Dans le cadre général de l’enseignement/apprentissage (E/A) du français langue nonmaternelle à Madagascar, nous remarquons que les enseignants se réservent d’utiliser le texte littéraire en classe de langue car ils le considèrent comme difficile à aborder mais aussi spécifique, c’est-à-dire destiné à un certain public capable de comprendre les différentes nuances et finalités dans et de la littérature que ce soit au niveau linguistique, culturel ou esthétique. Cette pensée marginalise les auteurs et les œuvres littéraires car elle les prive de leur plénitude et les voue à l’oubli. Or la littérature est à la fois pour le lecteur un outil pour accéder à la construction de son identité culturelle et qui lui permettra de reconnaître son appartenance historique. En outre, la littérature véhicule une expérience esthétique, de l’adhésion à des valeurs mais aussi la transmission d’un savoir-faire argumentatif et expressif. En fin de compte, c’est donc en elle que se croisent toutes les formes et tous les usages de la langue.
Le français à Madagascar
Contexte général
Selon, l’ouvrage de Gil Dany RANDRIAMASITIANA de l’Université d’Antananarivo intitulé Application de la loupe ODFLN à l’étude du cas de Madagascar, le français aurait changé plusieurs fois de statut depuis ces vingt décennies.
Le français est surtout mobilisé et indispensable dans le monde estudiantin. Par rapport à l’enseignement, on requiert de l’élève dès son enfance, à sa sortie de l’école primaire, et selon l’arrêté n° 102-95/MEN du 07 Juin 1995 « d’être capable de communiquer oralement et par écrit en français et de suivre un enseignement dispensé dans cette langue au collège ». A la sortie du collège, il doit « être capable de communiquer en français et utiliser correctement cette langue dans les différentes situations d’enseignement/apprentissage » (Arrêté n° 103-95/MEN du 07 juin 1995, p.4). A la sortie du lycée, l’élève doit « être capable de manier correctement les acquis du collège et ceux des classes du lycée, de maîtriser les types de discours spécifiques mis en œuvre dans les activités d’enseignement et d’apprentissage des différentes disciplines et dans la vie professionnelle : le discours des médias, le discours des manuels et ouvrages, le discours des activités culturelles, le discours littéraire, le discours scientifique(…) » (Arrêté n° 103-95/MEN du 07 juin 1995, p.14). Et même à l’université, l’étudiant doit bien maîtriser la langue française pour poursuivre des études supérieures car la majorité des cours sont dispensés en français.
Bref, le français garde une grande place dans le monde de l’enseignement et selon même l’ancien ministre de l’enseignement secondaire et de l’éducation de base, qui est reportée par la revue de l’Océan Indien ; cité dans Application de la loupe ODFLN à l’étude du cas de Madagascar écrit par Gil Dany RANDRIAMASITIANA de l’Université d’Antananarivo « le français restera la langue d’enseignement, excepté pour le malgache et l’histoire. » Mais qu’en est il de la pratique de cette langue chez les élèves malgaches ?
La pratique de la langue française chez les apprenants malgaches
Certes, la langue française est la langue d’enseignement à Madagascar, mais la majorité des apprenants Malgaches ne l’utilisent pas quotidiennement, la plupart l’emploient seulement pendant les cours de français alors que le volume horaire de l’Enseignement/Apprentissage du français au lycée à Madagascar varie entre quatre heures (niveau Première) et six heures (niveaux Seconde et Terminale) par semaine, ce volume étant définit dans le programme scolaire.
Il est difficile de dire que les apprenants lycéens « Malgaches » ont un niveau linguistique assez élevé pour comprendre un texte littéraire dont la visée primaire est esthétique (utilisation des figures de styles comme la métaphore, ….) car nous ne sommes pas sûrs que , pendant ces six heures hebdomadaire, chaque élève ait le privilège de mobiliser la langue française en vue d’améliorer leur compétence linguistique. Alors que, selon la linguistique appliquée, il est conseillé de faire un bain linguistique de dix minutes par jour pour mobiliser et améliorer nos compétences de la langue française.
La confirmation de cette orientation est expliquée par des recherches présentées dans l’ouvrage de Roberte TOMASSONE disant que « des études sur des classes d’immersion en français pour les anglophones canadiens ont montré que, pour apprendre une langue étrangère, il ne suffit pas d’être placé dans un environnement linguistique riche et varié, et d’exercer uniquement des activités d’écoute et de lecture. Sans doute la compréhension est elle développée en début d’apprentissage. Mais les acquis se figent vite, on relève de nombreuses erreurs, indéracinables, dues à une maîtrise insuffisante des aspects formels de la langue. Les partisans de l’immersion s’accordent maintenant pour reconnaître l’utilité des activités de production et des apprentissages grammaticaux, pour recommander une étude réfléchie de la langue, en relation avec ses emplois dans des situations signifiantes. » En stade pratique, ce bain linguistique peut être traduit concrètement par une activité de lecture d’un extrait d’œuvre littéraire en français, d’un article de journal rédigé en français ou autres textes francophones. Les apprenants passionnés de musique peuvent aussi appliquer ce bain de langue tout en chantant quotidiennement des chansons francophones car il faut aussi tenircompte des intérêts de chaque apprenant afin de les motiver dans la promotion de la langue française. Ces orientations sont proposées pour combler ce volume horaire consacré à la langue française au lycée. Elles sont aussi conseillées pour les enseignants qui tiennent des classes dans lesquelles les élèves sont en surnombre. Il est rare de trouver une séance pendant laquelle les élèves participeront de manière individuelle dans la mobilisation de leur compétence linguistique surtout pour la production orale. En tout cas, c’est ce que nous constatons dans nos lycées publics à Madagascar.
Les objectifs en vue de quelle compétence ?
Selon André MARTINET, la langue est un outil de communication qui devrait permettre aux utilisateurs de trouver les mots dont ils ont besoin à un moment donné de la conversation. Selon Weiss, elle présente aussi un objectif d’appropriation des connaissances dans toutes les disciplines ou les matières. « Il y a des difficultés lexicales communes à toutes les disciplines. Certaines de ses difficultés sont plus marquées dans certaines disciplines que dans d’autres.» .
Comme les verbes élever et éduquer, dans le cours de français, si nous parlons d’élever ou d’éduquer un enfant, les deux mots sont synonymes et ont comme sens commun : instruire ou donner une éducation. Mais dans un cours de science naturelle, si nous parlons d’élevage, ce sera le fait de nourrir et d’entretenir un animal par exemple. Et l’éducation d’un animal sera le fait de le dresser. Un autre cas qui nous montre l’intérêt d’étudier le lexique. Dans les cours de mathématiques, le mot « hauteur » ne signifie pas la qualité de ce qui est haut et la « largeur » n’est pas la propriété de ce qui est large.
Nous pouvons donc constater que le lexique prend une place importante dans l’acquisition du langage au niveau des quatre compétences langagières. Et que c’est à travers les mots que la pensée de l’Homme se traduit.
Enseignement du vocabulaire à travers le sens ou la forme
Selon Treville et Duquette, « le vocabulaire comporte deux aspects, l’un formel (aspect sonore et graphique du mot) et l’autre sémantique (le sens du mot) » . D’après cette citation, il existe donc deux manières d’enseigner le vocabulaire en classe de français. Notre choix s’est focalisé sur la branche sémantique.
Le rôle du lexique dans les différentes disciplines
Dans un mémoire soutenu par Diégo Pérez Gil, L’Enseignement-Apprentissage du vocabulaire en classe de FLE. Proposition d’activités, en 2013-2014, il aborde le rôle du lexique en disant qu’ « il fait appel aux capacités langagières des élèves dans toutes les disciplines, y compris l’Education physique et sportive. Cependant certaines disciplines posent davantage de problèmes lexicaux que d’autres. Parmi elles, les Sciences et vie de la Terre, la Technologie, les Mathématiques, l’Histoire, le Français se trouvant, quant à lui, à la croisée de toutes. Pour réussir au collège, l’élève doit maîtriser le vocabulaire métacognitif commun à toutes les disciplines (par exemple, les verbes des consignes) en plus du vocabulaire spécialisé de chacune d’elles. On connaît les difficultés que rencontrent généralement les élèves à la lecture des consignes. Sachant, parce que les professeurs de toutes les disciplines insistent sur ce point, qu’il est essentiel de bien comprendre la consigne, les élèves demandent souvent qu’on la leur reformule oralement. Mais cette reformulation ne suffit pas toujours à lever les ambiguïtés. (…) Des verbes comme énumérer, relever, citer, justifier, montrer, par exemple, rencontrés fréquemment dans les consignes demandent à voir leur sens clairement élucidé. Tous les enseignants leur donnent-ils exactement la même signification ? La formulation précise et exacte de la consigne a-t-elle la même rigueur dans toutes les disciplines ? Voici une anecdote amusante sur les problèmes que peut poser la lecture des consignes : le professeur d’Arts plastiques du collège s’est vu remettre le dessin d’une automobile alors qu’il avait demandé à ses élèves de « faire leur autoportrait ». Il m’est à l’inverse arrivé de recevoir d’un élève de sixième un dessin quand j’avais souhaité un « portait » en rédaction. La polysémie de certains mots très utilisés en classe place l’élève dans une situation complexe d’élucidation du sens : qu’est-ce que signifie : « peindre sur le motif » ; « expliquer le motif d’un comportement » ; « relever le motif de telle œuvre musicale, de telle œuvre littéraire » ? Des difficultés du même ordre se retrouvent en raison de la confusion entre homophones lexicaux (comte/conte/compte) ou grammaticaux (et/est). Si les différences entre graphie et phonie, écriture et prononciation, sont fréquemment étudiées en français, notamment en orthographe, le problème de la polysémie de mots d’usage courant est sans doute moins souvent abordé, du moins en FLM et dans le second cycle parce que ces mots sont supposés connus. En réalité, les élèves n’en ont qu’une connaissance passive et des confusions regrettables risquent de perdurer parce qu’ils n’utiliseront pas les outils lexicographiques dont ils disposent pour en affiner leur compréhension. Or, il y a un lien entre fréquence et polysémie. Les mots en question sont à la fois les plus fréquents, les plus polysémiques est ceux qui donnent le plus de fil à retordre au linguiste. » .
Tout en constatant ce fait, nous pouvons prendre en compte l’importance du lexique dans le parcours éducatif et pour notre cas, nous pouvons dire que le lexique doit tenir un grand rôle dans l’Enseignement/Apprentissage du français. Alliée à notre projet « littéraire » et aussi citée dans le précédent article, nous choisissons donc un point de la langue à faire acquérir à travers la littérature qui est la polysémie.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1ère PARTIE: Le français à Madagascar
1. Contexte général
2. La littérature et l’enseignement du français
2ème PARTIE: Une didactique de la littérature en classe de français langue non-maternelle
3. Œuvre littéraire : Support sélectionné pour l’E/A du français langue non-maternelle à Madagascar
4. Présentation et résultats de l’enquête faite auprès des professeurs de français au lycée sur l’intérêt de la littérature et des activités ludiques en classe de français
5. Critères de choix des activités ludiques
3ème PARTIE: Séances d’acquisition sémantico-lexicale dans Tamango à travers des activités ludiques au lycée Jean-Joseph RABEARIVELO
6. Présentation des fiches signalétiques et pédagogiques
7. Bilan de l’expérimentation
CONCLUSION GENERALE
Pour une didactique de la littérature dans l’enseignement/apprentissage du français à Madagascar
BIBLIOGRAPHIE
SITOGRAPHIE ET WEBOGRAPHIE
ANNEXES