L’hypermarché puise sa raison d’être dans l’adaptation aux besoins et aux valeurs émanant de la société
Un hyper-client qui ne cherche plus à consommer « plus » mais « mieux » en donnant du sens à sa consommation
L’hypermarché est aujourd’hui confronté à un phénomène de désenchantement. S’il incarnait la modernité, la praticité, l’accès pour tous à la félicité de la consommation, il est désormais de plus en plus souvent perçu comme trop grand, trop impersonnel, trop fatigant… Une étude portant sur l’image de la grande distribution montre que dans leur posture de « citoyens » aspirant à un certain idéal sociétal, les consommateurs sont devenus très critiques à l’égard de la grande distribution sur le plan conceptuel jugeant qu’elle incarne la surconsommation (pour 87% des sondés) ou encore la déshumanisation (pour 75% des sondés). Il fait donc figure de symbole d’un commerce déshumanisé alors que les valeurs montantes résident davantage dans le « petit », le « proche », l’authentique.
L’évolution de notre vocabulaire le montre : la société contemporaine est entrée dans l’ère du superlatif. La société de consommation moderne, théorisée par Baudrillard au début des années 1970, était une société super, qui a d’ailleurs accompagné le développement des supermarchés. Super, préfixe issu du latin, précède un autre mot pour désigner une situation plus élevée. Nous entrons aujourd’hui dans la société de l’hyper. Symbole de l’avènement de la société de consommation des années 1960-1970, le supermarché n’était à ce moment-là qu’un marché un peu plus grand qu’un marché traditionnel, avec certes plus de choix, plus de commodités. La société de consommation est une société encore industrielle, orientée selon l’offre, s’adressant à une consommation de masse. Aux consommateurs toujours plus nombreux sont proposés des produits toujours plus nombreux, mais encore issus d’un système de production de type fordien, industriel.
Des produits uniformisés, différents mais non personnalisés. Cependant, dans cette société de masse, les produits se diffusent encore avec une relative lenteur et les consommateurs ne sont pas abasourdis par l’offre pléthorique de biens de consommation. Dans cette ère d’abondance, les consommateurs apprennent à consommer, à avoir le choix, à être par leur consommation. Tandis que la société de consommation entre dans une nouvelle phase, nous voyons apparaître, non pas une négation de ces valeurs, mais au contraire une amplification. Après le super, voici donc venu le temps de l’hyper, préfixe qui exprime en général l’excès, le plus haut degré . L’hypermarché remplace le supermarché.
C’est le même modèle, mais avec plus de produits, plus de rayons, plus de choix. Et l’on peut maintenant évoquer l’hyperchoix : le choix jusqu’à l’excès, le plus haut degré du choix.
Dans le contexte d’hyperchoix et d’offre saturée, une part croissante des consommateurs franciliens se sent paradoxalement plus responsable du choix qu’elle fait. Dans un contexte de choix extensif, ils doivent prendre la charge de la responsabilité de la distinction entre un discours sur les « bonnes » options et un sur les « mauvaises ». Le consommateur se doit de développer des stratégies toujours plus élaborées pour pouvoir choisir son produit parmi d’autres. Si jusqu’à présent, seuls les experts avaient le monopole du conseil – via la presse spécialisée, par exemple – nous assistons à une généralisation de l’opinion du consommateur : l’hyperchoix apparaît indirectement comme un facteur de l’émergence du « consomm’acteur ». Mot-valise constitué à partir des mots « consommateur » et « acteur », ce terme désigne un consommateur qui n’accepte plus passivement les biens et les services qu’on lui propose. C’est un consommateur-citoyen, plus réfléchi à l’égard de son comportement de consommateur, prenant en compte des aspects de responsabilité sociale à travers celui-ci. Ce terme traduit, donc, aussi le fait qu’un consommateur a la capacité, grâce à ses choix d’achat, de peser sur l’offre des producteurs et, donc, de devenir un véritable « acteur » du marché. Ainsi, il participe donc volontiers, en pesant dans l’élaboration des chartes, à la définition de nouveaux produits et services, afin que ces derniers répondent mieux à l’idéal commercial mais également sociétal qu’il s’en fait. Le consom’acteur est un individu qui prend conscience de son rôle et de son importance en faisant de la consommation un acte politique. Contrairement au militant, il peut le faire de manière individuelle et de façon ponctuelle, ou de façon plus organisée dans des associations deconsommateurs, dont la plus connue reste l’Union fédérale de la consommation (UFC). Ainsi voit-on se développer une contestation consumériste qui s’affirme. Mais l’intérêt du choix est aussi psychologique. Tout le discours de la société de consommation repose sur l’idée que la personnalité de l’individu passe par les produits qu’il consomme : la consommation permet d’atteindre son moi profond et de révéler à soi-même – et aux autres – qui l’on est vraiment. La publicité insiste particulièrement sur cette révélation par la consommation : « deviens ce que tu es », nous dit Nikeen citant le philosophe grec Pindare. Finalement, ce genre de discours vise à dire au consommateur disposant d’un libre arbitre (en tant que consommateur, mais surtout en tant qu’individu libre, vivanten démocratie), qu’il pourra faire le « bon » choix par sa consommation, c’est-à-dire, en consommant le produit qui lui correspond vraiment. Et si chaque individu est unique, chacun se doit d’avoir son produit, correspondant à son être, à ses aspirations profondes. Ces caractéristiques existentielles attribuées à la consommation peuvent se traduire pour certains par une réflexion autour de leur propre rôle de consommateur, des motivations de leurs achats et à l’impact de leur consommation. Tous secteurs confondus, la traçabilité des aliments arrive en tête des préoccupationspour les consommateurs franciliens (81 %), l’agriculture respectueuse de l’environnement (64 %) en 5ème place . Cela montre l’importance que prend la conscientisation des consommateurs face au défi alimentaire. Savoir ce que l’on a dans l’assiette et connaître la composition des produits est une tendance qui gagne donc du terrain. L’affaiblissement de la confiance des consommateurs envers les acteurs du secteur de l’industrie agroalimentaire est allée de pair avec les critiques envers la société de consommation et le phénomène d’« hyperconsommation » qui en découle, c’est-à-dire une société où on ne produit plus ce que l’homme doit consommer pour satisfaire ses vrais besoins, mais on crée des besoins artificiels afin d’activer la consommation. L’aspiration à consommer mieux est moins la conséquence d’un rejet de la consommation en tant que telle que le reflet d’une volonté à la fois d’optimiser ses dépenses, d’accéder à des produits de qualité et, si possible, d’avoir au travers de sa consommation un geste citoyen sur le plan environnemental et sociétal. En somme le « Mieux consommer » s’inscrit comme une nouvelle norme de consommation. L’Observatoire des consommations émergentes s’est attaché à mesurer la diffusion d’une douzaine de pratiques de consommation échappant pour l’essentiel aux circuits marchands ordinaires. Beaucoup ont d’ores et déjà atteint un tel niveau de diffusion au sein du corps social qu’on peut en effet considérer qu’elles sont entrées dans la norme de consommation.
Tandis que l’on observe parmi ces nouvelles formes de consommations émergentes des comportements de dé-consommation, il est tentant de conclure que nous vivonsles prémices de la fin de la société de consommation. Or pour être tout à fait juste il convient de nuancer ce propos en parlant de la « fin d’une société de consommation » et non pas de la société de consommation,comme l’explique Philippe Moati dans son ouvrage traitant des consommations émergentes. . Il s’agirait donc plutôt de la fin d’une certaine consommation, centrée sur l’accumulation de biens matériels.
C’est-à-dire une dé-consommation marchande où les aspirations se déportent de « l’avoir » pour se concentrer vers « l’être ». La caractéristique nouvelle de la société de consommation est de perdre progressivement l’élément médiateur qu’est la marchandise pour ne plus devenir qu’une société de communication où s’échangent des signes, au-delà des biens. Les biens rares, désirables, sont finalement ceux que le progrès technique ne peut pas offrir : lesrelations sociales, les meilleures écoles pour les enfants, des lieux de villégiature agréables ou encore une alimentation de qualité, issue des producteurs locaux et valorisant un savoir-faire unique, une relation de confiance et de proximité. Dans cette société, les consommateurs déclarent en majorité qu’ils cherchent non pas à consommer « plus » mais à consommer « mieux », au sens de montée engamme.
L’achat de produits bio ou issus du commerce équitable tout comme celui fait directement auprès des producteurs locaux constituent la partie émergée de l’iceberg – celle la plus répandue dans la société.
– de la tendance du Mieux Consommer, principalement à travers un argument environnemental et écologique. Mais le choix du bio est surtout très intéressant pour notre sujet parce qu’il réfère à toute une philosophie de vie.
Le bio comme exemple canonique de ces valeurs du ‘Mieuxconsommer’ : un levier pour l’hypermarché en crise
Le terme « le » bio renvoie uniquement au mode de production et au marché du bio. Le bio est donc plutôt l’industrie de l’agriculture biologique. Mais pour les adeptes du bio dans sa philosophie de départ, on parle plutôt de « la » bio, à savoir la philosophiebio. De manière générale, il s’agit d’un mode de production respectueux de l’environnement – végétal comme animal – et le choix du local.
De manière plus précise, « la » bio correspond à un véritable engagement, des valeurs : relocalisation des productions, solidarité locale, respect du commerce équitable, application de normes élevées en matière de bien-être animal, protection et utilisation des semences et variétés anciennes, importance donnée aux goûts et aux saveurs, protection des sols, aides aux jeunes installations… La bio défend en fait un projet politique, économique et social. Le mode de production biologique joue en effet un double rôle sociétal : d’une part, il approvisionne un marché spécifique répondant à la demande de produits émanant des consommateurs et, d’autre part, il fournit des biens publics en contribuant à la protection de l’environnement, au bien-être animal ainsi qu’au développement rural. La consommation locale s’inscrit bien dans cette philosophie du bio, elle en est une des composantes. En effet, Le Larousse décrit très simplement le locavore comme une « personne qui décide de ne consommer que des fruits et légumes locaux et de saison pour contribuerau développement durable » . Consommer local c’est évidemment s’alimenter de produits ayant une distance limitée (généralement inférieure à 150 ou 250 km) entre le lieu de production et celui de consommation, c’est ce que l’on nomme « circuits de proximité », mais aussi consommer uniquement des produits frais et de saison et consommer des produits issus d’une production raisonnée, durable, écologique… Le terme « la » bio a aussi l’intérêt de différencier la bio fondée sur une philosophie globale dubio dit « industriel » que l’on trouve dans les grandes surfaces alimentaires. Ce bio « industriel » peut très bien provenir d’autres pays européens tel que la Pologne, tout en bénéficiant du label « AB » car il respecte la charte européenne (cf. Annexe 7) . À ce titre, le directeur de Biocoop , Claude Gruffat, préconise au consommateur de rester vigilant et de demander que les valeurs qui encadrent la Bio, que l’on retrouve dans les réseaux spécialisés, soient aussi conservéespar la grande distribution. Il s’agit donc de garder l’esprit critique, en choisissant des produits de saison, bio et réellement locaux.
Plus qu’une réponse à un besoin, l’hypermarché participe à susciter ce besoin par un discours valorisant les valeurs du bio et du local
Au-delà de leur dimension marchande, il apporte du sens aux objets de consommation pour être appropriés par les consommateurs
Savoir si le marketing donne au consommateur ce dont il a besoin ou s’il lui dicte ce dont il doit avoir besoin est un classique, même un lieu commun, des études de la consommation et du marketing. Mais si l’on applique cette question au modèle marchand de l’hypermarché, on se rend compte que la société – avec les normes et tendances de consommation qu’elle implique – et la figure de l’hypermarché interagissent et s’influencent l’un l’autre. L’hypermarché ne fait pas que refléter les normes de consommation et les habitudes sociales, il n’est pas exactement le miroir de la société comme nous l’avons dit mais plutôt un miroir déformant. Il ne peut refléter avec exactitude les normes de consommation puisqu’il est un des principaux influenceurs de celles-ci. Mais nous allons voir plus tard dans ce travail que l’hypermarché ne crée pas vraiment de nouvelles tendances, il met enscène une stratégie de communication afin de s’approprier les valeurs dominantes dans la société pour s’en faire le garant ultime et diffuser massivement ces modes de consommation. Illustrant parfaitement notre propos, dans La Société de consommation, Baudrillard dénonce le survoltage de la demande par des « accélérateurs artificiels » . Ce faisant, il montre que tous les principes comptables et psychosociologiques de l’étude de marché existent dans le seul but d’induire la demande et de masquer continuellement ce processus de création de nouveaux besoins en faisant croire aux consommateurs que l’on est à l’écoute de leurs désirs. Ce qui, finalement, est consommé c’est un ensemble de signes construits à travers un processus de signification et de communication fondé sur un code partagé par la collectivité. C’est ce partage qui donne du sens aux pratiques de consommation. Nous avons en effet vu que la consommation fait partie de la vie sociale, qu’elle est diluée dans la vie de chacun en s’imbriquant dans notre culture, notre manière de vivre, nos valeurs… Laconsommation est donc une activité collective. C’est une activité partagée, on ne consomme en effet jamais vraiment tout seul, car la consommation coordonne l’intégration du groupe. C’est à la fois un système de valeur et un système de communication, une structure d’échange. La consommation est donc comme un langage, socialement partagé. Le consommateur choisi la marque ou le produit dont l’image (ou même la personnalité) correspond le mieux à ses besoins sous-jacents et qui exprime le mieux le style de personnage qu’il est ou souhaite être. Car sa consommation trahie ce qu’il est et l’aide aussi à définir sa place dans la société et nouer des liens avec d’autres adeptes de la marque. Consommer, c’est donc « être en représentation » : se faire valoir, se montrer, choisir ce que l’on veut montrer de nous-même et ainsi exposer des valeurs à travers un système de signe partagé par la société. C’est donc se construire une image sociale. Finalement, ce ne sont plus les produits qui sont représentés, mais les valeurs que ceux-ci doivent communiquer. Dans son ouvrage, Baudrillard va jusqu’à qualifier la société de consommation de système de production et de manipulation de signes. Notre propos n’est pas ici de condamner ou non la société dont nous parlons mais d’étudier cette construction de signes et son rapport avec la consommation, notamment la consommation de produits « bons » à travers le bio et le local. Le bon, le vertueux, le sain, sont autant de notions qui connotent le Bien, une valeur culturellement positive. La mise en scène des produits dans les supermarchés les transforme en effet en références culturelles. C’est ce sens attribué aux choses qui donne une identité particulière à des biens identiques reproduits en très grand nombre. Voilà comment l’hypermarché s’approprie les valeurs du bio et local. En faisant oublier sa dimension économique de rentabilité avec une distribution en masse grâce à la mise en scène de ces valeurspositives et vertueuses. L’École de Frankfort fait aussi référence aux mises en scène de la consommation. Ses auteurs pointaient déjà dans les années 50 les liens entre marketing, consommation, médias et culture. Ils prennent notamment l’exemple des vendeurs qui sont aux magasins ce que les guides sont aux musées, montrant qu’il y a bien un travail de mise en spectacle de l’univers de la consommation. Ce qui est intéressant dans cette perspective spectaculaire de la marchandise c’est qu’aux caractéristiques utilitaires on ajoute notamment des formes d’art. C’est le cas du design par exemple, une manière d’anoblir et d’enrichir les produits pour les valoriser aux yeux des acteurs, quitte à donner plus d’importance à l’esthétique sur l’utilité.
Une mise en récit des produits bio et locaux qui aboutit à faire du consommateur et de l’hypermarché les acteurs d’une histoire commune
La deuxième partie de ce travail se concentre plus précisément sur la façon dont l’offre est intégrée à cet espace marchand. Nous avons vu qu’à travers la consommation de produits bio ou locaux nous attribuons un ensemble de valeurs et de représentations et que l’hypermarché, en devenant un lieu de vie, un lieu d’expérience, n’est plus seulement un espace marchand. Ce qui prime aujourd’hui ce n’est plus la dimension marchande ou économique mais l’histoire racontée par les produits.
L’hypermarché, lieu de consommation, est le lieu par excellence de la mise en récit des objets de valeur des biens de consommation. Or, une histoire se partage et suppose donc une relation car elle n’est rendue possible que par l’articulation des différents discours des acteurs de l’échange. Pour qu’un récit se diffuse, il faut en effet un émetteur, un message à diffuser bien sûr, mais aussi un récepteur, selon le modèle de la communication de Shannon et Weaver . Nous avons précédemment étudié la figure du récepteur à savoir le consommateur. Le rôle de ce dernier est fondamental dans la mise en récit des valeurs de consommation, à savoir le message, car celles-ci dépendent de ses aspirations et son mode de vie ainsi que de la façon dont il perçoit,réceptionne et s’approprie le message. Quand est-il alors de l’émetteur ?
Derrière l’hypermarché-magasin, une marque-enseigne qui construit son identité autour des valeurs du bio et du local
L’incarnation des valeurs à travers l’identité de marque
Le produit communique, le prix communique, la distribution aussi. Même des marques qui ne communiquent pas (au sens de publicité, soit le quatrième maillon du marketing-mi) communiquent. En fait, on ne peut pas ne pas communiquer car les silences sont de toute façon interprétés. Mais dans ce cas c’est souvent à leur dépend, comme un signe d’impuissance ou un signe de mépris venant de la marque. Dans le contexte actuel, ou l’engagement est le nec plus ultrad’une image de marque réussie, le silence d’une marque peut notamment être interprété comme une volonté de non-engagement, ce qui est extrêmement négatif pour l’image de cette dernière. La théorie de l’information de Shannon que nous avons évoquée précédemment propose une modélisation de la communication entre deux machines, et les moyens à mettre en œuvre pour transmettre l’information le plus rapidement possible, mais ne se préoccupe pas du contenu et de ce qu’en feront les gens. La théorie de l’information est indifférente à la signification des messages. Rappelons un axiome des sciences de la communication qui veut que toute communication présentedeux aspects : le contenu et la relation, tels que la seconde englobe le premier. Le sens d’un message n’est donc pas tant dans son contenu que dans son contexte relationnel. C’est la communication qui donne du sens à l’information, qui n’en a pas par elle-même. Le sens attribué aux produits bio et locaux est induit par des représentations et valeurs qui dépassent ces seuls produits en rayon. Pour donner du sens à l’offre de produits bio et locaux, l’hypermarché entend donc contextualiser cette offre dans une communication de marque globale, une vision globale. De sorte, lesvaleurs rattachées à ces produits prennent du sens au sein d’un tout cohérent construit par l’hypermarché et qui dissémine à différents niveaux des clés de compréhension du sens de cette offre.
Tout, à travers l’hypermarché, est un acte de communication qui véhicule cette identité
En supposant que la marque est système ouvert et vivant avec une identité multiple, Marie-Claude Sicard réfute toute relation linéaire où la communication serait le dernier maillon de la chaîne, tel un instrument, puisque « Tout ce que fait une marque est un acte de communication. » . L’auteur définit sept contextes possibles pour une action de communication, qu’elle appelle « pôles » et qui vivent au sein d’une marque. L’identité est plus ou moins riche selon le nombre de pôles où elle opère et leur durée.
Mais le discours de l’hypermarché n’est pas pour aussi consensuel. L’un des pôles fondamentaux pour une enseigne de distributeur et en effet le « pôle du positionnement». L’identité des enseignes repose sur un engagement fort, un parti pris, afin notamment de se différencier des concurrents et d’apparaître à l’esprit des consommateurs. Affirmer une identité c’est affirmer une position. Le cas le plus emblématique est certainement celui de l’enseigne Leclerc qui s’est imposé comme le roi du prix bas. En effet, le groupement de commerçants indépendants n’a jamais dévié de la ligne fixée après-guerre par Monsieur Leclerc père : vendre moins cher que la concurrence, coûte que coûte. En étant resté focalisé depuis des décennies sur un seul créneau – le combat pour les prix bas – l’enseigne s’est positionnée comme la moins chère des distributeurs. Peu importe que ce soit toujours le cas, ce qui compte c’est que le consommateur associe la marque au combat contre la vie chère. Cela grâce au fait qu’au-delà d’un simple discours qui pourrait sembler instrumental, la marque a su en faire son ADN avec le temps, ancrer ce positionnement dans ses racines,ses valeurs… et son identité puisque les consommateurs la reconnaissent comme telle. C’est pourquoi l’enseigne ose un slogan qui ne laisse pas de place à une potentielle réfutation : « Chez E.Leclerc, vous savez que vous achetez moins cher ». Carrefour de son côté a fait de la qualité alimentaire son empreinte et a été un des premiers à s’engager dans le bio notamment, possédant aujourd’hui la plus grande offre parmi les distributeurs.
L’enseigne Auchan a su faire le lien avec les petits embarras du quotidien de ses consommateurs et bénéficie d’une qualité de proximité. Ses slogans sont en effet tous bâtis autour du thème de la vie, véritable fil conducteur : « Auchan, et la vie change », « La vie Auchan, elle change la vie », « La vie Auchan, tout pour la vie », etc. Une publicité de 2007 illustre très bien cet ancrage dans le quotidien.
La publicité montre des personnes dans des situations embarrassantes avec une voix off expliquant « on ne peut pas tout choisir sauf la vie de tous les jours et ça,avec Auchan, ça change la vie ».
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Table des matières
REMERCIEMENTS
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I : L’HYPERMARCHE, UN ESPACE SOCIAL QUI EVOLUE AU RYTHME DES MUTATIONS DE LA SOCIETE ET DES NOUVELLES NORMES DE CONSOMMATION
A) L’hypermarché, un lieu qui reflète la société et permet de « raconter la vie »
1 – Un objet d’étude rendu légitime par son ancrage social dans lequotidien
2 – Un lieu marchand incarné par la figure du consommateur devenu « hyper-client »
B) L’hypermarché puise sa raison d’être dans l’adaptation aux besoins et aux valeurs émanant de la société
1 – Un hyper-client qui ne cherche plus à consommer « plus » mais « mieux » en donnant du sens à sa consommation
2 – Le bio comme exemple canonique de ces valeurs du ‘Mieux consommer’ : un levier pour l’hypermarché en crise
C) Plus qu’une réponse à un besoin, l’hypermarché participe à susciter ce besoin par un discours valorisant les valeurs du bio et du local
1 – Au-delà de leur dimension marchande, il apporte du sens aux objets de consommation pour être appropriés par les consommateurs
2 – Plus qu’un simple magasin à dimension utilitaire, l’hypermarché propose de faire l’expérience de la consommation bio ou locale
PARTIE II – UNE MISE EN RECIT DES PRODUITS BIO ET LOCAUX QUI ABOUTIT A FAIRE DU CONSOMMATEUR ET DE L’HYPERMARCHE LES ACTEURS D’UNE HISTOIRE COMMUNE
A) Derrière l’hypermarché-magasin, une marque-enseigne qui construit son identité autour des valeurs du bio et du local
1 – L’incarnation des valeurs à travers l’identité de marque
2 – Tout, à travers l’hypermarché, est acte de communication véhiculant cette identité
B) Quand l’hypermarché devient son propre dispositif de communication
1 – Un prétexte pour raconter une histoire
2 – Une mise en scène multipliant les opérations de médiations de l’environnement du consommateur
C) Faire l’expérience de la mise en récit des valeurs de la marque
1 – Le Brand Content pour inclure les consommateurs dans l’expérience de la marque
2 – Instaurer une relation de confiance autour d’une fiction du bio et du local
PARTIE III – LE ROLE DU MYTHE DANS LA CREATION D’UNE CONNIVENCE AUTOUR D’UNE ILLUSION D’AUTHENTICITÉ
A) Raconter une histoire crédible grâce à la représentation de mythes et d’imaginaires collectifs
1 – L’enjeu de dépasser la barrière de la fiction
2 – L’évocation de mythes pour donner l’illusion du vrai autour de ces valeurs
B) Le rôle du packaging et de la mise en rayon dans la mythificationdu bio
1 – Les rayons bio : des espaces avec leurs propres codes visant à faire l’expérience d’une naturalité représentée
2 – Le packaging : un outil majeur dans la mise en scène du mythe dela naturalité
C) L’hypermarché donne à voir une représentation du terroir fondée sur des références
communes à un mythe du terroir
1 – Le terroir en tant que construit : sans réalité effectiveil ne peut être que représenté
2 – La force du récit de marque pour introduire le terroir au sein de l’hypermarché
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
RESUME
MOTS-CLES
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