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L’étude des changements d’occupation des sols en milieu urbain et péri-urbain
L’urbanisation provoque des changements importants de l’occupation des sols et des activités qui sont à l’origine de la dégradation croissante des écosystèmes et de la LEFEBVRE, Antoine. Contribution de la texture pour l’analyse d’images à très haute résolution spatiale : application à la détection de changement en milieu périurbain – 2011 1.1. Problématique et enjeux de l’évolution de l’occupation des sols en milieu urbain et péri-urbain
santé des citoyens. Les villes consomment des ressources naturelles, émettent aussi des polluants et produisent divers déchets, ce qui entraîne différents types de pollutions, une artificialisation des sols, et des ruptures d’équilibre au sein des flux qui régissent le fonctionnement du système urbain [Kalil 2010]. Ainsi, la préservation, voire la restau-ration des écosystèmes sont devenues un des enjeux majeurs actuels du développement urbain.
La majeure partie des villes sont confrontées à une série de problèmes environne-mentaux telles que la dégradation de la qualité de l’air et de l’eau, l’émission de gaz à effet de serre, la production de déchets et d’eaux usées, ou encore l’étalement ur-bain. Les principales causes de ces problèmes ont été identifiées [Rousseau 1992] : la croissance démographique, la modification des modes de vie avec la dissociation des lieux de travail et d’habitat qui entraîne l’augmentation croissante de l’utilisation des voitures, l’utilisation croissante des ressources naturelles, et la densification des villes qui entraîne des problèmes de circulation, de bruit et de pollution.
Face à ces problèmes, les principaux enjeux environnementaux à l’échelle urbaine, qui ont été récemment recensés par Kalil [Kalil 2010] sont les suivants :
– La gestion des milieux « naturels » : la biodiversité (faune et flore) repré-sente un des éléments contributifs à la qualité du cadre de vie et à l’équilibre de l’écosystème urbain [Clergeau 2007]. Des programmes locaux, nationaux et inter-nationaux sont actuellement menés afin d’améliorer le patrimoine naturel en ville. Le suivi de l’évolution de l’organisation des structures paysagères qui, au sein de l’espace, influent sur les flux de populations animales et végétales, en particulier sur leur isolement, constitue donc un enjeu de taille pour la biodiversité.
– La préservation ou la restauration de la qualité de l’air : la pollution de l’air qui est générée par les activités industrielles, la circulation routière et le chauffage a des effets reconnus sur la santé et l’environnement. La qualité de l’air (extérieur, mais aussi intérieur) est considérée aujourd’hui comme un des enjeux majeurs en terme de santé publique. Ainsi, la plupart des communautés urbaines en France ont mis en oeuvre des systèmes de surveillance permanente de la qualité de l’air et développent des moyens de transport en site propre afin de réduire les sources d’émission de polluants.
– La gestion de la qualité de l’eau : la préservation de la qualité de l’eau est un enjeu vital, tant pour l’homme que pour les écosystèmes. Les prélèvements effectués sur la ressource en eau pour le développement économique et social, que ce soient pour les usages industriels, domestiques, agricoles ou d’aménagement urbain, entraînent des problèmes de gestion de la ressource, tant sur le plan de la qualité (rejets polluants qui impliquent des coûts importants de retraitement) que de la quantité (pénurie observée dans certains cas).
– La gestion de l’énergie : la consommation croissante d’énergie en ville pour le chauffage, les activités industrielles, les transports et l’aménagement urbain entraîne des problèmes tels que l’épuisement des ressources fossiles (charbon, pé-trole), l’augmentation de la production de gaz à effets de serre et de déchets. En France, des programmes de maîtrise de l’énergie sont mis en oeuvre par l’État et les collectivités territoriales afin de réduire cette consommation d’énergie, no-tamment en finançant des opérations mobilisant des énergies renouvelables.
– La gestion des déchets : l’urbanisation entraîne une augmentation des déchets ménagers et des déchets produits par les différents domaines d’activités profes-sionnelles. La gestion de ces déchets nécessite des efforts importants, en amont afin de réduire l’utilisation des ressources naturelles, et en aval pour procéder à leur traitement et réduire ainsi leurs impacts sur l’environnement.
Les caractéristiques du milieu urbain
La ville est un milieu complexe et dynamique, construit par des hommes et des sociétés, des activités et des fonctions diverses [Paulet 2005]. Espace extrêmement an-thropisé, la ville est un milieu hautement hétérogène, où les ruptures structurales sont nombreuses, créant ainsi un contexte discontinu et complexe [Weber 1995]. La spécifi-cité du milieu urbain réside dans sa forte hétérogénéité, la taille réduite des objets qui la composent et qui se succèdent sur de petites distances, lui conférant ainsi une forte fréquence spatiale [Barles et al. 1999]. Son caractère hétérogène est dû à la grande va-riété de ses surfaces, comprenant des surfaces minérales, métalliques, chlorophylliennes et hydriques. L’espace urbain forme ainsi une mosaïque urbaine.
Du point de vue de l’écologie du paysage, la ville est considérée comme un paysage spatialement hétérogène composé de multiples taches qui interagissent entre elles à l’intérieur de la ville comme au-delà de ses limites [Aguejdad et al. 2006, Wu 2008]. Généralement, l’écosystème urbain est décrit en opposition à l’écosystème rural. L’es-pace urbain se distingue d’abord de l’espace rural par une présence de l’homme et du bâti beaucoup plus forte qui se traduit par une densité élevée de la population et des surfaces bâties, et la conjonction de fonctions résidentielle, commerciale, industrielle et infrastructurelle. Ainsi, le paysage urbain est plus hétérogène que le paysage rural. De plus, l’espace urbain est caractérisé par une biodiversité (faune et flore) différente de celle des espaces naturels ou agricoles [Clergeau 2007].
Toutefois, la distinction entre espace urbanisé et espace rural ou naturel n’est pas synonyme de rupture entre les deux systèmes, et dans le contexte d’une urbanisation croissante, la dichotomie ville-campagne ou urbain-rural n’est plus vraiment nette. En considérant la ville comme un écosystème, Clergeau [Clergeau 2007] préfère plutôt utili-ser le terme de macro-écosystème ou mieux, de paysage urbain, cet espace étant plutôt composé d’un ensemble d’écosystèmes qui s’interpénètrent et forment une mosaïque d’habitats [Wu 2008].
Les changements en milieu urbain/péri-urbain : des conversions qui entraînent une fragmentation des paysages
Le processus d’urbanisation se manifeste à travers des modifications profondes de l’espace et entraîne des changements généralement irréversibles, notamment au niveau environnemental, en modifiant le paysage tant dans sa composition que dans sa structure [Aguejdad 2009]. Ainsi, l’artificialisation du territoire, qui résulte du dévelop-pement des réseaux de transport, des zones d’activités et de l’étalement résidentiel, est responsable de changements d’occupation des sols et de la fragmentation du paysage qui à leur tour entraînent la fragmentation et l’isolement des habitats « naturels ».
Les conversions du milieu rural vers le milieu urbain. L’hétérogénéité du mi-lieu urbain ne cesse actuellement de s’accroître sous l’effet d’une urbanisation croissante qui s’exprime par une densification des espaces déjà urbanisés et par une extension des surfaces urbanisées sur le milieu rural.
L’artificialisation est un processus qui désigne un sol ou un milieu, un habitat naturel ou semi-naturel qui perd les qualités qui sont celles d’un milieu « naturel » [Lecompte 1999]. L’artificialisation des sols, qui résulte de l’urbanisation au sens large puisqu’elle concerne l’habitat mais aussi les infrastructures de transports et zones ar-tisanales et industrielles, entraîne une destruction des sols en les imperméabilisant. Les « territoires artificialisés » désignent les espaces couverts par les espaces bâtis, les routes et parkings, ainsi que les autres sols artificiels non bâtis (chantiers, décharges, carrières, jardins et pelouses d’agrément). Dans [IFEN 2006], les auteurs s’étendent surtout au détriment des sols agricoles et des surfaces boisées. Notons que la dichoto-mie « territoires artificialisés » – « milieux naturels » qui est très souvent reprise dans les études portant sur l’évaluation des impacts de l’urbanisation, peut être nuancée par le fait que certains milieux artificiels tels que des carrières peuvent être caractérisés par un degré élevé de naturalité et peuvent encore jouer un rôle d’habitat de substitution pour une partie des espèces d’une zone biogéographique concernée. Ces milieux sont appelés « milieux semi-naturels ».
L’artificialisation des sols produit un double effet sur l’occupation du sol : des conversions d’usage des sols (espaces agricoles et milieux « naturels » vers l’urbain) d”une part, et des modifications des espaces agricoles et milieux « naturels » non convertis d’autre part, l’étalement urbain influençant les espaces agricoles et les milieux naturels environnants. Les conversions des surfaces naturelles et agricoles vers les sur-faces artificialisées sont presque toujours irréversibles, tandis que les modifications des espaces agricoles et naturels provoquées par l’urbanisation ont un caractère réversible.
Les études portant sur l’identification, la mesure et le suivi de l’étalement ur-bain traitent presque exclusivement des conversions d’occupation des sols, à travers l’analyse des transitions des espaces naturels et agricoles vers les espaces artificialisés [Aguejdad 2009]. Ceci s’explique par le fait que l’étude des conversions est plus facile à réaliser techniquement, et par l’absence d’informations disponibles sur l’étalement ur-bain, l’étude des conversions étant un préalable à celle des modifications. Par exemple, dans [Aguejdad et al. 2009], les auteurs ont montré que les surfaces artificialisées cor-respondant ici à la tache urbaine ont quasiment doublé en Ille-et-Vilaine (+92 %) entre 1984 et 2005, gagnant ainsi l’équivalent de trois fois la superficie de la ville de Rennes, soit 15 000 hectares. Les auteurs ont aussi mis en évidence que l’extension urbaine est responsable de presque les deux tiers des changements d’affectation d’occupation du sol ayant eu lieu sur le département et qu’elle s’est effectuée majoritairement au détriment des cultures et des prairies et dans une moindre mesure des surfaces boisées.
La fragmentation du paysage. La fragmentation peut être définie comme un pro-cessus qui se traduit par une absence de connectivité qui entraîne souvent une altération des processus écologiques. Elle s’exprime par une réduction des habitats et leur isole-ment les uns par rapport aux autres quand ils ne sont pas connectés par des corridors [Clergeau 2007].
La fragmentation s’observe à travers le morcellement des habitats naturels et la réduction de leur superficie. La fragmentation se traduit par la division d’un objet, ap-pelé « tache » ou habitat en écologie du paysage en un nombre de petits fragments plus ou moins distants les uns des autres, l’habitat pouvant, dans certains cas, disparaître complètement. La fragmentation s’accompagne donc de la réduction de la taille de l’habitat, voire à terme, de sa disparition. Quand on observe la fragmentation non plus à l’échelle de l’habitat, mais à l’échelle du paysage, la relation entre la fragmentation, la perte d’habitat et la qualité de l’habitat n’apparaît plus univoque. Ainsi, la figure 1.2 illustre que dans un paysage donné, la fragmentation peut être associée à une perte d’habitat et/ou de qualité d’habitat, mais pas nécessairement. D’une façon générale, le résultat de la fragmentation est un paysage composé d’une matrice, de morceaux ou taches d’habitat résiduels et de corridors qui relient ces taches [Pereboom 2006].
La fragmentation est principalement causée par l’urbanisation croissante, le dé-veloppement des réseaux de transport et des infrastructures routières associées, mais aussi par l’agriculture (opérations de remembrement des terres agricoles [Serrano et al. 2002]) qui altèrent la structure du paysage et, par voie de conséquence des processus écologiques qui y sont associés [Scott 1999]. La fragmentation des habi-tats est d’ailleurs considérée par la communauté scientifique comme l’une des premières causes d’atteinte à la biodiversité [Jaeger et al. ]. Les deux processus de la fragmen-tation, à savoir le morcellement et la réduction de la superficie des taches d’habitat, affaiblissent la capacité à pourvoir les ressources nécessaires pour les espèces et favo-risent l’isolement des populations. En retour, la fragmentation des milieux naturels et semi-naturels accélère la conversion de l’usage des sols dans les villes.
Le suivi des changements d’occupation des sols dans les espaces urbains représente donc un enjeu important sur le plan environnemental. Toutefois, l’étude, par télédétec-tion, de l’évolution des milieux urbains et péri-urbains qui présentent la particularité d’être très hétérogènes, fragmentés et soumis à des changements souvent brusques, fréquents et très locaux, impose un certain nombre de contraintes, tant au niveau du choix des données à utiliser que de la méthodologie à appliquer.
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Table des matières
Introduction générale
I L’étude des changements d’occupation des sols en milieu urbain et péri-urbain à travers l’exploitation de la texture d’images de télédétection à THRS
Introduction
1 Le suivi des changements d’occupation et d’utilisation des sols en milieu urbain et péri-urbain à partir d’images de télédétection à THRS
1.1 Problématique et enjeux de l’évolution de l’occupation des sols en milieu urbain et péri-urbain
1.1.1 Les changements d’occupation et d’utilisation des sols : définitions et enjeux
1.2 Les données à THRS : de l’acquisition à l’interprétation
1.2.1 Quelques rappels sur l’acquisition des données de télédétection
1.2.2 Les données à THRS
1.2.3 L’interprétation des données à THRS
1.3 La détection de changements d’occupation des sols à partir d’images à THRS
1.3.1 Les sources d’erreur dans la détection de changements
1.3.2 Les méthodes image-à-image versus les méthodes par postclassification
1.3.3 Les méthodes de détection orientées-objets
2 Analyse et caractérisation de la texture dans les images de télédétection
2.1 Généralités sur la texture
2.1.1 La notion d’échelle
2.1.2 La notion d’isotropie
2.2 Méthodes d’analyse et de caractérisation de la texture
2.2.1 Analyse statistique
2.2.2 Analyse fréquentielle
2.3 Choix d’une méthode d’analyse de texture adaptée aux données à THRS
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
II Méthodes développées pour analyser les images à THRS
Introduction
3 Généralités sur les ondelettes
3.1 Choix de la décomposition en ondelettes et de la fonction d’analyse
3.1.1 Décomposition décimée et non-décimée
3.1.2 Choix de l’ondelette mère
3.2 Représentations des coefficients d’ondelettes
3.2.1 Lissage de la distribution des coefficients de la composante basse fréquence
3.2.2 Lissage des distributions des coefficients des composantes hautes fréquences
3.3 Utilisation des informations issues de la décomposition en ondelettes
4 Prétraitement des données
4.1 Corrections radiométriques
4.1.1 Le vignettage
4.1.2 Méthode développée
4.1.3 Application et résultats
4.2 Corrections géométriques
4.2.1 Types de distorsions
4.2.2 Corrections
4.3 Réalisation d’une mosaïque
4.3.1 Déformations radiales
4.3.2 Création des tuiles
4.4 Conclusion
5 Segmentation
5.1 État de l’art
5.1.1 Définition
5.1.2 Modèle conceptuel
5.1.3 Types d’approches pour la segmentation
5.1.4 Choix de l’approche
5.2 Méthode
5.2.1 Principe général
5.2.2 Segmentation par LPE
5.2.3 Agrégation des régions
5.2.4 Cas particulier de l’invariance au niveau de gris moyen
5.2.5 Validation
5.3 Expérimentation et validation
5.4 Conclusion
6 Détection et estimation de l’orientation dominante des textures
6.1 État de l’art
6.2 Méthodologie
6.2.1 Estimation de l’orientation et du degré d’isotropie
6.2.2 Choix des critères
6.3 Expérimentation et validation
6.3.1 Textures de Brodatz
6.3.2 Textures synthétiques
6.3.3 Données de télédétection
6.4 Conclusion
7 Classification orientée-objet 151
7.1 Principes et limites de la classification « orientée-objet »
7.2 Méthodologie
7.2.1 Segmentation
7.2.2 Caractérisation des objets
7.2.3 Classification des objets
7.2.4 Validation de la classification
7.3 Expérimentations et validation
7.4 Conclusion
8 Détection de changement
8.1 Méthodologie
8.1.1 Gestion des objets segmentés aux dates t1 et t2
8.1.2 Vecteur de mesures F1 et F2
8.1.3 Identification et caractérisation des changements
8.1.4 Classification des changements
8.1.5 Validation
8.2 Expérimentations et validation
8.2.1 Données et méthode
8.2.2 Création de l’arbre de classification
8.2.3 Résultats
8.3 Conclusion
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE
III Application à l’étude des changements d’occupation des sols sur la Métropole de Rennes
Introduction
9 Les enjeux de la cartographie détaillée des changements d’occupation des sols sur le site de Rennes Métropole
9.1 Rennes Métropole : une forte croissance urbaine
9.1.1 Une croissance qui repose sur un dynamisme démographique et économique
9.1.2 Une extension urbaine selon un modèle de ville archipel
9.1.3 Les changements d’occupation des sols des vingt dernières années
9.2 Les enjeux d’un suivi détaillé des changements d’occupation des sols
10 Détection de changements par applications des outils méthodologiques proposés
10.1 Sites d’étude et données
10.2 Segmentation
10.3 Classification
10.4 Détection de changements
10.4.1 Détection de changements à partir d’une méthode « image-àimage »
10.4.2 Détection de changements à partir d’une méthode par postclassification
10.4.3 Comparaison des deux méthodes
11 Perspectives d’application des méthodes proposées
11.1 Segmentation d’images à THRS
11.1.1 Contribution de la texture et de la luminance
11.1.2 Exemple de segmentation à plus basse résolution
11.1.3 Conclusion sur la segmentation
11.2 Estimation de l’orientation
11.2.1 Application aux mouvements fluides
11.2.2 Application à la détection et à la caractérisation de parcelles viticoles
CONCLUSION DE LA TROISIÈME PARTIE
Conclusion générale
Bibliographie
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