Le Chantier des Cultures, vers une nouvelle gouvernance des politiques culturelles grenobloises ?
La nouvelle majorité a pris l’engagement de donner de la transparence et de la lisibilité à ses politiques publiques pour permettre aux acteurs de s’inscrire dans une dynamique qui veut concerner toutes les formes culturelles et artistiques ainsi que tous les publics, pérenniser voire développer l’excellence, favoriser les innovations et renforcer les passerelles avec l’éducation et la formation à tous les âges de la vie, et cela en relation avec les partenaires institutionnels.
La délibération votée en conseil municipal le 21 juillet 2014 initie un travail qui concerne l’ensemble des politiques publiques de la Ville de Grenoble. Elle vise à poser un cadre d’analyse qui permette d’expliciter les choix de la municipalité en matière de soutien aux acteurs associatifs. Différents critères, qui pour certains d’entre eux sont déjà communs aux autres secteurs (sport, éducation, jeunesse, environnement, action sociale etc.), devront être croisés et permettre l’émergence et la mise en valeur de projets communs.
Enfin, l’évaluation des politiques publiques menées par la Ville étant au cœur de ses engagements, ces objectifs qui sont encore à consolider et à expérimenter avec les grenoblois, devront permettre de rendre des comptes à la population et d’entendre les besoins d’évolution.
Tant à destination des publics que des acteurs culturels municipaux et associatifs, la politique culturelle grenobloise doit être exposée à tous, dans un soucis de démocratisation, et permettre une meilleure compréhension de ses enjeux et de la répartition des aides qui sont apportées.
Il s’agit ainsi de rendre plus lisibles des orientations de politique culturelle en associant les habitants, ainsi que les acteurs culturels – publics et associatifs, amateurs et professionnels
– aux processus de décision et d’évaluation des projets mis en œuvre ; en ouvrant à tous l’accès aux informations et aux choix de la municipalité ; en valorisant les soutiens municipaux et en affichant les axes et les objectifs de politique culturelle.
Le Chantier des Cultures se compose de plusieurs instances, ayant des objectifs différents.
Dans sa globalité, il doit répondre aux grands axes précisés ci-dessus, tout en s’inscrivant dans une démarche démocratique, de transparence et de meilleure lisibilité de la politique culturelle. Dans ce cadre, deux réunions publiques ont déjà eu lieu. La 1 ère , qui s’est déroulée le 8 Décembre 2014 au théâtre municipal, a réuni près de 600 personnes. Elle avait pour objectif d’introduire la démarche du Chantier des Cultures et d’interroger les grenoblois sur trois points : dans quel état d’esprit êtes vous venus ce soir ? Aujourd’hui la culture à Grenoble c’est … ? Demain, à Grenoble la culture ce serait … ?
La seconde, co-présentée par Lucille Lheureux, adjointe à l’espace public et à la nature en ville, a réuni environ 200 personnes et portait sur « l’Espace public en questions ». Le bilan de ces réunions étant très mitigé, la réflexion a été engagée pour les suites de ces réunions publiques. Afin d’aider les élus à la prise de décision et d’évaluer collégialement les projets culturels, deux types de comités ont été instaurés, placés sous la présidence de l’adjointe aux cultures : les comités d’avis et les comités de suivi. Ils sont composés de quatre élus à la majorité et de deux élus à l’opposition qui y représentent la diversité des politiques publiques (action sociale, territoires, ressources etc.) afin de favoriser la transversalité de l’action municipale. Les comités de suivi sont organisés pour les établissements publics, les délégations de service public ainsi que pour les associations conventionnées, soutenus au titre de leur fonctionnement et qualifiés d’opérateurs culturels. Ils ont pour objectif, une fois par an, de partager et d’évaluer les bilans et les projets des établissements et des structures, et de veiller à l’interaction de ces partenaires entre eux et avec le reste du tissu culturel et socioculturel grenoblois.
Pour la saison culturelle 2014-2015, l’instance du Comité de Suivi a permis d’appréhender plus facilement les difficultés rencontrées par le Théâtre Prémol – situé dans le quartier de la Villeneuve – qui a brulé au mois d’avril, laissant l’équipe sans toit, contrainte d’abandonner sa saison.
Grâce à un comité de suivi exceptionnel, les opérateurs se sont réunis et la solidarité dont ont fait preuve les uns et les autres a permis à l’équipe du théâtre de poursuivre et terminer sa saison culturelle, et d’envisager le déroulement de la prochaine saison, qui se fera en hors les murs (les dates prévues au Théâtre Prémol seront accueillies dans différents lieux culturels de la ville).
Les comités d’avis traitent quant à eux les dossiers de demandes de subventions et les aides accordées par la Ville aux acteurs culturels. Ils se réunissent trois fois par an et sont composés outre des élus, de quatre personnalités qualifiées invitées à partager l’instruction des projets ; quatre habitants, volontaires tirés au sort ; des services de la Directions des Affaires Culturelles, en charge de l’organisation des comités et de l’instruction des demandes de subvention. Tous les dossiers sont répartis dans les trois comités par ordre de priorité – en fonction des dates auxquels se déroulent les projets qui sollicitent une aide par exemple – et sont à chaque fois présentés synthétiquement par les agents de la Ville.
S’engage ensuite une discussion puis un avis du comité, qui sera soumis pour délibération au Conseil Municipal suivant.
Dans ce cadre, 174 demandes de subventions ont été étudiées par le Comité d’avis, représentant un montant de 8,3 millions d’euros (hors valorisations). Sur ces 174 demandes, 106 ont été acceptées (42 dossiers en théâtre et danse, 31 dossiers en musique, 18 en arts plastiques et cinéma, 12 en livre et patrimoine et 3 en dossiers divers) pour un total de 5,49 millions d’euros. Dans un contexte difficile d’attributions de subventions (baisse des dotations de l’Etat et hausse du nombre de demandes), les comités d’avis ont permis la discussion et l’échange autour de dossiers qui parfois soulèvent des opinions différentes. S’il y a des choses à redire sur le déroulé de ces comités, la ‘’1 ère session’’ reste cependant plutôt positive. L’expérience devrait être reconduite pour l’année prochaine, même si quelques questions d’ordre organisationnel subsistent encore.
Depuis 2010, le CCAS et la Ville de Grenoble – à travers le service de Développement Culturel et Artistique de la Direction aux Affaires Culturelles -, travaillent ensemble à la mise en œuvre d’un dispositif, qui s’appuie sur la culture en tant qu’outil de développement social et territorial.
LA DIRECTION DE L’ACTION SOCIALE TERRITORIALISEE DU CCAS
Le CCAS de la Ville de Grenoble, établissement public administratif, régi par le Code de l’action sociale et des familles, est apparu très tôt dans l’histoire locale comme »l’animateur d’une action générale de prévention et de développement social », et comme l’instrument de la politique d’action sociale conduite par la Ville de Grenoble.
Le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS)
Lorsque l’on se renseigne à propos de l’action menée par le CCAS de la Ville de Grenoble, il faut passer par le site de la Ville. Celui-ci précise ses orientations, ses missions et ses actions. Pour mener à bien son projet, et avoir une action cohérente sur le territoire grenoblois, le CCAS a toujours manifesté un fort attachement au partenariat. Le plus souvent manifesté par des conventionnements, tant avec les institutions d’action sociale (celles émanant de l’Etat, la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et l’Agence régionale de Santé, mais aussi la Caisse d’Allocations Familiales de l’Isère, des services du Conseil Général de l’Isère, la CARSAT Rhône Alpes, des services de la METRO…) qu’avec des associations de tous ordres (prestataires de service ou non), l’action aujourd’hui engagée par le CCAS est conçue comme une « action sociale pour tous » qui se structure autour de trois exigences fortes :
– une volonté de redistribution directe, en faveur des ménages fragilisés par la crise, allant donc au-delà des seules personnes en situation d’exclusion.
– une valorisation du sens collectif face aux mécanismes d’individualisation des aides et des parcours.
– une recherche de mixité sociale et intergénérationnelle, de fraternité, pour développer – à l’échelle des secteurs – les liens entre les habitants d’une ville-centre qui concentre, comme ses homologues, l’ensemble des contradictions et souvent des injustices de notre société.
A travers ces grands objectifs, le CCAS de a Ville de Grenoble met en œuvre des missions d’action sociale obligatoires. Mais il est aussi reconnu en France comme une structure menant un certain nombre de missions facultatives comme l’aide sociale et la lutte contre la précarité. Ces missions se traduisent par 5 grandes politiques :
– La politique de développement social : elle se décline à l’échelle des secteurs afin de favoriser et faciliter l’accès aux droits et lutter contre le non recours ; adapter l’offre de service aux réalités de chaque territoire de la Ville ; promouvoir l’action collective des habitants pour améliorer leur vie quotidienne et développer les liens sociaux et la fraternité dans la ville, la mixité entre générations et la compréhension interculturelle.
– La politique redistributive et de lutte contre la précarité : le CCAS promeut le principe d’une action sociale pour tous. De nombreuses plateformes ou dispositifs d’aide sont dans le cadre de cette politique relayés auprès de la population par le biais des Maisons des Habitants (MDH).
– La politique d’insertion sociale et de lutte contre l’exclusion sociale : elle mobilise les compétences de différentes institutions (POHI et SATIS ) pour permettre un meilleur accès à l’offre d’hébergement, et soutenir les familles sans référent social ou sans domicile fixe. Elle a aussi vocation à valoriser les compétences de Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) gérés par le CCAS dont l’action territoriale n’est pas négligeable.
Pôle Orientation Hébergement Insertion (POHI) et Service d’Accompagnement Temporaire vers l’insertion (SATIS)
– La politique d’action sociale petite enfance : Il s’agit de concilier les objectifs d’une politique familiale centrée sur l’intérêt des parents et le travail féminin avec ceux d’une politique sociale centrée sur l’enfant et son développement, en faisant de la Petite Enfance un levier contre les inégalités, et ce, bien au-delà de la construction d’équipements. Le dispositif Parler Bambin par exemple, généralisé à l’ensemble des Equipements d’Accueil du Jeune Enfant (EAJE) du CCAS en 2012, vise à améliorer l’acquisition si essentielle des compétences langagières par tous les enfants.
– La politique d’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie : elle a pour priorité le maintien à domicile. Plusieurs axes basés essentiellement sur des partenariats forts structurent l’action du CCAS en la matière : le développement d’un service de soins infirmiers à domicile de qualité, aujourd’hui complété d’une Equipe mobile et spécialisée en faveur des personnes âgées souffrant de la maladie d’Alzheimer ; une gestion optimisée d’Etablissements Hospitaliers pour Personnes Agées Dépendantes (EPHAD) etc.
On observe ainsi que l’action du CCAS est très développée sur le territoire grenoblois, et qu’elle est de ce fait reconnue et importante, voire nécessaire pour de nombreux usagers.
Mais ‘’l’organe’’ CCAS représente une entité dans sa globalité. En effet, plusieurs organismes sont chargés d’appliquer territorialement les différentes politiques sociales citées ci-dessus. L’organisme principal est la Maison des Habitants.
LES SERVICES ‘’DÉCONCENTRÉS’’ DU CAS : LES MAISONS DES HABITANTS, RELAIS TERRITORIAUX DE LA POLITIQUE SOCIALE
Implantées au cœur des différents quartiers de la ville de Grenoble, les Maisons des habitants sont reconnues pour leur capacité à s’appuyer sur la participation et sur l’implication des habitants. Leur dimension généraliste ainsi que la multiplicité des professionnels au sein d’un même équipement en font des atouts pour garantir un accueil et une orientation des usagers, pour assurer une prise en compte des personnes en situation de précarité et agir sur les mécanismes de non recours.
Elles mènent de nombreuses missions en partenariat, en veillant toujours à privilégier le maillage entre acteurs locaux. Equipements polyvalents et à vocation territoriale, agréées centre social, les 11 MDH présentes dans toute la ville sont caractérisées par leur dimension d’accueil et d’action collective, d’animation et de développement du lien social. Ces dernières années, l’action de ces équipements a été ‘’amplifiée’’ au niveau des quartiers, grâce à des opérations de regroupement et de mutualisation entre les équipements (MJC, centres sociaux et antennes mairies). En effet, les rendre plus accessibles, mais aussi permettre le développement d’une proximité – auprès des publics et en termes d’implantation territoriale – dans les actions portées par les centres sociaux, par la municipalité et par les MJC a été la base de l’entreprise de ce changement. Il a ainsi permis la mise en œuvre de projets communs – traduits par des conventions d’objectifs, un accueil ou une direction commune etc. -, et de donner plus de cohérence aux actions menées sur les différents territoires de la ville de Grenoble. Grâce à cela, les équipes des MDH sont aujourd’hui beaucoup plus polyvalentes, puisqu’elles regroupent en leur sein de nombreux professionnels, aux compétences différentes, mais qui se complètent, et qui permettent un meilleur service auprès des usagers.
Au-delà du projet de chaque Maison en tant que centre social, ayant une action de proximité, cette orientation s’est aussi traduite par la naissance de projets portés par les institutions que représentent la Ville ou la CAF par exemple, qui sont venues nourrir le socle d’action des MDH en développant des dispositifs et des cadres d’intervention communs à tous les grenoblois : paniers solidaires, découverte culturelle, réseau d’échanges réciproques de savoirs (RERS), dispositif vacances… Ces dispositifs ont pris appui sur les politiques redistributives mises en œuvre par le CCAS et sur un système moins stigmatisant, moins encadré et davantage ouvert à tous.
DIRECTION DES AFFAIRES CULTURELLES DE LA VILLE DE GRENOBLE
La Direction des Affaires Culturelles (DAC) est constituée de sept services, cinq équipements culturels en régie directe et deux services centraux, qui assurent le service à la population en matière de soutien à la création, de diffusion, de pratiques artistiques et culturelles et de soutien au patrimoine. Sa qualité de 3 ème budget municipal résume l’importance de ce secteur au sein de l’action menée par la collectivité. Il mobilise 440 agents, soit environ 15% de l’effectif total et répond à deux missions principales :
• l’action directe en direction des publics : service public à la population par le biais des équipements culturels municipaux.
• la coordination et le financement de l’action culturelle qui est gérée au sein des services centraux.
Des politiques et des projets
Lorsque l’on replace la politique culturelle que la Ville de Grenoble met en place dans un contexte plus général, il faut noter que la politique de la municipalité dans son ensemble est organisée autour d’axes forts, qui ont été définis dans le plan de mandat 2014-2020 élaboré par la majorité depuis le printemps 2014.
Ainsi, comme le reprécise le document de présentation budgétaire publié en 2015 par la Ville de Grenoble , la priorité est donnée à trois orientations politiques majeures que sont l’entretien d’une ville durable, notamment à travers la valorisation de ses espaces publics ; émancipatrice, pour que chacun puisse pratiquer une activité culturelle et sportive et avoir accès aux formes d’expressions de son choix, des plus reconnues aux plus marginales ; citoyenne, dans laquelle on met l’accent sur l’éducation ; et enfin solidaire, à travers l’attention qui est donnée à l’action sociale.
LE DISPOSITIF PASS CULTURE
Le dispositif pass culture répond au besoin de mettre en place une véritable politique publique basée une action culturelle de proximité impliquant les MDH et les différents équipements ou associations culturels de la ville de Grenoble. C’est un outil qui contribue à faire de l’accès à la culture un vecteur de relations et de rencontres entre les habitants tout en permettant l’ouverture à un public diversifié. Il a aussi pour objectif de structurer dans la durée les relations de milieux professionnels ‘’éloignés’’ mais que tout rapproche.
Un stage au cœur de la Direction des Affaires Culturelles
Alors que mon stage avait commencé au CCAS de la Ville de Grenoble, une évolution dans mes missions, ainsi que des problèmes de suivi du côté du CCAS m’ont permis dans un 1 er temps de me rapprocher des services de la DAC, pour finalement m’y installer définitivement. Étant donné que le dispositif sur lequel j’ai travaillé est porté part les deux directions, j’ai gardé un lien très étroit avec le CCAS. C’est ainsi au cœur de la Direction des Affaires Culturelles, au sein du service de développement culturel et artistique que j’ai effectué mon stage. Chaque structure a un interlocuteur privilégié au sein du service selon son domaine. Ce sont les chargés de secteur. Ils sont relais à la fois auprès des structures ou acteurs culturels grenoblois et de l’élue.
Dans sa position de 1 er interlocuteur face aux acteurs culturels, il est aussi le 1 er interlocuteur en termes de subventions. Si les demandes sont faites à la DAC, c’est aux agents du service DCA – aux chargés de secteurs, accompagnés par Eve-Vincent Franeckel, chef de service – qu’il incombe de traiter les demandes, d’instruire les dossiers et d’échanger en la matière avec les demandeurs. Dans le contexte actuel de baisse des dotations, le budget culture de Grenoble, même s’il reste le 3 ème de la Ville, est lui aussi touché. La décision d’accorder, de refuser ou de faire varier une subvention est un processus complexe, qui témoigne des équilibres fragiles du monde culturel du territoire grenoblois. La Ville se doit, face au vivier associatif particulièrement actif qui la caractérise, de garantir un équilibre entre chacune de ces associations et que ces dernières contribuent à leur juste place au dynamisme culturel et artistique de Grenoble. Par conséquent, les chargés de secteurs sont des spécialistes dans une ou plusieurs disciplines artistiques, et travaillent sur les différentes thématiques. Mais ils ne travaillent jamais seuls, pour éviter trop de sectorisation, et permettre une meilleure lecture des politiques culturelles mises en œuvre sur le territoire grenoblois, une mutualisation et un partage des informations sont nécessaires.
Par les partenariats qu’elle noue et les actions qu’elle développe, la Ville de Grenoble s’attache à répondre à des enjeux de cohésion sociale : prise en compte de l’ensemble des publics et des territoires, avec leurs spécificités, en privilégiant la mixité, le croisement et la complémentarité. Ainsi les champs de l’action culturelle, l’éducation artistique, les cultures urbaines, les pratiques amateurs, l’accessibilité, font-ils l’objet d’une approche transversale relevant aussi bien de l’éducation, de l’action territoriale, du sport, de la santé que de l’aménagement urbain. Les équipements municipaux sont fortement impliqués dans cette démarche, de même que le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) et d’autres acteurs associatifs. A l’écoute des publics, sensible à l’originalité/la spécificité des territoires qui la composent, la Ville de Grenoble par sa politique culturelle veille à préserver un équilibre entre une action de proximité et un rayonnement international, dans un souci de démocratisation culturelle. La sensibilisation à l’art et à la culture, sur le temps scolaire mais aussi tout au long de la vie, est un enjeu de démocratisation culturelle.
Le territoire grenoblois présente un foisonnement de propositions et d’acteurs culturels, sociaux et éducatifs qu’il est nécessaire de coordonner en mettant en place un cadre de travail partagé et des outils communs. C’est dans ce cadre que s’inscrit le dispositif pass culture.
Un dispositif « d’accès à la culture pour tous, et tous ensemble »
Depuis quatre années maintenant, le CCAS et la Ville de Grenoble, à l’initiative d’Eliane Baracetti et d’Olivier Noblecourt, alors élus à la culture et au social de la Ville de Grenoble, travaillent main dans la main au développement et à la mise en œuvre d’un dispositif commun : le pass culture.
Le dispositif consiste à permettre, à tout Grenoblois acquéreur d’une carte Pass Culture, l’accès à un panel de spectacles, expositions, visites, animations, proposé par les équipements culturels Grenoblois, par l’intermédiaire des MDH/Centres Sociaux. Il s’agit de dépasser l’accessibilité financière et culturelle des publics en proposant des sorties à faible coût, sur la base d’une carte (le Pass Culture). Celle-ci est gratuite pour les personnes non imposables, et coûte 12 euros pour les personnes qui le sont et permet de bénéficier d’un tarif préférentiel entre 0 et 5€en fonction de la sortie culturelle choisie. La compensation financière se fait par le CCAS et la Ville de Grenoble, sur la base de prix négociés avec les organismes culturels – les prix pratiqués s’appuient dans la plupart des cas sur les tarifs les plus bas proposés au public hors pass culture.
Outre la facilité d’accès, le Pass Culture propose le principe de sortir ensemble. Ce principe a fait – et fait encore aujourd’hui – partie des piliers du dispositif. En effet, au vu des objectifs du départ, il s’agissait outre de permettre une accessibilité financière aux habitants, de leur permettre de dépasser une certaine appréhension face au milieu culturel
– comme par exemple surmonter la difficulté que peut représenter l’entrée à la MC2 -, mais surtout de favoriser l’échange et la rencontre entre les personnes, par le principe de se retrouver pour partager une expérience culturelle.
Par ailleurs, il est convenu que chaque partenaire culturel propose en sus de la prestation culturelle, une proposition supplémentaire : rencontre avec les artistes, visite des coulisses, présence aux répétitions, visite guidée par exemple. Ces options constituent une valeur ajoutée importante du projet et renforcent l’exception de chaque proposition. Elles permettent aux adhérents du dispositif une forme de découverte culturelle ; une rencontre et des échanges avec des professionnels du milieu culturel ou des artistes mais aussi, et surtout, le partage d’une expérience et d’un temps. Fort de quatre années d’expérience, aux bilans mitigés, et de la volonté des nouveaux élus aux cultures et à l’action sociale, une cinquième saison a été lancée, en revoyant certains points du dispositif.
En effet, si les objectifs fixés années après années ont été en partie atteints, des points de déséquilibre se sont affirmés au fil des années. Face à des bilans mitigés de la part des Maisons des Habitants, ainsi que de la part des équipements ou associations culturel(les) partenaires, un séminaire a été organisé le 21 janvier 2015 par la Ville et le CCAS. Il avait pour objectif que les MDH et des équipements culturels municipaux partagent leur bilan du dispositif et réfléchissent, ensemble, à des perspectives d’évolution.
De cette rencontre sont ressortis quelque points forts du dispositif : une offre diversifiée et de qualité, des partenaires culturels très impliqués et pour certains, très moteurs, une démarche participative inclusive et valorisante pour les participants, un rôle de découverte véritablement joué pour certains publics, une aide financière et à la mobilité pour une offre accessible. Mais aussi des points faibles ou qui devraient être améliorés : les populations les plus éloignées de la culture ne sont pas les plus touchées, le dispositif voit la part des non imposables baisser au profit des ménages imposables, de saison en saison, le principe du sortir ensemble n’est pas systématiquement observé ou respecté, le dispositif s’est parfois mué en guichet, les professionnels des MDH sont submergés sous le poids du dispositif et n’arrivent plus à donner un sens à cette pratique, au vu de leurs missions sociales.
Face à ces constats, il apparaissait important de repenser le projet en revoyant ses objectifs et ses modalités d’organisation et de fonctionnement, tout en gardant les points forts évoqués et en élaborant des propositions adaptées au cadre budgétaire contraint.
Démarche de travail et perspectives d’évolution
Dans ce contexte de « remaniement » du dispositif, il s’agissait de réfléchir à la méthode que nous allions employer pour la déclinaison et la mise en place de propositions pour l’évolution du pass culture. L’enjeu était de réussir à composer, dans un calendrier très court, une ou des propositions d’évolution, qui corresponde plus à la réalité et à la diversité des territoires concernés par le dispositif, et surtout qui s’inspirent des pratiques culturelles des habitants, déjà existantes au sein des MDH, et souvent insoupçonnées. Comme expliqué ci-dessus, le pass culture est accessible à tous les grenoblois, par le biais des MDH. Chacune d’entre elles se situe sur un territoire spécifique, avec des caractéristiques qui lui sont propres, ayant jusqu’à présent rendue l’appropriation du dispositif très différente en fonction des MDH.
En effet, la notion de quartier et d’appartenance à celui-ci, au travers des pratiques et du quotidien des habitants, sont essentiellement liés à l’action de proximité développée par les professionnels des MDH, comme ceux des équipements ou associations culturels qui y sont installés. Pour une partie de la population, l’image de la ville semble être indissociable des valeurs et représentations qui sont associées à leur quartier. Ce sentiment fort est sans doute principalement lié au fait que c’est un lieu de sociabilité important, très marqué par des milieux associatifs parfois hyperactifs, qui travaillent beaucoup autour de la participation et l’implication habitante. Au fil des saisons, les deux principaux écueils du dispositif relevés par les professionnels de la culture et au sein des MDH ont commencé à être ressentis par les usagers, qui d’une MDH à l’autre ne retrouvaient pas les mêmes manières de fonctionner, et se voyaient parfois refuser des places, alors qu’ils pensaient le dispositif pass culture – et qu’il leur avait parfois même été présenté en tant que tel – comme un dispositif ‘’social’’ qui serait réservé aux usagers des MDH. Tout était finalement très confus autour du pass culture, que ce soit pour les habitants, ou pour les professionnels.
Dans la perspective de faire évoluer le dispositif, il s’agissait pour moi d’aller à la rencontre des acteurs concernés par la question : les professionnels des MDH, les habitants et les partenaires culturels, afin d’échanger avec eux.
Une expérience de stage enrichissante et formatrice
Les missions qui m’ont été confiées pendant ces six mois à la Ville de Grenoble m’ont beaucoup intéressées de par leur variété et leur différence avec ce que j’avais pu faire auparavant. Elles m’ont aussi permis de découvrir le fonctionnement de deux collectivités : une Ville et un CCAS, bien que mon expérience ne soit pas la même dans les deux, et que j’ai une moins bonne connaissance du CCAS que de la Ville. J’ai aussi pu découvrir le fonctionnement d’une Direction des Affaires Culturelles et son travail au quotidien. Car si j’ai eu l’occasion de faire un stage d’un mois à la mairie de Nyons, dans la Drôme, l’expérience n’est pas comparable car la Ville de Nyons ne dispose pas d’une DAC. Elle est simplement composée d’une chargée de mission, en lien direct avec l’élue, qui pourrait s’apparenter à une technicienne dans ses tâches quotidiennes, bien qu’elle endosse le rôle de porteuse de politiques publiques. Gardant cette expérience en ‘’petite’’ mairie en tête, j’appréhendais de me retrouver dans une si grande collectivité que celle de Grenoble – qui ne compte pas moins de 3000 agents -, de me perdre dans son fonctionnement et d’être éloignée du terrain. Mais très vite, ces aprioris se sont effacés pour laisser place au plaisir de découvrir une municipalité très proche des citoyens et qui tente de simplifier son administration pour la rendre plus lisible et plus accessible. En effet, j’ai rencontré au quotidien – aussi bien à travers mes missions de stage qu’au fil des jours à la DAC – de nombreux acteurs associatifs, institutionnels, et même des habitants, et ce, sans compter les différents acteurs publics impliqués dans les projets qui se rapprochent de près ou de loin des services de la DAC.
J’ai tout de suite été très bien encadrée par Clément Bodeur-Crémieux, Eve Vincent Fraenckel et surtout Manon Vidal, qui m’a permis d’appréhender plus facilement la vie au sein du service, et sans qui, ce stage aurait été un échec. Chaque jour, grâce à toute une équipe très bienveillante, j’ai été accompagnée et guidée dans mes missions, tout en m’accordant pleinement leur confiance et me laissant prendre des initiatives. Ces missions m’ont permis de travailler en autonomie, tout en étant toujours en lien avec le reste de l’équipe, une équipe soudée dans laquelle il ne m’a pas été difficile de m’intégrer.
J’ai, grâce à cette expérience, développé et approfondi un certain nombre de compétences qui m’ont permis d’acquérir une méthodologie de travail construite et mure à travers la compréhension des attentes des différents acteurs concernés par un projet – acteurs publics et professionnels sur le terrain ou habitants -, la capacité à faire des propositions en termes de traduction d’un travail de réflexion engagé, la mise au point d’outils de planification, d’analyse et d’évaluation, la rédaction de notes et de synthèses ou comptes rendus, le travail en équipe et les échanges, le travail entre une administration et ses élus. Cette expérience aura pour moi été vraiment très formatrice. Je n’avais aucune réelle connaissance du milieu des collectivités et j’avais vraiment pour objectif de définir ou plutôt de préciser grâce à ce stage mes envies pour la suite. Comme j’avais de nombreux aprioris, et du fait que je ne me voyais pas présenter un concours pour travailler dans un milieu que je ne connaissais pas, j’avais décidé de ne pas présenter le concours d’attaché territorial cette année. Cette expérience à la mairie m’a fait réaliser que je suis aujourd’hui prête à travailler dans une collectivité. Mais je pense que ma préférence irait vers une municipalité.
Car j’ai aussi réalisé que la Ville est sur n’importe quel territoire le 1 er interlocuteur pour les habitants, ainsi que pour les professionnels, encore plus dans le milieu de la culture. Je souhaite garder cette proximité avec les citoyens et avec le terrain, à mes yeux primordiale pour la mise en œuvre de politiques publiques cohérentes et en adéquation avec leterritoire sur lequel elles interviennent.
Je tire donc un bilan très positif de ce stage, mais m’interroge quand aux suites du dispositif. En effet, si le dispositif tel que je l’ai repensé – sous le couvert de Manon Vidal, ainsi que des chefs de service de la DAC et de la DAST du CCAS -, sera mis en œuvre dès la rentrée prochaine, de nombreuses interrogations subsistent quant à son futur, et quant à la forme réelle qu’il va prendre durant l’année prochaine. J’aurais aimé pouvoir prendre part à la suite du projet, participer à sa mise en œuvre et suivre son évolution et son évaluation en fin d’année prochaine.
Au delà de ma mission sur l’évolution du dispositif pass culture, j’ai aussi travaillé sur le suivi et la mise en œuvre du Chantier des Cultures. Les problématiques inhérentes à la mise en œuvre d’une politique culturelle qui soit plus participative ont elles aussi fait partie de mon quotidien à la DAC, et il me semblait important d’approfondir cesquestions.
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Table des matières
LISTE DES SIGLES UTILISES
INTRODUCTION
GRENOBLE, UNE VILLE DURABLE, SOLIDAIRE, EMANCIPATRICE ET CITOYENNE
I. « UNE DEMOCRATIE RENOUVELLÉE : UN POUVOIR D’AGIR POUR CHAQUE HABITANT »
A. LES CONSEILS CITOYENS INDEPENDANTS (CCI)
B. LE BUDGET PARTICIPATIF
II. CULTURE ET POLITIQUES CULTURELLES À GRENOBLE
A. UNE POLITIQUE CULTURELLE AUX MULTIPLES ACTEURS
B. UN FOISONNEMENT DE STRUCTURES, DE PROJETS, D’INITIATIVES
C. LE CHANTIER DES CULTURES, VERS UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DES POLITIQUES CULTURELLES GRENOBLOISES ?
CCAS / DAC : DEUX SERVICES, DEUX ACTIONS
UN PROJET
I. LA DIRECTION DE L’ACTION SOCIALE TERRITORIALISEE DU CCAS
A. LE CENTRE COMMUNAL D’ACTION SOCIALE (CCAS)
B. LES SERVICES ‘’DÉCONCENTRÉS’’ DU CCAS : LES MAISONS DES HABITANTS, RELAIS TERRITORIAUX DE LA POLITIQUE SOCIALE
II. DIRECTION DES AFFAIRES CULTURELLES DE LA VILLE DE GRENOBLE
A. DES POLITIQUES ET DES PROJETS
B. PRESENTATION ADMINISTRATIVE
III. LE DISPOSITIF PASS CULTURE
A. UN STAGE AU CŒUR DE LA DIRECTION DES AFFAIRES CULTURELLES
B. UN DISPOSITIF « D’ACCES A LA CULTURE POUR TOUS, ET TOUS ENSEMBLE »
C. DEMARCHE DE TRAVAIL ET PERSPECTIVES D’EVOLUTION
D. UNE EXPERIENCE DE STAGE ENRICHISSANTE ET FORMATRICE
LE CHANTIER DES CULTURES : LABORATOIRE DE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE A GRENOBLE
I. LA DÉMOCRATIE LOCALE : UN EUJEU GRANDISSANT POUR LES COLLECTIVITÉS
A. DE LA GOUVERNANCE A LA PRODUCTION DE POLITIQUES PUBLIQUES BASEES SUR LA PARTICIPATION
B. UNE FORME DE DEMOCRATIE QUI SOULEVE DE NOMBREUX ENJEUX
C. UN SYSTEME QUI SE CONFRONTE A UN CERTAIN NOMBRE DE LIMITES
II. QUAND LA PARTICIPATION HABITANTE DEVIEN UN ENJEU POLITIQUE CULTURELLE : EXEMPLE DE LA VILLE DE GRENOBLE
A. UNE REDEFINITION NECESSAIRE ENTRE DEMOCRATIE ET DEMOCRATISATION CULTURELLE
B. DES ENJEUX DE TAILLE EN TERMES DE REDEFINITION DES POLITIQUES CULTURELLES
C. UNE DEMARCHE QUI DEMANDE DU TEMPS POUR OBTENIR DES RESULTATS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
SITES INTERNET
ANNEXE 1 : DÉLIBERATION MUNICIPALE CONCERNANT LE DISPOSITIF PASS CULTURE – CONVENTION DE PARTENARIAT ENTRE LA VILLE ET LE CCAS DE LA VILLE DE GRENOBLE
ANNEXE 2 : FICHE SYNTHESE DU NOUVEAU DISPOSITIF PASS CULTURE
ANNEXE 3 : ORGANIGRAMME DE LA DAC