Une stratégie de calcul pour l’analyse à l’échelle ”micro” des endommagements

Présentation des stratifiés à fibres continues

   On s’intéresse dans ce travail aux composites stratifiés à matrice polymère et fibres longues ou continues, c’est à dire des fibres pour lesquelles le rapport longueur sur diamètre est très élevé. Un stratifié est composé d’un empilement de plis dits unidirectionnels. Un schéma descriptif de la composition d’un stratifié est proposé Figure 1.1. L’épaisseur d’un pli unidirectionnel est de plusieurs centaines de micromètres et dépend du grammage. Pour diminuer les coûts de production, on utilise aujourd’hui des plis à fort grammage (environ 300 micromètres contre environ 125 auparavant). Chaque pli est obtenu par arrangement de fibres (carbone ou verre le plus souvent) dont le diamètre varie de 3 à 200 micromètres et d’une résine (matrice) répartissant les contraintes entre les fibres. Les matrices polymères sont souvent utilisées pour des raisons de coûts et performances (elles fournissent une bonne adhésion et sont relativement faciles à mettre en forme). L’orientation des fibres définit l’inclinaison du pli par rapport à un axe donné. L’un des avantages des stratifiés est la possibilité d’orienter les fibres selon des directions adaptées aux efforts imposés à la structure. La conception d’une structure stratifiée passe donc par le choix des matériaux, des orientations des fibres et de l’agencement des plis (séquence d’empilement de plis d’inclinaison donnée). Les stratifiés sont désignés par l’orientation des fibres de chaque pli par rapport à une référence arbitraire (axe −→x ) correspondant très souvent à la direction du chargement. Un pli à 0˚ possèdera des fibres orientées selon l’axe −→x tandis qu’un pli à 90˚ aura des fibres perpendiculaires à cet axe. On indique en indice le nombre de plis adjacents ayant la même orientation (on parle alors de couche). L’indice « s » correspond à un stratifié symétrique pour lequel on ne renseigne que la moitié de l’empilement. Afin de limiter le couplage traction/flexion qui complexifie l’analyse, la plupart des stratifiés sont symétriques. En plus de cette caractéristique, les stratifiés sont équilibrés pour obtenir un comportement orthotrope macroscopiquement. Ainsi, pour chaque orientation θ, le stratifié doit contenir une couche dont la direction des fibres fait un angle −θ avec l’axe −→x . Les stratifiés [0/90]s sont par construction équilibrés. Enfin, l’ordre des couches a un impact sur les effets de bord principalement, le comportement macroscopique à coeur étant le même quelque soit l’agencement du stratifié. A titre d’exemple, l’empilement [0/−45/45/90]s donne un comportement identique au stratifié [0/90/45/ − 45]s macroscopiquement.

Microfissuration

   Lors d’essais de traction, les décohésions fibres-matrice se rejoignent pour former des fissures traversant toute l’épaisseur d’un pli. Ces fissures se propagent parallèlement aux fibres. Cette caractéristique simplifie considérablement l’étude des stratifiés car la direction de propagation des fissures est fixée par la géométrie et non par le chargement comme on peut l’observer dans d’autres composites tels que les SiC/SiC. Les premiers plis affectés par la microfissuration sont les plis à 90˚, c’est à dire ceux dont les fibres sont perpendiculaires par rapport à la direction de chargement. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on parle aussi de fissuration transverse (Figure 1.6a). Sous chargement de traction, les fissures sont très souvent perpendiculaires par rapport aux plis. Des microfissurations peuvent aussi apparaître dans les plis dont l’inclinaison est la plus grande par rapport à la direction de chargement (Figure 1.6b). De nombreuses observations ont été menées sur des stratifiés croisés pour étudier l’apparition et le développement des fissures transverses pour des chargements statiques ou de fatigue. Lorsque le chargement croît, le nombre de microfissures augmente et se traduit macroscopiquement par une diminution de la rigidité longitudinale du stratifié (dans la direction du chargement) et une modification des propriétés thermiques. Les microfissures introduisent des chemins à travers lesquels des agents corrosifs peuvent pénétrer à l’intéThèse de doctorat – D. Violeau – 2007  rieur du stratifié. Ce phénomène peut devenir catastrophique dans certains cas.

Détermination du champ de contrainte

  L’analyse d’un stratifié dégradé nécessite la connaissance du champ de contrainte en présence de dommages. Les différentes approches rappelées ici utilisent le fait que la plupart des microfissures traversent de manière quasi intantanée la section du stratifié. L’hypothèse formulée pour l’analyse du champ de contrainte est que l’étude peut être restreinte à une approche bidimensionnelle. Cette hypothèse n’est valable que pour des plis épais sous chargement statique. La plupart des approches ont initialement été développées en supposant que les microfissures n’apparaissent que dans les plis à 90˚. L’extension au délaminage local ou à la propagation de microfissures à travers la section a ensuite été proposée par différents auteurs. L’analyse des stratifiés [0m/90n]s permet de présenter les différentes approches de détermination du champ de contrainte en présence de microfissures. En supposant que les microfissures se répartissent de manière périodique (ou localement périodique), une cellule élémentaire est déterminée et caractérisée par la distance entre deux fissures (2L) et l’épaisseur des plis à 0˚ (t0) et 90˚ (t90) (Figure 1.8). On note x la direction de chargement (sens des fibres à 0˚), y la direction des fibres à 90˚ et z la direction orthogonale. D’après les hypothèses formulées, la solution ne dépend pas de y et l’étude est menée dans le plan (x,z). Le milieu est supposé élastique linéaire. Les microfissures sont libres d’effort et les équations classiques de la mécanique des milieux continus sont utilisées. Compte tenu de la singularité des contraintes en pointe des fissures transverses, la solution exacte du problème ne peut être déterminée, des solutions approchées sont donc considérées.

La Mésomécanique des stratifiés

  Les approches mésomécaniques s’appuient sur la mécanique continue de l’endommagement pour modéliser les mécanismes de dégradation. Elles introduisent des variables d’endommagement représentant une homogénéisation d’une zone dégradée selon différentes procédures. L’introduction de variables d’endommagement fut initialement proposé par Kachanov (Kachanov, 1958) et Rabotnov (Rabotnov, 1968) pour décrire les discontinuités introduites par les dégradations dans les métaux ou les bétons. Les différents modèles existant diffèrent principalement par le nombre de variables d’endommagement pris en compte, leur signification et la complexité des phénomènes modélisés. Le modèle proposé par Talreja (Talreja, 1985, 1986, 1994) et repris par (Thionnet & Renard, 1993) introduit une seule variable d’endommagement dans le pli et ne permet alors pas de simuler les dégradations en cisaillement. La variable d’endommagement choisie correspond au déplacement normal d’ouverture des fissures transverses qui affecte la réponse globale de la structure. Allen (Allen et al., 1987a,b; Allen, 1994, 2001) propose de définir un tenseur d’endommagement obtenu par homogénéisation d’un volume élémentaire représentatif contenant des microfissures puis d’intégrer ce comportement dans une approche classique de théorie des stratifiés. Une attention particulière est donnée au mésomodèle d’endommagement développé au LMT depuis une vingtaine d’années (Ladevèze, 1986; Allix & Ladevèze, 1992; Ladevèze & LeDantec, 1992) dont plusieurs principes seront repris dans le micromodèle rappelé au chapitre 2. Ce modèle d’endommagement a initialement été développé pour les stratifiés mais a aussi été étendu aux matériaux tissés (Hochard et al., 2001; Bordreuil & Hochard, 2004) ou aux matériaux carbone/carbone en quasistatique comme en dynamique. Des essais d’identification ont notamment été menés dans (Allix et al., 2000) pour les petits chocs sur stratifiés. Pour les stratifiés, l’échelle intermédiaire à laquelle les phénomènes d’endommagement peuvent être décrits de manière simple est l’échelle du pli. On parle alors d’échelle méso. Le mésomodèle d’endommagement repose sur deux idées principales :
-La première est que le comportement d’un stratifié peut être décrit par deux constituants élémentaires : les plis et les interfaces (Figure 1.10). Ces mésoconstituants ont leur propre comportement continu indépendant de la structure dans laquelle ils s’insèrent. Des variables d’endommagement sont introduites pour caractériser les chutes de raideur associées aux dégradations.
-La seconde hypothèse est que l’endommagement est constant dans l’épaisseur de chaque  pli mais peut varier d’un pli à l’autre ou en différents points d’un même pli. L’interface est introduite quant à elle, pour gérer les phénomènes de délaminage, son rôle étant essentiellement limité aux zones de bord.

Pont méso-micro

   Les travaux (Ladevèze & Lubineau, 2002; Ladevèze & Lubineau, 2003a,b,c; Lubineau & Ladevèze, 2005) et (Ladevèze et al., 2006) ont permis de réaliser un pont relativement complet entre les deux approches présentées : l’approche micromécanique, qui quantifie la dégradation via des indicateurs physiques (taux de fissuration, taux de délaminage), et l’approche de type mésomodèle, basée sur la théorie de l’endommagement. Le principe de ce pont consiste à réaliser une homogénéisation au moyen d’une équivalence énergétique. L’énergie potentielle est déterminée pour une cellule élémentaire microfissurée et une cellule homogène endommagée (Figure 1.17). En séparant les variables en partie effective (contraintes et déformations dans l’état sain) et partie résiduelle, l’énergie de déformation du pli endommagé peut s’écrire sous la forme : ed = ˜ed − e¯d où ed est la densité d’énergie de déformation du pli endommagé, e˜d est celle du pli sain sous déformation macroscopique et e¯d est celle du problème de résidu. Le problème de résidu est un problème linéaire pour lequel les lèvres de la fissure sont soumises à un effort résiduel −σN homogène. Le comportement méso est ainsi relié aux principales caractéristiques micro des constituants. Les premiers travaux (Ladevèze & Lubineau, 2002; Ladevèze & Lubineau, 2003a,b,c; Lubineau & Ladevèze, 2005) ont concerné le comportement du pli sous chargement plan. L’étude des mécanismes de microfissuration transverse et de délaminage local en pointe de fissure transverse a permis de prouver que les variables et les forces thermodynamiques méso associés à l’endommagement sont des quantités homogénéisées quasi-indépendantes de la séquence d’empilement. Dès lors, l’échelle méso peut être proprement définie comme le résultat de l’homogénéisation de l’échelle micro et des opérateurs entre quantités micro et méso ont été définis quel que soit l’état d’endommagement.

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Table des matières

Introduction
Partie I Une modélisation microscopique hybride 
1 Les modélisations des composites stratifiés à fibres continues 
1 Phénoménologie des dégradations des Composites à Matrice Organique
1.1 Présentation des stratifiés à fibres continues
1.2 Mécanismes de dégradation
1.2.1 Mécanismes continus à l’échelle du pli
1.2.2 Mécanismes discrets à l’échelle du pli
2 La Micromécanique classique des stratifiés
2.1 Détermination du champ de contrainte
2.2 Evolution des dégradations
3 La Mésomécanique des stratifiés
3.1 Modélisation d’un pli élémentaire
3.2 Modélisation de l’interface
4 Pont méso-micro
2 Une modélisation microscopique hybride 
1 Principes du modèle microscopique
2 Modélisation des mécanismes discrets
2.1 Surfaces de ruptures minimales
2.1.1 Forme des surfaces
2.1.2 Choix des dimensions des surfaces
2.1.3 Critère de rupture
2.2 Variabilité des taux de restitution critiques
3 Modélisation des mécanismes diffus
3.1 Définition d’un milieu continu
Partie II Stratégies de calcul multiéchelle pour la simulation de problèmes complexes 
3 Stratégies de calcul : Etat de l’art 
1 Méthodes basées sur l’homogénéisation
1.1 Théorie de l’homogénéisation des milieux périodiques
1.2 Extensions de la théorie de l’homogénéisation au non-linéaire
2 Méthodes de superposition et d’enrichissement
2.1 Méthode de Projection de Dirichlet Hiérarchique
2.2 Méthode Arlequin
2.3 Méthodes multigrilles
2.4 Méthodes basées sur la Partition de l’Unité
3 Méthodes de décomposition de domaine
4 Une stratégie de calcul multiéchelle avec homogénéisation en espace et en temps : Rappels théoriques et développements 
1 Stratégie de calcul monoéchelle
1.1 Problématique
1.2 Décomposition de domaine – Problème sous-structuré
1.3 Comportements d’interface particuliers
1.4 Stratégie de résolution itérative
1.4.1 Etape linéaire
1.4.2 Etape locale
1.4.3 Contrôle des itérations
2 Stratégie de calcul multiéchelle avec homogénéisation en espace
2.1 Introduction de l’aspect multiéchelle
2.1.1 Séparation des variables en partie macro et micro
2.1.2 Admissibilité des quantités macro
2.2 Retour sur l’étape linéaire
2.2.1 Introduction de l’échelle macrocopique dans la stratégie de résolution
2.2.2 Définition du comportement homogénéisé sur ΩE
2.2.3 Algorithmes de résolution
3 Développement de la stratégie dans le cadre d’un logiciel
3.1 Quelques spécificités de la stratégie pour les milieux tridimensionnels
3.1.1 Choix des espaces macro
3.1.2 Sous-intégration
3.1.3 Directions de recherche
3.2 Mise en oeuvre – Exemples d’applications
3.2.1 Particularités du logiciel
3.2.2 Comparaison monoéchelle – multiéchelle
3.2.3 Un premier exemple : Réseau de fibres
3.2.4 Un second exemple : Assemblage boulonné
Partie III Stratégie de calcul pour la mise en oeuvre du modèle microscopique 
5 Spécificités liées à l’introduction du modèle microscopique 
1 Mise en données pour le modèle microscopique
1.1 Problématique
1.2 Description des interfaces et des sous-structures
1.2.1 Pavages incompatibles
1.2.2 Génération d’une décomposition de domaine compatible
1.3 Données nécessaires au modèle microscopique
2 Stratégie de résolution
2.1 Algorithmes de résolution
2.2 Adaptation de la stratégie multiéchelle
2.2.1 Troisième échelle – Echelle super-macro
2.2.2 Simplification des problèmes micro
3 Détermination numérique des critères de rupture des surfaces
3.1 Calcul du taux de restitution
3.1.1 Calcul localisé
3.1.2 Utilisation d’une formule analytique
3.1.3 Réutilisation de résultats
3.2 Bilan
6 Exemples de simulations
1 Exemples de validation : stratifiés croisés
1.1 Influence de l’épaisseur
1.2 Influence de l’ordre des plis
2 Influence de la géométrie : Plaque entaillée [02/90]s
Conclusions et Perspectives
Bibliographie
Partie IV Annexes 
A Procédure de génération des cellules supermacro
1 Création du maillage super macro
1.1 Maillage quadtree
1.2 Procédure de répérage de la position d’un point par rapport à un contour fermé
1.3 Adaptation des cellules au contour exactement
2 Génération des cellules pour les différents plis
B Compléments théoriques sur la Troisième échelle
1 Retour sur le problème macroscopique
1.1 Résolution directe en déplacement
1.2 Résolution directe en effort
1.2.1 Formulation faible en effort
1.2.2 Construction de l’opérateur homogénéisé inverse
1.3 Résolution itérative
2 Recherche d’une solution approchée
2.1 Problème macro approché en déplacement
2.2 Construction des opérateurs de projection super-macro en déplacement
2.2.1 Approximation de type milieu micropolaire
2.2.2 Construction du problème macro approché en effort
2.2.3 Construction des opérateurs de projection super-macro en effort
2.2.4 Reconstruction des déplacements
2.3 Conclusion
C Compléments sur les simplifications des problèmes microscopiques
1 Définition de la simplification
2 Performances de l’approximation
D Taux de restitution en présence d’interfaces avec contact
1 Problème de référence
2 Expression du taux de restitution

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