le Clochard (1955), la Belle au Bois Dormant (1959) et tant d’autres jusqu’aux Aristochats en 1970. Mais la compagnie Disney ne s’est pas seulement illustrée dans la production. En 1954, Disney crée un premier programme télévisé sur ABC, The Disneyland Story, puis le Mickey Mouse Club TV Show en 1955, tous les deux diffusés quotidiennement. Ces émissions permettent de rediffuser les dessins animés et de faire la promotion du premier parc à thèmes, Disneyland Park à Anaheim en Californie. Dans ce parc, Walt Disney fait édifier un monde en trois dimensions, peuplé des créations de son propre univers et de l’Amérique populaire. Le 15 décembre 1966, Walt Disney meurt, laissant sa compagnie entre les mains de son frère. En 1971, ouvre un second parc en Floride, Walt Disney World, inauguré par Roy Disney. Celui-ci meurt trois mois après l’ouverture du parc. Donn Tatum, Card Walker et Raymond Watson sont les trois successeurs des frères Disney à la tête de la compagnie. C’est en 1984 qu’arrivent Michael Eisner à la tête de la Walt Disney Company et l’heure du renouveau pour la société.
Les années 1980 : la politique du « think big » par Michael Eisner
Les années 1980 marquent l’arrivée d’une nouvelle équipe de direction de la Walt Disney Company. Le nouveau président, Michael Eisner, arrive de la Paramount et propose alors une politique ambitieuse pour hausser Disney parmi les meilleures entreprises du pays. Sous Michael Eisner, tout sera maintenu et normalisé. Le travail ordonné déjà en marche sous Walt Disney se maintient dans les années 1980 : à cette époque, les studios Disney ont été jugés comme « les plus disciplinés et les plus contrôlés, alors que les autres étaient relâchés, informels et divisés par des personnalités libres et impulsives ». Michael Eisner annonce un objectif clair : la création de vingt longs métrages par an qui constitueront une bibliographie conséquente pour concurrencer directement les autres majors. Les 27 des 33 premiers films de cette équipe se sont révélés bénéficiaires, comme Chéri, j’ai rétréci les gosses (1989) ou le Cercle des poètes disparus (1989).
En 1984, la Walt Disney Company développe la politique du « think big » (« penser grand »), grâce à Michael Eisner, en « revenant à l’ADN de Disney »49. Grâce à une intégration verticale de la société, le nouveau PDG veut faire de la compagnie californienne une véritable multinationale culturelle. Le groupe Disney se diversifie à cette époque : loin d’être confus, ce vaste groupe est très précis. La Walt Disney Company possède alors quatre produits ou réseaux : les films et dessins animés, les parcs à thèmes, les produits dérivés et les réseaux télévisés. Michael Eisner souhaite que la firme Disney se renouvelle, se réinvente chaque jour pour ne pas devenir un musée50. La Walt Disney Company crée alors dans les années 1990 son propre circuit de distribution internationale. Deux studios sont crées, gérés par la Walt Disney Company, mais permettant de sortir des films plus sérieux et adultes pour toucher plus de public : Touchstone en 1984 et Hollywood Pictures en 1990. L’année 1993 marque le rachat de la production Miramax et la constitution de Buena Vista International pour distribuer les films dans le monde entier. La télévision est alors un média important pour la Walt Disney Company : celle-ci acquière la chaine ABC en 1996 et la Fox Family en 2001. Afin de renforcer l’identité et la puissance de l’entreprise Disney, une structure qui supervise les activités à l’échelle mondiale est ouverte : il s’agit de la Walt Disney International, en 1999, qui a ses quartiers généraux à Londres, Tokyo et Buenos Aires. Grâce à elle, la compagnie Disney peut maintenir une cohérence et créer de fortes synergies avec les pays du monde entier. Il s’agit d’allier une logique mondiale à une connaissance des cultures nationales. En 2005, la Walt Disney Company est reprise par Robert Iger. Entre 1984 et 2005, l’action Disney sera passée de 1.35 $ à 25 $ et la firme aura multiplié ses bénéfices par 40 (100 millions de bénéfices en 1984 contre 4.5 milliards en 2005). En 2006, Disney rachète la production Pixar, revend Miramax et acquière Marvel en 2010. C’est en 2011 finalement que la Walt Disney Company achète la Lucasfilm, et par la même occasion, les droits sur la trilogie Star Wars.
L’empire Disney se caractérise ainsi par quatre dimensions fondamentales: les studios de productions de films et de dessins animés, les réseaux (télévision, radios et internet), les parcs à thème et les produits dérivés Disney. Grâce à ces quatre dimensions empiriques et concrètes, l’entreprise Disney est territorialisée aux quatre coins de la planète, ce qui en fait une véritable entreprise culturelle mondiale. Cette universalité de l’empire Disney tient au fait que Walt Disney a crée « un univers autonome qui présente constamment des valeurs particulières et reconnaissables à travers des personnages récurrents et des thèmes familiers et répétitifs » (Wasko, 1996).
La Disneyisation effective du monde : quatre facteurs d’explications
Aujourd’hui, l’empire Disney domine de plus en plus la société et les différents secteurs du divertissement. Alan Bryman évoque la Disneyisation du monde, comme notion complémentaire de la McDonaldisation. Cette notion, théorisée par Ritzer (1993), définit « the process by which the principles of the fast-food restaurant are coming to dominate more and more sectors of American society as well as the rest of the world ». Ce procédé ne représente pas seulement la diffusion des restaurants eux-mêmes mais aussi la culture qu’ils véhiculent. Par comparaison, il en est de même pour la Disneyisation du monde, qui est « the process by which the principles of the Disney empire and theme parks are coming to dominate more and more sectors of American society as well as the rest of the world »52. Mais, la Disneyisation n’est pas la Disneyification du monde : cette notion, théorisée par Schickel (1986), représente « that shameless process by which everything the Studio later touched, no matter how unique the vision of the original from which the Studio worked, was reduced to the limited terms Disney and his people could understand. Magic, mystery, individuality … were constantly destroyed when a literary work passed through this machine that had been taught there was only one correct way to draw »53. D’après Alan Bryman, l’empire Disney et les parcs à thème se développent à travers le monde grâce à quatre thèmes fondamentaux : le « theming » (la thématisation), la consommation, le merchandising et le travail émotionnel. L’empire Disney peut donc dominer la société américaine et le reste du monde.
Le « theming » est la dimension la plus évidente de la Disneyisation : aujourd’hui, tout est thématisé dans l’empire Disney, avec des thèmes culturels que les habitants de la planète partagent (la musique, le sport, les films Hollywoodiens). Cette thématisation existe aussi dans les parcs Disneyland du monde, puisque l’on retrouve dans chaque parc des lands, c’est-à-dire des zones délimitées par des thèmes précis. Cette idée de la thématisation a été une idée de Walt Disney lui-même lors de la création du premier parc Disney à Anaheim en Californie : le créateur voulait différencier son parc des autres parcs d’attraction, jugés trop « carnaval », lui donner un côté unique et plus sérieux, pour attirer les enfants et les adultes. Les attractions sont aussi thématisées que les décors et le parc : Big Thunder Mountain qui reprend le thème du Far West ou Space Mountain, le thème de la conquête de la Lune. On peut lire dans un prospectus d’Euro Disneyland, qui vantait en 1989 les atouts de ce parc: « Rather than presenting a random collection of roller coasters, merry-go-rounds and Ferris wheels in a carnival atmosphere, these parks are divided into distinct areas called ‘lands’ in which a selected theme … is presented through architecture, landscaping, costuming, music, live entertainment, attractions, merchandise and food and beverage. Within a particular land, intrusions and distractions from the theme are minimized so that the visitor becomes immersed in its atmosphere »54. Ainsi, c’est l’atmosphère créée par les thèmes des zones qui est importante et qui confèrent à l’empire Disney et aux parcs à thème leur caractère unique et leur si grande renommée. Aujourd’hui, la thématisation est un concept repris dans d’autres lieux que les parcs d’attractions : les centres commerciaux par exemple, ou même dans les différents quartiers d’une ville.
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Table des matières
CHAPITRE 1 : CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIE. Mondialisation, soft power et posture personnelle
I- Mondialisation et globalisation : l’heure de la culture mondialisée
II- Problématisation : culture mondialisée et notion de soft power
III- Méthodologie : attraits personnels et terrains d’étude
CHAPITRE 2 : L’ENTREPRISE DISNEY ET LE SOFT POWER. Faits, définitions et cadre conceptuel
I- Le fait Disney : éléments empiriques d’une entreprise culturelle mondialisée
II- Le soft power : concept géopolitique et géoculturel
III- Le soft power américain : un cas particulier, objet de ce travail
CHAPITRE 3 : LES ENTREPRISES CULTURELLES GLOBALES. L’empire mondial Disney et ses parcs à thèmes
I- Des stratégies publicitaires complexes et précises pour promouvoir chaque parc Disney
II- Des plans d’actions marketing précis applicables dans chaque parc à thèmes Disney
III- Une stratégie marketing encore plus efficace : la « target segmentation »
CHAPITRE 4 : LA DIMENSION GEO-POLITICO-CULTURELLE DE LA WALT DISNEY COMPANY
Un atout culturel et politique pour les Etats-Unis ?
I- Les parcs à thèmes créés par Disney : une territorialisation des Etats-Unis ?
II- La visibilité de la marque Disney : permettre la propagation d’une image positive des Etats-Unis
III- L’état américain et les entreprises culturelles : se servir de la culture comme arme politique
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