Définition retenue
L’interdisciplinarité permet d’aborder un thème pouvant être propre à diverses disciplines, mais grâce à la convocation de plusieurs d’entre elles, ce dernier s’enrichit et retrouve son entité. En fonction du domaine dans lequel il est analysé, certains de ses aspects sont étudiés, et c’est par la considération et la mise en lien de l’ensemble de ses caractéristiques qu’il est permis de l’aborder de manière plus englobante.
Pour définir l’interdisciplinarité, ce mémoire retiendra les propos de Claire Tardieu (2006). L’auteure la considère comme la « construction d’une représentation d’une notion, d’une situation ou d’une problématique par la convocation de plusieurs disciplines », impliquant « des interactions et un enrichissement mutuel entre plusieurs disciplines » (p.137). Il s’agit en effet, d’une coopération des disciplines. Toutefois, Tardieu va plus loin encore et se rapproche par là de Lenoir & Sauvé (1998), en proposant un véritable croisement entre les disciplines, une « interconnexion » (p.12). Grâce à cette mutualisation, les compétences sont enrichies. Le thème abordé à travers une approche interdisciplinaire n’est pas seulement un déclencheur pour poursuivre les enseignements disciplinaires cloisonnés, à la différence de la pluridisciplinarité. Une véritable compétence commune est construite, tout en permettant l’acquisition des compétences disciplinaires.
Nous sommes donc également en accord avec Squalli & Barabé (2010) lorsqu’ils précisent que l’interdisciplinarité doit permettre un véritable lien entre les disciplines et une approche nouvelle. Elle « n’est pas l’approche thématique, où le thème ne constitue qu’un déclencheur et un prétexte pour poursuivre des enseignements disciplinaires cloisonnés » (p.197). Selon ces auteurs, elle doit être prévue au préalable et organisée en fonction des points communs que peuvent présenter les disciplines. De plus, les différents acteurs du travail interdisciplinaire doivent s’entendre entre eux afin d’assurer sa bonne mise en oeuvre. Nous conservons donc ces précisions au sujet de l’interdisciplinarité. Toutefois, une concertation entre les différents enseignants n’est en principe pas nécessaire car nous ne nous intéressons qu’au domaine de l’école primaire. Un professeur du secondaire doit s’accorder avec les différents représentants des disciplines intervenant dans le projet interdisciplinaire. À l’inverse, à l’école élémentaire, sauf s’il s’agit d’une collaboration entre intervenants et professeur des écoles, ou bien entre plusieurs enseignants de différentes classes, l’enseignant est en principe, l’unique coordinateur des différentes compétences à acquérir par chaque élève. Pour cette raison, il est donc plus aisé pour lui, que pour un professeur du secondaire, de mettre en place un enseignement interdisciplinaire. Il peut, sans difficulté de mise en accord, opter pour une telle approche.
De plus, nous considérons l’interdisciplinarité, avant tout comme la mise en relation des matières et des thèmes, et non en tant que liens « dans la pensée pratique » ou dans les intérêts de l’enfant (d’Hainaut, 1986). Il s’agit donc d’une interdisciplinarité curriculaire, interconnectant les différentes compétences à acquérir dans les disciplines.
Toutefois, les autres facteurs d’interconnexion ne sont pas éliminés et peuvent parfois intervenir, sans être pour autant le principal objectif.
Deux manières d’aborder l’interdisciplinarité sont conservées, selon la distinction proposée par Champy & al. (2005). Celle-ci peut être centripète si elle relie les disciplines à partir d’un projet particulier. Elle est centrifuge si, au contraire, ce sont les caractéristiques d’une discipline en particulier qui rassemblent les différentes compétences.
Ainsi, l’interdisciplinarité est considérée, dans ce travail, dès à présent, comme une approche d’enseignement créant un véritable lien entre les disciplines. En effet, des compétences réellement communes sont construites. L’enseignant peut choisir de l’aborder sous un angle centripète ou centrifuge. Selon les auteurs étudiés précédemment, l’interdisciplinarité apparaît donc comme un moyen d’aborder les compétences d’une façon différente. Toutefois, pour introduire une telle approche à l’école primaire, il faut que celleci soit en accord avec les instructions officielles. L’interdisciplinarité a-t-elle sa place dans le milieu scolaire, et si oui laquelle ? L’enseignement des langues vivantes étrangères permet-il également d’aborder les apprentissages selon une telle approche, d’un point de vue institutionnel ? La part réservée à l’interdisciplinarité a-t-elle évolué depuis l’instauration de la L.V.E. en tant que discipline à l’école ?
La place de l’interdisciplinarité à l’école élémentaire et dans l’enseignement des langues vivantes étrangères
L’approche interdisciplinaire est-elle en accord avec les instructions officielles et les spécificités de l’école élémentaire ?
Choisir d’introduire l’interdisciplinarité dans les divers enseignements se justifie au regard des programmes. Nous choisirons de ne nous intéresser qu’aux programmes de l’école élémentaire car notre sujet porte sur l’enseignement de la L.V.E., or celle-ci n’est abordée, en tant que véritable enseignement, qu’à partir du Cours Élémentaire première année.
Une des caractéristiques de l’enseignement des L.V.E. ainsi que des autres disciplines, outre le français et les mathématiques, depuis 2008, est le fait que la durée des enseignements soit présentée de façon annuelle. Il est précisé que « la déclinaison de cet horaire hebdomadaire sera fonction du projet pédagogique des enseignants, dans le respect des volumes annuels fixés pour chacun des domaines disciplinaires » (Horaires, Horssérie, B.O. N°3 du 19/06/2008, p.7). Une plus grande liberté est donc donnée au professeur des écoles et lui permet d’organiser les apprentissages autour de travaux interdisciplinaires et de décloisonner ainsi les enseignements. L’apprentissage d’une langue vivante étrangère ou régionale en tant que discipline doit représenter 54 heures annuelles dès le CE1. Cette réorganisation des durées d’enseignement donne ainsi la liberté à l’enseignant d’aborder la L.V.E. en tant qu’apprentissage régulier – soit 1h30 par semaine – ou bien sur des périodes plus courtes mais de façon plus importante lorsqu’il s’agit de mettre en place certains projets. En particulier, l’enseignant dans sa classe ou l’équipe enseignante peut travailler de façon interdisciplinaire ou transversale par exemple, « en fonction de projets simultanés ou successifs et de blocs horaires adaptés et variables selon les semaines ou les mois » (Présentation, Hors-série, B.O. N°3 du 19/06/2008, p.11). Bien que les programmes soient regroupés en disciplines à l’école élémentaire, cela ne constitue pas un « obstacle à l’organisation d’activités interdisciplinaires ou transversales » (p.11). La plupart des activités proposées dans chacune des disciplines peuvent être adaptées à des utilisations interdisciplinaires. Les programmes de 2008 donnent l’exemple d’activités d’expression orale, de lecture ou de rédaction de textes en français qui ont « évidemment toute leur place en sciences, en histoire et géographie, en histoire des arts et […] en mathématiques » (p.11).
De plus, la polyvalence du métier de professeur des écoles renforce la possibilité d’un enseignement interdisciplinaire. L’enseignant est seul dans sa classe pour aborder les diverses compétences que doivent acquérir les élèves. Comme nous l’avons vu précédemment, il n’est pas nécessaire dans le premier degré que les acteurs du projet interdisciplinaire s’accordent entre eux, puisque le professeur des écoles est le plus souvent seul acteur.1 Sa polyvalence, c’est à dire le fait qu’il assure seul l’enseignement de l’ensemble des disciplines, peut lui permettre de mêler les savoirs. Il peut décloisonner les apprentissages et faire prendre conscience aux élèves qu’il existe des ponts entre les enseignements, point important selon les programmes. « Le rôle du maître de la classe est déterminant pour aider à percevoir et à établir des liens entre les apprentissages relevant de champs disciplinaires divers » (Documents d’accompagnement des programmes d’allemand, applicables à la rentrée 2002, p.5). L’interdisciplinarité, la mise en lien des diverses disciplines en tant qu’enrichissement de la notion étudiée, se trouve donc au coeur de la spécificité de l’enseignement à l’école primaire.
Toutefois, l’interdisciplinarité n’est pas aussi présente dans les programmes de 2008 que dans les précédents.2 Aujourd’hui, il en est question brièvement dans la
Présentation des programmes, mais elle n’est pas un axe prioritaire. Malgré cela, elle est toujours en accord avec les programmes, dans la mesure où il est précisé que chaque professeur est libre de choisir sa propre pédagogie, tant que cela reste dans la logique de l’acquisition des connaissances. En effet, le Préambule précise que des connaissances, des capacités et des attitudes à atteindre sont détaillées pour chaque domaine mais que l’enseignant est libre du « choix des méthodes et des démarches, témoignant ainsi de la confiance accordée aux maîtres pour une mise en oeuvre adaptée aux élèves » (Hors-série, B.O. N°3 du 19/06/2008, p.10).
La mise en place d’une approche interdisciplinaire pour l’acquisition des compétences est donc en cohérence avec les orientations officielles actuelles de l’enseignement, bien que moins présente aujourd’hui. Il est donc intéressant à présent d’affiner notre domaine de recherche et de se poser la question de la place de l’interdisciplinarité au sein de l’enseignement des langues vivantes. Pour cela, il s’avère nécessaire, dans un premier temps, de s’intéresser à l’évolution de la part accordée à cette approche dans le domaine des langues. À quand remonte l’enseignement des L.V.E. à l’école ? Quelles en étaient ses modalités ? Les programmes introduisaient-ils déjà la possibilité d’aborder les compétences en langue sous un angle interdisciplinaire ? Quelle place était alors réservée à cette approche ?
Évolution de la place faite à l’interdisciplinarité dans l’enseignement des langues vivantes étrangères
Les programmes de 1995
Les langues vivantes étrangères sont véritablement introduites à l’école primaire en 1995. Dès 1994, François Bayrou, alors Ministre de l’éducation nationale, propose dans un Nouveau Contrat pour l’École, 158 décisions afin de clarifier les missions de l’école et de renforcer l’adhésion publique. Pour « lutter contre l’inégalité », divers points fondamentaux sont précisés, dont l’apprentissage des langues vivantes (p.5). Dès 1995, une initiation de quinze minutes par jour doit être étendue à tous les élèves de l’école primaire, dès le Cours Élémentaire. Elle sera assurée par le maître ou par des méthodes audiovisuelles, si ce dernier ne peut prendre en charge cet enseignement.
Les Programmes de l’école primaire de 1995 (J.O. du 02/03/1995) confirment cette décision. L’enseignement des langues vivantes étrangères apparaît dans la répartition des horaires de l’école élémentaire. Au cycle deux, une heure de langues vivantes peut être assurée dans le cadre horaire du français, bien que la mention « langues vivantes » n’apparaisse pas explicitement. Au cycle trois, il s’agit d’un enseignement plus explicite dans le domaine « français et langues vivantes », dans la limite d’une heure trente par semaine. Les différentes compétences à atteindre dans ce domaine ne sont pas précisées.
Toutefois, cet apprentissage a sa place au sein de l’interdisciplinarité, dans la mesure où l’enseignant se doit « d’établir explicitement les liaisons entre les activités conduisant aux apprentissages essentiels », dont les langues vivantes font partie (École élémentaire, p.21).
Les intégrer au créneau horaire réservé à l’enseignement du français témoigne de leur mise en lien avec les divers apprentissages. Ces programmes portent l’attention sur « l’indispensable cohérence des apprentissages », qui se trouve justifiée par la « polyvalence des maîtres », spécificité de l’école primaire (p.20). Celle-ci favorise « la mise en oeuvre de démarches faisant appel à plusieurs disciplines pour construire ou conforter un apprentissage » (p.20). Grâce à des activités diversifiées mais coordonnées, elles concourent à des compétences communes.
Les programmes de 2002
En 2002, la langue vivante étrangère devient réellement une discipline à part entière avec un taux horaire qui lui est réservé. Dès la maternelle, durant l’année de Grande Section, un premier contact avec une langue étrangère ou régionale doit être proposé à l’élève. Il consiste en une familiarisation avec les sons de cette nouvelle langue et en une découverte de quelques éléments culturels particuliers, à travers des chants, des comptines et des jeux. Au cycle deux, il s’agit d’un enseignement explicite et structuré, d’une à deux heures par semaine. Le principal objectif est que l’élève acquière les bases des apprentissages linguistiques et qu’il découvre les diversités linguistiques et culturelles.
L’enseignement s’articule principalement autour de trois axes : « développer chez l’élève les comportements indispensables pour l’apprentissage des langues vivantes (curiosité, écoute, mémorisation, confiance en soi dans l’utilisation d’une autre langue) et faciliter ainsi la maîtrise du langage ; familiariser son oreille à des réalités phonologiques et accentuelles d’une langue nouvelle ; lui faire acquérir les premières connaissances dans cette langue » (Langues étrangères ou régionales, Objectifs, Hors-série, B.O. N°1 du 14/02/2002, p.57). Enfin, au cycle trois, l’enseignement des L.V.E. représente une heure trente à deux heures par semaine. Il vise l’acquisition de compétences assurées dans différentes situations de communication concrètes et se rapportant directement au domaine de l’enfant, dans au moins deux langues vivantes autres que le français. Les compétences qui doivent être acquises à la fin du cycle, sont en lien avec le niveau A1, défini par le Cadre européen commun de référence pour les langues (C.E.C.R.L.). L’apprentissage d’une langue seconde, dès l’école primaire, doit permettre à la France d’asseoir sa position dans le monde. Pour cela, il est mis en place le plus tôt possible en tant que véritable enseignement. Toutefois, il doit être articulé « avec tous les autres domaines de l’école primaire, et plus particulièrement, avec la maîtrise du langage et de la langue française, priorité absolue » (Préambule, p.13).
Les programmes de 2007
En 2007, les programmes mettent l’accent sur la mise en lien des différents enseignements. À travers sa polyvalence, l’enseignant doit multiplier liaisons et renvois entre savoirs et disciplines. Ainsi, l’élève pourra « acquérir les bases culturelles sans lesquelles les connaissances déjà rencontrées ou à venir ne seraient que des savoirs éclatés » (Préambule, Hors-série, B.O. N°5 du 12/04/2007, p.2). Les contenus des apprentissages en L.V.E. visent explicitement la mise en application du Cadre européen commun de références pour les langues et le Socle commun de connaissances et de compétences.4 L’enseignement des langues représente, en 2007, 1h30 par semaine, du CE1 au CM2. Ce volume horaire correspond d’une part à des séances en classe. D’autre part, « dès que les capacités minimales de communication pourront être exploitées », ces séances doivent être prolongées par des activités dans d’autres domaines afin de décontextualiser la langue de la discipline qui lui est réservée (Cycle 2, Langues vivantes, Objectifs, p.21). Au cycle trois, il est mentionné que les divers apprentissages langagiers ainsi que les situations d’apprentissage doivent « être liés aux différents champs disciplinaires » (Cycle 3, Langues vivantes, p.72). Dans le domaine Dire, l’élève doit « comprendre quelques énoncés oraux simples dans une autre langue que le français, engager un dialogue simple (avec un locuteur facilitant la communication) dans la langue étudiée, décrire des lieux ou des personnes connus et faire un très court récit dans une autre langue que le français » (p.72). Dans le domaine Lire, des fragments de textes sont proposés aux élèves dans une autre langue que le français. Enfin, dans le domaine Écrire, il est demandé à l’élève « d’écrire une courte carte postale dans une autre langue que le français, répondre à un questionnaire simple dans une autre langue que le français » (p.72). Ces différentes activités touchent donc plusieurs domaines de l’enseignement des langues et permettent de le rattacher aux contenus des autres enseignements du français. Cela participe ainsi au renforcement de la maîtrise de la langue française. L’interdisciplinarité est donc très présente dans les programmes de 2007. Grâce à sa mise en oeuvre dans les apprentissages des L.V.E., elle permet d’enrichir et d’appuyer les savoirs dans cette discipline tout en leur donnant une cohérence. De plus, elle renforce la maîtrise de la langue française, ce à quoi doivent participer les divers enseignements.
En définitif, l’interdisciplinarité trouve donc sa place au sein des programmes d’enseignement des langues vivantes, depuis leur introduction en tant qu’objet d’enseignement spécifique. Nous pouvons retrouver cette approche dans les programmes de 1995, 2002 et 2007. Toutefois, il est à préciser que le B.O. N°5 d’avril 2007 a rapidement été complété par les programmes spécifiques à l’enseignement des langues vivantes d’août 2007, puis légèrement modifié par les nouveaux programmes de 2008. Il faut donc, dès lors, s’intéresser à la manière dont sont enseignées les langues, à l’école élémentaire, aujourd’hui. Comme nous avons pu le voir, elles sont tout d’abord présentées selon les programmes actuellement en vigueur de 2008. Mais ceux-ci s’inscrivent directement et explicitement dans les directives d’autres textes. Quels textes viennent compléter l’enseignement des langues vivantes étrangères à l’école élémentaire ? Comment les L.V.E. sont-elles aujourd’hui abordées ? Autour de quels axes principaux sont-elles enseignées ? Quels sont les objectifs premiers de cet enseignement et quelle place est réservée à l’interdisciplinarité ? Le professeur des écoles a-t-il la possibilité de mettre en place une approche interdisciplinaire des savoirs et des compétences à acquérir en langue ?
L’enseignement des L.V.E. aujourd’hui, à travers l’approche interdisciplinaire
L’enseignement actuel des langues vivantes étrangères s’articule, en France, autour des programmes de 2008. Ceux-ci sont en accord avec d’une part, le Cadre européen commun de référence pour les langues (C.E.C.R.L.) de 2001, qui « constitue par ailleurs la référence fondamentale pour l’enseignement, les apprentissages et l’évaluation des acquis en langues vivantes » (Programmes du Cycle 3, Langues vivantes, Hors-série, B.O. N°3 du 19/06/2008, p.23). D’autre part, le Socle commun de connaissances et de compétences de 2006 oriente l’enseignement des L.V.E., tout comme celui de l’ensemble des disciplines de l’école élémentaire. Enfin, le B.O. de 2008 précise que pour une progression plus détaillée, « il convient de se reporter aux programmes spécifiques à chaque langue vivante étrangère ou régionale » (p.24), c’est à dire au B.O. du 30 août 2007. Il apparaît donc comme essentiel de s’intéresser à ces trois textes et à la place que chacun accorde à l’interdisciplinarité.
Le Cadre européen commun de référence pour les langues
Depuis 2001, le C.E.C.R.L. a pour objectif de fournir une « base commune pour l’élaboration des programmes de langues vivantes, de référentiels, d’examens, de manuels, etc. en Europe » (p.9). Il concourt en cela à l’objectif général que s’est fixé le Conseil de l’Europe : « parvenir à une plus grande unité parmi ses membres et atteindre ce but par l’adoption d’une démarche commune dans le domaine culturel » (défini dans les Recommandations R (82) 18 et R (98) 6 du Comité des Ministres). Le processus d’apprentissage est segmenté en six « échelles de niveaux » à acquérir, permettant ainsi de situer l’apprenant.
Les différentes capacités langagières sont recensées ainsi que les divers savoirs mobilisés pour les développer, tout comme l’ensemble des situations et domaines dans lesquels l’apprenant peut être amené à utiliser la langue étrangère pour communiquer.
L’apprenant doit développer, d’une part, des compétences générales individuelles. Il s’agit de savoirs, savoir-faire, savoir-être et savoir-apprendre. D’autre part, celles-ci sont complétées par des compétences à communiquer langagièrement : compétences linguistiques, sociolinguistiques et pragmatiques. L’ensemble de ces compétences permet de réaliser des activités langagières de réception orale ou écrite, de production orale ou écrite, d’interaction et de médiation.
Le principal axe retenu est celui de l’approche actionnelle, en tant qu’orientation conseillée. En effet, l’usager et l’apprenant sont avant tout considérés comme « des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas nécessairement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier » (p.15). Le lien avec une approche interdisciplinaire des compétences à acquérir n’est pas explicite. Toutefois, nous verrons que l’approche actionnelle peut permettre une telle orientation de l’enseignement.
Ce texte est devenu en France un véritable document de référence pour l’élaboration des programmes d’enseignement des langues. À la fin du cycle 3, les programmes de 2008 précisent que les élèves doivent posséder les compétences nécessaires à la communication élémentaire définie par le niveau A1 du Cadre européen commun de référence pour les langues (B.O. N°3 du 19/06/2008).6 Celui-ci correspond au niveau d’un « utilisateur élémentaire » de la langue qui est alors capable de participer à des interactions simples concernant des thèmes de la vie quotidienne et des situations concrètes particulières. Il doit savoir se présenter ou présenter quelqu’un et savoir poser des questions à une personne. Il doit pouvoir comprendre un discours simple, prononcé distinctement et lentement.
Le Socle commun de connaissances et de compétences
De plus, depuis 2006, les programmes de l’école primaire et du collège s’articulent également autour du Socle commun de connaissances et de compétences, institué par la Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’École (23 avril 2005). Celui-ci établit les compétences indispensables à maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire, « un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société » (Socle commun de connaissances et de compétences, p. 3). La pratique d’une L.V.E. constitue le deuxième des sept piliers que tout élève doit maîtriser et témoigne ainsi de la place grandissante qu’occupent les langues à l’école. Une large part est consacrée à l’aspect oral de la langue et l’écrit se réduit à de simples et courtes phrases.
Il nous apparaît important de préciser ici ce que nous entendons par compétence.
Tout au long de ce mémoire, ce terme se rapporte à la définition donnée par le Socle commun de connaissances et de compétences : « Chaque grande compétence du socle est conçue comme une combinaison de connaissances fondamentales pour notre temps, de capacités à les mettre en oeuvre dans des situations variées, mais aussi d’attitudes indispensables tout au long de la vie » (p.4). Les compétences regroupent donc des connaissances, c’est à dire des savoirs, des capacités, autrement dit des savoir-faire, et des attitudes ou savoir-être.
Le premier palier pour la maîtrise du Socle commun précise les compétences attendues à la fin du CE1 : l’élève « est capable de comprendre et utiliser des énoncés simples de la vie quotidienne » (Premier palier pour la maîtrise du Socle commun, Compétence 2, B.O. N°3 du 19/06/2008, p.20). L’écrit est donc absent et l’oral se résume à des notions basiques. À la fin du cycle des approfondissements, qui correspond au deuxième palier du Socle commun, l’élève est capable de « communiquer : se présenter, répondre à des questions et en poser ; comprendre des consignes, des mots familiers et des expressions très courantes » (Deuxième palier pour la maîtrise du Socle commun, Compétence 2, B.O. N°3 du 19/06/2008, p.27). Le processus d’apprentissage est donc poursuivi, les savoirs se précisent. Il s’agit, là-encore, d’un enseignement essentiellement oral.
L’interdisciplinarité est introduite au sein même de la présentation du Socle commun. En effet, seuls les deux premiers piliers, « la maîtrise de la langue française » et « la pratique d’une langue étrangère », poursuivent le découpage des disciplines. À l’inverse, le troisième pilier, « les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique », regroupe l’ensemble des disciplines scientifiques. De même, la « culture humaniste » réunit l’histoire, la géographie, les arts visuels, et autres éléments de notre culture. Enfin, les T.I.C. (techniques de l’information et de la communication) et les deux derniers piliers, « les compétences sociales et civiques » et « l’autonomie et l’initiative », sont à aborder au sein de plusieurs domaines et ne recouvrent aucune discipline de l’école élémentaire, mise à part l’éducation civique qui peut permettre d’aborder certaines compétences. Il est donc possible, voire nécessaire, pour l’acquisition des ces dernières compétences, mais aussi pour confirmer et renforcer l’ensemble des
compétences attendues en fin de scolarité obligatoire, d’aborder les enseignements selon une approche interdisciplinaire. Le Socle commun explicite cette mise en oeuvre en précisant que « chaque compétence qui le constitue requiert la contribution de plusieurs disciplines et, réciproquement, une discipline contribue à l’acquisition de plusieurs compétences » (p.4). L’ensemble des disciplines participent donc à l’acquisition du Socle, ce qui peut être permis par une approche interdisciplinaire. « Tous les enseignements et toutes les disciplines ont un rôle à jouer dans l’acquisition du Socle », confirme l’introduction du Socle de 2006 (p.4). La mise en lien des disciplines, l’interdisciplinarité, a donc sa place au sein du Socle commun de connaissances et de compétences.
Le B.O. d’août 2007 spécifique à l’enseignement des langues vivantes étrangères, un complément aux programmes de 2008
Afin d’atteindre le niveau A1 défini par le C.E.C.R.L., les programmes de l’école élémentaire prévoient une première « sensibilisation » à une langue vivante, conduite à l’oral, dès le Cours Préparatoire. Un enseignement véritable débute au Cours Élémentaire première année et « associe l’oral et l’écrit en privilégiant la compréhension et l’expression orale » (Programme du CP et du CE1, Langue vivante, Hors-série, B.O. N°3 du 19/06/2008, p.18). L’élève doit développer une certaine attitude envers les langues : « curiosité, écoute, attention, mémorisation, confiance en soi » (p.18). Il doit savoir distinguer la prononciation et la prosodie nouvelle de la langue et acquérir un vocabulaire simple se rapportant au domaine de la vie quotidienne.
Au cycle 3, la priorité est encore donnée aux activités orales de compréhension et d’expression. Le vocabulaire est enrichi tout en conservant une attention particulière à « l’accentuation, aux mélodies, aux rythmes propres à la langue apprise » (Programme du CE2, CM1 et CM2, Langue vivante, Hors-série, B.O. N°3 du 19/06/2008, p.23). Une grammaire simple et basique est abordée et la forme orthographique des mots utilisés doit être fixée. Enfin, développer l’aspect culturel du pays étudié permet de mieux comprendre les différences et spécificités de chacun. Le niveau à acquérir en fin de cycle 3 correspond donc à une utilisation première de la langue, constituée des principales bases.
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Table des matières
Remerciements
INTRODUCTION
1. Un apprentissage interdisciplinaire des langues vivantes étrangères a-t-il sa place au sein de l’école élémentaire ?
1.1. Comment définir l’interdisciplinarité ?
1.1.1. L’interdisciplinarité, aux frontières de la pluridisciplinarité et de la transdisciplinarité
1.1.2. L’interdisciplinarité, un terme ‘polysémique’
1.1.3. Définition retenue
1.2. La place de l’interdisciplinarité à l’école élémentaire et dans l’enseignement des
langues vivantes étrangères
1.2.1. L’approche interdisciplinaire est-elle en accord avec les instructions officielles et les spécificités de l’école élémentaire ?
1.2.2. Évolution de la place faite à l’interdisciplinarité dans l’enseignement des langues vivantes étrangères
1.2.3. L’enseignement des L.V.E. aujourd’hui, à travers l’approche interdisciplinaire
1.3. Vers une remise en cause des disciplines à l’école ?
1.3.1. La place des disciplines par rapport à l’approche interdisciplinaire
1.3.2. Aborder les compétences en L.V.E. selon une approche interdisciplinaire : décloisonner la langue et le sujet
2. Une illustration de la mise en oeuvre d’une approche interdisciplinaire des langues vivantes étrangères à travers le conte
2.1. Le conte, un genre adapté au public scolaire ?
2.1.1. Le conte, définition et caractéristiques
2.1.2. Un genre pour enfant ?
2.1.3. La place du conte à l’école
2.2. La place du conte dans l’enseignement des L.V.E
2.2.1. Quel conte pour quel enseignement ?
2.2.2. La place du conte dans les programmes de L.V.E
2.2.3. Le conte en tant qu’oeuvre du patrimoine
2.3. La mise en place d’un projet articulé autour du conte, objet d’enseignement fédérateur de l’approche interdisciplinaire des apprentissages de L.V.E
2.3.1. L’approche actionnelle et la notion de projet
2.3.2. Articuler l’apprentissage des langues vivantes étrangères autour d’un projet interdisciplinaire, construit à partir du conte
3. L’approche interdisciplinaire des langues vivantes étrangères est-elle représentée au sein des pratiques enseignantes ?
3.1. Cadre et méthode de recueil des données
3.1.1. Des études québécoises sur les pratiques enseignantes de l’approche interdisciplinaire
3.1.2. Protocole de recherche
3.1.3. L’analyse des résultats
3.2. L’approche interdisciplinaire au sein des enseignements proposés par les personnes interrogées
3.2.1. Les pratiques interdisciplinaires
3.2.2. L’importance des variables
3.2.3. L’analyse des profils des enseignants selon la valeur de l’indice interdisciplinaire
3.2.4. Les contraintes de l’approche interdisciplinaire et les difficultés rencontrées par les enseignants
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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