Internet, un formidable catalyseur d’informations
L’apparition récente d’outils en ligne permettant la mise à la disposition du public de prises de paroles multiples, a facilité grandement la mise en visibilité de thématiques nouvelles et la possibilité de débattre en temps réel de sujets variés. La toile compose une constellation de savoirs disponibles en ligne, des parutions les plus diffusées à la prise de parole la plus discrète, et est composée d’une immensité de savoirs que tout à chacun peut appréhender avec un minimum de notions en informatique. Cette disponibilité est rendue possible grâce à la facilité d’accès et de maniabilité des supports médiatiques numériques (blogs, sites conçus grâce à des systèmes de gestion en ligne sans aucune édition HTML…)
Le corpus médiatique que nous avons donc déterminé au préalable est composé principalement d’articles issus de pureplayers et de journaux en ligne (qui peuvent être des traductions numériques d’articles parus sur papier également). Le choix que nous avons justifié d’ouvrir notre corpus à un ensemble de titres non spécialisés nous semble être le plus pertinent afin de démontrer une réelle prise de conscience de la part des citoyens de l’importance des enjeux en termes de respect de l’environnement, mais il s’accompagne aussi de la formation (au travers des nombreuses illustrations et photographies) d’un imaginaire nouveau. La mise en commun d’informations à l’échelle du monde et la recherche d’occurrences de termes spécifiques au sujet qui nous importe peuvent nous permettre de déceler des prises de parole émergentes et mobilisatrices, que les citoyens peu à peu s’approprient. La multiplicité des discours, la diversité de leurs énonciateurs et leur marge de progression s’observent à toutes les étapes de la mise en place d’un projet, du discours d’intentions à la galerie photo mettant en valeur les réalisations achevées.
Il existe quatre domaines de références dans lesquelles se développe le concept d’autonomie dans les parutions médiatiques: santé, politique, économie et société. En ce qui nous concerne, nous constatons en suivant les fils RSS des médias divers et variés que la thématique de l’autonomie est de plus en plus régulièrement débattue et cela au travers de prismes très différents. On y parle d’autonomie politique et du développement de la démocratie participative , de la montée en puissance de l’ESS (économie sociale et solidaire) et de leurs partenariats institutionnels , ainsi que de la manière dont ces aspirations transforment l’aspect de nos espaces de vie.
Ces occurrences ont notamment été repérées au cours de nos recherches sur des sites tels que Konbini, Slate, Huffington Post, BFM Business, France Culture, Nouvelobs, Arte, titres de presse quotidienne régionale… et des articles faisant suite aux reportages TV (bfmtv.com / francetv.info). Ce qui apparaît de manière récurrente dans ces publications, ce sont les nouveaux procédés de construction ainsi que les nouveaux matériaux à haute performance énergétique . Il est d’ailleurs intéressant de noter que ces articles comportent des liens hypertextes vers des sites développés par des particuliers, et comportant de nombreux tutoriels afin de construire par soi même un habitat et des installations promouvant l’autonomie énergétique et alimentaire. Y sont aussi présentés les projets et l’idéologie qui les ont portés, ainsi que les témoignages des résidents. La nature des objets médiatiques sélectionnés dans ce mémoire montre comment ces enjeux sont devenus des préoccupations largement partagées et sont sorties du domaine marginal pour prendre toute leur place au sein de notre débat social. La redondance de ces thèmes dans les publications ainsi que la demande du public concernant ces sujets a incité les rédacteurs des grands titres de presse à créer de nouvelles rubriques afin d’inventorier ces articles. Par exemple, Le Monde possède désormais une sous catégorie “habitat” dans la rubrique “Planète”, et Le Parisien avec sa rubrique “Ville durable”. Quant à Ouest-France, c’est dans la rubrique “Maison”, que sont recensées les nouvelles méthodes de constructions plus respectueuses de l’environnement, et pour l’Express “Habitat et déco”. Pour exemple, Konbini poste un article le premier juin 2016 : « Un quartier autosuffisant va bientôt voir le jour près d’Amsterdam » .
Reprendre la main sur nos environnements matériels
Ce phénomène est significatif d’un intérêt croissant pour les internautes et les lecteurs de comprendre le monde qui les entoure et de leur volonté de le façonner. La meilleure illustration que nous pouvons donner de ce phénomène est la montée en puissance du phénomène des makers et du DIY (Do It Yourself) qui incite les internautes à se réapproprier les objets, leurs composantes et leurs usages, en mobilisant leurs capacités créatives et en les incitant à lutter contre l’obsolescence programmée; en créant et en réparant par eux-mêmes. Ces constats sont en relation directe avec l’apparition de nombreux Fablabs (espaces disposant de machines accessibles aux personnes souhaitant les utiliser pour réaliser leurs projets, sorte d’ateliers collectifs et foyers de l’innovation) et du développement de l’impression 3D assortie de l’accès aux fichiers de conceptions disponibles en open source.
Ce nouvel imaginaire centré autour d’une reprise en main de la vie quotidienne par le biais de la relation que nous avons avec nos objets (ceux qui composent nos lieux d’habitation entre autres), ce regain d’indépendance et de réflexion sont associés avec les mouvements citoyens favorables au développement de l’autonomie des individus face au marché, vers lequel ils sont incités à se tourner pour trouver toutes les solutions à leurs problèmes quotidiens. Cette philosophie qui émerge, portée par des auteurs tels que Pierre Rabhi, ou précédemment Ivan Illich, et plus globalement les auteurs qui se réclament de la “décroissance”. Ils appellent à un mode de vie frugal, basé sur la satisfaction qualitative des besoins humains (alimentation, habitat, maîtrise des circuits de production alimentaire et promotion de l’agroécologie, favorisation et renforcement des liens sociaux), et l’émancipation par rapport à une société de consommation et un modèle de structuration sociale qualifiés d’archaïques et de dévastateurs.
Autour de l’habitat, les prises de paroles deviennent de plus en plus décomplexées et des tendances qui comme elles, restaient marginales il y a quelques années se déploient dans l’espace public. Plus personne ne s’étonne de tomber sur le récit d’une reconversion professionnelle radicale d’un(e) cadre, lassé(e) d’une vie désenchantée, subitement devenir cuisiner(e) ou ébéniste. Les modes de vie alternatifs (régimes alimentaires exclusifs, échanges sans argent…) sont des thématiques qui bousculentnos façons de percevoir le monde et d’y projeter des alternatives. Ces thématiques sont florissantes, en particulier sur les médias dédiés à un public féminin, comme dans Femme Actuelle.
Mais ce qui unit toutes ces prises de paroles, c’est avant tout un constat basé sur les catastrophes écologiques, l’anomie, le besoin de recréer une communauté, le besoin de solidarité . L’émergence de la société du partage, du “collaboratif”, de la primauté de l’usage sur la possession (théorie développée par Jeremy Rifkin dans La troisième révolution industrielle) sont de fortes tendances actuelles qui bouleversent tant la société que nos économies basées sur la capitalisation. Et tout ceci impacte fortement la manière dont nous pensons la manière dont nous habitons ce monde et ses espaces. Ce sont de fortes tendances qui sont perçues par les sociologues du monde entier, relayées dans les médias, et bien sûr, une problématique saisie par les acteurs du design contemporain. En effet, designers et architectes, dont les métiers sont étroitement corrélés avec les outils d’information et de communication (qui donnent à voir et à exister leurs créations) connaissent une prise de conscience majeure sur l’ensemble de ces facteurs qui orientent les besoins des usagers auxquels ils doivent apporter leur meilleure solution. L’évolution de la législation évoluant également en faveur de systèmes moins énergivores, ce sont de nouvelles opportunités assorties de contraintes strictes qui sont appelées à voir le jour. C’est ainsi que pour montrer leur engagement en ce sens, les acteurs de l’innovation n’hésitent pas à avoir recours aux nouveaux médias et produisent de nombreux outils afin de faire connaître leurs créations et, au travers d’elles, leurs intentions. Leur responsabilité en ce qui concerne la préservation des ressources présentes sur notre planète et l’exigence croissante des clients au regard de la responsabilité sociale des entreprises les encouragent à accompagner cette dynamique.
Le monde numérique et les canaux d’information qui le traverse nous offrent aujourd’hui un miroir (pas parfaitement fidèle certes, mais révélateur) de notre société et des interrogations qui la préoccupent. Les médias sont les véhicules de ces informations et reflètent, si on en croit l’économie médiatique et la recherche de l’audience maximale, les points d’intérêt des lecteurs et internautes. Ils prennent également le rôle de porte-voix suite aux événements consacrés à ces thématiques, et restituent les dialogues échangés par les protagonistes des différents événements prenant place dans l’espace public. Ainsi, il est assez aisé d’avoir accès aux échanges entretenus lors des débats . Il est donc possible de consulter les interventions relatives à l’évolution de nos structures d’habitation, et plus largement, de l’agencement des populations directement grâce aux médias disponibles sur les supports d’information numériques. Pour cela, il suffit d’effectuer une simple requête sur les moteurs de recherche, ou de consulter les vidéos disponibles notamment sur Youtube.
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Table des matières
INTRODUCTION
Une montée en puissance de l’intérêt des lecteurs et des internautes pour l’autonomie et ses enjeux
Internet, un formidable catalyseur d’informations
Reprendre la main sur nos environnements matériels
Charaudeau: le changement de ton des parutions médiatiques est significatif de l’implantation ou non d’une problématique dans l’opinion publique
Repenser le monde au travers des constructions qui nous permettent de l’habiter
L’espace de la maison au cœur de notre attention
Comment l’habitat incarne notre vision du monde
Une maison qui vous ressemble
Imaginer ensemble et collectivement la manière dont nous voudrions repenser nos modes de vie, d’habitat et de gouvernance: des initiatives avant-gardistes prennent la parole
Qu’entend-on par “écoquartier” ou “habitat participatif” ?
Des initiatives qui prennent la parole
Des initiatives communicantes et foyers du dialogue collectif: mise en scène de la vie dans ces quartiers
Conclusion générale
Bibliographie raisonnée
Ouvrage et articles scientifiques
Ouvrages professionnels
Plan des Annexes
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