Une réflexion autour de la clinique de l’image du corps à travers un accompagnement en psychomotricité

« Ton mémoire c’est l’image du corps ! ». Au détour d’un échange clinique à partir de mes observations, ma maître de stage me dit qu’il est évident que ce mémoire se tourne vers la question de l’image du corps. C’est avec ce conseil que débute ma réflexion. L’image du corps, un concept psychomoteur, psychologique, psychanalytique, neurobiologique, un item évalué mais surtout, selon moi, un vaste champ de questionnement. L’image du corps m’est apparue souvent abstraite et c’est sûrement la raison pour laquelle je ne voyais pas au départ le thème général de mon questionnement. Avec ce mémoire, je me dirige vers une compréhension de la construction et de la clinique de cette image du corps en prenant le support d’un cas clinique qui a soulevé mon attention. L’effet de primauté ayant son importance, je me questionne rapidement sur les différentes manifestations corporelles d’un des premiers cas clinique que je rencontre en petite enfance. Pourquoi est-elle comme ça ? Quelle est son histoire ? A quel moment peut-on parler de difficultés sur le plan de l’image du corps ? Mais comment convoquer cette image du corps dans une prise en soin en psychomotricité. Souvent représentée, la question du jeu est primordiale dans l’intervention auprès du jeune enfant. C’est un lieu d’échange privilégié, une médiation. Nous observons l’enfant en train de jouer tout autant que le choix du jeu en lui-même. Le jeu est un lieu d’expression pour le jeune enfant, au-delà de sa dimension ludique et éducative communément admise. En psychomotricité, il intègre le projet thérapeutique et se veut être le support du développement tant corporel que psychologique. Plusieurs questions en tête, et des observations choisies au fur et à mesure de l’année et de l’évolution de la clinique.

Une rencontre en petite enfance

Un cadre de rencontre

Nouvellement arrivé dans les locaux, le Centre d’Action Médico-Social Précoce (CAMSP) polyvalent accueille de jeunes enfants entre zéro et six ans et leur famille autour de cinq missions principales que sont :
♦ Le dépistage et la prévention (en partenariat avec le service de réanimation néonatale du Centre Hospitalier Universitaire (CHU))
♦ Le diagnostic précoce des déficits et des troubles
♦ Le traitement et le soin
♦ L’accompagnement et le soutien aux familles
♦ L’aide et l’adaptation sociale et éducative.

Ces jeunes enfants sont adressés par les partenaires hospitaliers, médico-sociaux et éducatifs. Historiquement, l’équipe du CAMSP existe depuis 2007, ce nouvel environnement est issu de la fusion du 1er janvier 2020 de deux services médicosociaux de la petite enfance. Aujourd’hui, plus proche géographiquement, ces deux établissements s’organisent en deux pôles de prestations afin de répartir les problématiques développementales rencontrées chez les jeunes patients en étroite collaboration avec les services hospitaliers voisins. Ce sont ainsi près de 760 jeunes patients qui sont pris en soin suite à l’orientation de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH). Mon stage d’apprentissage thérapeutique a lieu sur le pôle accueillant tous les enfants présentant des difficultés de développement, de zéro à six ans : du retard global de développement, en passant par les suspicions de Troubles du Spectre Autistique (TSA) ainsi que les problématiques neurologiques, jusqu’au polyhandicap.

Humainement, l’équipe du CAMSP est pluridisciplinaire et réunit des professionnels du secteur médical, paramédical, éducatif, social et administratif. Initialement, l’entrée au CAMSP est organisée au niveau administratif avec l’accueil téléphonique des parents. La validation de la fiche de contact par le médecin directeur technique et la cheffe de service donne lieu à une consultation auprès d’un neuro-pédiatre. Avec cette consultation, le tableau clinique est posé, le souhait des parents est recueilli et une orientation devient possible selon trois parcours de soin :
♦ Le suivi de consultation pédiatrique, en binôme avec un autre professionnel pour une durée de deux ans
♦ L’accompagnement par l’équipe pluridisciplinaire, avec deux prises en charge possibles en individuel ou groupe thérapeutique
♦ Le parcours précoce des troubles de la relation, pour les enfants de moins de deux ans qui présentent un risque de TSA en consultation conjointe en pédiatrie, psychomotricité et pédopsychiatrie.

Matériellement, situé au premier étage d’un immeuble accueillant plusieurs professions, nous entrons au CAMSP, seul à cet étage. En face de l’entrée, nous saluons la secrétaire médico-sociale, à droite un couloir mène vers la salle d’attente ouverte, toutefois isolée, comme un îlot central au milieu des bureaux ; à gauche un autre couloir qui dessert autant de lieux de soin que de professionnels ainsi que la salle de réunion. La salle de psychomotricité est située au bout de ce long couloir de gauche, à l’opposé de la salle d’attente. Poussons la porte du bureau marquée d’un nom et d’une profession, celle de psychomotricienne. C’est un espace lumineux, un bureau est contre la grande fenêtre, sur le mur en face de la porte. D’un côté, se trouvent deux petits placards de jeux, un miroir, quelques modules, une petite table. De l’autre côté, un banc en bois longe le mur vers l’espalier. Tout est à porté de vue et de main d’enfant, les parents ont leur place sur des fauteuils dont la position dans l’espace est adaptée en fonction des propositions qui rythmeront la séance.

Une anamnèse dans un parcours de soin précoce 

Notre première rencontre a lieu au téléphone à cause d’un jour de grève des transports. Une maman parle de sa fille, nous l’appellerons O., accueillie au CAMSP depuis deux ans dans le cadre d’un suivi de soins et du développement en lien avec le contexte de naissance complexe.

Et si nous reprenions depuis le début … commençons avant l’arrivée de O.. Première enfant du couple, la grossesse est compliquée, Madame a un utérus contractile et subit une hémorragie digestive à cinq mois de grossesse. Elle est hospitalisée en service de chirurgie digestive. Le retour au domicile se fait sous surveillance hebdomadaire mais sera marqué de plusieurs malaises hypotensifs. Le médecin de réanimation néonatale évoque plus tard l’hypothèse d’un Accident Vasculaire Cérébral (AVC) anténatal en lien avec cette hémorragie, cependant celui ci ne sera pas objectivé à la naissance. Dans le cadre de cette grossesse à risque hémorragique, une césarienne est programmée à 38 Semaines d’Aménorrhée (SA) et 6 jours pendant laquelle les deux parents rencontrent leur petite fille.

Commence alors un parcours de prise en soin néonatal pour O. qui présente une détresse respiratoire transitoire à son arrivée. Elle est dirigée en soins intensifs de réanimation néonatale sous couveuse pour mettre en place un dispositif CPAP . Lors de la première mise au sein, des difficultés autour de l’oralité se présentent : l’ouverture de la bouche est limitée, O. a des difficultés de succion, elle fait des fausses routes silencieuses. Les examens mettent en avant la présence d’un trismus. Cette complication d’origine neurologique contraint de poser une sonde naso-gastrique pour l’alimentation, impossible par voie orale. Un suivi génétique et en kinésithérapie autour des difficultés d’oralité se met en place. Après deux mois d’assistance néonatale, l’ouverture de la bouche reste limitée et nécessite de poser une gastrostomie qu’O. gardera pendant les deux premières années de sa vie. O. reste hospitalisée trois mois en réanimation néonatale, le séjour est ponctué par un passage en Unité Kangourou d’une dizaine de jour. Cette unité soutient la relation parent-enfant, notamment dans le cadre de difficultés autour de la naissance et des premiers mois. Avec O., une aide pour l’alimentation et les interactions précoces permet de préparer la sortie d’hôpital donc le retour à la maison. À sa sortie, à trois mois, O. ouvre les yeux pour la première fois depuis sa naissance.

De retour de l’hôpital, un relais de prise en soin est assuré par un hôpital pédiatrique spécialisé en rééducation. Les professionnels remarquent chez O. la présence d’une raideur dans le membre inférieur gauche. Elle est alors régulièrement suivie, dès quatre mois, dans le service de Médecine Physique et Réadaptation (MPR) pédiatrique. Dans son projet de soin de rééducation, il y a deux accompagnements en psychomotricité et kinésithérapie autour d’une spasticité du membre inférieur gauche avec dystonies et du trismus, source des difficultés concernant l’oralité alimentaire (notons qu’elle est toujours alimentée via sa gastrostomie) et a fortiori pour prévenir des difficultés de l’oralité langagière.

Pendant les premiers mois de vie, O. montre quelques difficultés dans le contact et la relation, ce qui devient une source d’inquiétude pour ses parents. En effet, les interactions sociales sont pauvres, le contact est fluctuant et les professionnels rééducateurs notent une fausse tenue de tête précoce en lien avec une hypertonie du plan postérieur. Du service de MPR pédiatrique, O. est dirigée vers le CAMSP pour une première consultation pédiatrique à un an et deux mois afin d’évaluer son développement global. Avec cette première consultation, le neuro-pédiatre réalise un bilan neuro-moteur et psychomoteur complet. Nous détaillerons les éléments de développement psychomoteur plus loin. Néanmoins, cet entretien met en avant des capacités d’interaction meilleures que dans les premiers mois, un retard dans l’acquisition du langage et surtout une nette amélioration de la spasticité dans le membre inférieur gauche. La prise en soin en MPR évolue, le kinésithérapeute arrête le suivi et ce sont la psychomotricité et l’orthophonie en soutien au développement du langage avec l’apport de la Langue des Signes Française (LSF) qui sont mis en place.

O. entre au CAMSP dans un parcours « Suivi en consultation pédiatrique » pour suivre un léger retard de développement et les difficultés persistantes autour de l’oralité et du développement du langage. Le relais entre l’hôpital pédiatrique et le CAMSP est en cours mais la prise en soin se poursuit en MPR. Ensuite, O. est revue à vingt mois pour une seconde consultation pédiatrique et la persistance des difficultés d’oralité questionnent, O. commence à manger à la cuillère mais présente des réflexes nauséeux à l’approche des morceaux. Elle est orientée vers un centre de référence pour une Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) cérébrale et des masséters . Il est évoqué une possible injection de toxine botulique temporomandibulaire, qui ne sera finalement pas réalisée. Elle y passera également un bilan psychomoteur qui confirme le retard de développement global et le retard de langage. A deux ans, le relais vers le CAMSP est finalisé, le suivi en MPR se termine et une prise en soin orthophonique en libéral commence.

A deux ans et sept mois, l’ouverture de la bouche est meilleure et l’autonomie pendant les repas permettent un retrait de la gastrostomie. O. est maintenant intégrée dans un parcours de soin de type « Accompagnement par l’équipe pluridisciplinaire ». La prise en soin débute par une période d’observation en binôme de professionnel. Le compte rendu d’observation est réalisé par une orthophoniste et une éducatrice de jeunes enfants. Il met en avant un retard global de développement sur le plan moteur, en lien avec une hypotonie globale et un manque de fluidité associé à une lenteur d’exécution. Sur le plan communicationnel et langagier, un retard persiste bien que les interactions soient adressées et l’attention de qualité. Le bilan confirme les troubles de l’oralité et le besoin de sécurité autour des temps de repas ainsi qu’une hypotonie bucco-faciale qui rend difficile l’intelligibilité d’O. pourtant en pleine explosion langagière.

Enfin, une inhibition psychomotrice est repérée dans le besoin de sécurité et de confiance pour soutenir les activités et une tendance à se figer devant la nouveauté ou le regard de l’autre sur son activité. Il est décidé pour O. de poursuivre l’accompagnement en orthophonie et de demander un accompagnement en psychomotricité. Devant la liste d’attente, la psychomotricité ne commence qu’en Septembre 2020, quand je la rencontre, elle a trois ans et deux mois.

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Table des matières

Introduction
I. Une rencontre en petite enfance
1) Un cadre de rencontre
2) Une anamnèse dans un parcours de soin précoce
3) Dans la rencontre, un profil psychomoteur se dessine
4) De l’observation clinique vers l’accompagnement en psychomotricité
5) L’émergence d’un questionnement
II. Vers une compréhension de l’image du corps
1) Le schéma corporel, un fondement de l’image du corps
2) Entre schéma corporel et image du corps, l’apport de P. Schilder
3) Quelques apports de la psychanalyse
a) Des concepts spécifiques
b) Une conception psychanalytique contemporaine de l’image du corps
4) Le dialogue tonique, un soutien indispensable
5) La psychomotricité, une construction du sujet dans son corps
III. Un regard sur la clinique
1) L’absence de continuité
2) La présence des angoisses corporelles
3) Une forme d’inhibition
4) Le besoin de l’autre ou un manque d’individuation
IV. Vers une construction de l’image du corps sous-tendue par la relation thérapeutique dans le jeu
1) Une « mêmeté » nécessaire
a) L’invariance du cadre de la prise en charge
b) La répétition dans les jeux d’O
c) Une présence en continu
2) Amener la variation
a) La dimension relationnelle du jeu
b) … permet la transformation
3) Le jeu en psychomotricité, un soutien à la construction de l’image du corps
4) L’évolution de la construction de l’image du corps dans le jeu
5) Prendre sa place dans le jeu, un travail d’écoute
Conclusion
Bibliographie

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