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Description géographique du quartier
Anosibe est un quartier de la ville basse d’Antananarivo à environ 1247 m d’altitude, qui se trouve entre 47° 30’ et 47° 31 de Longitude Est ; et entre 18° 55’ et 18° 56’ de Latitude Sud. C’est un triangle formé à l’Est par le canal Andriantany, à l’Ouest par la route digue de l’Ikopa, et au Nord par une ligne qui relie le « complexe » d’Ampefiloha aux rizières séparant Ilanivato et Anosizato Est. Un axe routier en fait l’unité : la RN1.
Le quartier est limité : au Nord par les fokontany d’Andavamamba Anatihazo II et Manarintsoa Antsinanana, au Nord Ouest par celui d’Andavamamba III J Ambilanibe, au Nord Est par le Fokontany Cité Ampefiloha, à l’Ouest par les Fokontany d’Ampangabe Anjanakinifolo et Ilanivato Ampasika, à l’Est par les Fokontany d’Andrefan’i Mananjara et d’Andrefan’Ambohijanahary III G et III M, au Sud et Sud Ouest par les fokontany d’Anosizato Est (I et II) , et au Sud Est par le fokontany de Namontana.
Anosibe a une superficie de 2,17Km² soit 217 ha (BDA, 2007), avec une proportion inégale pour chaque Fokontany et environ 70ha, soit 1/3 de sa superficie, sont constituées de marais inhabitables. Il présente le climat de la capitale dont il fait partie : un climat tropical d’altitude des hautes terres avec deux saisons bien distinctes (une saison pluvieuse et chaude, de Novembre à Mars ; et une saison sèche et fraîche d’Avril à Septembre). La précipitation totale de l’année est d’environ 1200mm et n’excède pas 1400mm, tandis que la température moyenne annuelle est de 19°C (RASOANARIVO, 2003).
Faisant partie de la plaine de Betsimitatatra, la zone d’étude a un sol organique hydromorphe tourbeux ou oligotrophe (Ibid.), caractérisé par l’abondance d’une matière organique peu évoluée à texture spongieuse, avec un profil de trois horizons bien marqués :
A0 : 0 à 30cm : Une matière organique brune claire, en décomposition. Cet horizon possède un rapport en argile et limon assez faible.
A1 : 30 cm à 65cm : C’est un horizon brun noir avec une tourbe finement divisée, assez décomposée.
A2 : 65cm 200cm : C’est un horizon gris brun, formé par une couche assez molle de tourbe et d’argile tourbeuse.
B : Un horizon gris clair, formé par une couche de sable à proportion variable d’argile qui descend jusqu’à 1250mètres de profondeur.
C : C’est un horizon formé par des roches décomposées grisâtres.
Puisque c’est une zone marécageuse, Anosibe est dominé par des végétaux aquatiques. Ces derniers ont comme particularité le changement de composition et d’apparence selon la saison. L’espèce dominante des zones non aménagées est le Pistia Stratistes Limné (tsikafonkafona), suivie par le Cyperus sp. (Vondrona) et le Haleocharis plantaginea bak (harefo).
Anosibe : « bas quartier ».
Le terme « bas quartier » est une expression péjorative pour désigner la plupart des quartiers de la ville basse d’Antananarivo dont Anosibe (croquis n°02). Ce terme fait référence à la situation physique de ces quartiers qui se trouvent en dessous de 1250m d’altitude. Ce sont des zones qui sont victimes d’inondation lors de la saison pluvieuse, causée d’une part par l’inexistence de voies d’évacuation de leurs eaux de pluie, mais également de celles de la ville haute ; et d’autre part par la montée des eaux de la rivière Ikopa et du canal Andriantany. Ces zones sont décrites comme des zones insalubres, avec un environnement hostile à tout établissement humain.
A Antananarivo, ce terme renvoie surtout à certaines réalités ou représentations d’ordre économiques et sociales. En effet, nombre de Tananariviens ont des préjugés qui définissent les habitants d’Anosibe comme des individus n’ayant de répères moraux, ne connaissant pas le civisme et n’aspirant à aucune évolution. La population d’Anosibe serait constituée de migrants « côtiers » et des autochtones « andevo ou esclaves » de l’ancienne hiérarchie en Imerina. Leur niveau de développement économique, ainsi que l’insuffisance d’infrastructures urbaines à Anosibe les remettent à une catégorie inférieure à celle de la population habitant la ville haute et moyenne. Anosibe devient alors un quartier malfamé, théâtre de tous les maux d’une société urbaine: violence, vols, trafics illicites,… Les habitants d’Anosibe sont ainsi appelés « population de bas quartier ». Ces préjugés sont ressentis par les habitants et sont devenus un héritage indélébile, qui influencent et animent leurs vies quotidiennes.
Si telles sont les caractéristiques physiques du quartier, quels sont ses traits distinctifs ? Cette section concerne principalement l’environnement physique du quartier.
Un quartier insalubre, hostile à l’occupation
Anosibe : insalubre et inconstructible, typique de la zone basse.
• Zone inconstructible et inhabitable:
Différents critères permettent d’avancer que la zone basse est une zone défavorable à toute construction. D’abord, c’est une zone de remblai dont la topographie est plane et la nappe phréatique est affleurante. Ensuite, la nature du sol, composée essentiellement de roches sédimentaires, exclut toute fondation. Enfin, c’est une zone de stagnation des eaux de pluie, des eaux usées et qui est menacée par l’inondation lors de la période pluviale. C’est surtout cette menace d’inondation fréquente et quasi-permanente chaque année qui fait que cette zone est inhabitable.
• Inondation et pollution :
Ce sont deux phénomènes qui sont complémentaires et inséparables de la zone basse. La pollution se présente de différentes manières : pollution atmosphérique, commune pour toute l’agglomération Antananarivienne. Les activités économiques de la population (petit commerce, fabrication de matériels à partir de divers matériaux de récupération pour la brocante, …) et le laisser-aller des habitants oubliant tout respect du voisinage, sont à l’origine du bruit qui est très excessif dans la zone basse. L’éparpillement des ordures ménagères conjugué avec les déchets industriels comme à Anosibe Angarangarana accentuent l’insalubrité de ces zones qui dégagent une odeur nauséabonde, voire suffocante.
Par ailleurs, pendant la saison des pluies, la pollution s’amplifie et il apparaît une véritable accumulation des ordures de la ville dans toutes les ruelles, rizières et marécages ainsi que les canaux de cette zone. Cet entassement d’ordures est causé par la montée des eaux due aux inondations (planche photo n°01).
Des occupations illicites et des habitats précaires.
L’occupation du quartier d’Anosibe s’est faite d’une manière illicite. Les premières zones squattérisées sont les terrains domaniaux tels que les bords du canal d’Andriantany ou du chemin de fer. Viennent ensuite les terrains marécageux et les rizières qui appartiennent à des propriétaires privés ne résidant pas Anosibe.
Un des faits marquants concernant ces occupations est la délimitation qui se fait d’une façon irrégulière, sans que l’État ou encore l’administration intervienne. En effet, il est courant de voir un ménage délimiter la cour d’un autre ménage sans que celui-ci puisse entreprendre quoi que ce soit pour l’en dissuader. Il en résulte de cette illégalité et de ce manque d’espace que la surface moyenne occupée par un ménage est de 3m x 4m, à peine suffisante pour construire une pièce.
Les tentatives de formalisation et de légalisation ainsi que d’expropriation faites par la CUA sont vaines. En plus, l’instabilité politique à Madagascar a comme conséquence l’immaturité et l’impuissance de l’administration communale face à ces appropriations foncières.
Malgré l’inexistence réelle d’une ségrégation sociale résidentielle à Antananarivo, et le fait que les tananariviens accordent le minimum de budget pour la rénovation et l’entretien de l’habitat (IRD-INSTAT, 2003), on remarque les mêmes types de construction dans l’ensemble du quartier d’Anosibe, qui démontrent en même temps une pauvreté très apparente (planche photo n°02). Dans les secteurs de type rural, à l’exemple d’Anosibe Mandrangobato I, Anosibe Mandarangobato II et Anosibe Angarangarana, des constructions en dur apparaissent, témoins de la présence d’un capital matériel pour la construction se trouvant à proximité : les briques. Ce sont des maisons qui ont quatre (04) chambres ou plus ; qui sont également occupées par quatre (04) ménages ou plus. Paradoxalement, depuis la rénovation de la route bitumée qui traverse le quartier (RN1) et la construction du boulevard qui le contourne (Boulevard de l’Europe), de grandes maisons d’habitation bétonnées avec des remblais en gravier y sont érigées (exemple des maisons d’habitation du Fokontany d’Anosibe Angarangarana).
Par contre, dans les secteurs et certains Fokontany de type urbain et semi-urbain, la bidonvilisation se manifeste sous sa forme connue dans tous les pays en développement tels que Mexico, Abidjan ou encore l’Inde :
• D’un côté, à l’intérieur du quartier, il y a une concentration de 10 à 15 maisons d’habitation fabriquées à partir de planches ou de tôles de récupérations bordées à l’intérieur d’une couche de sacs plastiques ; de terres battues ou des briques de deuxième main, issues des constructions ravagées par l’inondation ou issues d’un vol (authentique). Dans ce cas, il n’est permis qu’une petite passerelle d’environ 50cm séparant la concentration en deux (02) ou trois (03) petits hameaux (très fréquent dans le Fokontany d’Anosibe Ivolaniray).
• D’un autre côté, l’entassement se fait d’une façon linéaire suivant une quelconque voie de communication (comme le cas d’Anosibe Ambohibarikely). L’illégalité évidente de ce mode d’installation et l’insuffisance de l’espace constructible ne permettent que des constructions en objet de récupération divers (tôles, planches, sacs en plastique, bois rond pour les piliers,…).
Il y a également des caractéristiques communes à tous les Fokontany concernant le type d’habitation : (i) seules des petites passerelles d’un mètre (01m) au maximum servent de couloirs de liaison ou de chemin d’accès pour pénétrer à l’intérieur des Fokontany ; (ii) la plupart de ces habitations ne possèdent ni cour, ni salle d’eau, ni latrines. Les seuls équipements précaires sont utilisés par trois (03) ou quatre (04) ménages, voire même plus ; (iii) tous les hameaux spontanés tendent actuellement à une sur-densification, et certains sont impénétrables vu la difficulté d’accès. Néanmoins, à la différence des autres quartiers de la ville basse d’Antananarivo, les types d’habitations faites seulement à partir des sacs en plastique sont rares dans le quartier d’Anosibe. L’occupation illicite d’Anosibe n’a pas permis la viabilisation du quartier par un Plan Directeur d’Urbanisme. Cela a eu comme conséquence l’insuffisance d’infrastructures urbaines au sein du quartier.
Des infrastructures urbaines insuffisantes : un fait marquant de la ville basse.
Les infrastructures d’assainissement
L’inexistence de renouvellement ou de réhabilitation, ainsi que de nouvelles constructions est à l’origine de l’insuffisance d’infrastructures d’assainissement.
• L’évacuation d’eau:
La zone basse d’Antananarivo est destinée au stockage des eaux de la capitale pendant la saison pluviale. Mais les remblaiements illicites ont diminué cette surface d’accumulation d’eau. Malgré l’existence de trois pompes pour la station de pompage d’Ambodimita, le quartier reste toujours inondé.
A l’intérieur du quartier, l’état délabré des canaux d’évacuation des eaux usées s’ajoute à l’extrême insalubrité. Ces canaux restent constamment bouchés, à cause de l’absence d’entretien des fokontany, mais également de l’irresponsabilité des habitants ; et l’évacuation n’est plus assurée tant à l’intérieur des quartiers qu’à la périphérie, (très fréquents à Anosibe Mandrangobato I et d’Anosibe Mandrangobato II ainsi que d’Anosibe Andrefana II).
Les observations faites sur le terrain montrent qu’environ 2/3 de la population d’Anosibe jettent leurs eaux usées dans les canaux et dans les cours. Le reste possède des systèmes d’évacuation qui, dans 75% des cas, sont non couverts et victimes des impuretés et des ordures éparpillées autour de leurs maisons. Le canal d’Andriantany est le principal canal d’évacuation du quartier d’Anosibe. L’entretien de ce canal devrait incomber à tous les Fokontany, mais il est déplorable de constater l’absence de coopération qui a comme conséquence que ce canal est dans un état vétuste où flottent ci et là toutes sortes de déchets (et souvent des excrétas), et que coule dans ce canal une eau usée verdâtre nauséabonde.
• L’évacuation des excrétas
Effectivement, quelques fois, les systèmes d’évacuation des eaux usées sont associés aux systèmes d’évacuation des excrétas. Seule une infime frange de la population d’Anosibe possède une latrines propre à leur ménage. Plus de 80% de la population se servent (URFER, 2003) : de latrines communes, de toilettes publiques, ou des canaux d’évacuation. Les recherches ont montré qu’environ 03 latrines sur 05 sont construites à partir de planches ou de tôles, équipées d’un rideau de sac en plastique en guise de porte ou une porte en bois détachable faite de bouts de planche assemblés. L’exiguïté de la surface constructible ou la proximité de la nappe phréatique pousse les ménages à déverser directement leurs excrétas dans les canaux.
En 2007, la CUA a dénombré 36 toilettes publiques dans le quartier d’Anosibe (BDA, 2007). Elles sont dans la plupart des cas payantes et les habitants préfèrent les poteaux d’électricité ou les canaux. Ce manque d’utilisateurs engendre une absence d’entretien et les toilettes publiques sont souvent laissées dans un état délabré ou à l’abandon.
• L’évacuation des ordures ménagères.
L’insuffisance de bacs à ordures de la CUA dans ce quartier s’explique par le fait qu’environ 75% des habitations se trouvent à l’intérieur, où la pénétration des camions de ramassage est impossible, vu l’exiguïté des chemins d’accès. De ce fait, plus de 80% de la population d’Anosibe utilisent des fosses à ordures. Seulement, ces fosses ne sont pas utilisées, tant la population a l’habitude de jeter n’importe où leurs déchets. En outre, les habitants les plus pauvres du quartier ne possèdent pas d’ordures ménagères ; et dans certains cas, les ordures constituent une stratégie de survie.
L’accès à l’eau potable et à l’électricité:
La majorité des habitants d’Anosibe n’ont pas l’eau potable chez eux, les 34 bornes fontaines publiques constituent les seuls accès à l’eau potable. Puisque l’eau de la borne fontaine doit être payée au seau (10Ar) et qu’elle n’est pas toujours disponible à toute heure, elle est utilisée au strict minimum (alimentation et boisson).
La population des secteurs à type rural utilise souvent l’eau de la rizière ou des canaux pour les autres activités ménagères, tandis que celle des secteurs de type urbain et semi-urbain fait des tentatives de recyclage d’une manière ou d’une autre. Certains habitants creusent des puits, faciles grâce à la proximité de la nappe phréatique, mais la qualité de ces eaux laisse à désirer. Notons au moins que malgré l’effort de la CUA, ainsi que des diverses ONGs de doter le quartier de Bornes Fontaines, elles sont insuffisantes pour la population, ou dès fois laissées sans entretien.
Quant à l’électricité, c’est « un luxe » que peu d’habitants puissent s’offrir. Le manque d’infrastructures pour le branchement en est à l’origine ; un manque surtout causé par la difficulté d’accès de certaines zones (au milieu des marécages ou à l’intérieur du quartier). Ajouté à cela, une bonne partie de la population arrive à peine à survivre, et ne dispose pas des moyens de payer les factures ; ainsi la population préfère l’usage de la bougie ou des lampes à pétrole, utilisables selon leur possibilité.
Les infrastructures viaires :
La RN1est la seule route principale qui sillonne le quartier d’Anosibe. Le Boulevard de l’Europe constitue une voie d’accès pour les Fokontany d’Anosibe Mandrangobato II, Anosibe Angarangarana et Anosibe Ivolaniray.
Les passerelles, les ruelles ainsi que les couloirs sont les voies d’accès à l’intérieur du quartier. Cependant, leur grand nombre ne compense pas leur vétusté ; et à chaque saison pluvieuse, ces petites voies disparaissent sous l’eau. Bien qu’elles desservent bien le quartier, rares sont les initiatives prises pour assurer leur entretien.
Les diguettes concernent plus précisément les Fokontany ruraux. Elles sont utiles lors de la saison pluvieuse en guise de moyens de communication entre les hameaux et l’extérieur, (cas des Fokontany d’Angarangarana et de Mandrangobato II) car souvent les inondations ne permettent que la circulation par pirogue (cas d’Anosibe Ivolaniray).
Le faible accès aux services sociaux de base :
• Insuffisance de centre médical et forte prévalence des maladies.
Dans tout le quartier d’Anosibe, il n’existe qu’un Centre de Santé de Base niveau I (CSB I Mitsimbina) et qui se trouve dans le Fokontany d’Anosibe Mandrangobato I. Les dispensaires des églises catholique et protestante, avec des médecins en pratique libérale assurent la prise en charge médicale pour tout le quartier. Leurs soins sont honorés à des tarifs variables et les habitants sont réticents par manque de moyens financiers.
Pourtant, la santé de la population à Anosibe est assez critique à cause de l’insalubrité environnementale. Les maladies infantiles, les infections respiratoires aiguës, la diarrhée, les accidents vasculaires cérébraux sont les maladies diagnostiquées les plus fréquentes et la santé reproductive est la plus menacée car l’activité sexuelle dans le quartier d’Anosibe est très précoce (12 ans pour les filles et 15 ans pour les garçons)1. Si le traitement n’est pas assuré par les tradipraticiens (guérisseurs traditionnels, matrones,…), il sera fait par automédication. Les plus chanceux (ou plus courageux) seront récupérés par des centres de santé ambulants ou service de proximité, œuvres des ONGs et des organismes caritatifs.
• Faible fréquentation des écoles causée par l’insuffisance des écoles publiques.
La fréquentation des écoles diminue au fur et à mesure que le niveau s’élève. Cette situation découle du fait qu’il y a juste deux EPP pour 07 Fokontany : l’EPP Anosibe Andrefana I et l’EPP Anosibe Angarangarana. De plus, il n’y a qu’un seul CEG, à Anosibe Angarangarana et le quartier ne bénéficie pas de Lycée. Par ailleurs, l’E.P.P Anosibe Andrefana I est une annexe de l’E.P.P Andrefan’Ambohijanahary, dirigée par la Directrice de cette dernière ; et seuls 120 élèves d’Anosibe sur les 1214, capacité totale de cette E.P.P, ont le droit d’y étudier.
Les causes secondaires de cette faible fréquentation sont : (i) les manques de moyens pour l’achat des fournitures scolaires ; (ii) l’abandon précoce des inscrits suite à des problèmes familiaux (surtout d’ordre alimentaire) ; (iii) la cherté des frais de scolarité dans les écoles privées. Il est cependant à noter que le quartier d’Anosibe possède 25 écoles primaires privées, 12 collèges d’enseignement secondaire privés et 03 lycées privés.
Les caractéristiques physiques du quartier d’Anosibe ont été mises en exergue dans ce chapitre. C’est un quartier de la ville basse où la topographie et la nature du sol excluent tout aménagement sous peine d’inondation quasi-permanente lors de la saison pluvieuse. Cette situation physique n’a permis que des occupations illicites et des habitats précaires, causant la vulnérabilité du quartier par manque d’infrastructures urbaines.
Comment se présentent les structures sociodémographiques de ce quartier ?
LES STRUCTURES SOCIODEMOGRAPHIQUES DU QUARTIER D’ANOSIBE.
Cette section concerne les structures démographiques du quartier. Anosibe a une densité élevée, avec une forte proportion de jeunes.
Un quartier surpeuplé avec une population jeune.
Une densité très élevée
Les statistiques des Fokontany sur le nombre de population font apparaître qu’Anosibe est une zone très peuplée vue sa superficie.
Le tableau ci-dessus montre qu’avec une moyenne nationale de 32hab/km² (dernier recensement de l’INSTAT en juillet 2009)2 et une moyenne de 13 521hab/km² en 2007 pour la CUA (BDA, 2007), Anosibe est densément peuplé. Cette tendance générale est très marquée, malgré les disparités entre chaque Fokontany.
Anosibe Mandrangobato II a la plus petite superficie, pourtant il est le plus peuplé. Le surpeuplement de ce Fokontany par rapport aux autres s’explique par l’existence des rizières, plus facilement « aménageables pour la construction ». Par contre, Anosibe Angarangarana est le moins peuplé parce que c’est un Fokontany de type rural et une bonne partie de sa superficie constitue des terrains de culture, principalement des rizières.
D’une densité moyenne de 26 943 hab/km² en 2007, le nombre d’habitants s’accroît jusqu’à 28 918 hab/km² en 2009. Cet accroissement est surtout occasionné par la facilité d’occupation d’une parcelle de terrain ; une occupation illicite non contrôlée par la CUA.
Une population jeune à dominance féminine.
La population d’Anosibe est une population jeune à dominance féminine
La figure ci-dessus illustre la composition de la population de ce quartier. Sur 62 752 habitants, il y a 32 540 femmes et 30 212 hommes. Dans sa quasi-totalité, une tendance à la prédominance du sexe féminin (52%) est remarquée, s’expliquant par : (i) l’abandon précoce du foyer par les jeunes (de 16 à 20 ans) à la recherche d’un emploi ou d’une indépendance ; (ii) l’abandon du ménage par les hommes (de 20 à 30 ans) par fuite de responsabilités (ou de la misère), et/ou la recherche d’une vie (ou d’une autre femme/ famille) meilleure ; (iii) le taux de mortalité élevé au niveau des pères de famille, conséquence d’un abus de boissons alcooliques et/ou de drogue ajouté à la malnutrition.
Comme tous les quartiers urbains d’Antananarivo, Anosibe a également une population jeune. En effet, les moins de 19 ans constituent 39% de la population ; 38% pour la tranche de 20 à 39 ans contre seulement 23% pour la tranche de 40ans et plus. Cette jeunesse de la population prend son fondement dans : (i) le manque de régulation des naissances dans la ville basse, dont Anosibe, à cause de l’ignorance des contraceptions et/ ou la réticence vis à vis de ces méthodes ;
(ii) la précocité de l’activité sexuelle chez les jeunes ; (iii) l’exode rural des jeunes à la recherche d’une vie meilleure ; (iv) le déménagement vers une zone d’installation facile qu’est Anosibe.
Familles décomposées et « familles recomposées ».
A Anosibe, il y a 12 068 ménages avec une taille moyenne de 5 personnes/ménages. Les couples s’y constituent relativement jeunes, un fait commun à tous les quartiers de la ville basse d’Antananarivo. Ces unions précoces conjuguées avec la pauvreté de la population engendrent des problèmes à l’origine de l’éclatement familial. L’enquête de l’IRD-INSTAT (2003) a révélé que chez les ménages pauvres, 20% des femmes vivant ou ayant vécu en couple subissent ou ont subi des violences conjugales, 30% se sont déjà senties dévalorisées par la personne avec qui elles vivaient, 23 % souffrent de l’alcoolisme ou la toxicomanie de leur conjoint.
Les enquêtes auprès des Fokontany ont révélé que les manifestations de l’éclatement familial vont au détriment des femmes. En effet, plus de 90% des ménages monoparentaux dans le quartier sont composés de Mère-Enfants, avec une grande partie de Fille-Mère, résultats de l’entrée précoce des jeunes filles dans la vie matrimoniale. Le statut d’union libre fondé sur le concubinage offre une raison (ou un droit) aux pères de laisser à l’abandon leurs enfants, et l’instinct maternel oblige les femmes à leur assurer subsistance et éducation, même étant relatives.
Le phénomène « famille recomposée »3 est également fréquent dans le quartier d’Anosibe. L’enquête de l’IRD-INSTAT (Ibid.) avance que 83% des plus pauvres ont des membres de leur famille qui vivent le même quartier qu’eux. En effet, la famille élargie joue un rôle non négligeable d’accueil des enfants par le lien de filiation. Les grands-parents sont les premiers accueillants, suivis des tantes et oncles et enfin les aînés.
3 Le terme approprié est plutôt « famille d’accueil » dans le sens où ce sont certains membres de la famille qui accueillent des enfants par liens familiaux. Il a été choisi de mettre ce terme tel comme il a été interprété par les personnes ressources sur le terrain pour mettre en valeur l’amalgame « fianakaviana mpandray sy mpiahy/ fianakaviana nakambana, naorina »
Le placement d’un enfant chez un membre de la famille peut avoir différentes raisons : une mère célibataire (les responsabilités de garde des enfants incombent rarement à un père célibataire), des enfants orphelins, des enfants abandonnés par leurs parents, des enfants parrainés (par amour) et des enfants placés par extrême pauvreté des parents, et qui peuvent devenir des « petites bonnes sur-insérées et exploités »4.
Les familles recomposées, dans le sens propre du terme, caractérisent Anosibe dans une autre forme où seules les femmes ont des enfants qui recomposent la famille. Néanmoins, les relations familiales, bien qu’elles soient souvent tendues, constituent un filet de sécurité du fait qu’elles sont utiles et durables.
Face à une telle réalité, il s’est avéré nécessaire de voir de plus près les occupations et les activités professionnelles de la population d’Anosibe. Ce sont, dans la plupart des cas, des activités de survie qui génèrent un salaire minimum à peine suffisant pour couvrir les dépenses essentielles du ménage. La section qui suit donne un aperçu expressif de ces activités.
Occupation et Stratégies de Survie
Chômage
Le chômage touche près de la moitié de la population active d’Anosibe. Par définition, le chômage est une période d’inactivité qui caractérise la situation d’une personne capable, disponible et désireuse de travailler mais qui ne parvient pas à trouver un emploi. Cet arrêt du travail peut être volontaire ou involontaire. Différentes raisons sont à l’origine de cet impossible accès à l’emploi :
• Le bas niveau d’instruction de la population active qui s’explique par le manque d’établissement scolaire et de formation professionnelle publique à Anosibe, la cherté de l’enseignement privé et la pauvreté de la population. En effet, l’éducation a des incidences économiques directes sur le nombre et la valeur des travailleurs et la productivité dépend de l’instruction et de l’éducation. Or, les entreprises et surtout les industries ne recrutent plus des mains d’œuvre non qualifiées et sans expériences (chômage structurel).
• Il y a également la faiblesse du secteur industriel à Antanarivo, hormis les Zones
A Antananarivo, les industries tournent au ralenti et la mécanisation, la robotisation et l’informatisation des industries existantes diminuent le nombre de salariés. C’est le « chômage technologique ».
• Une grande forme de chômage dans le quartier d’Anosibe est le chômage frictionnel des jeunes. Ces derniers, ayant quitté l’école prématurément, sont inactifs pendant un certain temps et ont souvent du mal à s’insérer dans le monde du travail.
Il est clair que les catégories d’emploi permises par le niveau d’instruction de notre population cible s’avèrent être le secteur informel.
URFER (2003) voyait plutôt, avec acuité, comme origine de ce grand nombre de chômeurs « l’absence d’une mystique du travail » et va jusqu’à énoncer que « la population a des difficultés à s’atteler à un effort de longue haleine ». Les observations sur le terrain ont montré quelques faits tendant à dire qu’en effet, une partie de la population d’Anosibe n’accorde pas assez d’importance aux valeurs du travail.
• Les présidents des Fokontany, fonctionnaires de l’Etat, sont les premiers concernés. Durant les travaux sur terrain, aucun président de Fokontany n’arrivait à l’heure à son bureau, et c’est une chance ou une heureuse coïncidence que les bureaux des Fokontany ouvrent leur porte avant 9h le matin et 15h30 l’après-midi. L’interview d’un président de Fokontany dans une épicerie voisine, parce qu’il y passait son temps, illustre tristement le laxisme caractérisé.
• Suivent les jeunes potentiellement travailleurs même s’il s’agit de petits métiers. Les jeunes misent sur la chance, les jeux de hasard ou les rapines aléatoires. Gagner de l’argent facile est leur devise, et l’effort dans la durée leur semble être inaccessible. Autant les jeunes sont faciles à enflammer dans le court terme, autant il est difficile de les motiver dans le long terme.
• Il y également les petits commerçants du secteur informel. Bien qu’en grande partie, c’est le capital matériel qui leur manque pour pouvoir améliorer leurs activités, il est constaté également un manque de volonté d’améliorer, une mentalité qui se contente de peu et n’aspire à gagner plus. En témoignent les nombreux adultes accroupis du matin au soir devant quelques étalages de produits de première nécessité, en passant par un ou deux kilos de fruits et légumes à vendre au détail, jusqu’à la brocante d’01 mètre de fil électrique, une chaussure usée, et une casserole sans manche.
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Table des matières
Introduction
PREMIERE PARTIE : Une jeunesse en détresse dans un quartier pauvre
Chapitre I : Le quartier d’Anosibe : un creuset de pauvreté
1.1. Un quartier dans la ville basse d’Antananarivo
1.1.1. Historique et structure du quartier
1.1.2. Description géographique du quartier
1.1.3. Anosibe : « bas quartier »
1.2. Un quartier insalubre, hostile à l’occupation
1.2.1 Anosibe : insalubre et inconstructible : typique de la zone basse
1.2.2. Des occupations illicites et des habitats précaires
1.2.3. Des infrastructures urbaines insuffisantes : un fait marquant de la ville basse
1.2.3.1. Les infrastructures d’assainissement
1.2.3.2. L’accès à l’eau potable et à l’électricité
1.2.3.3. Les infrastructures viaires
1.2.3.4. Le faible accès aux services sociaux de base
Chapitre II : Les structures socio-démographiques du quartier d’Anosibe
2.1. Un quartier surpeuplé avec une population jeune
2.1.1. Une densité très élevée
2.1.2. Une population jeune à dominance féminine
2.1.3. Familles décomposées et « familles recomposées »
2.2. Occupation et stratégies de survie
2.2.1. Chômage
2.2.2. Activités professionnelles de la population
2.2.3. Revenu faible et dépenses des ménages
Chapitre III : De la pauvreté à ses effets sur la population
3.1. Pauvreté et exclusion sociale
3.1.1. La pauvreté à Anosibe
3.1.2. Une population stigmatisée
3.1.3. L’incivilité et l’enfermement
3.2. Une jeunesse en péril
3.2.1. Une situation alarmante : victimes de violences physique, morale et psychologique
3.2.1.1. La violence familiale
3.2.1.2. La violence au sein de la société
3.2.2. L’insuffisance d’éducation et le processus de socialisation conditionnel
3.2.2.1. L’insuffisance d’éducation
3.2.2.2. Le processus de socialisation conditionnel
3.2.3. Une délinquance juvénile galopante
DEUXIEME PARTIE : Le CSPF AAI : un modèle palliatif pour aider les jeunes défavorisés
Chapitre IV : Une prise en charge des jeunes défavorisés à travers un centre social
4.1. Le CSPF AAI : généralités et spécificités
4.1.1. Historique du CSPF AAI
4.1.2. Infrastructures et structure du CSPF AAI
4.1.3. Le financement et les activités du CSPF AAI
4.2. Les bénéficiaires du CSPF AAI
4.2.1. Le choix et les critères de sélection des bénéficiaires
4.2.2. La situation des jeunes filles
4.2.2.1. La situation familiale
4.2.2.2. La Situation économique
4.2.2.3. La situation du logement
4.2.3. Les motivations des jeunes filles
Chapitre V : Une prise en charge indispensable pour l’émancipation des jeunes filles
5.1. Le CSPF AAI : un substitut d’école pour les jeunes filles
5.1.1. Une réponse aux besoins d’écoles et d’éducation
5.1.2. Une attractive remarquable et une large puissance d’appel
5.1.3. Un moyen prophylactique contre la délinquance juvénile
5.2. Un enseignement paradoxal : entre nécessité et incompréhension
5.2.1. Un enseignement utile, à issue équivoque
5.2.2. Des jeunes filles à la merci des environnements familial et social compromettants
5.2.3. Des jeunes filles « rebelles » face au conformisme
Chapitre VI : Un modèle de prise en charge basé sur une formation professionnelle d’une oeuvre caritative
6.1. Une formation professionnelle figée dans une sphère de production traditionnelle
6.1.1. Une formation incomplète dans un cadre professionnel
6.1.2. Une attitude contradictoire des jeunes filles face à la formation
6.1.3. Une formation inappropriée aux offres actuelles du marché de l’emploi
6.2. Un volontariat subtil des enseignants-formateurs
6.2.1. Légitimité de l’action « d’aide et d’amour pour les pauvres »
6.2.2. Une qualification de formateurs et non d’enseignants ?
6.2.3. Manque de suivi et de motivation à cause de l’enjeu de survie
TROISIEME PARTIE : Les perspectives pour la réussite de ce modèle et une meilleure prise en charge des jeunes défavorisés
Chapitre VII : Les failles de ce modèle de prise en charge et les issues pour une réinsertion professionnelle réussie
7.1. Interdépendance ou Rupture entre l’Association Signum Fidéi et le CSPF AA I ?
7.1.1. Une relation de dépendance qui entrave la bonne marche du CSPF AAI
7.1.2. Formation professionnelle ou assistance aux défavorisés ? La rupture entre l’association et le CSPF AAI
7.1.3. La nécessité d’une rétrospective et d’une évaluation
7.2. Pour la reforme d’une formation conformiste à « L’Apostolat traditionnel de l’Eglise »
7.2.1. Une offre de formation inadéquate qui nécessite un changement
7.2.1.1. La durée de la formation
7.2.1.2. La nature de la formation
7.2.2. Plus de formation pédagogique pour les enseignants-formateurs et le recours à un travailleur social
7.2.2.1. La formation pédagogique des enseignants-formateurs
7.2.2.2. Le recours à un travailleur social
7.2.3. Une revalorisation du partenariat et une responsabilisation intensive des parents
7.2.3.1. Une revalorisation du partenariat
7.2.3.2. Une responsabilisation intensive des parents
Chapitre VIII : La position des acteurs clés pour l’avenir de ce Centre Social
8.1. Une concordance entre les besoins des étudiantes et les souhaits des enseignants-formateurs
8.1.1. Moderniser la formation et assurer la situation post-formation des étudiantes
8.1.1.1. Moderniser la formation
8.1.1.2. Assurer la situation post-formation des jeunes filles
8.1.2. Améliorer les infrastructures et rechercher des partenaires
8.1.2.1. Améliorer les infrastructures
8.1.2.2. Rechercher des partenaires
8.1.3. Revoir les motivations des enseignants-formateurs et reformer l’administration
8.1.3.1. Revoir les motivations des enseignants-formateurs
8.1.3.2. Reformer l’administration
8.2. Une issue incertaine pour les partenaires et l’inexistence d’une politique concrète de l’Etat sur l’insertion/ la réinsertion professionnelle
8.2.1. Les aides spontanées des partenaires et des continuités incertaines
8.2.2. Les politiques vagues de l’État et un avenir flou des CSPF
8.2.3. Une infime collaboration de la CUA pour le CSPF AAI
Chapitre IX : L’avenir des jeunes défavorisés dépend-t-il des organismes caritatif et humanitaire ou de l’Etat ?
9.1. Une amplification des organismes intervenant pour les jeunes
9.1.1. Les Centres Sociaux de Promotion Féminine
9.1.2. Les autres organismes
9.1.3. Des actions fructueuses et/ ou de la « charité-business » ?
9.2. Les responsabilités de l’Etat envers les jeunes défavorisés pour leur assurer un avenir meilleur
9.2.4. Concrétiser le système de « l’éducation pour tous » (EPT)
9.2.5. Revoir la situation de la formation professionnelle
9.2.6. Assainir l’environnement socioculturel des jeunes défavorisés
Conclusion générale
Références et Bibliographie
Annexes
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