Une étude thématique de l’œuvre en prose de Göran Tunström (sous la direction de Marc Auchet)

Brève présentation de l’œuvre 

Göran Tunström (1937-2000) fait partie des écrivains suédois les plus importants de la deuxième moitié du XXe siècle. Il est né dans le Värmland et la ville où il a passé son enfance, Sunne, est devenue son univers littéraire. Le titre du dernier livre publié de son vivant est le seul qui contienne le mot Sunne et on peut y voir quelque chose de symbolique, car, chez Tunström, tout commence et tout finit à cet endroit. Il constitue l’univers littéraire tunströmien et ce sont, au reste, ceux qui ont pour cadre Sunne qui sont les plus connus de ses livres, presque déjà des classiques. Son importante production, en tout une quarantaine d’œuvres (dont 28 publiées sous forme de livres), comprend des romans, dont quelques-uns autobiographiques, dix recueils de poésie, des nouvelles, un récit de voyage, un livre philosophique sur l’existence et l’écriture, des contes pour enfants, des pièces radiophoniques… Bien qu’il ait fait ses débuts littéraires avec un recueil de poésie, ce sont avant tout ses romans qui lui ont valu sa renommée, dans son pays, mais aussi à l’étranger. Tunström est donc surtout un prosateur et ensuite seulement un poète. Ses écrits pour le théâtre ont été accueillis de manière assez négative par la critique. Son seul succès dans ce domaine a été le théâtre radiophonique, que l’on peut plutôt, dans son cas, appeler de la poésie théâtrale. De tous ses livres, sept seulement ont été traduits en français. Il reste, malgré quelques grands succès, relativement peu connu en France. Nous commencerons par conséquent par présenter brièvement l’œuvre de Tunström, pour faciliter la compréhension de notre analyse, en resituant celle-ci dans son contexte littéraire et en citant les thèmes principaux de ses romans et de ses nouvelles.

Tunström écrit des livres où se mêlent différents genres et qui présentent divers niveaux de sens. On trouve dans ses romans un mélange de réalisme et de fantastique. Le lecteur ne sait pas toujours ce qui se passe et ce qui ne se passe pas dans l’histoire ; ce qui est “vrai” et ce qui est “faux”. Son œuvre est comme un hybride de genres, où l’on trouve de la poésie, du réalisme, de la philosophie, des mythes, de la “skröna”, etc.

La skröna est une histoire comique et fantastique, qui a normalement un fond de vérité, mais qui est exagérée et devient finalement mensongère. La skröna fait partie de la littérature orale, surtout dans la région de Värmland. Un exemple de skröna, chez Tunström, est le passage sur le roi canon, dans L’Oratorio de Noël (1983), où Alfons raconte qu’il a survolé l’Europe. Après ce récit, Splendid explique à Sidner que son père a un peu exagéré, mais qu’il a le droit de le faire. Göran Tunström est, sans aucun doute, de ce point de vue comme de beaucoup d’autres, un héritier de la tradition littéraire de la région du Värmland, où il a grandi et où plusieurs conteurs du même genre que lui ont aussi vu le jour. C’est en particulier le pays de Selma Lagerlöf (1859-1940), qui a sans doute exercé une grande influence sur Tunström. De même, on décèle chez ce dernier un plaisir de raconter, typique de la tradition littéraire du Värmland. Mais on peut également observer l’influence du modernisme, du romantisme, de la littérature classique, ainsi que de certains écrivains particuliers comme Lars Ahlin (1915-1997). Certains critiques ont discerné deux aspects dans l’écriture de Tunström. Magnus Bergh distingue par exemple des textes moins sérieux, qu’il appelle « l’aspect secret, caché, apocryphe de l’œuvre de Tunström ». Ce sont des textes qui, étant moins réfléchis, sont moins difficiles à lire, comme le roman “policier” Le Cas des framboises (Hallonfallet, 1967) ou le récit de voyage Partir en hiver (1993). Ces livres sont également moins sombres que ses romans plus sérieux, qui sont souvent tragiques, mais, comme le souligne M. Bergh, ils sont tout aussi importants, car ils fournissent des clés de lecture pour toute son œuvre.

Plusieurs critiques ont montré que Tunström occupe une position à part par rapport aux écrivains de son temps. Il a en effet été un adversaire déclaré du nouveau roman qui, à son époque, influençait énormément les auteurs suédois. Les années cinquante ont été une décennie à l’esprit plutôt individualiste. Par contre, dans les années soixante, le climat politique était tendu (la guerre du Vietnam…) et on demandait aux écrivains un engagement. Chez Tunström, cet engagement politique s’exprime parfois dans des poèmes , mais il n’est jamais devenu un écrivain politique. Reidar Nordenberg constate que la littérature, après 1968, devait traiter des problèmes de société, mais que Tunström a toujours défendu la pluralité d’expression. C’est pourquoi, selon Nordenberg, il n’a pas beaucoup publié dans les années soixante : sa langue ne convenait pas à la politique et il n’a jamais pu accepter les réponses toutes faites, ni par rapport à la religion, ni par rapport à la politique. La Boule de pissenlit (Maskrosbollen , 1962) a été publié au début de cette décennie et Le Cas des framboises est sorti en 1967, mais sous le pseudonyme Paul Badura Mörk. Comme l’explique Rolf Alsing :

Tunström a écrit ‘Le Cas des framboises’ à une époque où les exigences d’engagement politique étaient fortes et par moments même un peu étouffantes au point de vue artistique. Il avait un peu de mal à respirer dans ce climat, et ce n’était pas seulement à cause de son asthme.

Tunström explique lui-même ce problème dans la préface d’une nouvelle édition du roman, publié en 1985, cette fois sous son propre nom : « A chaque changement de cours dans les questions esthétiques et morales, certains gagnent une identité, d’autres la perdent et moi, je faisais définitivement partie des perdants. Au début de ma carrière d’écrivain, tout avait été relativement facile – et tout est devenu plus facile quelques années plus tard, lorsque je me suis décidé à renoncer aux exigences que je voyais partout : l’histoire était dirigée contre moi personnellement. Raconter était un péché et raconter, c’est ce que j’avais envie de faire. » Si pendant ces années difficiles, Tunström n’a pas beaucoup publié, il a quand même écrit, en attendant un milieu culturel plus favorable, dans lequel il ne se sentirait plus enfermé :

Puis parut un décret ordonnant que tout le monde devait écrire comme Robbe-Grillet. Pendant quelque temps on s’attarda à décrire les mains. Pendant quelque temps on écrivit de mauvais romans documentaires. Puis ce fut la période des effondrements, puis celle des nouveaux espoirs.

Dans les années soixante-dix, il “triompha” sur son temps et trouva son propre chemin en se libérant du climat culturel de son époque, comme un enfant se libère de l’autorité de ses parents, et en commençant à fabuler, à parler de l’aspect invisible de l’existence et à chercher sa propre identité. Comme l’observe S. Hammar, le climat culturel et politique dans les années 60 et 70 était contre l’art, pour la réalité. Dans ces conditions, les gens avaient perdu une partie importante de la réalité : l’imagination. Tunström a cependant, selon S. Hammar, compris que l’invisible n’est pas moins réel que le visible. Cela ne signifie cependant pas que l’auteur, en refusant d’être un écrivain engagé, a entièrement refusé de s’occuper des problèmes du monde. Ses romans combattent par exemple l’oppression de la femme.

Si le climat culturel a été défavorable à Tunström pendant les premières décennies de sa carrière d’écrivain, il s’inscrit plus facilement dans la littérature scandinave d’après 1980. Dans le dernier chapitre de l’Histoire des littératures scandinaves, intitulé “Les années 1980, une simple mise en perspective”, Régis Boyer dénombre quatre tendances littéraires : la littérature scandinave des années 80 reste attachée au modernisme, elle continue le débat féministe, elle retrouve les grands motifs atemporels, comme l’amour et la mort et elle abandonne le réalisme strict pour à nouveau parler du symbolique et du mythique. L’orientation la plus caractéristique de Tunström est la troisième. R. Boyer voit dans le retour en force de ces grands thèmes atemporels une conséquence des excès de la littérature politique et de la monotonie du réalisme socialiste, et un rejet du dogmatisme et de la prédication bien ancrée dans l’esprit luthérien. Cette tendance consiste, selon R. Boyer, en une redécouverte de la complexité de l’existence humaine. La littérature pose à nouveau les grandes questions spirituelles, psychologiques, sociales et morales. Les romans de Tunström « nous proposent une analyse psychologique sans complaisance de notre temps et du héros qui le peuple, et aussi toute une série de moyens de transfigurer l’un et l’autre ». Boyer parle donc de Tunström sous cette rubrique, tout en précisant qu’il a également sa place sous la rubrique “Le recours au symbolique et au mythe”, puisque le constat selon lequel « le monde est profond » est à nouveau actuel parmi les Scandinaves. Le monde est absurde et l’homme tente de trouver un sens à l’aide, par exemple, du roman historique ou mythique. Tunström utilise en effet les mythes et nous trouvons aussi chez lui « cet intérêt vivant pour le passé, ou le sans-âge, la tradition ou les grands invariants ». L’œuvre de Tunström se situe à la frontière entre le modernisme et le postmodernisme, puisqu’elle a débuté dans les années 60 et s’est terminée dans les années 90 et nous trouvons, chez lui, des influences de ces deux courants. Il n’y a pas de doute que Tunström s’est révolté contre certains éléments du modernisme : son nihilisme, sa raison, ses certitudes, son dogmatisme, sa standardisation, son immobilisme, son refus du passé, son élitisme, son expérimentation romanesque… Nous essayerons, par conséquent, de situer l’œuvre au sein du contexte postmoderne, mais aussi de démontrer qu’elle se positionne par rapport à ce mouvement. En Suède, les critiques littéraires n’ont véritablement commencé à parler du postmodernisme dans la littérature que dans les années 90, suite aux grands bouleversements des années 80 (évolution de l’URSS, chute du mur de Berlin, mines fermées…) lorsque la société est entrée dans l’ère postindustrielle et que le monde des médias de masse a pris la relève. Tunström semble s’inscrire dans ce mouvement bien que son œuvre ait débuté plusieurs décennies auparavant, ce qui ferait de lui un annonciateur de celui-ci. Bo G. Jansson ne parle cependant pas de lui dans son livre sur le postmodernisme nordique.

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Table des matières

Introduction
PREMIÈRE PARTIE : ÉTUDE DE QUELQUES ÉLÉMENTS NARRATIFS
I. L’ancrage réel-fictionnel
II. Le discours narratif
III. Le mouvement narratif
DEUXIÈME PARTIE : ANALYSE THÉMATIQUE DE LA QUÊTE
I. La quête d’une langue vivante
II. La quête de la liberté individuelle
III. La quête de l’Autre
IV. La quête des relations
TROISIÈME PARTIE : ÉTUDE DE L’INTERTEXTUALITÉ
I. L’intertextualité littéraire
II. L’intertextualité mythique
III. L’intertextualité chrétienne
IV. Les noms des personnages
V. L’intratextualité
Conclusion

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