L’histoire de la pensée économique, les faits économiques ainsi que de nombreux manuels économiques affirment que la réflexion sur la croissance économique remontait à la première révolution industrielle, au temps d’Adam Smith(1776) et sa richesse des nations. La croissance occupe l’esprit de nombreux économistes. Reprise ensuite par Malthus, Ricardo et Marx elle refait son apparition au XIXème siècle suite à leurs travaux. Mais ce n’est qu’au XXème siècle vers les années 50 que les premiers modèles théoriques de la croissance furent établis. Les modèles les plus connus sont ceux des postkeynésiens dont Harrod-Domar et celui des néoclassiques dont Solow. Ils ont introduit un débat sur la croissance équilibrée.
Durant les trente Glorieuses la théorie de la croissance a repris avec vigueur alors que l’entre deux guerres elle était caractérisée par une réflexion sur les cycles. De ce fait, plusieurs théories explicatives de la croissance sont relativement récentes dans l’histoire de la pensée économique. Ces théories ont mis en relief le rôle primordial du progrès technique et du capital humain ; Sur le long terme, la connaissance et la technologie jouent un rôle important pour rendre une économie plus productive et par la suite accroitre la croissance.
De 1939 à 1986 : Une vision exogène de la croissance
L’analyse de la croissance économique se fait sur une longue période et dans un contexte dynamique. La croissance économique a pris naissance il y a environ deux siècles. Adam Smith dans « la Richesse des nations » posait les premiers jalons d’une théorie de la croissance. Selon lui, la croissance prend source dans la division du travail et est illimitée. Cette pensée a évolué avec d’autres économistes classiques qui s’interrogeaient sur les causes de la croissance. Ils sont souvent dénommés sous l’appellation “les précurseurs” dont Malthus (1796), Ricardo (1817), Marx (1844). Ces derniers ont une vision commune sur la non durabilité de la croissance ou la croissance limitée qui s’explique par la convergence vers un état stationnaire où la production stagne. Viennent ensuite d’autres pensées avec les néoclassiques et leur croissance exogène et enfin les néokeynésiens.
Les précurseurs
Les classiques sont les pionniers dans l’étude de la croissance économique. D’abord menée par Adam Smith et ensuite une succession d’études ont été poursuivies d’où les qualificatifs suivants attribués à la croissance durant cette époque : illimitée, limitée, instable.
Adam Smith(1776)
Considéré comme père du libéralisme économique, Adam Smith(1776) a une vision optimiste en pensant que la croissance est illimitée. Dans ses recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, il a pu constater que c’est la division du travail et la participation du pays au commerce international par la théorie des avantages absolus qui sont les facteurs de la croissance économique. Adam Smith définit la division du travail comme une spécialisation dans une tâche qui met en évidence le surplus, le marché ainsi que les gains de productivités. Comme exemple, il a pris celle de la manufacture d’épingle et a conclu que la spécialisation dégage un surplus qui sera vendu sur le marché, augmente la productivité du travail car ceci économise beaucoup de temps et rend le travailleur beaucoup plus habile et organisé. Bref grâce à la spécialisation un progrès technique peut être espéré par la division du travail .
A coté de cette division du travail, pour accroitre sa productivité Adam Smith pense que la participation au commerce international est primordiale. C’est ce qu’il démontre par la théorie des avantages absolus qu’un pays se doit produire plus qu’il ne consomme pour ensuite exporter le surplus de production et importer d’autre biens qu’un autre pays produit mieux que lui. Par conséquent, la taille du marché augmente, les prix diminuent donc l’épargne s’accroit et la division du travail s’accentue. Un pays a donc un avantage absolu sur le produit s’il vend un certain produit à un prix moindre que ceux des autres pays. La croissance est donc illimitée selon Adam Smith tant qu’on peut étendre la division du travail et le marché.
Thomas Malthus 1796
Dans son Essai sur le principe de population (1796), Thomas Malthus a une vision pessimiste de la croissance car selon lui celle-ci est limitée à cause de la croissance démographique. En effet la croissance des ressources c’est-à-dire de la terre et des subsistances augmentent de manière arithmétique tandis que la croissance de la population à un rythme géométrique ou de façon exponentielle. Il prévoit une catastrophe démographique à moins de limiter la croissance de la population, ainsi il préconise une régulation volontaire des naissances par la «contrainte morale » c’est-à-dire une politique de restriction démographique appelée aussi « politique malthusienne ». Par conséquent il craint une «paupérisation » de la population. Malthus propose de frapper par l’impôt sur la taille de la famille et de rémunérer ceux qui limitent les naissances. Cependant la vision pessimiste de Malthus a été différée à cause de l’augmentation des ressources et des rendements agricoles mondiales.
David Ricardo (1817)
Dans une même vision pessimiste que Malthus, Ricardo un économiste britannique souligne dans ses principes de l’économie politique et de l’impôt (1817) que la croissance est limitée par la loi des rendements décroissants.
Etat stationnaire et rendement décroissant
D’abord, il explique la répartition de valeurs ajoutées entre trois agents par la loi des rendements décroissants : Les propriétaires fonciers reçoivent de la rente pour l’exploitation de leur terre. La rente désigne alors la quantité de travail nécessaire pour produire sur la terre moins fertile car plus on use la terre moins elle est fertile « La rente c’est l’écart entre le rendement de la terre et celui de la terre la moins fertile » (Ricardo, 1817, p 12). La valeur des marchandises provient de la quantité de travail nécessaire pour le produit. La terre, certes, est un facteur fixe c’est-à-dire non sujet à l’accumulation, contrairement aux facteurs travail et capital. Elle est donc une source de rente pour ses propriétaires. Selon Ricardo (1817), le prix des grains de blé est égal au coût de production sur les terres « marginales », les moins productives. Donc, si le coût de production est supérieur au prix de grains, il est alors rentable de mettre en culture d’autres terres encore moins productives. Par contre si le coût de production est inférieur au prix de grains, les terres sont cultivées à perte et seront donc proprement abandonnées.
La rente est fonction croissante de la fertilité et les différences de fertilités conditionnent son existence. Il est à noter que la rente tend à augmenter en période de croissance en raison de l’existence des besoins élevés et de la mise en culture des terres à productivités dégradantes. De leur coté, les salariés sont rémunérés par les salaires. Ce sont en général les ouvriers qui travaillent dur pour assurer le minimum de subsistance pour sa famille et ses petits besoins appelés aussi « minimum sociologique ».
Quand aux capitalistes, ils bénéficient du profit de cette classe et vise à faire fructifier son capital de la manière la plus avantageuse. Or le profit est une fonction décroissante du salaire, et le salaire dépend du prix des biens en faisant ainsi appel à la rente. Plus la rente est élevée moins le profit est important. L’augmentation du prix des grains entraînera donc une hausse de la rente foncière, et aussi du salaire nominal correspondant au minimum vital. Le salaire et la rente s’accroissent alors au détriment du profit qui diminue jusqu’à atteindre le niveau auquel cesse l’investissement. L’arrêt de l’accumulation du capital signe celui de la croissance démographique, et donc la stabilisation de l’ensemble du système économique. Ce dernier est ce que Ricardo (1817) appelle : « état stationnaire ».
Faut-il préciser que le profit des capitalistes est résiduel, c’est-à-dire qu’il intervient une fois le salaire et la rente foncière payés. Lorsque la population s’accroît, il convient d’augmenter la production agricole. Or les nouvelles terres mises en culture sont de moins en moins productives. Le coût de production va donc s’élever en entraînant inévitablement la hausse des salaires et de la rente foncière. Les profits vont se réduire jusqu’au moment où les capitalistes ne seront plus incités à investir. L’économie atteint la situation d’état stationnaire.
Afin de retarder cette situation, Ricardo a préconisé d’augmenter les gains de productivité dans l’agriculture. Et cela grâce au progrès technique et au commerce international avec la théorie des avantages comparatifs. L’origine de la croissance est donc le réinvestissement productif du surplus.
Théorie des avantages comparatifs
C’est le concept principal de la théorie traditionnelle du commerce international qui stipule que chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production du ou des biens pour lesquels il dispose d’un avantage comparatif par rapport aux autres pays et aux autres biens que le pays pourrait produire. le pays a donc intérêt à se spécialiser même s’il ne dispose d’aucun avantage absolu. C’est une théorie en faveur de la division internationale du travail d’Adam Smith et du libre échange. La spécialisation permet en effet une économie de facteur de travail favorisant un gain de productivité et la hausse du volume produit.
|
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : UNE REVUE HISTORIQUE ET THEORIQUE DU CONCEPT DE LA CROISSANCE5
Chapitre I : De 1939 à 1986 : Une vision exogène de la croissance
Section 1 : Les précurseurs
I. Adam Smith(1776)
II. Thomas Malthus 1796
III. David Ricardo (1817)
1. Etat stationnaire et rendement décroissant
2. Théorie des avantages comparatifs
IV. Karl Marx (1844)
V. Joseph Schumpeter
Section 2 : Les pères fondateurs de la théorie de la croissance exogène
I. La croissance chez les post keynésiens : le modèle Harrod-Homar (1939-1946)
II. La croissance chez les néoclassiques : modèle de Solow(1956)
Chapitre II : de 1986 à 1990: La remise en cause par l’émergence du concept de capital humain comme support endogène de la croissance
Section 1 : Romer (1986) : idée, connaissance, innovation, capital technologique, le learning by doing les externalités et le rendement croissant
I. Le learning by doing( l’apprentissage par la pratique) et l’accumulation des connaissances
II. Idée, innovation, la recherche-développement et l’accumulation du capital technologique
Section 2 : Lucas et l’accumulation du capital humain(1988)
Section 3 : Les infrastructures publiques Barro (1990)
I. L’intervention de l’Etat
Conclusion de la première partie
PARTIE II : ANALYSE ECONOMIQUE DE LA TRAJECTOIRE DE CROISSANCE A MADAGASCAR
Chapitre I : L’échec d’une politique de croissance dominée par le transfert de technologie les années 1980
Section 1 : Contexte historique, politique, économique de Madagascar
I. Des difficultés à mobiliser le système productif
II. Les effets de la politique de la nationalisation
III. Forte explosion démographique
IV. Endettement et investissement à outrance
Section 2 : Objet et mise en œuvre du Programme d’Ajustement Structurel à Madagascar (PAS)
Chapitre II : L’ajustement structurel pour relancer la croissance à partir des années 90
Section 1 : une mobilisation interne de la croissance
I. Le document cadre de politique économique (DCPE)
II. Des stratégies sectorielles du DCPE pour l’amélioration du capital humain
1. La Santé
2. L’éducation et Formation
Section 2 : les politiques de lutte contre la pauvreté et l’amélioration des conditions de vie de la population malgache
I. Le Document de Stratégie pour la réduction de la pauvreté DSRP
1. Généralités sur le Document de Stratégie pour la réduction de la pauvreté
2. Les programmes d’amélioration du capital humain dans l’axe stratégique social du DSRP
II. Le plan National d’action pour le redressement social PNARS (1994-2000)
1. Enseignement primaire et éducation non-formelle
2. La santé et la nutrition
3. La finance publique
III. Politique Nationale de la population 1990-2001
Chapitre III : bilan comparatif des deux décennies sous l’ajustement structurel
Section 1 : la croissance sous l’ajustement structurel 1980-1990
I. Les effets des politiques de rééquilibre macroéconomique
II. Les Mesures de chocs imposés par le PAS
1. Diminution du pouvoir d’achat des populations
2. La pauvreté et la détérioration du capital humain comme conséquence de l’ajustement structurel
3. Les stratégies de survie sous la pauvreté
Section 2 : Les efforts apportés par les différentes stratégies locales endogènes 1990-2000
Section 3 : synthèse de la croissance sous la vision exogène et celle de la vision endogène
I. Interdépendance entre la croissance et l’amélioration du capital humain
II. Productivité de la main-d’œuvre
Conclusion Partie II
CONCLUSION GENERALE
Bibliographie