UNE INSATISFAISANTE REPARTITION DES RESPONSABILITES CONTRACTUELLES EN MATIERE DE RISQUES DU SOL

DES IMPUTATIONS DE RESPONSABILITES INSATISFAISANTES 

J. Fossereau était peut-être pessimiste, en 1977, quand elle écrivait, au sujet des décisions de la Cour de cassation concernant la responsabilité de droit commun des constructeurs : « ses décisions, nuancées, complexes, se révèlent difficiles à cerner. Procédant par à coups, selon les circonstances, souvent par équité, elle a engagé une responsabilité, tantôt contractuelle, tantôt délictuelle, parfois dans des situations semblables, après même la période décennale, et sans toujours préciser le fondement des règles appliquées. Les responsabilités s’enchevêtrent, dont la nature est souvent incertaine, la règle du « non cumul » est violée, les fautes changent de «coloration » selon les victimes et actions, les contractants peuvent devenir tiers entre eux, les délais passent de deux à dix et trente ans, leurs points de départ varient, … et l’obscurité s’épaissit » .

Qu’en est-il des responsabilités contractuelle et délictuelle des constructeurs, appliquée aux risques du sol, trente ans plus tard ? La jurisprudence s’est-elle apaisée en ce domaine spécifique, ou est-elle autant tourmentée que par le passé ? Comme nous allons le voir, bien souvent, la réponse est nuancée.

Il n’en demeure pas moins que cette impression d’incertitude continue à prévaloir. Cela tient, semble t-il en matière contractuelle, d’une part à des rôles imprécis attribués à certains intervenants. Dans ce cas, sont en cause certains professionnels qui ont mis en place des missions codifiées avec une rigueur parfois insuffisante au regard des évolutions techniques permanentes du domaine de la construction. Peut aussi être incriminé le législateur lui-même qui a méconnu, dans son souci de pérennité et sécurité de l’ouvrage construit, l’environnement immédiat. Le législateur, dans un objectif louable de protection du maître d’ouvrage – consommateur a élaboré, par ailleurs, des textes encadrant la construction de maisons individuelles. Ceux-ci, forts contraignants en matière financière pour le constructeur, en arrivent presque, par leurs excès, à faire abstraction du coût engendré par un sol inapte à supporter le bâtiment. Il en résulte des conséquences économiques qui peuvent être désastreuses pour le constructeur, et des inadaptations techniques toutes aussi néfastes pour le maître d’ouvrage, censé être protégé.

En revanche, en matière délictuelle, l’analyse doit être plus subtile pour la simple raison que les responsabilités n’entrent en général pas, vis à vis du tiers lésé, dans le canevas d’une obligation à exécuter. Si en matière de risques du sol, la jurisprudence intéressant la responsabilité du fait personnel est stabilisée, tel est également le cas, mais dans une moindre mesure, de l’action fondée sur la garde de la chose, encore aujourd’hui soumise à quelques évolutions. Au contraire, et malgré son déjà long passé, la théorie jurisprudentielle des troubles anormaux de voisinage, peutêtre bientôt en voie de consécration législative, peine à trouver un cadre rigoureux d’application, et les heurts avec le droit commun ne sont pas rares, les risques du sol en sont un exemple.

Les analyses qui vont suivre permettront de relever que les rôles de certains acteurs aux opérations de construction sont insuffisamment encadrés du point de vue technique, il en résulte parfois une injuste répartition des responsabilités issue du contrat (titre I). Parallèlement, sur le plan délictuel, le fondement réel actuellement privilégié, au détriment du fondement personnel, en matière de troubles anormaux de voisinage, a pour conséquence de transférer au propriétaire ultérieur de la construction à l’origine des dommages la charge de ceux-ci, alors qu’il n’a joué aucun rôle technique. A l’inverse, le sous-traitant dont l’intervention technique est à l’origine des désordres ne peut voir sa responsabilité recherchée simplement par le maître d’ouvrage, à l’inverse du tiers. Il découle de ces deux constats des attributions de responsabilités à parfaire (titre II). L’analyse classique des difficultés à travers le processus de la thèse et de l’antithèse est volontairement écartée, dans un souci de clarté pédagogique, au profit de la présentation traditionnelle de la matière. Néanmoins, cette démarche se retrouve au fil des chapitres, des sections, des paragraphes.

UNE INSATISFAISANTE REPARTITION DES RESPONSABILITES CONTRACTUELLES EN MATIERE DE RISQUES DU SOL 

Pour mieux parvenir au constat, en matière de risques du sol, de l’injuste répartition des responsabilités issues du contrat, il est indispensable de rappeler les principes généraux de la responsabilité contractuelle. Sans entrer dans le détail, ce qui serait hors de propos, il convient néanmoins d’évoquer d’une part, les sources du droit commun de la responsabilité contractuelle, d’autre part, le contrat de louage d’ouvrage. Rappelons, en préambule, que si, en l’état actuel de notre droit, responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle ont des régimes distincts, la doctrine souligne de plus en plus souvent les liens qui unissent ces deux domaines .

Néanmoins, il demeure que si un contrat a été conclu, la responsabilité contractuelle s’applique, en vertu du principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle .

Lorsqu’un constructeur est soumis au droit de la responsabilité contractuelle, il doit exécuter ses obligations et ne peut se libérer que par la cause étrangère. La charge de la preuve varie selon que l’on se trouve en face d’une obligation de moyens ou de résultat. De façon générale, une prestation intellectuelle est plutôt de moyens, une prestation matérielle plutôt de résultat. Ainsi, dans le sujet qui nous occupe, les constructeurs sont soumis à des obligations de faire. Les obligations de faire peuvent, selon les acteurs, être de moyens : c’est le cas de l’architecte, ou de résultat  : c’est le cas de l’entrepreneur. Dans le premier cas, la faute doit être prouvée par le créancier . Dans le second, la faute est présumée, la seule démonstration de l’inexécution suffit, et seule la cause étrangère est exonératoire pour le débiteur .

Le débat, concernant la nature de l’obligation, demeure néanmoins ouvert et certains auteurs qualifient de lancinante « la question de l’intensité de l’obligation inexécutée». La réponse à la question : obligation de moyens ou de résultat est cependant claire en matière de construction immobilière, postérieurement à la réception, selon les termes de l’article 1792 du Code civil qui dispose : « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination . Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère». Le constructeur est tenu à une obligation de résultat pendant les dix ans suivant la réception .

L’IMPRECISION DES ROLES DES INTERVENANTS, PARFOIS SOURCE D’INIQUITE 

Afin d’analyser au mieux la jurisprudence en matière de responsabilité contractuelle, il est nécessaire de savoir quelles sont les obligations de chacun, pour apprécier celles qui n’ont pas été satisfaites. Ainsi, le rôle de chaque constructeur va être rappelé en préalable aux développements qui vont suivre. De même, l’analyse des rôles permet, à travers les anomalies relevées dans la jurisprudence, d’aboutir au constat d’une précision insatisfaisante des missions confiées à certains intervenants à l’acte de construire. En effet, la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle implique deux analyses : l’une, spatiale, est issue de l’objet de la convention – qu’estce qui devait être fait et par qui? – l’autre, temporelle, par référence au droit spécial – quand le lien contractuel a t-il pris fin? La responsabilité contractuelle procède directement de l’inobservation de la convention. « Le dommage doit résulter de l’inexécution par le débiteur d’une obligation qu’il a assumée en concluant le contrat ». Ce domaine est celui de l’obligation principale, celle « que les contractants ont eu pour but essentiel de créer ». Encore faut-il que l’obligation soit adaptée à la qualification du constructeur : c’est la question qui se pose pour la mission VISA de l’architecte qui interfère avec le domaine de l’ingénieur. Encore faut-il aussi que le rôle contractuel ne soit pas perturbé par l’interférence d’une obligation d’origine prétorienne : il s’agit là de la confrontation du devoir de conseil inhérent à la mission du contrôleur technique et du devoir général de conseil des constructeurs. Rappelons, de plus, qu’en matière de droit de la construction, la réception constitue une frontière entre la responsabilité contractuelle, située avant, et les responsabilités légales situées après. Cette frontière n’est cependant pas tout à fait étanche, la responsabilité contractuelle trouvant parfois application postérieurement à la réception des travaux .

Plusieurs constats vont s’imposer. Tout d’abord, le rôle défini de l’entrepreneur et le devoir de conseil universel – issu des prétoires pour l’entrepreneur – évite la confusion préjudiciable et parfois chaotique des décisions. En effet, l’encadrement technique du rôle de l’entrepreneur permet une appréciation le plus souvent aisée de sa responsabilité. A l’inverse, les enchevêtrements de compétences peuvent aboutir à une iniquité des décisions. Il s’agit, en l’occurrence, des compétences croisées des architectes et techniciens, et ceci à travers la mission VISA. Ensuite, le devoir de conseil, selon qu’il a une origine conventionnelle, jurisprudentielle ou légale est apprécié différemment, ce qui peut avoir une incidence néfaste sur la stabilité de la jurisprudence et des attributions de responsabilités insatisfaisantes. Cet aspect de la responsabilité contractuelle en risques du sol concerne le contrôleur technique et plus précisément l’interférence du devoir de conseil sur la mission dévolue en l’absence de la mission Av. La clarté et l’adaptation des rôles est donc synonyme de fluidité jurisprudentielle, c’est le cas de l’entrepreneur (chapitre I). A l’inverse, certains croisements sont source d’embarras : tel est le cas des compétences croisées des architecte et ingénieur, tel est aussi le cas des devoirs de conseil conventionnel et prétorien du contrôleur technique (chapitre II). Ainsi, pour mettre en relief l’iniquité de décisions jurisprudentielles issue du rôle imprécis de certains constructeurs, les architectes et contrôleur technique, il convient, en préalable, de démontrer que la jurisprudence sait faire preuve de rigueur lorsqu’il s’agit d’autres acteurs, les entrepreneurs, dont la mission est déterminée.

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Table des matières

Introduction
PREMIERE PARTIE – DES IMPUTATIONS DE RESPONSABILITES INSATISFAISANTES
TITRE I – UNE INSATISFAISANTE REPARTITION DES RESPONSABILITES CONTRACTUELLES EN MATIERE DE RISQUES DU SOL
SOUS-TITRE I – L’IMPRECISION DES ROLES DES
INTERVENANTS, PARFOIS SOURCE D’INIQUITE
CHAPITRE I – LE ROLE PRECIS DE L’ENTREPRENEUR, SOURCE D’EQUILIBRE
CHAPITRE II – L’ABSENCE DE PRECISION DES ATTRIBUTIONS DES TECHNICIEN ET MAITRE D’ŒUVRE, SOURCE DE CRITIQUES
SOUS-TITRE II – LA RIGIDITE LEGALE EN MATIERE DE CONTRATS A PRIX FORFAITAIRE, PARFOIS SOURCE D’INIQUITE
CHAPITRE I – LE CONTRAT D’ETUDE PREALABLE, SOURCE DE REDUCTION DES RISQUES DU SOL DANS LE MARCHE A FORFAIT GENERAL
CHAPITRE II – L’AMELIORATION DU CONTRAT DE CONSTRUCTION DE MAISON INDIVIDUELLE, SOURCE DE MINORATION DES RISQUES DU SOL
TITRE II – UNE INSATISFAISANTE ATTRIBUTION DES RESPONSABILITES DELICTUELLES EN MATIERE DE RISQUES DU SOL
CHAPITRE I – UNE JURISPRUDENCE SATISFAISANTE RELATIVE AU FAIT PERSONNEL ET LA GARDE DE LA CHOSE
CHAPITRE II – CRITIQUE DE LA JURISPRUDENCE FONDEES SUR LES TROUBLES ANORMAUX DE VOISINAGE
DEUXIEME PARTIE – LE DEFICIT D’INFORMATION TECHNIQUE, SOURCE D’INIQUITE
TITRE I – L’APPRECIATION DES RESPONSABILITES POSTERIEURES A LA RECEPTION CONDITIONNEE PAR LA PRECISION TECHNIQUE
CHAPITRE I – L’INFORMATION TECHNIQUE ESSENTIELLE POUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE DECENNALE
CHAPITRE II – LA TECHNIQUE A L’AIDE DE L’ENCHEVETREMENT DES RESPONSABILITES APRES LA RECEPTION
TITRE II – L’APPRECIATION DES CAUSES D’EXONERATION PARFOIS ALTEREE PAR UNE ABSENCE DE RIGUEUR TECHNIQUE
CHAPITRE I – UNE INFORMATION TECHNIQUE DETERMINANTE
CHAPITRE II – L’APPROCHE TECHNIQUE INEVITABLE DE LA FORCE MAJEURE
Conclusion
Principales abréviations utilisées
Références bibliographiques
Index
Table des matières

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