UNE NOUVELLE PISTE POUR SEPARER LES GAZ DE L’AIR
La question posée par Air Liquide au Centre Thermodynamique des Procédés est celle-ci : est-il possible d’exploiter une autre propriété physique des molécules constituant les gaz de l’air afin d’améliorer ou mettre au point un nouveau procédé de séparation ? Cette propriété physique divergente est le magnétisme. En effet l’oxygène a un comportement paramagnétique alors que l’azote et l’argon ont un comportement diamagnétique. Assez peu d’études ont été réalisées sur les capacités à utiliser cette propriété pour des techniques séparatives des gaz de l’air.
En revanche, la possibilité d’utiliser le champ magnétique pour faciliter la séparation d’éléments est déjà utilisée dans certains cas. Par exemple, la méthode HGMS (High Gradiant Magnetic Separation) permet d’extraire des particules magnétiques en suspension dans un liquide en utilisant un très fort gradient de champ magnétique. Il y a également une méthode de lévitation hydro-magnétique, où la différence de densité est couplée à la différence de susceptibilité magnétique pour identifier et séparer des métaux [5]. Enfin, l’utilisation de MOF (Metallic Organic Framework) magnétique permet de réaliser l’extraction du palladium dans un liquide [6], comme d’autres métaux lourds [7], permet d’immobiliser des enzymes [8], ou permet encore l’acheminement et la délivrance ciblée d’un médicament [9].
Dans le cas des gaz de l’air, deux études, mandatées par Air Liquide, ont été effectuées sur le sujet de la séparation par fort gradient de champ magnétique de type HGMS. La première a été effectuée par Armines en 2005 [10]. La deuxième, par le Laboratoire Environnement et Mineralurgie de l’Institut National Polytechnique de Lorraine en 2007 [11]. Il y a également eu une campagne d’études au CTP en 2015-2016 pour étudier l’impact du champ magnétique sur les propriétés thermodynamiques d’un mélange oxygène-argon [12] [13]. D’autres éléments dans la littérature traitent de l’utilisation d’un champ magnétique pour séparer l’oxygène du mélange azote-argon, même s’ils restent en nombre restreint. Ils seront abordés au fur et à mesure du développement de la thèse.
ETUDES HGMS
Les premières études qui ont été réalisées à la demande d’Air Liquide concernaient la possibilité de séparer l’oxygène de l’air grâce à la technologie HGMS. Cette technologie consiste à appliquer localement un très fort gradient de champ magnétique, attirant les molécules paramagnétiques vers les champs intenses. Cette technologie permet de séparer des particules en suspension, mais une taille critique de ces particules (10nm) est requise pour que cela fonctionne. Les études théoriques réalisées à ce sujet reprennent les équations du magnétisme et les différentes théories qui permettent d’évaluer la faisabilité de la séparation de l’oxygène dans l’air. La première étude [10] présente des calculs qui se basent sur un équilibre énergétique et de force entre la force magnétique et la diffusion. Les équations utilisées sont normalement appliquées pour des particules avec une taille suffisante pour définir un rayon hydrodynamique, une viscosité, etc… Ce qui n’était pas le cas dans cette étude. De même les auteurs ont utilisé des valeurs moyennées (la susceptibilité magnétique entre autres) qu’ils ont appliquées à des molécules uniques. Pour ces raisons, le résultat de leur étude théorique reposait sur l’hypothèse forte que ces propriétés macro pouvaient s’appliquer au niveau moléculaire, sans pour autant pouvoir évaluer les limites d’une telle extrapolation. Leur conclusion principale est que la diffusion l’emporte largement sur la force magnétique. Ce qui signifie que d’un point de vue énergétique un tel dispositif n’arriverait pas à séparer l’oxygène de l’azote ou de l’argon.
La deuxième étude [11] reprend à son tour la théorie, mais en se focalisant sur des équations et descriptions moléculaires du phénomène. Ainsi les grandeurs utilisées ne sont plus des moyennes, mais bien les valeurs propres à une molécule. Les auteurs ont évalué l’impact d’un gradient de champ magnétique sur la distribution spatiale de l’oxygène. Là encore l’étude montre que la diffusion a un rôle beaucoup plus important que le champ magnétique, rendant le gradient de concentration d’oxygène aux alentours de l’aimant négligeable. Les auteurs ont en revanche émis une ouverture: la formation éventuelle de cluster d’oxygène. En effet si l’oxygène est capable de former des clusters sous l’effet d’un champ magnétique, les équations applicables ne sont plus tout à fait les mêmes, car la taille apparente de la molécule est modifiée. Un article a mis en évidence que des clusters oxygène-oxygène et oxygène-azote pouvaient se former en fonction de la concentration d’azote [14]. Ce phénomène pourrait ainsi augmenter l’efficacité du champ magnétique sur la séparation de l’oxygène dans l’air.
ETUDES DU CTP
Les études menées par le CTP en 2015-2016 ont eu pour but d’évaluer l’impact d’un champ magnétique sur les propriétés thermodynamiques d’un mélange oxygène-argon, [12] [13]. La première étude s’est centrée sur l’évolution de la pression du système en présence de champ et sur l’influence du champ magnétique sur l’équilibre liquide-vapeur du système. Le choix de l’appareillage, des sondes, des méthodes d’échantillonnage, etc, a représenté une bonne partie du travail. En effet, les champs magnétiques intenses peuvent perturber les systèmes de mesure. Une analyse bibliographique et des tests ont ainsi permis de faire une sélection du matériel à privilégier. Une fois le montage expérimental réalisé, la première campagne de mesures s’est focalisée sur l’étude de la variation de la pression en présence d’un champ magnétique. L’objectif initial était d’appliquer un champ magnétique homogène à l’aide d’un aimant supraconducteur. Mais au vu des résultats il semble que le champ magnétique n’était pas homogène dans la cellule et qu’il y avait un gradient. Ce gradient a eu pour conséquence une évolution de la pression du système en fonction du champ magnétique, il s’agit de la pression magnétique. Cette mesure de pression magnétique est une des techniques pour mesurer la susceptibilité magnétique de l’oxygène [15]. Cette expérience a donc été utile pour mesurer la susceptibilité magnétique de l’oxygène. La valeur mesurée à 77 K est de: 3,982 ∗ 10⁻³ et elle est cohérente avec les valeurs de la littérature : 4,0 ∗ 10⁻³ [16] [17].
La deuxième étude avait pour but d’évaluer l’évolution de l’équilibre de phase d’un système 80 % oxygène-20% argon avec un champ magnétique. Les points obtenus pour différents champs magnétiques et sans champ magnétique présentent des déviations inférieures aux déviations dues à l’incertitude expérimentale. Donc aucun effet du champ magnétique sur l’équilibre des phases n’a été observé.
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Table des matières
1. Introduction
1.1. Contexte
1.2. Distillation cryogénique
1.3. Pressure Swing Adsorption
1.4. Membranes
1.5. Une nouvelle piste pour séparer les gaz de l’air
1.6. Etudes HGMS
1.7. Etudes du CTP
1.8. Méthodologie et plan de la thèse
2. Théorie Magnétique
2.1. Théorie de Maxwell
2.2. Paramagnétisme et diamagnétisme
2.3. Ferromagnetisme et antiferromagnetisme
2.4. Force, Couple, Energie Magnétique
2.5. Description du champ magnétique
2.5.1. Aimants permanents
2.5.2. Electroaimant
3. Approche Thermodynamique
3.1. Etat de l’art sur l’impact d’un champ magnétique sur les propriétés thermodynamiques de l’oxygène
3.2. Effet D’un champ magnétique homogène
3.2.1. Impact sur les propriétés de l’oxygène pur
3.2.2. Impact sur un mélange d’oxygène et azote
3.3. Théorie présentée dans la thèse de Meachin
3.4. Effet d’un champ magnétique inhomogène sur les propriétés thermodynamiques d’un mélange oxygène + azote/argon
3.4.1. Description du champ magnétique
3.4.2. Etude via la physique statistique
3.4.3. Etude via un bilan de forces
3.5. Description des phénomènes en jeu
4. Moyens expérimentaux
4.1. Chromatographe en phase Gaz (GC)
4.2. Capteur de pression
4.3. Sonde de températures
4.4. Débimètre
4.5. Electroaimant-Aimant permanent
4.6. Symbolique schéma
5. Influence d’un champ magnétique sur un procédé avec écoulements
5.1. Equation et modélisation d’un écoulement
5.2. Etudes du groupe de recherche de Wang et al
5.3. Expériences de capture
5.4. Expériences avec écoulement dans un tube
5.4.1. Dispositif avec le tube hors du bain liquide
5.4.2. Dispositif avec le tube dans le bain liquide
5.4.3. Ecoulement dans un tube en phase gaz
5.5. Expériences avec écoulement multiple
6. Nanoparticules
6.1. Adsorption
6.2. Etat de l’art – Membranes magnétiques
6.3. Diffusion à travers des nanoparticules
6.4. Solubilité de l’oxygène dans un ferrofluide
6.4.1. Réalisation du ferrofluide
6.4.2. Expériences thermodynamiques
6.4.3. Cinétique de solubilité
Conclusion