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Guide d’entretien
L’étude de la littérature, notamment les thèses abordant ce sujet en interrogeant les médecins généralistes, a permis de dégager plusieurs thèmes :
– L’activité de la sage-femme et sa patientèle
– L’état de la collaboration et son évolution
– Ce qui favorise une bonne collaboration entre sage-femme et médecin généraliste
– Les freins et obstacles à la collaboration
– Les propositions d’amélioration
Le guide d’entretien a été établi afin de répondre à ces thèmes tout en faisant émerger des exemples et le vécu des sages-femmes. Il a été testé une première fois auprès d’une sage-femme libérale puis enrichi au fur et à mesure des entretiens afin de faire naitre de nouvelles idées.
Déroulement des entretiens et analyse
Les sages-femmes ont été contactées par téléphone ou par courriel.
Les entretiens se sont déroulés à leur cabinet ou à leur domicile selon leur convenance. Ils ont été menés entre mars et juillet 2018. Le nombre d’entretiens n’a pas été prédéfini au départ, ils ont été poursuivis jusqu’à saturation des données. C’est-à-dire jusqu’à ce qu’aucune nouvelle idée n’apparaisse au cours de l’entretien.
L’entretien était intégralement enregistré de manière numérique (dictaphone ou application smartphone) après accord oral de la sage-femme interrogée.
Le déroulement de l’entretien est resté libre afin de laisser un maximum de liberté d’expression à la sage-femme et favoriser l’émergence d’idées. L’ordre des questions n’était pas prédéfini, utilisant plutôt une méthode de relance et d’association d’idée afin d’aborder tous les thèmes du guide d’entretien.
Les entretiens ont été intégralement retranscrits manuellement sur le logiciel Word, puis anonymisés. Le codage a ensuite été fait sur un tableur Excel par deux personnes différentes afin de mieux recouper les différentes idées et de permettre une meilleure qualité intrinsèque (meilleure objectivité du codage).
Analyse des entretiens
La pratique des sages-femmes
Leur activité en libéral
Les sages-femmes interrogées pratiquaient l’ensemble de leur domaine de compétences :
– Le suivi gynécologique de dépistage et de prévention avec les frottis, l’examen des seins, la prescription des différents moyens de contraception et leur suivi.
SF1 « On est plus dans le dépistage. On est vraiment là pour le suivi classique, le frottis, l’examen complet gynéco. »
SF 11 « Je fais le suivi gynécologique physiologique : frottis, contraception, pose et retrait d’implant, pose et retrait de stérilet… »
– Les petites infections vaginales pouvant être traitées localement comme les mycoses où les vaginoses.
SF 10 « Pour tout ce qui est mycose, petite infection vaginale, on arrive à se suffire à nous-même. »
– Les troubles mineurs de la ménopause :
SF 5 « Je vois aussi quelques dames en ménopause ou pré-ménopause. »
– Le suivi de la grossesse physiologique qui va de la visite pré-conceptionnelle à la consultation post-natale, en passant par le suivi mensuel et la préparation à la naissance.
SF 2 « Je fais les consultations prénatales donc je vois les femmes une fois par mois, jusqu’à la fin. Et je propose la préparation à la naissance »
SF 11 « Je fais le suivi de la grossesse, de la visite pré conceptionnelle jusqu’à la visite post natale »
– Le suivi des grossesses pathologiques à la demande des maternités, avec monitoring fœtal, souvent au domicile des patientes.
SF 2 « Je fais aussi tout ce qui est suivi de grossesse à domicile. J’ai un monitoring. Pour les prises tensionnelles, pour la surveillance dans le cadre du diabète ou de l’hypertension, pour des menaces d’accouchement prématuré. »
– Le PRADO (Programme d’accompagnement au retour à domicile) : visite à domicile pour les femmes accouchées sortant de la maternité.
SF 4 « On fait aussi le PRADO, le premier mois on retourne les voir régulièrement à la maison. »
– Les consultations d’allaitement et le suivi du nourrisson dans le premier mois de vie.
SF 11 « Sinon c’est des pesées, du nursing, des conseils d’allaitement… Jusqu’au un mois du bébé. »
– La rééducation du périnée.
SF 5 « La rééducation du périnée c’est une grosse partie de notre planning ! »
Plusieurs sages-femmes interrogées ont passé des diplômes universitaires afin de renforcer leur pratique en gynécologie ou en pédiatrie. Certaines avaient passés des DU en d’autres matières ou des formations complémentaires : échographie obstétricale, IVG médicales, acupuncture, homéopathie, yoga-sophrologie, ostéopathie, tabacologie, éthique.
SF 1 « Je fais aussi de l’homéopathie. Je le propose pour les femmes enceintes ou en gynéco pour tout ce qui est hormonal, pour réguler les cycles. »
SF 3 « Moi j’ai une spécialité en ostéo-gynéco. Et on a fait une formation récente avec l’ouverture des compétences aux sages-femmes aux IVG. »
SF 6 « je fais du suivi échographique obstétrical, c’est environ 75% de ma pratique. »
SF 8 « J’ai aussi un DU d’acupuncture. »
SF 10 « J’ai fait une formation en yoga-sophrologie, pour la préparation à la naissance. »
Certaines sages-femmes ont vu une évolution dans leur pratique, avec un développement récent de leurs nouvelles compétences, notamment le suivi gynécologique.
SF 7 « Maintenant je fais beaucoup plus de suivi de grossesse et de suivi gynécologique. Au début je ne faisais pratiquement que de la rééducation du périnée ! »
SF 8 « A l’époque on ne faisait pas autant de gynéco. »
Pour la plupart, Les sages-femmes interrogées nous ont spontanément parlé de l’importance à continuer de se former pour rester à jour des recommandations dans leur domaine de compétences.
SF 3 « On fait plein de formations, de congrès, de mises à jour des compétences, etc… Les congrès de gynécologie pratique, on les fait chaque année. »
Les limites de leur pratique
Toutes les sages-femmes interrogées ont insisté sur le fait que leur domaine de compétences était centré sur la physiologie c’est-à-dire sur la prévention, la surveillance et le suivi gynéco-obstétrique « normal ». Elles savaient dépister et reconnaitre la pathologie mais doivent adresser à un médecin compétant pour le traitement et la suite de la prise en charge.
SF 10 « Quand il y a de la pathologie, ce n’est plus notre domaine. On reste dans le physiologique. »
Les limites de leurs compétences sont bien définies et claires pour les sages-femmes de notre échantillon :
– L’infection urinaire en dehors de la grossesse
SF 1 « Une infection urinaire, normalement j’ai pas le droit de traiter en dehors de la grossesse. »
– L’arrêt de travail pendant la grossesse au-delà de 15 jours
SF 9 « On ne peut arrêter une femme enceinte que pendant 15 jours, non renouvelable. »
– Une pathologie intercurrente comme la découverte d’une hypertension, d’une dysthyroïdie ou de signes généraux.
SF 4 « Elle faisait des vertiges, elle avait perdu du poids *…+ Je lui ai dit de reprendre rendez-vous avec son médecin parce que je ne pouvais pas faire grand-chose. »
SF 5 « Si on prend la tension et qu’on trouve une hypertension, on doit l’envoyer vers quelqu’un d’autre. Pareil, la TSH est souvent perturbée en début de grossesse, on doit renvoyer. »
SF 8 « Clairement la patiente me décrit des migraines avec aura mais c’est pas moi qui vais poser le diagnostic donc je la renvoie pour avoir un avis.
– Le traitement hormonal substitutif de la ménopause
SF 5 « Pour la ménopause, si elles ont des signes et qu’elles souhaitent un traitement, je les envoie vers un gynéco ou leur médecin traitant. »
– L’infection vaginale nécessitant un traitement oral ou autres affections locales
SF 1 « une patiente qui a un prélèvement qui est revenu positif à chlamydia, et moi je n’ai pas le droit de traiter. »
SF 8 « Sur la vaginose classique c’est Flagyl et nous on a le droit de prescrire qu’en intravaginal. Pareil les mycoses, on a le droit au traitement local, mais l’Orofluco on n’a pas le droit. »
SF 9 « Le lichen, on a pas le droit de prescrire des corticoïdes »
– Les problèmes mammaires tels que des mastoses
SF 8 « Les mastodynies type fibrose ou mastose, ça je renvoie au médecin traitant. Je ne peux rien prescrire. »
– Le suivi cancérologique
SF 9 « Une femme qui a un cancer du sein, je peux faire le suivi gynéco mais je ne fais pas le suivi du sein. Parce qu’on est dans le patho. »
– Les nourrissons de plus d’un mois :
SF 11 « Jusqu’au un mois du bébé seulement, parce qu’après c’est fini, on a plus le droit. »
Bien qu’une sage-femme se soit interrogée sur la possibilité de traiter ou non le muguet du nourrisson.
SF 4 « Mais je ne sais même pas si on peut le prescrire ou pas… c’est une bonne question ! »
Les limites de leurs compétences sont bien définies et surveillées par la sécurité sociale.
SF 8 « On a vraiment des limites et c’est bien strict. »
SF 7 « Les médecins disent souvent « si la sage-femme veut vous arrêter, elle n’a qu’à le faire ! ». Oui… Sauf qu’on peut pas ! *…+ C’est la Sécu qui nous bride. On nous ouvre des champs de compétences mais on ne nous donne pas les moyens de le faire jusqu’au bout. »
D’ailleurs, plusieurs sages-femmes ont critiqué ces limites, parfois aberrantes selon elles, car limitant leur possibilité d’action voire entrainant des difficultés avec les médecins généralistes. La limite des 15 jours d’arrêt de travail au cours de la grossesse est la plus contestée et c’est souvent celle qui pose le plus problème en matière de collaboration. Les restrictions de prescription d’antibiotique sont, elles aussi, déplorées car les sages-femmes ont l’impression de solliciter le médecin juste pour une ordonnance. Les sages-femmes ont été demandeuses d’une évolution de leur champ de compétences.
SF 9 « C’est complétement idiot. Il y a pourtant plus de risques, plus de principes de précaution, chez la femme enceinte. Mais voilà, notre liste de pharmacie est stupide. »
SF 10 « Ca serait bien que ça évolue. Pour les infections urinaires ou une chlamydia… Des fois j’ai honte d’envoyer une patiente pour ça parce qu’en fait je demande juste une ordonnance. »
SF 10 « Les arrêts, les médecins ça les agace. C’est vrai que c’est agaçant ! Mais c’est vraiment contre notre volonté, on ne peut rien y faire, on n’a pas le droit. Sinon je le ferai, hein ! »
Les sages-femmes interrogées sont d’accord pour dire que, globalement, les médecins généralistes ne sont pas au courant des limites de leur champ de compétences. Seules deux d’entre elles avaient l’impression que les médecins de leur secteur connaissaient leurs limites légales.
SF 2 « Il y a, je pense, une méconnaissance. Les médecins ne savent pas toujours où s’arrêtent nos compétences. »
SF 4 « On est obligé de rebasculer des patientes vers eux, donc maintenant ils ont l’habitude et ils ont compris. Enfin je pense ! »
Concernant la connaissance des patientes quant à leur champ de compétences, là encore les sages-femmes sont d’accord pour dire que les femmes sont très peu informées.
SF 5 « Là pour le coup, il y a une grosse méconnaissance. Déjà de nos compétences, alors des limites encore plus ! »
Des limites qui rendent nécessaire la collaboration
Le champ de compétences de sages-femmes étant centré sur le physiologique, elles sont restreintes dans leurs prescriptions dès qu’une pathologie apparait. Ces limites rendent donc la collaboration nécessaire car la sage-femme devra adresser sa patiente à un médecin compétent dès qu’elle dépiste une maladie.
SF 8 « On a vraiment des limites. Dans l’absolu c’est pour ça qu’une collaboration est si importante ! »
SF 10 « Quand il y a de la pathologie ce n’est plus notre domaine donc il faut adresser. »
Mais du fait d’une collaboration difficile, d’un manque de disponibilité du médecin généraliste ou de l’insistance des femmes, certaines sages-femmes sont amenées à dépasser leurs compétences en toute connaissance de cause. Ainsi quasiment toutes les sages-femmes de notre échantillon nous ont avoué avoir déjà prescrit un antibiotique monodose dans le cadre d’une cystite en dehors de la grossesse. L’une d’elle nous a également déclaré avoir prescrit des traitements oraux pour les vaginoses ou les mycoses.
SF 8 « Oui, ça m’est déjà arrivé plusieurs fois de prescrire en per os alors que normalement on n’a pas le droit. »
SF 8 « C’est plus à moi, on est bien d’accord. Mais c’est difficile de dire non. C’est ça aussi qui entraine parfois les dépassements des compétences. »
SF 9 « Ca m’est arrivé de prescrire l’antibiotique mais j’essaie que ça ne soit pas routinier. Parce que ce n’est pas dans mes compétences. »
Les patientes sont rarement au courant des limites professionnelles des sages-femmes, même si celles-ci essayent d’expliquer leurs possibilités d’action dès le début du suivi. Les sages-femmes interrogées n’ont pas ressenti d’effet négatif vis-à-vis de leurs patientes à cause de la nécessité de collaborer et de l’obligation d’adresser à un médecin dès qu’il y a une pathologie. Malgré cela les sages-femmes ont noté que les patientes étaient parfois gênées de devoir demander un arrêt de travail ou une prescription au médecin traitant alors que ce n’est pas lui qui les suit pour la grossesse ou la gynécologie.
SF 7 « Je leur dis dès le départ, quand on commence le suivi, donc elles le prennent bien. Et d’une manière générale, elles reviennent toujours quand même. »
SF 1 « L’arrêt de travail, elles trouvent ça nul. Elles disent « oui mais mon médecin je ne l’ai pas vu de la grossesse, qu’est-ce qu’il va dire ? » »
SF 11 « Des fois elles soupirent en disant « ah bon faut que j’aille chez mon médecin pour ça ? » Voilà donc c’est embêtant pour le médecin traitant mais aussi pour la patiente. »
La population concernée
Le premier recours
Les sages-femmes libérales sont un acteur de soins de premier recours pour le suivi gynécologique et obstétrique. Les femmes viennent d’elle-même consulter la sage-femme pour initier leur suivi. Les professionnelles interrogées avaient l’impression que cette volonté de se faire suivre par une sage-femme se développait de plus en plus grâce au bouche-à-oreille entre les femmes.
SF 8 « J’ai des patientes qui regardent dans les pages-jaunes. Maintenant c’est de plus en plus du bouche-à-oreille. »
Beaucoup de femmes ne connaissent pas encore les nouvelles compétences des sages-femmes libérales, et ne pensent pas à ces professionnelles pour leur suivi gynécologique. Les sages-femmes interrogées nous ont dit qu’un certain nombre de leurs patientes apprenaient cette possibilité lors des visites prénatales et souhaitaient par la suite continuer leur suivi gynécologique avec elles.
SF 11 « Les femmes apprennent parfois que l’on fait du suivi gynéco, de la prescription de contraception, au moment du suivi de grossesse. Il y a des femmes qui rentrent comme ça dans la patientèle. »
Pour leur suivi gynéco-obstétrique, les femmes ont la possibilité d’aller voir une sage-femme libérale, un médecin généraliste ou un gynécologue. Les sages-femmes interrogées nous ont fait remarquer que les gynécologues partaient en retraite sans être remplacés et qu’un bon nombre de femmes se tournaient alors vers elles pour poursuivre leur suivi gynécologique.
SF 7 « Surtout que des gynécologues de ville, il n’y en a plus. Il y a un an, j’ai eu une vague de patientes qui appelaient en disant « vous faites du suivi gynéco ? Mon gynéco est parti en retraite, je n’ai plus personne ! » »
Certaines femmes, font leur suivi chez le médecin traitant. Pourtant les sages-femmes ont noté qu’il arrivait qu’elles demandent malgré tout un rendez-vous avec elles. Parfois ponctuellement, pour des raisons d’indisponibilité du médecin généraliste.
SF 2 « Elle a appelé au secrétariat en disant que son médecin n’était pas disponible et qu’elle n’avait que moi. »
SF 5 « Parce qu’en fait il n’y a pas de place chez leur médecin traitant et du coup elles vont au plus proche, au plus vite. Et du coup elles viennent me voir. »
Mais il arrive que la femme souhaite changer de professionnel de santé pour son suivi, et se tourne vers la sage-femme.
SF 10 « Ça arrive qu’il y ait des patientes qui me disent « non je préfère continuer avec vous ». Ça arrive, faut être réaliste. »
Les sages-femmes évoquent plusieurs raisons à ce choix :
– Le manque d’aisance du médecin traitant dans le domaine gynéco-obstétrique
SF 5 « Je pense que c’est des médecins qui ne sont pas à l’aise pour faire ça. Et elles, elles le sentent qu’il n’est pas à l’aise. Du coup elles préfèrent voir quelqu’un qui est vraiment dans le truc. »
– Le mécontentement de la femme envers son médecin traitant
SF 4 « Des patientes qui s’en vont, c’est des patientes qui ne sont pas contentes je pense. »
– Le désir de dissocier le suivi gynécologique du suivi général
SF 4 « C’est dissocié en fait… On entend beaucoup les patientes dire « mon médecin traitant je l’aime beaucoup mais pour ce qui se passe en bas franchement je peux pas, j’ai pas envie ». Ça c’est un argument qui revient beaucoup. »
– Le sexe : Les patientes préfèrent être suivies par une femme
SF 3 « ça dépend beaucoup de si c’est un homme ou une femme. »
SF 8 « Pour beaucoup de femme c’est intime, tabou. Elles n’en parlent pas alors si leur médecin c’est un homme, elles ne vont pas vouloir… »
– Le souhait d’une plus grande spécialisation
SF 6 « Il y en a beaucoup qui disent qu’une sage-femme c’est un peu plus spécialisé dans la grossesse. »
– Une plus grande disponibilité de la sage-femme et un temps d’écoute plus long
SF 6 « Le temps, la disponibilité. Souvent elles nous disent ça, qu’on est beaucoup plus à l’écoute, beaucoup plus disponible. »
SF 8 « A la différence de vous qui avez 10 minutes par patient, nous c’est pas qu’on a du temps mais la patiente on va la garder au moins une demi-heure en fait. »
– Une relation sage-femme/patiente de meilleure qualité
SF 3 « Parce que moi je peux être en maillot de bain dans une piscine avec une patiente, voilà. Donc ça c’est la proximité et c’est ce que recherche la patiente. »
SF 6 « J’ai plein de patientes qui aiment le fait que je fasse de l’écho, que je fasse le suivi de grossesse, que derrière je fasse le suivi gynéco. On a un peu un lien privilégié. »
Des patientes adressées par d’autres professionnels
Les sages-femmes interrogées nous ont apprises qu’elles fonctionnaient beaucoup avec les maternités. Celles-ci leur envoient très souvent des patientes principalement pour le post-partum et la rééducation du périnée, mais également pour le suivi de grossesse et le suivi gynécologique lorsqu’elles ne peuvent pas répondre à la demande des patientes.
SF 1 « C’est plutôt adressé par les maternités, surtout du post-natal. »
SF 4 « La politique de la maternité d’E. est claire et nette : ils ne veulent plus faire de suivi gynéco physiologique. Donc ils orientent vers une sage-femme. »
Les sages-femmes évoquent également d’autres professionnels qui sont susceptibles de leur envoyer des patientes même si ces cas sont plus rares :
– Des consœurs pour des compétences complémentaires (homéopathie ou acupuncture)
SF 2 « J’ai des patientes qui me sont envoyées que pour l’acupuncture. Elles sont suivies par d’autres sages-femmes qui n’en font pas. »
– Les laboratoires lorsque les patientes tentent d’y faire leur frottis
SF 6 « Le labo qui est juste à côté, il ne les fait pas [les frottis] et renvoie toutes les patientes vers nous. »
– Les gynécologues le plus souvent pour la rééducation du périnée
SF 11 « Les gynécologues, ils nous envoient plus pour la rééducation du périnée. »
Concernant les médecins généralistes, les avis des sages-femmes interrogées divergent.
La moitié de notre échantillon juge que les médecins généralistes envoient peu, voire pas du tout, de patiente vers elles.
SF 3 « Je n’ai pas trop d’orientation par les médecins généralistes. Même en prépa ou en rééducation, pourtant ils n’en font pas… »
SF 7 « Je ne crois pas que j’ai des médecins qui m’envoient des patientes pour des suivis de grossesse. Jamais vu non plus pour juste la préparation à la naissance ou la rééducation du périnée. »
L’autre moitié jugeant au contraire que les médecins généralistes envoyaient très régulièrement des patientes. Le suivi gynécologique arrivant en premier des motifs d’envoi.
SF 8 « Il y a beaucoup de médecins généralistes du coin qui nous envoient leurs patientes. »
SF 7 « C’est vraiment pour le suivi gynécologique. Ça j’en ai pas mal ! »
SF 4 « Ils envoient beaucoup pour la rééducation du périnée, pour des femmes de tous âges. »
SF 10 « J’ai quand même des médecins qui m’ont envoyé leur patiente. Ils faisaient le suivi de grossesse et ils m’envoyaient les dames pour la préparation à la naissance. »
Ces envois des médecins généralistes vers les sages-femmes étaient fortement conditionnés par le fait qu’ils ne pratiquaient pas de gynéco-obstétrique.
SF 4 « Ici, sur le secteur, il n’y en a quasiment aucun *médecin généraliste+ qui fait le suivi gynéco. Ils prescrivent des pilules de temps à autre mais c’est tout. »
SF 9 « C’est des médecins qui m’envoient leurs patientes parce qu’ils ne font pas de gynéco. » L’autre motif évoqué par les sages-femmes était la surcharge de travail.
SF 4 « Ils sont débordés ! Ils sont carrément blindés ! Et du coup c’est difficile pour eux de tout faire. Facilement ils vont laisser la part gynéco, les frottis… »
Certains médecins généralistes pouvaient même envoyer des patientes en second recours, quand ils butaient sur un sujet gynéco-obstétrique. Ce qui est très apprécié par les sages-femmes qui nous l’ont évoqué.
SF 9 « Parce qu’ils tournent un peu en rond sur la contraception et qu’ils aimeraient un second avis. »
SF 10 « Par exemple pour un cas de suivi de grossesse où le médecin traitant n’était pas trop sûr de lui. Il ne savait pas trop quoi faire, du coup il m’a contacté pour un conseil, si je voulais bien revoir la dame. »
La collaboration avec les médecins généralistes
La connaissance des médecins généralistes du secteur
La plupart des sages-femmes interrogées avaient l’impression de connaitre les médecins généralistes de leur secteur, souvent par le biais d’une présentation à l’installation.
SF 7 « Quand je me suis installée, j’étais passé me présenter. Ils m’ont plutôt bien reçu. Donc ici, je connais un peu près tous les médecins. »
SF 9 « Oui, oui. Je les ai déjà rencontrés et puis au fur et à mesure, on les connait de nom. Il y a un réseau qui se fait. »
Seules deux sages-femmes de notre échantillon nous ont avoué de pas connaitre les médecins généralistes qui les entouraient.
SF 5 « Non… Je ne les ai même pas rencontrés. »
Facilité de contact avec d’autres professionnels de santé
Les sages-femmes sont des acteurs de soins de premier recours et elles doivent réadresser les patientes dès qu’elles dépistent une pathologie. Ce sont des professionnelles qui peuvent orienter vers des spécialistes sans avoir l’avis du médecin référent. Pour un certain nombre de sujets, elles savaient le médecin généraliste non compétent et envoyaient donc directement vers un gynécologue ou la maternité.
SF 10 « Je me dis que si je n’y arrive pas, lui non plus… Par exemple, un frottis pathologique, il faut la colposcopie. Donc c’est forcément le gynéco. »
Mais il peut s’agir également d’une histoire d’affinité, les sages-femmes ayant parfois de meilleur rapport avec les gynécologues ou les maternités.
SF 6 « Pour un suivi de grossesse, c’est plutôt vers la maternité. On a beaucoup plus de contacts avec eux. »
SF 10 « C’est vrai que pour la gynécologie pure, j’ai plus tendance à envoyer au spécialiste. Je travaille en réseau donc j’ai des gynécos qui prennent rapidement. »
Enfin certaines sages-femmes nous ont dit envoyer directement à d’autres spécialistes, comme le dermatologue ou l’endocrinologue. Ceci afin de limiter la perte de temps dans le parcours de soins, en supprimant l’intermédiaire du médecin généraliste.
SF 2 « Une patiente qui avait une insuffisance ovarienne prématurée, des problèmes de thyroïde… Moi, du coup, je l’avais orienté vers une endocrino. Parce que je pensais que le médecin traitant l’aurait fait de toute façon. »
SF 8 « J’ai réadressé direct au dermato parce que je pense que c’était ça qu’il lui fallait. »
Une des sages-femmes travaillant en MSP (maison de santé pluridisciplinaire) nous a dit pouvoir demander un dépannage aux médecins de sa structure quand elle avait besoin d’une prescription médicamenteuse.
SF 1 « Donc je suis allée voir L. Elle m’a dépanné sur le moment pour traiter la dame. Elle m’a fait une ordonnance pour le traitement antibiotique. »
Une autre sage-femme nous a dit qu’elle aimerait avoir un médecin dans son cabinet afin de pouvoir avoir ce genre de dépannage pour le traitement des infections.
SF 8 « Mon rêve, c’est d’avoir un médecin sur place ! Ça veut dire : j’ai une infection urinaire, je téléphone ou je toque à la porte. Et voilà ! »
Les différentes méthodes de contact
Informel, par le biais de la patiente
Que ce soit les médecins généralistes ou les sages-femmes, les informations circulent beaucoup par voie orale, via la patiente. Même quand il s’agit de réadresser la patiente vers l’un ou vers l’autre, le conseil et les motifs ne sont pas mis par écrit.
SF 4 « Non, juste en disant à la patiente : selon les résultats de l’antibiogramme vous prenez rendez-vous chez votre médecin généraliste. »
SF 5 « Pour réorienter vers le médecin traitant, ça va plus être via la dame. Voilà, ça va plus être de l’oral. »
SF 7 « C’est la patiente qui nous transmet mais c’est souvent délicat parce qu’entre ce qu’on leur dit et ce qu’elles comprennent il y a parfois un monde ! »
SF 8 « Alors je n’ai pas souvent de courrier de la part du médecin traitant… C’est ça qui est parfois compliqué. J’ai le retour des dames. »
Le courrier
Pour seulement deux sages-femmes, la rédaction de courrier était rare.
SF 5 « Je fais moins de courrier. Ça va être plus de l’oral et moins d’écrits. »
Les autres sages-femmes avaient l’impression de correspondre très fréquemment avec des courriers.
SF 9 « Pour les médecins traitants, je fais tout le temps un courrier. Toujours ! »
L’utilisation du courrier comme moyen de communication dépend du but recherché.
– Une partie des sages-femmes utilise le courrier pour se présenter lors de leur installation.
SF 2 « Quand je me suis installée, j’ai envoyé un courrier à tous les médecins du secteur. »
– Une sage-femme nous a expliqué que certaines de ses consœurs prévenaient le médecin traitant par courrier lorsqu’elles initiaient la prise en charge d’une grossesse.
SF 3 « Je n’envoie pas de courrier mais j’ai appris que certaines le faisaient pour tenir au courant le médecin généraliste que l’on suit la grossesse de sa patiente. »
– Une autre sage-femme nous a dit qu’elle faisait suivre par courrier les différentes informations des suivis entrepris.
SF 10 « Je leur fais toujours un petit courrier, que ça soit pour la rééducation du périnée ou le suivi gynéco ou autre, pour les tenir au courant de ce je fais. »
– Une sage-femme nous a également précisé qu’elle préférait prévenir le médecin traitant par courrier lorsqu’elle envoyait une patiente vers un spécialiste sans passer par son intermédiaire.
SF 9 « Je fais un courrier au médecin traitant pour qu’il sache qu’elle va avoir un suivi par un endocrinologue. Qu’il ne l’apprenne pas par la patiente… »
– Les courriers sont principalement utilisés pour demander au médecin généraliste de prendre la suite de la prise en charge ou pour les arrêts de travail.
SF 6 « Sinon quand j’ai besoin d’un avis, que je ne sais pas trop et que je voudrais que derrière le médecin prenne la suite de la prise en charge, je fais un courrier. »
SF 7 « Dès que j’ai besoin d’envoyer la patiente, c’est plutôt par courrier. »
SF 8 « Je me suis fait un courrier type « je vous adresse notre patiente commune que je suis pour sa grossesse etc… », je lui sors le texte comme quoi je ne peux pas prescrire plus de 15 jours et que je le laisse juge de renouveler ou non cet arrêt de travail. »
Les sages-femmes nous ont malgré tout avoué qu’il était parfois difficile d’envoyer systématiquement un courrier du fait de son aspect chronophage.
SF 1 « J’essaie de faire un courrier. Après ça dépend, si j’ai une heure de retard, je le fais pas. Je n’ai pas toujours le temps. »
SF 4 « Je pense que faire des courriers tout le temps c’est carrément pénible ! Ça prend énormément de temps ! »
Enfin certaines sages-femmes nous ont expliqué que l’envoi de courrier était conditionné par l’identité du destinataire. Deux sages-femmes nous ont expliqué que quand elles connaissaient bien le médecin généraliste, elles ne prenaient pas la peine de rédiger un courrier explicatif et qu’elles prenaient plus de précautions avec les médecins qu’elles ne connaissaient pas.
SF 1 « Si c’est des médecins que je ne connais pas, je vais essayer dans la mesure du possible de faire un courrier. »
SF 4 « Pour les arrêts de travail, avant on faisait des courriers. Mais maintenant on ne le fait plus parce qu’on les connait vraiment bien. »
Au contraire, d’autres nous ont dit faire davantage d’effort quand c’était un médecin connu, qui prenait lui-même la peine de leur retourner des courriers ou de leur envoyer spécifiquement des patientes.
SF 7 « Est-ce que ça vaut le coup de faire un petit courrier quand c’est ce médecin-là ? Il n’y a jamais de retours… »
SF 10 « Quand ils m’envoient des patientes, je leur fais toujours un petit courrier. »
Le téléphone
Le téléphone est un moyen de communication très peu utilisé que cela soit de la part des médecins généralistes vers les sages-femmes ou l’inverse.
SF 7 « Je n’utilise pas le téléphone… Dans le sens inverse non plus, les médecins n’appellent pas pour avoir des infos sur la grossesse. »
Les sages-femmes évoquaient la difficulté de déranger le médecin dans ses consultations.
Elles n’osaient pas appeler de peur d’importuner les généralistes.
SF 5 « Le téléphone… j’avoue que ça me parait compliqué. Je sais que vous avez des journées chargées. Et vous déranger dans une consultation, ça me parait compliqué. »
Elles trouvaient, pour beaucoup d’entre elles, le téléphone chronophage.
SF 10 « Je ne leur téléphone pas, ça serait un boulot de titan ! »
SF 11 « Le téléphone, c’est du temps, en plus il faut passer par le secrétariat des médecins. »
Néanmoins, le fait de bien connaitre son interlocuteur facilitait le désir de téléphoner pour un conseil ou pour demander des informations.
SF 7 « Après, il y a des médecins avec qui je pourrais le faire. »
SF 10 « Elles me connaissent, elles vont avoir envie de m’appeler. »
Une sage-femme a remarqué que les jeunes médecins étaient plus ouverts à la discussion téléphonique et prenaient eux-mêmes plus la peine d’utiliser ce moyen de communication avec elles.
SF 10 « C’est plutôt la jeune génération. Les vieux médecins, non, ils n’appellent pas. »
Certains médecins appelaient les sages-femmes pour :
– Demander un conseil sur la grossesse ou un avis gynécologique à la sage-femme
SF 10 « Par exemple un cas de suivi de grossesse où le médecin traitant n’était pas trop sûr de lui. *…+ Du coup il m’avait contacté pour avoir un conseil. »
SF 10 « J’en ai eu 2 ou 3 qui m’ont appelé pour avoir un avis gynéco. »
– Avoir son accord avant de lui envoyer une patiente
SF 10 « J’ai eu un médecin généraliste qui m’avait appelé pour une dame pour qui il fallait refaire le point sur le plan gynéco sauf que c’était une femme de 75 ans. Et du coup il m’a appelé pour savoir si j’acceptais de la prendre en charge. »
Les sages-femmes nous ont dit utiliser le téléphone pour :
– Se présenter
SF 6 « J’avais pris l’annuaire et j’avais appelé tous les médecins de l’agglo. Pour me présenter. »
– Pour demander au médecin de voir rapidement une patiente
SF 9 « Les cas où l’on veut une prise en charge rapide. »
– Pour informer le médecin généraliste de la prise en charge
SF 6 « Si jamais cette patiente, je trouve une pathologie ou je la renvoie vers les urgences ou je découvre quelque chose qui sort du cadre écho, j’appelle le médecin généraliste directement. »
– Pour discuter d’une prise en charge ou d’un cas compliqué
SF 2 « J’ai appelé le médecin traitant une fois, il y a longtemps… Car j’ai fait une information préoccupante. Donc j’avais besoin de son avis, de savoir comment ça se passait pour lui. Donc j’ai pris mon téléphone. Pour discuter de la patiente. »
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Table des matières
ABREVIATIONS
INTRODUCTION
I. Epidémiologie
II. Vers un changement du parcours de soins
III. Une collaboration en soins primaires difficile
MATERIEL ET METHODE
I. Type d’étude
II. Population étudiée
III. Guide d’entretien
IV. Déroulement des entretiens et analyse
RESULTATS
I. Population étudiée
A. Les entretiens
B. Caractéristiques socio-démographiques
1. Tableau d’échantillonnage
2. L’âge
3. Installation en libéral
4. Lieu d’exercice
5. Mode d’exercice
6. Formations particulières
II. Analyse des entretiens
A. La pratique des sages-femmes
1. Leur activité en libéral
2. Les limites de leur pratique
3. Des limites qui rendent nécessaire la collaboration
4. La population concernée
a) Le premier recours
b) Des patientes adressées par d’autres professionnels
B. La collaboration avec les médecins généralistes
1. La connaissance des médecins généralistes du secteur
2. Facilité de contact avec d’autres professionnels de santé
3. Les différentes méthodes de contact
a) Informel, par le biais de la patiente
b) Le courrier
c) Le téléphone
d) Le mail
4. L’état actuel de la collaboration
5. L’évolution perçue dans la collaboration
C. Les freins à la collaboration
1. Le temps
2. Les caractéristiques personnelles du professionnel
3. La méconnaissance
a) Du métier de sage-femme
b) Des différents professionnels entre eux
4. Une différence de statut ressentie
5. Le manque d’implication de la sage-femme dans le réseau de soin
6. L’absence de transmission entre professionnels
a) De la part des médecins généralistes
b) De la part des sages-femmes
7. Le dépassement des compétences
8. La concurrence
9. Le manque de formation et les désaccords de prise en charge
D. Ce qui favorise une bonne collaboration
1. Le lieu
2. La connaissance de l’autre
3. Communiquer et transmettre les informations
4. La confiance et le respect de chaque profession
5. Savoir déléguer
6. Eviter de créer une concurrence
7. Comprendre et respecter le choix des patientes
E. Les propositions d’amélioration
1. S’informer des compétences de chacun
2. Se présenter
3. Se rencontrer
4. Avoir des études en commun
5. Communiquer plus
6. Faire remonter les difficultés
7. Être plus disponible
8. Laisser faire le temps
DISCUSSION
I. Résumé des résultats
II. Forces de l’étude
A. Le sujet
B. La méthodologie
C. L’échantillon
III. Limites de l’étude
A. Biais interne
B. Biais d’investigation
C. Biais d’interprétation
D. Echantillon
E. Entretiens
IV. Comparaison avec la littérature
A. Une collaboration difficile
B. La méconnaissance du métier de sage-femme, le principal frein ?
C. Un premier contact essentiel
D. La communication, le principal moteur de la collaboration
E. La peur de la concurrence très présente chez les médecins généralistes
F. Gérer les désaccords de prise en charge, pas si facile
G. Des formations communes, une solution ?
H. L’âge influence la collaboration
I. Le choix des femmes, à respecter
V. Ouverture
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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