Une conséquence de l’absentéisme : le décrochage scolaire

L’absentéisme scolaire

S’intéresser à la problématique de l’absentéisme scolaire nécessite de clarifier quelques notions, dont les nuances varient d’une communauté scientifique à une autre, voire d’un pays à un autre. Pour ce chapitre, nous nous sommes cantonnés aux textes francophones, et avons cherché principalement comment en France, au Québec, en Belgique, et en Suisse, cette notion d’absentéisme était définie. Un regard global sur la littérature permet d’affirmer que le phénomène de l’absentéisme n’est pas largement documenté. De plus, pour certains auteurs (Toulemonde, 1998; Blaya, 2003; Esterle-Hedibel, 2006), la mesure du phénomène présente des insuffisances – les méthodes de quantification, de même que les causes et la fréquence des absences, n’étant pas systématisées. Souvent, dans les établissements scolaires, l’absentéisme reste limité à une catégorisation administrative. Les efforts de typologie du phénomène, bien qu’imparfaits, permettent cependant l’ouverture de pistes de compréhension. L’absentéisme intéresse donc plusieurs champs : la pédagogie, la sociologie, la psychologie – pour ne citer que les plus courants.

Les bouleversements socio-économiques de notre société, l’accès de plus en plus difficile au marché de l’emploi, l’immigration (désignée par certains courants politiques comme responsable du sentiment d’insécurité des citoyens), de même que l’émergence de dispositifs médicaux au service des adolescents, ont par ailleurs contribué à en modifier notre perception; de comportement découlant d’une indisposition personnelle (maladie, accident) ou marqueur d’opposition, de faible motivation, voire d’insatisfaction, il est devenu, pour certains milieux, conduite à risque. Pour Blaya (2009), qui cite un texte officiel du Ministère de l’Education nationale4, l’absentéisme, en France, est présenté comme « un comportement marqué par la répétition d’absences volontaires » (p. 42). En termes de proportion, citant les travaux de Choquet & Ledoux (1994), elle indique pour les lycées de types général et technologie un taux d’absentéisme de 14%; un taux de 19% est annoncé pour les lycées professionnels (p. 12). Dans un article de 2013, Loosfelt & Abernot mentionnent un rapport de l’Inspection générale de l’Education nationale sur L’absentéisme des lycéens de B. Toulemonde (1998), qui constitue selon eux le document le plus complet sur la problématique.

D’après Toulemonde (cité par Loosfelt & Abernot, 2013), il est possible de décliner l’absentéisme selon sept types : par défaut (le plus classique); de confort (se développe avec la complicité des parents); de consumérisme scolaire (forme de scolarité à la carte); de respiration (lié au besoin de récupérer); par nécessité économique; contraint (par décision de l’établissement scolaire); le vrai-faux absentéisme (élève présent à l’école, mais absent de la salle de classe). Ils ajoutent à leurs définitions que la distinction entre absences et absentéisme tient notamment à la caractéristique suivante : la notion de volonté. Pour eux, « d’un côté, il y a les absences involontaires, légitimes, et justifiées et de l’autre, les absences volontaires, illégitimes, c’est-à-dire toutes celles qui ne sont pas justifiées, trop nombreuses ou trop anciennes pour être encore justifiables » (p. 1). On retrouve chez Potvin (2012) la même définition que chez Blaya.

Le québécois précise toutefois « qu’il existe différents type d’absentéisme scolaire : l’absentéisme de retard, l’absentéisme intérieur (drop-in), le zapping ou l’absentéisme choisi et l’absentéisme chronique » (p. 199). Qu’en est-il en Suisse ? Un communiqué de presse de 2006 du Fonds National Suisse de la recherche scientifique révèle qu’une étude de M. Stamm5, réalisée auprès d’élèves suisse-alémaniques âgés de 12 à 17 ans, a permis d’établir que le problème de l’absentéisme est sérieux en Suisse, qu’il est lié à des motifs d’ordre individuels et institutionnels, et que sa fréquence, de même que ses conséquences, sont probablement largement sous-estimées. Peu d’articles ont été publiés sur ce thème en suisse-romande; ce sont surtout les conséquences de l’absentéisme, et les facteurs de risque que ces comportements génèrent, qui semblent intéresser les chercheurs. Pour terminer, précisons encore que certains auteurs parlent de conduites, de pratiques, ou de comportement d’absentéisme; nous avons choisi de désigner les élèves qui présentaient ces conduites par le terme « absentéistes ».

Adaptation du questionnaire DEMS

Dans sa forme originale, le questionnaire DEMS ne pouvait pas être appliqué à notre échantillon. Il a initialement été prévu pour une population d’élèves fréquentant, au Canada, le niveau secondaire, c’est-à-dire pour des élèves de 12 ans à 16 ans. Nous avons donc modifié certains libellés de questions15, et en avons ajouté de nouvelles – conscients que ces changements étaient susceptibles d’avoir une influence sur les propriétés psychométriques (fidélité et validité) du questionnaire original. Toutefois, ces nouvelles questions étaient, et sont restées, dissociées de celles qui servaient à calculer les scores aux sous-échelles originales. Rappelons que notre mémoire professionnel s’inscrivait dans un travail de type quantitatif à visée descriptive. L’intégration du questionnaire DEMS permettait d’ajouter à notre démarche une dimension complémentaire – en termes de faisabilité de la mise en place d’un dispositif de dépistage du décrochage scolaire, et en termes de caractérisation des pratiques d’absentéisme, notamment. Par souci de concision, nous n’avons pas joint la version du questionnaire que nous avons utilisée. Toutefois, voici quelques informations à son sujet : trente-neuf questions ont été ajoutées à la version originale de l’outil DEMS. Ces questions portent sur : l’environnement familial de l’adolescent (composition de la famille; parents actifs professionnellement) les démarches effectuées au niveau de l’orientation professionnelle (recherche de stage; recherche de place d’apprentissage; envoi de dossiers de candidature; entretien pour une place d’apprentissage, etc.), les tests ou examens effectués en vue d’une place d’apprentissage ou en vue de l’intégration dans une école professionnelle, l’appréciation de l’OPTI, les activités de loisirs de l’adolescent (y compris l’activité sur les réseaux sociaux et les habitudes de sommeil).

Code éthique, consentement et confidentialité

Au démarrage de notre mémoire professionnel, nous avons pris soin de prendre connaissance du code éthique de la recherche pour les Hautes Ecoles pédagogiques, édité en 2002 par la Conférence des directeurs des hautes écoles pédagogiques et institutions assimilées de Suisse romande et du Tessin (CDHEP). Ce document nous a permis de définir les contenus d’information que nous allions transmettre aux différentes personnes impliquées dans notre recherche : membres de la direction de l’OPTI, enseignants, et élèves participants au sondage électronique. Au point 3 de ce code, il est précisé que pour les recherches menées dans les écoles, le consentement est donné par la direction générale concernée, et que pour les mineurs, il est également donné par les parents ou un membre de la famille proche. Cette indication de la nécessité d’obtenir un consentement de la part des parents nous a tracassés; nous avions le sentiment d’être dans une situation paradoxale : à l’âge de nos élèves, et pour certains d’entre eux, l’absentéisme peut être une pratique courante, qui se déploie à l’insu du contrôle parental.

En demandant un consentement aux parents, ne risquait-on pas de transmettre aux élèves qui nous intéressaient – les absents – un message contradictoire : « Vous nous intéressez, participez-donc à notre recherche, mais attention ! Vos parents seront informés, et ce sont eux qui vont nous donner l’autorisation de vous interroger… ». Aussi, avons-nous continué à nous renseigner sur les directives en matière de consentement éclairé, et avons finalement trouvé, sur le site internet des commissions d’éthiques suisses relative à la recherche sur l’être humain (www.swissethics.ch), des indications relatives aux recherches avec des adolescents (art. 23 de la recherche sur l’être humain); il y est précisé que « … un projet de recherche sur les adolescents capables de discernement peut être réalisé sans le consentement éclairé du représentant légal (parents), dès lors que les risques et contraintes inhérents au projet sont minimaux (art. 23 al. 1 lit. b e contratio LRH) ». Enfin, après soumission de ces directives à notre directeur de mémoire, il a été admis que nous pouvions effectuer notre recherche auprès des élèves de l’OPTI sans solliciter le consentement de leurs représentants légaux. Par contre, une information circonstanciée sur les objectifs de la recherche, ainsi que les garanties d’usage relatives à la protection des données et au caractère confidentiel de la démarche, devaient expressément être transmises aux participants – ce qui a été fait.

Particularités

Nous avons par ailleurs analysé les risques de décrochage scolaire selon que les élèves avaient obtenu, ou non, une place d’apprentissage au moment du sondage. Parmi les 47 élèves ayant signé pour une place d’apprentissage, deux (4.3%) présentaient un risque élevé de décrochage, et 6 (12.8%) un risque modéré. La plupart des élèves ayant obtenu un contrat n’avaient soit aucun risque (46.7%), soit un risque faible (36.2%) de décrochage. Pour les élèves encore en recherche de place d’apprentissage au moment du sondage, 9.6% étaient à risque élevé, tandis qu’une proportion à peu près équivalente au sous-groupe précédant (~80%) ne présentaient pas, ou peu, de risque de décrochage scolaire. Dans la catégorie des risques élevés, seuls 2 élèves sur 15 avaient leur place, ce qui signifie que 13 élèves sur 15 (86.7%) n’avaient rien trouvé. Cette proportion baissait à près de 70% dans les autres catégories de risque. Le facteur de risque élevé semblait être un facteur limitant pour l’obtention d’un contrat d’apprentissage. Concernant les trois autres catégories, l’on pouvait considérer que les deux sous-populations étaient comparables. Il est en outre réjouissant de constater qu’environ 80% des élèves ne présentaient qu’un risque faible ou nul de décrochage scolaire – même s’il reste un cinquième des élèves (ayant ou non obtenu une place d’apprentissage) qui présentaient un risque très important de décrochage scolaire.

Pour la question relative aux motifs d’absence, nous nous sommes encore intéressés aux réponses des 136 élèves qui, au moment du sondage, n’avaient pas trouvé de place d’apprentissage. Ce collectif représente 74.3% de notre échantillon global. Parmi ces 136 élèves, 13 sont à risque élevé de décrochage scolaire, soit 9.6% de cette population. Nous comptons en outre 16 élèves (11.8%) à risque modéré, 40 (29.4%) à risque faible, et enfin 67 élèves (49.2%) ne présentant aucun risque de décrochage scolaire. La comparaison des collectifs « avec place d’apprentissage » versus « sans place d’apprentissage » montrait une tendance des élèves à motiver de la même manière leurs absences. Relevons que les « vraies raisons médicales » et les « autres raisons » étaient, dans ce collectif spécifique, la panacée des élèves à risque nul de décrochage scolaire. De même, l’absentéisme dû à la « baisse de motivation » et aux « fausses raisons médicales » était davantage plébiscité par les élèves qui présentaient un risque augmenté de décrochage. La « baisse de motivation » était d’ailleurs le motif principal d’absence pour l’ensemble de cette population – si l’on met comme précédemment de côté les « vraies raisons médicales ». En comparant les résultats des 47 élèves avec place d’apprentissage, et les 136 élèves qui n’en avaient toujours pas au moment du sondage, on a constaté que la baisse de motivation était plus importante chez les élèves ayant réussi leur mission au sein de l’OPTI.

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Table des matières

Première partie : contexte et cadre théorique
1. INTRODUCTION
1.1Contexte
1.1.1A propos de notre collaboration
1.1.2 Problématique de départ
1.1.3 Modification des buts et du dispositif de notre recherche
1.2 Repères scientifiques
1.2.1Labsentéisme scolaire
1.2.2 Une conséquence de labsentéisme : le décrochage scolaire
1.2.3 Facteurs de risque liés à labsentéisme
1.3 Lorganisme pour le perfectionnement, la transition et linsertion professionnelle OPTI)
1.3.1LOPTI comme mesure de la Transition 1
1.3.2 La réglementation des absences à lOPTI
1.3.3 Critères pour lobtention dune attestation ou dun certificat
2. BUTS DU MÉMOIRE PROFESSIONNEL
2.1Buts
2.2 Questions de recherche et hypothèses
2.2.1Questions de recherche
2.2.2 Hypothèses
Deuxième partie : récolte, traitement et analyse des données
3. METHODES DE RÉCOLTE DES DONNÉES
3.1Devis de recherche
3.2 Echantillonnages
3.3 Données quantitatives issues de la base de données administratives Kermit
3.3.1Contenu de la base de données administratives Kermit
3.3.2 Traitement des informations
3.3.3 Les variables retenues
L. Peer J.-Ph. Voirol 06– 20153 / 57
3.4Sondage électronique
3.4.1Le questionnaire de dépistage délèves à risque de décrochage scolaire DEMS), de P. Potvin et al. 2003)
3.4.1.1Structure et contenu du questionnaire
3.4.1.2 Cotation et interprétation des résultats
3.4.2 Adaptation du questionnaire DEMS
3.4.3 Pré-test de ladaptation du DEMS
3.4.4Promotion de lenquête électronique
3.4.5Recrutement des participante)s
3.5Code éthique, consentement et confidentialité
4. ANALYSE DES DONNÉES
4.1Choix des analyses provenant de la base de données Kermit
4.2 Choix des analyses issues du questionnaire DEMS adapté
5. RÉSULTATS
5.1Données quantitatives Kermit 2010- 2011
5.1.1Composition de léchantillon de base et collectif retenu
5.1.2 Prévalence des absences globalement; par sites)
5.1.3 Caractéristiques des élèves ayant 90périodes ou dabsences
5.1.4Correspondances
5.2 Sondage électronique
5.2.1Prévalence des élèves à risque de décrochage scolaire
5.2.2 Caractéristiques des élèves à risque de décrochage scolaire
5.2.3 Motifs dabsentéisme
5.2.4Particularités
5.3 Questions de recherche et hypothèses
5.3.1Questions de recherche
5.3.2 Hypothèses
6. DISCUSSION
7. PROPOSITIONS
8. CONCLUSION
9. BIBLIOGRAPHIE
Annexes : dès la page
A Formulaire dinformation et de consentement pour les participante)s
B Tableau des variables pour lanalyse quantitative des données Kermit 2010-2011
C Questionnaire DEMS : contenu détaillé des sous-échelles
Résumé 4ème de couverture)

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