Une pratique de l’enseignement en milieu amérindien

Une pratique de l’enseignement en milieu amérindien

  Un malaise profond imprègne l’institution scolaire en milieu amérindien. Non seulement le personnel indien et non-indien sont touchés par ce malaise, mais également l’ensemble de la communauté amérindienne. La pratique de l’enseignement dans ce milieu illustre bien ce phénomène, d’autant plus qu’elle constitue le théâtre d’interactions diverses. Ainsi, la rencontre de la société amérindienne et de l’institution scolaire non-indienne, de l’éducation familiale et de l’éducation scolaire, de l’enseignante non-indienne et de l’élève amérindien, suscite autant de dilemmes que de difficultés. L’échec scolaire constitue une première observation provenant de notre expérience d’enseignante non-indienne et un signe important de la présence de difficultés. Elle fut un élément déclencheur d’un questionnement sur la pertinence de notre travail de titulaire de 6e et de 4e année dans une école fédérale et primaire en milieu amérindien au Québec de 1980 à 1984.

L’ampleur de la situation d’échec constatée à la grandeur de la province, voire même du pays, et ses implications sur la jeunesse nous oblige à élaborer brièvement ce point un peu plus loin dans ce chapitre. Divers éléments de la pratique de l’enseignement contribuent à renforcer la situation d’échec scolaire des Amérindiens. La recherche dans ce domaine confirme cet état de fait. Cependant la nature de la culture amérindienne et son rapport avec la culture non-indienne, notamment à travers l’institution scolaire, conditionnent également la réussite ou l’échec scolaire. D’où l’importance de tenir compte, en plus des éléments propres à la pratique concrète de l’enseignement, des problèmes inhérents à l’aspect socio-culturel et politique de l’éducation scolaire en milieu amérindien. A travers la recherche d’explications et de solutions à l’échec scolaire, les auteurs soulèvent cet état de fait. Ainsi, une compréhension globale de la situation éducative amérindienne et de l’échec scolaire nécessite une compréhension globale de la pratique de l’enseignement en milieu amérindien.

La notion de temps et d’espace

   L’influence du cycle des saisons, de la faune et de la flore crée un effet marqué sur la personnalité et le comportement de l’enfant. Sa vision particulière du temps provient d’une vie en fonction du cycle biologique et naturel. Ainsi, le temps se déroule non pas en fonction d’horaires fixes et à court terme, mais plutôt en fonction des événements, des forces naturelles et supraterrestres. Il implique l’idée de continuité plutôt que de compartimentation propre à notre culture. La notion d’espace de l’Amérindien est également en relation étroite avec la nature. Ainsi, son espace vital ne se limite pas à sa maison, à son village, mais intègre également le territoire, la nature globalement et même l’ensemble de l’univers.

Le problème de communication interculturelle de l’enseignante non-indienne

  Les aspects de ce problème étant nombreux et variés, nous avons choisi d’élaborer ceux qui nous apparaissent les plus évidents. La façon d’interagir de l’enseignante ainsi que ses actions en classe sont déterminées par sa culture. Ils provoquent souvent une résistance à la communication de part et d’autre. La différence des langues en cause et l’enseignement des langues secondes, anglaise et française, ajoutent à la difficulté de communiquer. Les relations sociales et les relations de travail de l’enseignante sont marquées par le problème de communication.

1. Le mode d’interaction de l’enseignante non-indienne L’enseignante qui ne connaît pas la culture de son milieu de travail est souvent l’auteure d’incohérences, par ses actions et sa façon d’interagir. Elle réalise rapidement la présence d’une difficulté de transférer l’information aux élèves. Les consignes qui sont exprimées verbalement par elle, ne sont pas toujours saisies par l’élève. Ceci l’oblige à répéter, reviser continuellement, redéfinir les termes employés. « Lorsque l’enfant fait partie d’un groupe culturel minoritaire et que la situation étrangère est l’école, les intentions de l’enfant peuvent être mal comprises et ses aptitudes innées peuvent fréquemment être mal évaluées. Les enseignants peuvent ne pas comprendre la tension ou les conflits que produisent leurs actes chez leurs élèves … A titre d’exemple de cette situation, nous nous sommes employée avec insistance à faire acquérir un comportement « dit normal » de l’élève en classe. Mais il ne saisissait pas ou ne désirait pas se conformer à ce comportement. Nous partageons l’opinion de Linda Guébert à l’effet que le style d’interaction exigé par l’école n’est pas connu de l’élève d’une autre culture.

Le comportement requis dans l’institution scolaire va souvent à l’encontre d’un style de communication reflétant les valeurs culturelles des Amérindiens. Nous avons vécu différentes étapes d’évolution relativement à la communication avec les élèves amérindiens. L’article de l’auteure précitée soulève quatre aspects du discours scolaire de l’enseignant qui contribuent pour une grande part à l’interférence dans la communication. Nous les énumérerons brièvement. Ils illustrent notre façon de faire antérieure à la prise de conscience de la présence d’un autre mode de communication culturelle. La forme surtout verbale de l’enseignement – apprentissage fait que l’enseignant monopolise la conversation. Etant maître de celle-ci, il décide à quel élève la parole doit être cédée en le nommant.

Les élèves sont également invités à lever la main pour obtenir la parole. La question posée à l’élève exige souvent une réponse univoque et immédiate. L’utilisation des phrases à portée disciplinaire démontre l’autorité de l’enseignant. Les résultats de ce mode de fonctionnement étaient souvent négatifs. Nous avons constaté l’indiscipline, l’absentéisme et même le refus d’effectuer certains apprentissages. Selon Linda Guébert, une seule personne ne peut dominer la conversation dans la culture amérindienne. L’apprentissage s’effectue davantage par l’observation et la pratique que par des explications verbales. De plus, il est impoli de questionner directement un individu dans cette culture. Une question posée n’exige pas nécessairement une réponse immédiate. Et enfin dans ce milieu culturel, celui qui enseigne n’est pas nécessairement en position d’autorité par rapport à l’apprenant.

L’expérience de non-communication a conduit à effectuer un travail énorme pour rejoindre l’autre et tenter d’établir une relation de confiance primordiale avec l’élève amérindien. N’étant pas outillée dans le domaine de la communication interculturelle, nous avons souvent procédé par essai et erreur, relativement à l’expérimentation de méthodes d’enseignement favorisant la communication non-verbale. Ce genre de situation exigeait une adaptation continuelle de l’élève et un investissement en temps qui ajoutait une lourdeur à la tâche d’enseignement.

2. La langue La langue constitue un autre facteur de non-communication. Nous verrons les deux aspects suivants : la langue première amérindienne et la langue seconde française ou anglaise.

a) La langue première amérindienne : La langue première de l’élève pose également un problème de communication entre ce dernier et l’enseignant. Notre expérience réfère à une situation où la langue amérindienne est la langue d’expression pour la majorité de la population. L’ignorance de la langue amérindienne de la part de l’enseignant crée une véritable confusion avec les élèves. Ces derniers sont souvent incapables de traduire leur pensée, leurs paroles et d’expliquer leurs actions en langue française. L’indiscipline et la perte de contrôle de la classe sont souvent la conséquence de cette confusion. Encore ici, il y a, de la part de l’enseignante, un travail de repérage des indices non-verbaux de relation qui serviront à comprendre les membres de cette autre culture. Sans une connaissance minimum de la langue et de la culture améri ndienne, l’enseignante nonindienne ne peut saisir l’essentiel de la réalité de l’élève qui lui permettra de communiquer avec lui. Elle pourra difficilement connaître et s’intégrer à la communauté.

b) La langue seconde française ou anglaise :Malgré l’utilisation fréquente de la langue amérindiennel  au premier cycle de l’élémentaire, le français était la langue principale d’enseignement à l’école primaire fédérale. Toutes les matières étaient enseignées dans cette langue. Les programmes, les méthodes et les manuels étaient conçus dans cette langue et pour l’enseignement de cette langue comme langue maternelle. Le problème de l’enseignement des langues nous est apparu d’une grande complexité. Nous n’avons pas trouvé d’éléments de réponse à cette réalité. La réussite dans les autres matières scolaires était dépendante du mode d’enseignement des langues et du degré d’acquisition de la langue française. Nous avons constaté qu’une infime minorité d’élèves possédait les acquis langagiers qui leur permettraient d’effectuer des apprentissages significatifs. La plupart des élèves développaient graduellement un retard académique difficilement récupérable à la fin de l’élémentaire. Cette situation engendrait des problèmes de communication, de discipline et d’absentéisme. Le problème de communication dépassait le domaine de l’enseignement de la langue. Il se retrouvait également dans les relations de travail et les relations sociales à l’école.

3. Les relations de travail et les relations sociales de l’enseignante Plusieurs facteurs peuvent expliquer le problème de communication vécu par le personnel de l’école en milieu amérindien. La perception mutuelle et historique des deux cultures pourrait être un élément à l’origine de ce problème. Dans la vie scolaire quotidienne, la présence d’une nette séparation entre les enseignants amérindiens et non-indiens rendait les échanges sur la pratique de l’enseignement extrêmement difficiles. Nous avons connu une situation d’isolement professionnel dû à la rareté de l’échange et de la mise en commun des expériences pédagogiques. Les enseignants amérindiens constituaient entre eux, un noyau de relations serrées, tandis que la vie en poste isolé, pour les enseignants non-indiens, faisait surgir autant de sympathie que d’antipathie pour les collègues de travail. De plus, un sentiment d’infériorité et d’incompétence se dégageait du groupe amérindien parallèlement aux sentiments de supériorité et de connaissance véhiculés chez les non-Indiens. Au moment de notre expérience, il semblait que seul le temps et des liens d’amitié sincères entre les membres des deux cultures pouvaient transformer graduellement une telle situation.

En ce qui a trait à la vie sociale de l’école, les événements sociaux étaient souvent initiés et organisés par la direction et les enseignants non-indiens. Une pression s’exerçait sur le personnel de l’école pour y participer, provoquant ainsi une participation formelle plutôt que réellement sentie. Cette façon de faire de l’école élargissait l’écart entre les membres des deux cultures et perpétuait le problème de communication. Nous croyons que l’acceptation mutuelle des deux cultures en cause consitue une condition nécessaire à la réussite d’un travail pédagogiqueunifié. Or, l’ouverture à toute culture autre que la sienne requiert d’abord une confiance en soi, et ensuite une confiance en cette autre culture. Ceci nous amène à décrire le modèle d’enseignement véhiculé à l’école fédérale, lequel ne facilite ni l’ouverture, ni l’état de confiance en cette autre culture.

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Table des matières

INTRODU’CTION
CHAPITRE I : Une pratique de l’enseignement en milieu amérindien
I. Une situation d’échec scolaire
II. Des caractéristiques de la culture et de la personnalité amérindienne
A. La dimension spirituelle
B. La notion de temps et d’espace
c. L’éducation traditionnelle et sa rencontre avec l’éducation scolaire
III. Les difficultés reliées à la pratique concrète de l’enseignante non-indienne dans une école amérindienne
A. Le problème de communication interculturelle de l’enseignante non-indienne
B. Le modèle traditionnel d’enseignement véhiculê à l’école
C. La relation de l ‘enseignante non-indienne avec 1’ administration scolaire
IV. L’importance du contexte social et politique de la pratique
A. Les rapports historiques conditionnant la situation éducative actuelle
B. L’ambiguïté des projets social et éducatif
C. La signification de la prise en charge de l’éducation
CHAPITRE II Une démarche de compréhension de la réalité scolaire amérindienne
I. Les orientations théoriques et idéologiques de la recherche
A. Le dilemme du rapport à l’autre culture
B. Une définition de la prise en charge amérindienne
c. Des idéologies et des croyances sur la prise en charge de l’éducation des Amérindiens
II. Les buts, objectifs et limites de la recherche
A. Les buts et objectifs de la recherche
B. Les limites de la recherche
III. La méthodologie et les étapes de la recherche 
CHAPITRE III Les caractéristiques du discours gouvernemental canadien sur la prise en charge de l’éducation amérindienne
A. La méthodologie utilisée pour la recherche
B. Les grandes étapes de la recherche
I. L’administration de la prise en charge de l’éducation
A. Deux conceptions opposées de l’administration locale
B. Le partage des responsabilités et la qualité de l’éducation
C. Le problème du financement
II. Le projet d’amérindianisation 
A. Historique du projet d’amérindianisation
B. La philosophie du projet d’amérindianisation
c. La formation des maîtres autochtones et l’élaboration des programmes scolaires
D. La restructuration du projet d’ amérindianisation
III. Le modèle linguistique du triangle inversé
A. Le modèle du triangle inversé
B. Les modifications du projet
c. Les implications du modèle du triangle inversé
IV. Des critiques du discours gouvernemental sur la prise en charge de l’éducation
A. Le point de vue de la F.I.C. sur l’administration de la prise en charge de l’éducation
B. Des critiques formulées sur le projet d’ amérindianisation
c. Le modèle linguistique du triangle inversé .
CHAPITRE IV – Les caractéristiques du discours amérindien sur la prise en charge de l’éducation
I. Les dimensions de la grille d’analyse
A. La pédagogie
B. La langue
c. L’administration
II. La pédagogie
A. Les fondements philosophiques de la pédagogie
B. La nature des contenus d’enseignement
c. La manière de faire propre à la culture
D. La nature des activités d’enseignement
III. La langue 
A. Les politiques linguistiques amérindiennes
B. Les difficultés et les implications des politiques linguistiques amérindiennes
c. La langue amérindienne comme langue première ou seconde
D. La langue française ou anglaise comme langue première ou seconde
IV. L’administration 
A. L’administration au niveau local
B. La gestion des ressources et des budgets
c. La planification et l’évaluation de l’éducation
D. La participation de la communauté et la circulation de l’information
CHAPITRE V – La problématique de la prise en charge de l’éducation amérindienne émanant des deux discours 
I. La pédagogie
A. La conception gouvernementale du modèle éducatif
B. La philosophie amérindienne de l’éducation
et la démarche vers un modèle éducatif propre
c. Une appréciation et quelques suggestions
II. La langue 
A. Les conceptions gouvernementale et amérindienne de modèle scolaire bilingue
B. La confusion gouvernementale et amérindienne entre « la langue d’enseignement » et « l’enseignement de la langue » amérindienne
c. La confusion en matière de méthodologie d’enseignement de la langue française comme langue seconde
D. Une appréciation et quelques suggestions
III. L 1 administration 
A. Les conceptions gouvernementale et amérindienne de l’administration ou du contrôle local de l’éducation
B. Les conceptions gouvernementale et amérindienne de la responsabilité financière
C. Les conceptions gouvernementale et amérindienne de la participation des parents
D. La dimension pédagogique dans l’administration locale de l’éducation
E. Une appréciation et quelques suggestions
IV. Un enrichissement pour la pratique de l’enseignement en milieu amérindien 
A. Des constatations sur la pratique de 1′ enseignement
B. Des suggestions à l’enseignante non-indienne
CONCLUSION

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