La gestion des risques associés aux soins
Définition
La Gestion Des Risques Associés aux Soins (GDRAS) est, selon l’article R 6111-1 du Code de la Santé Publique (CSP), une démarche qualité qui « vise à prévenir l’apparition d’Evénements Indésirables Associés aux Soins (EIAS) et, en cas de survenue d’un tel événement, à l’identifier, à en analyser les causes, à en atténuer ou à en supprimer les effets dommageables pour le patient et à mettre en œuvre les mesures permettant d’éviter qu’il se reproduise » (1). La GDRAS va donc contribuer à la déclaration, l’analyse et la proposition d’axes d’améliorations quand survient un évènement indésirable susceptible d’engendrer un dommage pour le patient. Cette politique doit ainsi réduire le risque de survenue de nouveaux évènements indésirables, à la fois pour le patient, les usagers et les soignants, contribuant à la qualité des activités des Etablissements de Santé (ES).
Une prise de conscience récente des risques associés aux soins
Les premiers travaux permettant de travailler efficacement contre les évènements indésirables associés aux soins ont débuté dans les années 1990, grâce à James Reason (2). Connu pour son modèle du « fromage suisse » (figure 1), il a été à la base d’un changement profond de paradigme pour l’analyse des risques dans le monde médical : avant 1990, l’approche culturelle en gestion des risques était punitive et recherchait la responsabilité des auteurs d’erreurs. A partir de 1990, une nouvelle approche naît : « les erreurs humaines sont perçues comme des conséquences plutôt que comme des causes…» .
L’erreur humaine est dorénavant considérée comme inévitable, car l’humain fait des erreurs, influencé par le système dans lequel il évolue. Il faut donc rendre le système robuste face à l’erreur humaine. La prise en charge des patients constituant des systèmes complexes, avec de nombreux risques de défaillance, l’humain peut commettre des erreurs patentes, dont l’origine vient de causes latentes, profondes, systémiques, favorisant la survenue d’erreurs. Cette approche systémique, changeant le regard des soignants, est appuyée dans les années 2000 par les travaux de Donald M. Berwick, qui démontre que seulement 2 à 3 % des erreurs cliniques sont attribuables à l’incompétence, à l’imprudence, au sabotage ou à la négligence grave (3). Le regard des soignants face à l’erreur va ainsi changer et l’analyse des causes d’erreurs va porter sur les 97 % d’erreurs cliniques qui sont attribuables aux dangers que recèlent lessystèmes de santé. Ce changement de regard des professionnels de santé va permettre d’amorcer toute la démarche actuelle de GDRAS.
En France, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, connue sous le nom de Loi Kouchner, fait figure de socle de base pour une meilleure prise en compte du droit des patients, nécessairement accompagnée d’une amélioration de la qualité du système de santé .
L’amélioration de la prise en charge des patients est indissociablement liée à une plus grande transparence quant aux risques encourus et aux évènements indésirables survenant en ES. La circulaire du 29 mars 2004 relative aux recommandations pour la mise en place d’un programme de gestion des risques dans les ES permet de préciser l’importance du management des risques par le gestionnaire des risques (5). Elle permet surtout le passage d’une approche sectorielle qui concerne principalement les risques réglementaires (incendie, transfusion) à une approche transversale identifiant des risques ignorés, non perçus, cette fois-ci transversaux et liés entre autres aux défauts d’organisation et aux interfaces entre services de soins.
Avec environ 400 000 Evènements Indésirables Graves (EIG) par an en France, dont 150 000 considérés comme évitables, les Enquêtes Nationale sur les Evénements Indésirables liés aux Soins (ENEIS) de 2004 et 2009 ont permis une prise de conscience de l’ampleur des conséquences des erreurs (6). Elles ont surtout mis en avant le caractère évitable d’environ 40 % de ces évènements indésirables. La réduction du nombre d’EIG évitables devient l’un des grands enjeux du système de santé français : lutter contre toutes les erreurs qu’il est possible de prévenir, de récupérer ou d’atténuer.
Le décret de novembre 2010 relatif à la lutte contre les évènements indésirables associés aux soins rappelle aux ES la nécessité d’une stratégie institutionnelle dans ce domaine, sous l’impulsion de la direction, de la Commission Médicale d’Etablissement (CME) pour les ES publics ou de la Conférence Médicale d’Etablissement (CME) pour les ES privés (7). La GDRAS est donc bien l’affaire de tous les établissements, publics et privés, des plus petites aux plus grosses structures. Depuis plus de 20 ans, la certification des ES est devenue l’élément moteur de la GDRAS. Introduite au sein du système de santé français par l’ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996, « l’accréditation », devenue par la suite « certification » des ES, a pour objectif de porter une appréciation indépendante sur la qualité et la sécurité des soins dispensés (8). La certification est le seul dispositif permettant actuellement un cadre global d’analyse et d’évaluation externe de la qualité des soins et des prises en charge des patients en France. La troisième version de la certification, V2014, vise à développer une approche par processus et par thématique de risques, avec l’introduction du « patient traceur » permettant une évaluation au plus près de la réalité des parcours de soins, mais également une meilleure efficience de la certification, basée notamment sur la valorisation des réalisations de l’ES. Enfin, cette nouvelle version veut faire naître un processus longitudinal, grâce à la mise en place des comptes qualité et de visites intermédiaires ciblées, marquant une volonté de limiter l’effet soufflet dû à une visite unique quadriennale .
Les principaux risques associés aux soins
Les risques dans un ES sont nombreux, dispersés dans l’espace et souvent imbriqués de par la transversalité des soins. La spécificité des ES est de conjuguer des risques inhérents à toute structure, comme les risques techniques (incendies, pannes informatiques ou électriques), environnementaux (épidémies, contaminations des eaux), sociétaux (conflits de personnels, absentéisme, arrêts de travail), à des risques cliniques liés aux activités médicales et de soins. Ce sont par exemple les actes médicaux et chirurgicaux, l’utilisation de tous les produits de santé (médicaments, Dispositifs Médicaux (DM)…), l’organisation et la coordination des soins . Les enjeux sont énormes pour les ES d’une part, mais plus généralement pour la santé publique. Sur le plan humain tout d’abord, puisque l’objectif annoncé d’un ES est d’apporter le meilleur service aux patients. Les conséquences sociales d’une erreur médicale sont ainsi directes sur les patients, leurs familles et les soignants impliqués. Sur le plan économique et financier, les surcoûts des évènements indésirables associés aux soins ont été démontrés, dans une société qui n’hésite plus à poursuivre en justice le milieu médical, induisant des surcoûts en primes d’assurances (11). Au niveau stratégique, l’impact négatif d’un dommage lié aux soins médiatisé peut être préjudiciable pour l’attractivité d’un établissement.
|
Table des matières
Introduction
Première partie – La chambre des erreurs : un outil ludique de formation aux évènements indésirables associés aux soins
1. La gestion des risques associés aux soins
1.1 Définition
1.2 Une prise de conscience récente des risques associés aux soins
1.3 Les principaux risques associés aux soins
1.4 Les risques liés à la prise en charge médicamenteuse
1.5 Les outils de la gestion des risques associés aux soins
2. La simulation en santé
2.1 Définition
2.2 Champs d’application
2.3 Le format type
2.4 Différentes techniques de simulation
2.5 Les enjeux de la simulation
2.6 Applications de la simulation à la gestion des risques associés aux soins
3. La chambre des erreurs
3.1 Principe et naissance du concept
3.2 Objectifs de la chambre des erreurs
3.3 Mise en œuvre
4. Exemple de scénario régional de chambre des erreurs
4.1 Volonté d’animation de la SSP
4.2 Objectifs du projet
4.3 Méthodologie
4.4 Typologie des erreurs
4.5 Diffusion du scénario
4.6 Données d’utilisation
4.7 Résultats des apprenants
4.8 Satisfaction des formateurs
4.9 Points forts
4.10 Points faibles
4.11 Perspectives
Deuxième partie – Création d’une chambre des erreurs médicamenteuses en parcours immersif à 360°
1. Vers une virtualisation de la chambre des erreurs
1.1 Pourquoi virtualiser ?
1.2 Comment virtualiser ?
2. Mise en œuvre du projet
2.1 Orienter l’outil vers la prise en charge médicamenteuse
2.2 Création d’un groupe de travail
2.3 Organisation en mode projet
2.4 Choix de la cible
2.5 Définition du business model
2.6 Définition du scénario
2.7 Tournage
2.8 Post-production
2.9 Création de l’outil pédagogique
2.10 Tests, ajustements et validation de l’outil
2.11 Stratégie de communication
Troisième partie – Utilisation, évaluation, déclinaisons et perspectives de IatroMed 360°
1. Bilan d’utilisation
1.1 Communication
1.2 Consultation
1.3 Public
1.4 Formats pédagogiques choisis
1.5 Résultats des apprenants
2. Evaluation
2.1 Satisfaction des apprenants
2.2 Satisfaction des formateurs
2.3 Efficacité pédagogique
3. Mise à jour et améliorations
3.1 Mise à jour
3.2 Améliorations
4. Déclinaisons
4.1 Des déclinaisons facilitées
4.2 Intégration et interfaçage avec de nouveaux contenus
4.3 Des déclinaisons illimitées
4.4 Première déclinaison : IatroMed 360° #Cancérologie
4.5 Deuxième déclinaison : SimUPAC 360°
5. Perspectives
5.1 Pérenniser l’utilisation de ces outils
5.2 Conventions avec les établissements de formation
5.3 Répondre à la demande d’industriels
5.4 Contribuer à l’élaboration de projets similaires
5.5 Déployer le format dans d’autres zones d’activité
Conclusion