Une prise en charge somatique ébranlée par les aléas de la pathologie psychiatrique

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Population et échantillonnage

● Critères d’inclusion et non inclusion :
Les médecins participants à cette étude étaient tous médecins généralistes des Bouches-du-Rhône exerçant leurs activités en cabinet libéral. Aucun critère d’exclusion n’a été retenu.
● Modalité de recrutement :
Un premier contact téléphonique a été établi, au cours duquel il n’a été dévoilé à l’interlocuteur que le thème de l’étude. Une période de disponibilité a été par la suite prévue, d’un commun accord, pour la réalisation de l’entretien.

Recueil des données

● Type d’entretien :
Des entretiens individuels semi-directifs ont été organisés autour de quatre grandes thématiques, un guide d’entretien (Annexe 1) a été élaboré pour référencer les quatre thématiques abordées :
– La vision d’ensemble que les MG avaient de la santé mentale et somatique de leurs patients avec PPS.
– La coordination du soin des patients PPS avec les spécialistes.
– Les difficultés de la prise en charge somatique des patients avec PPS.
– L’impact de la pathologie psychiatrique sur la prise en charge globale
des patients PPS.
● Modalités de l’entretien :
Les entretiens ont été réalisés par le même interviewer, le doctorant. Les entretiens se sont déroulés entre février 2021 et avril 2021, soit au cabinet du médecin, soit à leur domicile, soit par Visio conférence.
Les entretiens ont été réalisés lors d’une session unique pour chaque médecin.
Ils ont permis d’obtenir suffisamment de données exploitables, tout en restant compatibles avec le planning du médecin interviewé.
Le recours à un enregistreur a été nécessaire pour enregistrer les discussions.
Les conduites non verbales étaient notées manuellement.
Les trois premiers entretiens réalisés ont servi à installer le guide d’entretien et améliorer la technique de l’interviewer et ne seront donc pas inclus dans l’élaboration de la grille de résultats.
● Retranscription :
Les entretiens ont été retranscrits de façon manuelle sans logiciel de reconnaissance vocale, dans un délai de 48h à 72h après la réalisation de l’interview.
Les hésitations et les temps de silence des médecins interviewés ont été retranscrits sous forme de points de suspension. Les comportements non verbaux éventuels y ont été ajoutés conjointement.

Analyse des entretiens

Une analyse thématique a été effectuée de façon manuelle. Après un premier découpage des verbatims en unités de sens, les unités de sens étaient regroupées en sous thème puis en thème à l’aide d’une grille d’analyse transversale (Annexe 2).
Il est arrivé qu’une réponse fasse référence à deux unités de sens. Dans ce cas, le choix a été de placer le verbatim dans les deux thèmes.

Ethique

Les médecins ont été informés que les entretiens étaient enregistrés et que les données étaient recueillies et utilisées de manière anonyme. Leur accord a été obtenu de façon orale et écrite.
Pour assurer l’anonymat des interviewés, ils ont été listés sous une numérotation allant de M1 à M11. Les données directement ou indirectement identifiantes ont été retirées lors de la transcription des verbatims.

Description de la population et des entretiens

Vingt-trois médecins ont été contactés, neuf ont décliné : quatre par manque de temps et cinq par manque d’intérêt pour l’étude.
Onze entretiens ont été nécessaires à l’élaboration de l’étude. La saturation des donnés a été obtenue au huitième entretien, trois autres entretiens ont été par la suite réalisés pour s’assurer de l’exhaustivité des informations recueillies. Les entretiens ont duré entre 21 et 51 minutes avec une moyenne à 36 minutes.
Le tableau 1 résume les caractéristiques de la population étudiée. L’échantillon était composé de onze médecins généralistes dont sept femmes et quatre hommes.
Leur âge variait de 29 ans à 65 ans, avec une moyenne à 44 ans.
Les médecins participants exerçaient tous en groupe, dix en milieu urbain et un en milieu rural. Leurs durées d’exercice variaient de 2 ans à 37 ans. Un seul d’entre eux était non thésé. Un des médecins était collaborateur et trois d’entre eux exerçaient une activité de permanence de soins. Les généralistes participants exprimaient, pour la plupart, un intérêt important pour l’amélioration de la prise en charge de la pathologie somatique des patients porteurs de PPS (7 médecins sur 11 étaient totalement ou modérément intéressés).

Résultats généraux

Les médecins de l’étude se heurtaient à de nombreuses difficultés pour prendre en charge la pathologie somatique des patients porteurs de maladies mentales sévères. Ils décrivaient des obstacles inhérents aux patients et à leurs pathologies particulières mais aussi des barrières dues à une offre de soins et un réseau de soins inadaptés dans le contexte des patients psychiatriques. Le manque d’intérêt des patients psychiatriques pour leur santé somatique et la coordination de soins médiocre entre les psychiatres et les généralistes faisaient que les médecins généralistes ne se sentaient pas inclus dans la prise en charge de ces patients. Ils renonçaient parfois volontairement à leur rôle de médecin traitant.
Pour les médecins de l’étude, tous ces obstacles étaient responsables du parcours de soin désorganisé et de l’absence de médecin référent des patients atteints de PPS. Par conséquent, la prise en charge de ces patients s’en trouvait fortement impactée et conduisait à une dégradation de la qualité des soins que proposaient les médecins généralistes aux patients atteints de PPS.

Une absence de médecin référent et un suivi sporadique :

● Des consultations occasionnelles :
Les MG de l’étude, exprimaient soit avoir peu de patients avec PPS dans leur patientèle, soit ne les voir que rarement :
“J’ai beaucoup de dépressifs que je prends en charge moi-même, des psychiatriques sévères non” M3
“Maintenant que j’y pense j’ai quelques patients dépressifs, mais les psy lourds, je n’en ai pas beaucoup.” M9
“J’en ai… je ne les vois pas beaucoup.”M7
“j’ai… je crois un patient dont je suis le médecin traitant. Et encore, je l’ai vu 2, 3 fois pour des dépannages d’ordonnances. C’est surtout ses parents que je suis.” M8
Ainsi les médecins évoquaient le plus souvent voir les patients porteurs de PPS dans des consultations perçues comme “de dépannage”, en attendant que les patients consultent leur psychiatre.
Cette notion de consultation dite de “dépannage”, a été retrouvée régulièrement lors des entretiens, surtout pour des patients qui consultaient occasionnellement ou dont les proches étaient suivis au cabinet :
“Je fais de la permanence donc « du débrouillage», en attendant qu’ils voient leur psy.”
“…il est chargé en neuroleptiques, je lui renouvelle de temps en temps pour dépanner.”
Le médecin M1 a déclaré au sujet de la dernière fois qu’il a vu un patient avec PPS
“Ce matin même, c’était pour un arrêt de travail pour Pôle emploi. c’est mon associé qui le suit normalement mais il n’avait plus de créneau pour ce matin du coup je l’ai pris entre deux patients. Je l’avais déjà vu une fois.”
● Qui est le médecin référent?
En évoquant de cette notion de consultation occasionnelle, les MG interviewés ne se considéraient pas comme les médecins traitants de ces patients : “Ça sert à rien de se coller l’étiquette médecin traitant d’un patient alors que tu ne vas jamais le voir, tu ne lui seras d’aucune utilité, parce que tu as beau lui prescrire bilan, avis spécialisé, arrêt du tabac… ça n’ira nulle part. je pense que le psychiatre pourrait à la limite obtenir plus de résultats que le médecin généraliste.” M1
“C’est pas comme avec les autres patients… En fait, je sers de roue de secours, quelque part, mais de première roue de secours” M7
Les médecins de l’étude qui travaillaient dans le cadre de la permanence de soins, exprimaient ne pas se sentir responsables du suivi de ces patients : “Je les vois souvent dans ma pratique de permanence, je vois souvent des patients psy lourds qui reviennent juste pour le renouvellement de leurs traitements ou une prolongation de leur arrêt de travail.”… “Si tu veux, dans ma pratique, je n’ai pas une organisation particulière, parce que je fais de la permanence donc « du débrouillage», en attendant qu’ils voient leur psy, donc je ne prends pas en charge du suivi.” M2 “On intervient de façon ponctuelle, ce n’est pas un suivi qui est optimal et qu’il faut qu’il soit suivi par son médecin traitant. Malheureusement, ce sont des patients comme ça qui veulent la facilité aussi. Parfois, c’est un coup de fil et on a un médecin qui va être prescripteur et c’est ça le problème, c’est ce que j’explique au patient, on n’est pas des distributeurs d’ordonnances.” M10
“On les voit souvent, mais ils ne sont pas suivis chez nous. Il y en a qui sont venus trois, quatre fois, mais vu qu’on tourne dans la permanence c’est jamais les mêmes médecins qui voient les mêmes patients.” M11
Quelques-uns expliquaient cette absence de médecin référent par le fait que les patients étaient surtout suivis par leur psychiatre. Le psychiatre était perçu par les MG comme le soignant principal des patients avec PPS : “J’ai vraiment cette intuition que les patients voient plus le psychiatre, parce qu’il y a aussi un lien de confiance, par rapport à leur pathologie psychiatrique aussi. Ils ont un lien particulier.” M3
“Ils ont une meilleure relation avec le psychiatre, techniquement c’est le psychiatre leur médecin traitant.” M5
“Après pour le suivi, il est suivi par son psychiatre… moi je le vois rarement” …“Ce sont eux qui les voient. Parfois, ils sont au courant de pathologies somatiques mais ne font pas le relai croyant probablement qu’on est au courant nous aussi. Mais souvent on voit moins les patients, ils sont plus suivis par les psychiatres.” M6
Au fil des entretiens, il s’avérait que les rôles que devaient jouer les psychiatreset MG pour les patients avec PPS étaient encore à définir, ce qui était une source de confusion pour les MG interviewés : “Après c’est des patients qui n’ont pas un parcours de soin qui est très clair. Tu ne sais pas qui surveille les effets indésirables des psychotropes, tu ne sais pas s’ils font de la thérapie ou pas, s’ils ont un psychologue ou pas… ça n’aide pas, surtout quand le patient n’a pas les idées claires.” M2
“C’est le psy qui le suit et à chaque fois qu’il y a une embrouille sociale, c’est toi qu’on appelle parce que tu es passe-partout, alors que toi tu n’es informé de rien du tout. Tu ne sais pas qui fait quoi.” M6
“C’est pour ça que c’est très compliqué de pouvoir gérer des patients comme ça, parce que déjà, tu n’interviens que de façon ponctuelle. Tu n’es pas son médecin traitant donc tu ne connais pas toute l’histoire.” M10.

Des circonstances de soins non optimales

Un autre élément majeur mis en lumière lors des entretiens, était la notion que les consultations des patients avec PPS ne se déroulaient pas dans des circonstances adaptées, soit par leur motif, soit par leur organisation ou même leur durée.
● Organisation des consultations:
En premier lieu, les MG interviewés percevaient chez les patients avec PPS plus de difficultés pour prévoir et honorer leur rendez-vous médicaux : “Sûrement parce qu’ils ont du mal à s’organiser, pour prendre les rendez-vous, pour anticiper la fin des ordonnances ce genre de chose.” M2 “…C’était compliqué à gérer pour lui (un patient avec PPS) un rendez-vous à 3 mois, une salle d’attente qu’il ne connait pas.” M5
“…C’est compliqué d’essayer de faire revenir ces patients.”… “ C’est les champions du rendez-vous raté.” M7
Les médecins décrivaient des consultations tardives ou hâtives qui réduisaient considérablement le temps alloué à ces patients : “…Souvent des consultations tard le soir, ou des consultations que t’envoie la pharmacie entre deux parce qu’il y a un souci avec l’ordonnance.” M11
● Motif des consultations:
Les médecins rapportaient des motifs de consultation dominés par la composante psychiatrique, notamment médicamenteuse et la composante administrative : “Ce sont des gens un peu plus en détresse que je vois, plus l’ordonnance, l’arrêt de travail qui finit et ils n’ont pas pu avoir leur psychiatre.”M2 “Je ne me souviens pas avoir déjà vu un patient psy sérieux pour autre chose que les médicaments.” M4
“Je pense que ça n’aide pas aussi qu’on voit pas souvent les patients…tu peux pas faire grand-chose en 10 minutes par an, surtout si tu dois faire trois duplicatas d’arrêt maladie parce que les dates ne correspondent pas (rire) ” M7
“Ceux que j’ai vu, ils étaient dans des états quand même … Je n’étais pas leur médecin traitant, mais ils venaient pour un renouvellement, leur but était d’avoir les médicaments, un point c’est tout … et de repartir vite…” M8
Le temps médical attribué à la prise en charge de la pathologie somatique s’en trouvait encore plus réduit, selon les MG interviewés. Ils s’accordaient sur le fait que ces consultations étaient complexes et chronophages :
« Ça s’éternise sinon ce genre de consultation. Ça part dans tous les sens… et mon psychiatre me donne ce médicament, et moi je veux un autre, et je prends 3 au lieu de 1… Est-ce qu’on peut pas me rajouter ça à la place. Ils font leur cuisine parfois.
C’est vrai que en motif de consultation ça vole pas très haut” M4
“C’est humainement impossible d’organiser une consultation approfondie, en 15 minutes, entre deux consultations. En sachant que le patient vient te voir “ j’ai plus de Noctamide j’en ai besoin pour dormir” la plupart du temps il arrive sans ordonnance… tu es son médecin traitant, tu n’as aucune trace écrite de sa pathologie, tu ne sais pas ce qu’il prend comme médicament, tu ne sais pas les dosages. Tu passes déjà 10 minutes avec la pharmacie juste pour savoir c’est quoi les médicaments qu’il prend.” M5
« Ça prend un temps fou, c’est pas possible de gérer psy et somatique. Trois à quatre motifs par consultation. Ils ne savent même pas ce qu’ils ont la plupart du temps. Ils te ramènent l’ordonnance du psy de 2016 et te disent j’ai besoin de-ci, de ça.” M8
● Déroulement des consultations:
Les MG interviewés semblaient être conscients du manque à gagner et portaient eux même un regard critique sur leur pratique, souvent lors de consultation basée sur la réponse à la demande des patients, les réflexes de prévention et de prise en charge du patient dans sa globalité, étaient soit oubliés soit reportés : “Face à un patient psy, j’avoue que non, je n’y (PEC du patient dans sa globalité) pense pas forcément, mais par exemple, la patiente en question…je pense que j’étais un peu déstabilisée parce que c’était une patiente psy qui partait un peu dans tous les sens, j’avais un peu du mal à cadrer la consultation, et je pense que … je me suis un peu perdue, je n’y ai pas pensé en fait. Le temps de la recadrer, de quand même l’examiner, de faire les ordonnances, j’ai zappé le reste.” M4
“Je pense que parfois on oublie, tu sais c’est comme dans toutes les consultations compliquées, y a tellement de choses à faire sur le plan psychologique, sur le plan social, que on oublie les choses évidentes comme l’arrêt du tabac, la perte de poids” M7
“Ils ne demandent que le soin psychiatrique et nous, on leur offre que le soin psychiatrique… c’est une double peine.” M9
Le Médecin M11 récapitulait parfaitement la complexité de la consultation dans ces circonstances :
“Ce genre de patients, il faut des heures parfois pour déchiffrer leur antécédents, leurs médicaments, leurs plaintes… c’est irréalisable en consultation normale, ça prend trop de temps et si tu leur dis de revenir, ils ne reviennent pas…”.
“…Moi je n’y arrive pas pour des patients comme ça que tu vois rarement, que tu ne connais pas comme il faut et qui sont surtout demandeurs d’autres choses…Et très souvent, ils ne sont pas en demande de conseils somatiques, ils sont plus focalisés sur leur mal-être ou pire les papiers…”
“Je fais de la prévention, mais c’est vrai que tout ça, je le propose pratiquement, plus systématiquement à des gens « qui vont bien psychologiquement » et avec qui on a une discussion fluide sur la vie de tous les jours. Avec des malades psychiatriques, et ceux que je vois sont tellement souvent au stade … ils ne sont pas équilibrés, que ce sont des détails qui, personnellement même moi, ne me viennent pas automatiquement de leur proposer.” M11

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODE
1. Type d’étude
2. Population et échantillonnage
3. Recueil des données
4. Analyse des entretiens
5. Ethique
RÉSULTATS
1. Description de la population et des entretiens
2. Résultats généraux
3. Une absence de médecin référent et un suivi sporadique
4. Des circonstances de soins non optimales
5. Une prise en charge somatique ébranlée par les aléas de la pathologie psychiatrique
6. Les solutions pratiques mises en place par les MG et les solutions souhaitées pour le futur
DISCUSSION
1. Forces et faiblesses de l’étude
2. Que dire de l’existence du médecin traitant?
3. Que dire du parcours de soins en santé somatique des patients atteints de PPS?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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