UNE COEXISTENCE DE PLUSIEURS CATÉGORIES D’ÉCOLES ASSURANT L’ENSEIGNEMENT DE LA PHARMACIE

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Le cadre législatif encadrant les études de pharmacie au début du XXème siècle

Dans le but de comprendre l’organisation des études de pharmacie suivies par les élèves et enseignées par les professeurs auxquels nous nous sommes intéressés, pendant la Première Guerre Mondiale, nous exposons dans les pages suivantes le contexte réglementaire des études de pharmacie et les réformes survenues au début du XXème siècle.

Une période charnière pour la modernisation des études de pharmacie

L’époque que nous étudions se situe à une période charnière pendant laquelle différentes réformes importantes des études de pharmacie se sont succédé et se sont chevauchées [7]–[9].
Pour bien saisir l’impact de certains textes exposés dans la suite de notre travail, il faut comprendre qu’auparavant il existait deux grades différents de pharmaciens [10]. C’est dans la Loi du 21 germinal de l’an XI3, aussi appelée « Loi organique de la pharmacie », loi majeure régissant à la fois la profession de pharmacien et l’enseignement à un niveau national, qu’est faite cette différence pour la première fois4 [11]. Cette notion perdura avec l’existence d’une distinction entre le pharmacien de 1ère classe, d’une part, et le pharmacien de 2ème classe, d’autre part.
Les critères exacts différenciant ces deux grades évoluèrent jusqu’en 1898. À l’origine, un pharmacien de 1ère classe recevait une formation mixte, composée de trois années de théorie dans une École et de trois années de stage officinal. Ce grade permettait au pharmacien d’exercer sur l’ensemble du territoire de la République. Le pharmacien de 2ème classe ne possédait qu’une formation pratique, huit années de stage, à l’issue desquelles il pouvait obtenir son grade après évaluation par un jury départemental. Son lieu d’exercice était alors cantonné à ce département [11].
Par la suite, des années de formations théoriques, au sein d’une École de Pharmacie, furent également introduites dans la formation du pharmacien de 2ème classe, mais son exercice restait limité à un département. Nous exposerons la distinction alors en vigueur à la suite de la publication du décret du 26 juillet 1885 dans la partie suivante.
Entre 1914 et 1918 c’est le décret du 26 juillet 1909 qui est en vigueur, mais le temps que celui-ci soit pleinement mis en place pour l’ensemble des années d’études, le cadre précédent demeura jusqu’en 1917. Dans les paragraphes qui suivent, nous décrirons chronologiquement ces différents cadres législatifs qui permettent de comprendre l’organisation des études pendant la période qui nous intéresse.

L’ « ancien régime » : Les décrets du 26 juillet 1885 et du 24 juillet 1889

Le texte du 26 juillet 1885 [12], qui fut précisé par un second décret quatre ans plus tard, le 24 juillet 1889 [13], fut l’un des premiers textes complets encadrant les études de pharmacie. Il se composait de 18 articles détaillant différents aspects des études de pharmacie.

Conditions d’accès et durées des études

Six années d’études étaient nécessaires en vue d’obtenir les diplômes de pharmacien de 1ère classe ou de pharmacien de 2ème classe : trois années de stages et trois années de scolarité dans une École.
Pour s’inscrire, les aspirants pharmaciens devaient présenter :
❖ Le diplôme de bachelier ès lettres ou ès sciences complet, ou le diplôme de l’enseignement secondaire spécial pour le grade de pharmacien de 1ère classe ;
❖ Le certificat d’études de l’enseignement secondaire spécial ou le certificat de grammaire complété par un examen portant sur des notions scientifiques au programme de la troisième année de l’enseignement secondaire spécial (à défaut d’un diplôme de bachelier) pour le grade de pharmacien de 2ème classe.

Le stage officinal

D’une durée de trois années, le stage officinal devait être validé devant un jury composé de deux pharmaciens de 1ère classe et présidé par un professeur (ou agrégé) d’une École Supérieure de Pharmacie ou d’une Faculté Mixte de Médecine et de Pharmacie.
Quatre épreuves étaient organisées :
❖ Une épreuve de préparation d’un médicament composé, galénique ou chimique inscrit au Codex;
❖ Une épreuve de réalisation d’une préparation magistrale ;
❖ Une épreuve de détermination de trente plantes ou parties de plantes et de dix médicaments composés ;
❖ Une épreuve de questions concernant les opérations pharmaceutiques.
Un système de notation à cinq niveaux était utilisé : mal, médiocre, assez bien, bien et très bien.
La première session des épreuves se déroulait au mois d’août. Un stagiaire ajourné, à la suite de l’obtention d’une note « mal » ou de deux notes « médiocre » pouvait se présenter, de nouveau, à la session de novembre.

La scolarité

La scolarité de l’étudiant aspirant au diplôme de pharmacien de 1ère classe pouvait être réalisée dans une École Supérieure de Pharmacie, une Faculté Mixte de Médecine et de Pharmacie ou une École de Plein Exercice de Médecine et de Pharmacie. Les Écoles Préparatoires de Médecine et de Pharmacie ne convenaient que pour les deux premières années d’études.
Pour le diplôme de pharmacien de 2ème classe, les trois années d’études pouvaient être réalisées dans les quatre types d’Écoles.
Les travaux pratiques étaient obligatoires pendant les trois années de scolarité et devaient couvrir les matières suivantes : chimie analytique, chimie minérale, chimie organique, micrographie, pharmacie, physique, toxicologie.
Les enseignements théoriques couvraient les matières suivantes : botanique et zoologie, chimie analytique, chimie minérale, chimie organique, hydrologie, matière médicale, minéralogie, pharmacie, physique, toxicologie.
Le texte de 1885 n’était pas plus précis que cela concernant le programme exact des études. L’ordre ou la répartition des enseignements au cours de la scolarité n’y était pas détaillés.

Les examens

Les inscriptions en deuxième et en troisième années d’étude étaient sanctionnées par des examens de fin d’année, au mois d’août. En plus de ces deux examens, les aspirants au diplôme de pharmacien de 1ère classe subissaient un examen entre les deux semestres de la troisième année d’étude, au mois d’avril.
La notation utilisée était similaire à celle exposée, plus haut, pour la validation du stage officinal. Là aussi, une note « mal » ou deux notes « médiocre » étaient synonymes d’ajournement pour l’étudiant, qui pouvait retenter sa chance aux secondes sessions organisées en novembre pour les examens de fin de première et deuxième années, ou aux sessions des mois d’août et de novembre pour l’examen semestriel de troisième année.
À la fin de la scolarité, trois examens probatoires étaient organisés. De manière similaire, une première session avait lieu en août et une seconde en novembre.
Le décret du 24 juillet 1889 modifia les matières des examens probatoires qui avaient été établis en 1885. La composition de ces examens, dans leur version de 1889, qui restera en vigueur au début du XXème siècle, est résumée dans le Tableau II.
Il faut noter que la deuxième partie du troisième examen pouvait être remplacée par une thèse. Ce n’était donc pas un exercice obligatoire.
Le système de notation utilisé était similaire à ceux décrits précédemment.
Enfin, il est important de relever que le président des jurys des examens probatoires était toujours issu d’une École Supérieure ou d’une Faculté Mixte.

Vers l’unicité du diplôme de pharmacien : La Loi du 19 avril 1898

La « Loi sur l’exercice de la pharmacie ayant pour objet l’unification du diplôme de pharmacien » est un texte fondateur du principe d’unicité du diplôme de pharmacien [14].
Ce texte supprima le diplôme de pharmacien de 2ème classe. Dès lors, Il n’existait plus qu’un seul diplôme, équivalent à celui de pharmacien de 1ère classe, pour tous les pharmaciens.
Cette orientation semble être le fruit de plusieurs réformes successives qui eurent pour effet d’aligner, petit à petit, la formation des pharmaciens des deux classes : même durée de stage et de scolarité, mêmes enseignements, et modalités d’examen similaires. Seuls perduraient un niveau scolaire exigé différent avant le début du stage officinal, la restriction d’accès à certaines Écoles en fonction des années d’études au pharmacien de 2ème classe et, à l’issue de sa formation, le cantonnement de ce dernier à son département d’exercice [7], [10], [15].
L’unification du diplôme, permettant à tous les pharmaciens d’exercer sur l’ensemble du territoire français, a également mis fin à un genre particulier d’exercice illégal de la pharmacie, dont certains pharmaciens de 2ème classe se rendaient coupables en exerçant en dehors du département où ils avaient été reçus [16].
En réalité, le statut de pharmacien de 2ème classe continua d’exister quelque temps. Le texte prévoyait que, pendant les deux ans suivant la publication de cette Loi, les étudiants pouvaient encore s’inscrire en stage officinal comme aspirant pharmacien de 2ème classe.
Le décret du 28 novembre 1911 fixa au 1er novembre 1917 la date à partir de laquelle le diplôme de pharmacien de 2ème classe cessera d’être officiellement délivré5 [18].

Vers une nouvelle organisation des études de pharmacie

Un rapport présenté au Conseil Supérieur de l’Instruction Publique par Léon GUIGNARD, alors Directeur de l’École Supérieure de Pharmacie de Paris, résume les délibérations qui se déroulèrent entre 1906 et 1909 et qui aboutirent au nouveau régime des études pharmaceutiques [19].
La nécessité de répondre à divers facteurs entourant l’enseignement pharmaceutique amena à proposer une réforme importante des études.
Tout d’abord, il était nécessaire de prendre en compte les récents changements de 1898, unifiant la profession autour d’un seul grade et, par là même, les conditions d’accès à l’enseignement pharmaceutique. D’autant plus que ce texte « a créé une situation nouvelle aux Écoles de Plein Exercice et Préparatoires de Médecine et de Pharmacie, dont les attributions ont été limitées, jusqu’ici, à la délivrance du diplôme de pharmacien de 2ème classe ».
Ensuite, Il était également important de prendre en considération que la durée réglementaire de stage, normalement de trois ans, n’était plus vraiment d’actualité, les étudiants étant régulièrement autorisés à s’inscrire à l’École après seulement deux ans de stage.
La scolarité, limitée jusqu’alors à trois années, ne permettait plus d’intégrer les nouvelles connaissances scientifiques que les pharmaciens devaient posséder. En effet, l’industrie chimique étant en plein développement, elle bouleversa l’exercice officinal en rendant presque marginale l’activité de préparations galéniques et autres produits qui incombait aux pharmaciens. Ce dernier restait cependant le garant des produits qu’il délivrait et devait être capable d’effectuer des contrôles comportant des méthodes de plus en plus complexes. C’est également l’époque où de nouvelles disciplines émergèrent, comme la chimie biologique, la bactériologie et l’hygiène. Celles-ci n’étaient pas encore officiellement inscrites au programme des études de pharmacie.
Enfin, la place de la profession de pharmacien prenait aussi plus d’importance dans la société. Sa présence était devenue obligatoire dans les Commissions d’Hygiène d’arrondissement et une récente loi sur la répression des fraudes médicamenteuses et alimentaires allait régulièrement amener un pharmacien à être désigné pour son expertise.
Une contrainte majeure guida la proposition de limiter la durée totale des études à cinq années : le service militaire. Ce dernier était obligatoire et, bien que les étudiants pussent obtenir des sursis auprès de l’autorité militaire, ce n’était plus le cas au-delà de la vingt-cinquième année. Or, bien que l’âge moyen des bacheliers fût de dix-huit ans, il fallait prendre en compte que trente pour cent des bacheliers étaient âgés de dix-neuf ans et, dans une certaine mesure, admettre le retard de certains élèves pendant leurs études pour des raisons de santé ou des suites d’un échec aux examens.
Afin de permettre d’intégrer un an de scolarité supplémentaire tout en prenant en compte cette contrainte, la durée du stage officinal a été abaissée à une année, tandis qu’étaient mises en place de nouvelles modalités pour améliorer la qualité de cet apprentissage pratique.
Tous ces éléments ont permis de proposer un nouveau cadre d’étude repris dans le décret du 26 juillet 1909.

Le « Nouveau régime » : Le décret du 26 juillet 1909

Cinq ans avant le début de la Première Guerre Mondiale, les études de pharmacie sont profondément réformées : le décret du 26 juillet 1909 modernise le régime des études de pharmacie et celui-ci sera en vigueur jusqu’en 1937 [20]. Par la suite, aucune modification majeure ne sera apportée à l’organisation des études avant les années 1960. C’est également ce décret qui, associé à la loi du 19 avril 1898, entérine le principe d’unicité du diplôme. À partir de 1909, l’obtention du diplôme de pharmacien, obligatoire pour exercer cette profession, est organisée sur cinq années d’études.
Comme nous le verrons dans les sous-parties qui suivent, les différents types d’établissements, que nous détaillerons un peu plus loin, ne sont pas égaux face aux années d’études à enseigner et aux examens qu’ils peuvent organiser.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIER CHAPITRE : L’ENSEIGNEMENT PHARMACEUTIQUE À LA VEILLE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
A. UNE COEXISTENCE DE PLUSIEURS CATÉGORIES D’ÉCOLES ASSURANT L’ENSEIGNEMENT DE LA PHARMACIE
B. LOCALISATION DES FORMATIONS PHARMACEUTIQUES EN FRANCE EN 1914
C. LE CADRE LÉGISLATIF ENCADRANT LES ÉTUDES DE PHARMACIE AU DÉBUT DU XXÈME SIÈCLE
1. Une période charnière pour la modernisation des études de pharmacie
2. L’ « ancien régime » : Les décrets du 26 juillet 1885 et du 24 juillet 1889
a) Conditions d’accès et durées des études
b) Le stage officinal
c) La scolarité
d) Les examens
3. Vers l’unicité du diplôme de pharmacien : La Loi du 19 avril 1898
4. Vers une nouvelle organisation des études de pharmacie
5. Le « Nouveau régime » : Le décret du 26 juillet 1909
a) Conditions d’accès et durées des études
b) Première année : le stage officinal
c) De la première à la quatrième année : entre théorie et pratique
d) Les examens
e) Dispositions transitoires
D. AUTRES GRADES ET DIPLÔMES SANCTIONNÉS PAR DES ÉTUDES PHARMACEUTIQUES
E. LE NOMBRE D’ÉLÈVES EN PHARMACIE EN FRANCE
DEUXIÈME CHAPITRE : L’ÉCOLE DE NANTES ET LA GRANDE GUERRE
A. L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE NANTES AU DÉBUT DU XXÈME SIÈCLE
1. Une École abritée au sein de l’ancien Hôtel-Dieu de Nantes
2. Le corps enseignant pendant la Grande Guerre
B. LA VIE DE L’ÉCOLE PENDANT LE CONFLIT
1. Le prêt des locaux de l’École à d’autres formations de la ville
2. La suppression des solennités de rentrées et l’adaptation de l’organisation des cours pour maintenir l’enseignement
3. Le budget de l’École
4. Les préparateurs et la place des élèves femmes
5. La participation aux souscriptions municipales et autres oeuvres de guerre
6. Réflexion sur la quatrième année de pharmacie – Évolution
7. Le projet de construction d’une nouvelle École
8. Un statut pour les « Garçons de laboratoire » de l’École de Plein Exercice
9. Le patriotisme des professeurs
TROISIÈME CHAPITRE : PARCOURS DES PROFESSEURS ET ÉLÈVES EN PHARMACIE AYANT FRÉQUENTÉ L’ÉCOLE DE NANTES PENDANT LA GUERRE 14-18
A. LA MOBILISATION ET LE RÔLE DES PHARMACIENS PENDANT LA GRANDE GUERRE
B. LES PROFESSEURS LIÉS À L’ENSEIGNEMENT PHARMACEUTIQUE PENDANT LA PÉRIODE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
C. LES ÉLÈVES EN PHARMACIE DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE L’ANNÉE SCOLAIRE 1914-1915
D. BILAN HUMAIN ET TABLEAU D’HONNEUR
CONCLUSION
ANNEXES
ANNEXE 1 : PLANS DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE NANTES
ANNEXE 2 : LE LIVRE D’OR 1914-1918 DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE NANTES
INDEX DES NOMS PROPRES
BIBLIOGRAPHIE
SERMENT DE GALIEN

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