La distinction des connaissances spatiales et géométriques
D’après la thèse rédigée par BERTHELOT et SALIN intitulée L’enseignement de l’espace et de la géométrie dans la scolarité obligatoire, l’arrêt d’un enseignement explicite de connaissances et compétences spatiales laisse les enfants et les adultes démunis dans de nombreuses situations de la vie quotidienne. « Si l’on considère la vie de « tous les jours », on constate que se déplacer dans un espace inconnu ou y guider quelqu’un est une activité aussi fréquente dans le monde actuel que mal maîtrisée avec ou sans utilisation de plans…sans parler des « inévitables » confusions entre la droite et la gauche, et bien d’autres problèmes de communication au cours d’actions spatiales » (BERTHELOT, SALIN, 1992).
Ces auteurs admettent que les connaissances spatiales sont fortement liées aux connaissances géométriques sans toutefois être confondues avec ces dernières. Par conséquent, elles doivent donc être dissociées.
Première différence, l’enfant dispose de connaissances et compétences spatiales avant même qu’on ne lui enseigne la géométrie. Deuxième différence, les types de problèmes résolus ne concernent pas les mêmes domaines. Les problèmes spatiaux peuvent porter sur la réalisation d’actions (fabriquer, dessiner) comme sur la communication de ces actions.
Les problèmes de géométrie quant à eux relèvent d’une solution mathématique prouvée.
Enfin, la troisième et dernière différence concerne l’organisation des connaissances. Les connaissances de la géométrie sont identifiées et organisées de manière structurée. Les connaissances spatiales, spontanées et culturelles, sont moins bien répertoriées.
Selon eux, l’enseignement à l’école primaire doit donc impérativement renvoyer à deux champs de connaissances : les connaissances spatiales et les connaissances géométriques.
La construction de connaissances spatiales à l’école primaire : une piste méthodologique
L’association de deux systèmes de référence
Face à la difficile structuration du macro-espace, PÊCHEUX précise : « lorsqu’on est immobile, la référence à soi-même selon un système de coordonnées polaires est une référence fiable, car fixe ; lorsqu’on se déplace, la référence à soi-même n’est utilisable qu’associée à un système de référence externe » (PÊCHEUX, 1980). En d’autres mots, notre propre système de référence corporel doit donc être coordonné avec un système de référence externe constitué de repères fixes (points que l’on situe de façon arbitraire sur un référentiel qui leur associe trois axes) dans lequel les directions ne changent jamais. De plus, pour cet auteur, structurer un espace ne se réduit pas uniquement à y identifier des repères fixes ; il est également nécessaire de définir un système de passage d’un repère à un autre. Par conséquent, lors d’un trajet, un sujet qui prend des repères fixes par rapport à un système de référence externe et qui les met en corrélation avec son propre système de référence interne sera en capacité de se souvenir de ce trajet et de le reproduire de manière autonome.
Dans leur ouvrage, BELBÉOCH, LOUDENOT et DU SAUSSOIS rejoignent cet avis sur le fait qu’un système de référence externe complémentaire à notre système de référence corporel semble essentiel. Cependant, ces auteurs soulignent un aspect supplémentaire de la question : « plus que de partir du local vers le global, il s’agit plutôt d’aller sans cesse de l’un vers l’autre de ces espaces telles des spirales emboîtées » (BELBÉOCH, LOUDENOT, DU SAUSSOIS, 1993).
Dans mon expérimentation, je n’hésiterai pas à intégrer les allers et retours décrits par ces auteurs entre systèmes de référence interne et externe. Pour cela, j’inviterai dans un premier temps mes élèves à identifier des repères fixes par rapport à leur propre corps. Puis progressivement, je leur apprendrai à se détacher de leur personne pour également situer ces repères fixes entre eux et ainsi établir un lien entre les systèmes de référence interne et externe.
Coordonner différentes représentations
Ce processus d’abstraction reste néanmoins difficile. Certes, vivre un déplacement est le meilleur moyen d’accéder à sa structuration. Je pense même que mettre en situation mes élèves est une étape inévitable dans la construction de ce savoir. L’explication doit nécessairement s’accompagner de gestes : connaitre c’est d’abord agir.
Cependant, d’après BELBÉOCH, LOUDENOT et DU SAUSSOIS (1993), l’action n’est qu’un préalable. La mise en corrélation des systèmes de référence externe et interne passe nécessairement par sa représentation : « Le passage de la vision horizontale (maquette) à la vision oblique puis verticale (plan) est une étape importante chez l’enfant dans la structuration de l’espace. Cela nécessite de bien repérer les objets par rapport à soi, de pouvoir se décentrer, de maitriser les surfaces et les volumes. C’est par la manipulation concrète que les enfants pourront accéder à ce degré de représentation. ». La construction du concept d’espace repose donc sur la capacité à réaliser un lien efficace entre l’espace sensible (donc vécu) et les représentations de ce même espace.
Or, d’après BURGMEISTER et DORIER, « la manière la plus ambitieuse d’engager les élèves dans une activité de modélisation est de leur poser une question problématique dans le cadre d’un système initial et de leur demander de construire un autre système (le modèle) dans lequel la question pourra être résolue » (BURGMEISTER, DORIER, 2013). Les élèves ont ainsi la possibilité de déterminer des repères fixes ainsi que des relations spatiales (qui leurs sont propres) dans le premier système qu’ils transposeront par correspondance dans un second système (modèle) qu’ils auront choisi. Le problème initial est alors dans un premier temps résolu dans la seconde représentation. Dans un second temps, sa solution est interprétée dans le système initial.
Par conséquent, lors de mon expérimentation, afin d’amener mes élèves à réaliser un trajet familier de manière autonome, un temps de verbalisation des éléments constituant cet espace et des relations spatiales qu’ils entretiennent sera réalisé. La prise de conscience par rapport à soi de ces éléments comme repères fixes corrélée à la mise en place d’un système de référence externe matériel (maquette, plan) permettra la structuration de cet espace. Afin d’assurer la pertinence de ma situation d’apprentissage, dans un premier temps, je veillerai à ne fournir à mes élèves que le système initial (espace vécu). Dans un deuxième temps seulement, les constructions des second et troisième systèmes seront à la charge des élèves de sorte à ce que les repères fixes et les relations spatiales choisies leur soient propres. En effet, le conflit entre l’espace vécu et sa représentation stimule la croissance cognitive.
Quelle(s) représentation(s) choisir ?
Le macro-espace peut donc être représenté de manière matérielle soit par un micro-espace représenté en trois dimensions soit par un micro-espace représenté en deux dimensions.
Or, seules deux dimensions sont suffisantes à l’orientation de déplacements ; les modifications de hauteur ne sont qualitativement pas nécessaires pour structurer le macroespace. À première vue, le plan (espace en deux dimensions) parait donc le plus facile d’utilisation. Pourtant, comme le formule PÊCHEUX (1980), il ne l’est point, et tout particulièrement chez l’enfant. En effet, il existe un fossé entre ce que l’enfant parvient à structurer et ce qu’il en traduit par des symboles plus ou moins conventionnels sur un plan.
Cependant, la maquette (espace en trois dimensions) possède deux atouts forts intéressants : d’une part, le symbole et le symbolisé se ressemblent fortement (les formes n’étant pas planes) et d’autre part, tâtonnements et corrections sont possibles lors de sa construction (sans ne laisser aucune trace). MOTTET (1997) rejoint également cet avis en précisant que la maquette est le modèle le plus concret de la réalité « qui peut être une étape intermédiaire en vue de l’apprentissage du plan. » Ce support est une simplification du réel qui en respecte tous les aspects. Manipulable, il autorise des changements de points de vue et permet de situer des objets les uns par rapport aux autres tant dans leur localisation que dans leurs dimensions respectives.
Ainsi, lors de mon expérimentation, afin de parvenir à structurer un trajet familier, nous construirons une maquette avant de représenter ce même espace sous la forme d’un plan.
Les opérations mentales réalisées
Comme WEILL-FASSINA et RACHEDI (1993) le formulent, le plan ou la maquette réfèrent au micro-espace comme objets manipulables. Pour autant, leur utilisation réfère au macroespace.
Pour lier efficacement espace représenté et espace vécu (processus d’abstraction), trois grandes opérations mentales sont effectuées. Pour décrire ces dernières, nous prendrons l’exemple du plan. Mais il est important de préciser qu’elles sont quasi-similaires lorsque nous avons affaire à une maquette.
Il y a tout d’abord « le macro-repérage ». Cette première étape consiste en l’élaboration d’une représentation d’ensemble du problème. Elle débute par une phase exploratoire où le sujet cherche des repères fixes communs par une succession de regards du plan au réel, sans aucune verbalisation. Elle se poursuit par une phase de décodage où le sujet cherche à identifier les objets figurés sur le plan (indices spatiaux les plus visibles). Elle se termine par une phase de mise en correspondance des deux espaces caractérisée par des regards, des prises d’information, des gestes directionnels et des désignations concernant un secteur précis du plan et de l’espace réel. La verbalisation est à ce stade primordiale car elle témoigne de la précision de la mise en relation de ces deux espaces.
Vient ensuite « l’orientation ». Cette deuxième étape constitue la prise de conscience de l’inversion des rapports spatiaux. On parle alors de mise en congruence : le sujet tient compte de cette inversion et du changement de point de vue qu’elle nécessite.
Intervient enfin le « micro-repérage ». Après la réorientation physique ou mentale du plan, cette troisième et dernière étape consiste à procéder à un couplage systématique de l’espace réel à sa figuration sur le plan. Elle permet, par exemple, la détermination du lieu à atteindre qui se caractérise par la désignation du lieu sur le plan suivi de verbalisations liées au but final.
Les situations didactiques et adidactiques
Une situation didactique est spécifique d’une connaissance. Elle regroupe un ensemble de liens établis explicitement et/ou implicitement entre un élève ou un groupe d’élèves, un certain milieu (matériel, espace, contexte évoqué dans un énoncé…) et l’enseignant qui a pour objectif de faire acquérir à ses élèves des connaissances et/ou compétences précises.
Dans leur article intitulé Favoriser l’appropriation des propriétés géométriques de quadrilatères à l’école primaire : étude d’une situation d’apprentissage dans le mésoespace, GIBEL et BLANQUART-HENRY (2017) définissent et caractérisent précisément les situations adidactiques en théorie des situations didactiques.
Une situation adidactique est également spécifique d’une connaissance clairement identifiée par l’enseignant. Ces situations sont définies comme étant « des situations que l’on peut associer à l’enseignement d’une connaissance ou d’un savoir (clairement identifié par l’enseignant), dans laquelle l’intention d’enseigner est effacée pour laisser à l’élève le plus d’initiative possible et lui permettre d’agir, de réfléchir, et de prendre des décisions, par lui-même. » Dans ces dernières, la connaissance à enseigner se trouve justement être le meilleur moyen de résolution afin de surmonter le problème posé. Les autres savoirs et connaissances disponibles qui pourraient permettre à sa place la résolution doivent être trop coûteux à mettre en œuvre.
Ce type de situation peut et doit être gérée par l’élève lui-même en l’absence de toute aide.
Lors de la recherche de la solution, l’enfant tâtonne, essaye et instaure ainsi un véritable dialogue avec la situation d’action. Ces auteurs précisent que dans ces situations d’action, « cette dialectique de l’action lui permet de se créer un modèle implicite, c’est-à-dire d’avoir des réactions qu’il ne peut encore formuler, ni encore organiser en théorie. ». En d’autres mots, l’élève agit sur la situation et cette dernière lui renvoie de l’information sur son action (principe de rétroaction).
Cependant, les dispositifs pédagogiques de ces situations adidactiques doivent être anticipés et réfléchis par l’enseignant (espace, matériel, modalités humaines). Coûteuses, tant pour l’élève que pour l’enseignant, leur nombre dans une séquence d’apprentissage se veut restreint et leur objectif précis. Dans ce sens, GIBEL et BLANQUART-HENRY précisent d’ailleurs que « le milieu délimite ainsi les possibilités de décision du sujet. »
Lors de la réalisation des séquences d’apprentissage de mon mémoire, certaines situations de recherche joueront donc un rôle déterminant. En effet, d’un point de vue didactique, ces dernières s’avèreront très riches car difficiles à mettre en œuvre et à piloter dans ma classe : les élèves auront obligatoirement des questions à se poser et des choix à faire afin d’atteindre leur but. En amont de la mise en œuvre de ces situations adidactiques, je prendrai soin de réaliser des analyses a priori.
PRÉSENTATION DE LA PROBLÉMATIQUE ET DE LA MÉTHODOLOGIE
Le cadre de l’expérimentation
Contextualisation
Actuellement professeure des écoles stagiaire à l’école élémentaire Henri Perrot de Lons, j’ai pour responsabilité une classe de niveau simple CE2 composée de 25 élèves. Cette école se situe en milieu citadin, dans le centre-ville de Lons. Elle regroupe 228 élèves divisés en 9 classes. Cette école, pourtant citadine, est un établissement scolaire à l’ambiance familiale où règne un climat bienveillant favorable aux apprentissages.
Ma classe, plutôt équilibrée, se compose de 13 filles pour 12 garçons. La majeure partie de mes élèves est issue d’un milieu social favorisé.
Avec l’accord de ma collègue, j’ai souhaité élaborer et mettre en œuvre quatre courtes séquences visant à rendre mes élèves plus autonomes dans leurs déplacements.
Choix du méso-espace à structurer
La structuration du macro-espace est une notion difficile qui requiert un apprentissage explicite et progressif. J’ai donc, dans un premier temps, souhaité réaliser mon expérimentation dans un cadre familier aux élèves mais relativement ambitieux pour du CE2 : le quartier de l’école. Or, de par sa taille et le trop grand nombre d’éléments matériels (bâtiments, végétation, panneaux de signalisation, axes routiers) qui le composent, ce dernier constitue un cadre spatial peu pertinent car il rend difficile une prise de repères fixes efficaces (ces derniers étant bien trop nombreux). A contrario, la cour de récréation de mon école est un méso-espace d’une superficie inférieure (ce qui n’est pas négligeable dans mon optique de construction d’une maquette) et dont le nombre de repères fixes est limité.
De plus, cet environnement est familier à l’ensemble de mes élèves puisqu’il constitue pour eux un lieu de vie quotidien commun. Aussi, la cour de récréation étant un endroit clos, les déplacements de mes élèves y seront réalisés en toute sécurité ce qui me permettra de laisser des groupes autonomes évoluer librement dans ce milieu.
Cependant, dans le cadre du plan Vigipirate, mes élèves de CE2 doivent être capables, de manière autonome, de se souvenir du trajet de notre classe à notre zone de confinement et de l’effectuer seuls en cas d’éventuel danger. Par conséquent, je prendrai soin durant toute mon expérimentation de toujours représenter la cour de récréation ainsi que ses rues limitrophes (sur la maquette, sur le plan).
Présentation de la problématique
Comme nous l’avons dit précédemment, la construction de compétences d’orientation et de repérage dans l’espace est un apprentissage long et progressif qu’il est nécessaire de débuter dès le plus jeune âge.
Rappelons tout d’abord ma question initiale : « Comment rendre mes élèves plus autonomes dans leurs déplacements ? » En d’autres mots, je cherche à responsabiliser mes élèves vis-à-vis de leurs déplacements. Mais alors, comment faire en sorte qu’ils prennent en charge l’anticipation puis la réalisation de leurs déplacements ?
Suite à de nombreuses lectures d’ouvrages, il est clair que l’espace se construit par l’enrichissement de l’expérience. Seules les activités exploratoires, où les enfants perçoivent intuitivement certaines dimensions spatiales de leur environnement immédiat, permettent d’acquérir une première série de repères qui mènent à l’abstraction. Pour parvenir à structurer l’espace sensible, il est nécessaire de travailler explicitement par des situations d’apprentissage un espace intermédiaire dans lequel on va pouvoir agir, anticiper et expliquer un trajet. Cet espace intermédiaire (maquette, plan) se doit d’être compris dans le micro-espace afin que les élèves parviennent à prendre des repères fixes, à les coordonner et à les orienter. Mais alors, comment sensibiliser mes élèves à la nécessité de représenter l’espace pour le structurer ? Quelles représentations de l’espace mobiliser ? Comment mettre en situation les élèves en vue d’anticiper et d’effectuer un déplacement ?
Analyse a priori de situations adidactiques
Comme expliqué précédemment, certaines situations d’apprentissage adidactiques mises en œuvre joueront donc un rôle déterminant. Ces situations de recherche permettent à l’élève d’apprendre à chercher, à tâtonner, à faire des essais, à interpréter ses essais, à interpréter ses procédures, d’apprendre à communiquer sa procédure de résolution ou celle du groupe, d’apprendre à argumenter, de prendre conscience de ses erreurs, de comparer ses résultats au but à atteindre et de comprendre les procédures des autres élèves. Les élèves ne connaissent pas encore de solution experte (ils ne disposent pas d’un modèle de résolution) mais doivent tout-de-même s’engager dans la recherche et faire état de cette dernière même si elle n’est pas terminée. D’un point de vue didactique, ces situations s’avèreront très riches car difficiles à mettre en œuvre et à piloter dans ma classe : les élèves auront obligatoirement des questions à se poser et des choix à faire afin d’atteindre leur but. En amont de la mise en œuvre de ces situations adidactiques, j’ai donc pris soin de réaliser des analyses a priori. Ces dernières me permettront notamment d’anticiper lesprocédures des élèves afin de prévoir le matériel nécessaire ainsi que leurs difficultés afin d’y remédier plus efficacement par l’élaboration de processus de différenciation.
La rédaction de mes analyses a priori se divisera en deux parties : d’une part l’étude de la situation sur le plan mathématique (nature de la réponse et procédures de résolutionsattendues), d’autre part l’étude de la situation sur le plan didactique (objectif(s) de lasituation d’apprentissage, compétences travaillées, type de situation, principales variablesdidactiques, difficultés envisagées, aides envisagées et moyen(s) de validation).
Analyse a priori de l’évaluation diagnostique réalisée en séquence 1, séance 1, phase 3 : réaliser le plan de la classe et y représenter un trajet
Sur le plan mathématique, la réponse attendue doit prendre la forme d’un plan réalisé au crayon à papier ainsi qu’à l’aide d’instruments de géométrie (règle, équerre, compas). La procédure de résolution attendue s’établit selon les étapes suivantes : identification des repères fixes figurés sur le plan (phase de décodage), observation de l’espace vécu (phase exploratoire), mise en correspondance des repères fixes réels avec leur représentation, changement d’orientation physique du plan (mise en congruence des deux espaces), identification d’éléments à représenter, localisation de ces éléments (micro-repérage), coordination et orientation de ces éléments entre eux, représentation de ces éléments en vue de dessus en tenant compte des rapports d’échelle.
Sur le plan didactique, l’objectif de cette situation dite de recherche est de recueillir les conceptions des élèves à la fois sur la construction, la lecture et l’utilisation d’un plan (caractéristiques, repères fixes, échelle, orientation, légende…).
PRÉSENTATION ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
Analyse a posteriori des séquences
Analyse de la séquence 1
Lors de cette première séquence, les élèves se sont montrés enthousiastes et motivés à l’idée de travailler sur un environnement familier : leur école.
En première séance, les découvertes successives de la vue aérienne puis du plan ont été rapides et ont suscité chez chacun un réel plaisir. Tour à tour, les élèves repéraient des éléments connus, les nommaient et racontaient une petite anecdote de leur expérience personnelle en lien. L’objectif motivationnel décrit par BARTH en partie 1 était d’ores et déjà atteint.
Lors de l’explicitation de la consigne de l’évaluation diagnostique, alors que je m’attendais à quelques situations de refus (« Mais maitresse, on ne sait pas dessiner un plan ! » par exemple), l’ensemble des élèves s’est rapidement mis au travail et a osé essayer sans peur de se tromper. Tous ont cherché, tâtonné, fait des essais et m’ont rendu une production réalisée au crayon à papier. Aucun d’entre eux ne connaissait de solution experte quant à la réalisation de ce travail, mais tous se sont engagés dans la recherche et ont fait état de cette dernière même si elle n’était pas terminée. De plus, pour la majeure partie des élèves, les compétences travaillées ont été acquises (représenter, modéliser).
Alors que j’avais autorisé tous déplacements, aucun de mes élèves ne s’est levé de sa chaise. De plus, peu d’entre eux ont manipulé leur plan afin d’en changer son orientation ce qui signifie que la phase de mise en congruence n’a pas été réalisée. Seuls de nombreux aller-retours entre le plan et l’espace vécu se lisaient dans leurs regards ce qui laisse supposer que la phase de décodage, la phase exploratoire et la phase de mise en correspondance ont été effectives. En ce qui concerne l’organisation de leur raisonnement, l’ordre de représentation des éléments était très variable d’un élève à un autre mais beaucoup ont débuté ce plan par la représentation de leur propre table. Dans le soin apporté à la tâche, peu d’élèves ont utilisé leurs instruments de géométrie pour représenter les éléments.
Lors du retour sur productions réalisé en séance 2, de nombreux élèves ont constaté qu’ils s’étaient concentrés sur la représentation des éléments mais qu’ils avaient conservé le plan orienté tel qu’il leur avait été distribué (sans même penser à faire coïncider les repères fixes de l’espace vécu et leur représentation) : ces élèves avaient donc débuté leur représentation avec un plan mal orienté (Annexe 1 : photographies 4 et 6). Cependant, pour la plus grande partie des élèves, la coordination et l’orientation des repères fixes représentés entre eux était correcte. Aussi, l’ensemble des élèves avait fait un effort de décentration en débutant leur représentation en vue de dessus. Cependant, beaucoup ont constaté que, par inattention ou habitude, de nombreux éléments de leur production sont représentés en vue de face (ce qui signifie que leur production n’est donc pas un plan) (Annexe 1 : photographie 4). Au niveau des éléments représentés, un effort de microrepérage a été réalisé mais peu d’élèves ont réellement sélectionné ceux qu’ils jugeaient nécessaires de voir apparaitre sur leur plan. La plupart se sont contentés de tout représenter (affiches, trousses, personnes, feuilles…) et la seule limite qui les a forcés à faire des choix est celle du temps. L’attention accordée aux détails était grande (Annexe 1 : photographie 3). Enfin, en ce qui concerne l’échelle, le respect des proportions, lorsqu’il a été réalisé (Annexe 1 : photographie 5), a été le résultat de nombreux tâtonnements : dans le cas où l’élève ne parvenait pas à représenter tout ce qu’il souhaitait représenter, il gommait alors sa production et revoyait les dimensions à la baisse.
L’impossibilité d’utiliser les plans projetés et la prise de conscience des erreurs présentées ci-dessus ont permis à mes élèves d’identifier les critères essentiels auxquels ils doivent être vigilants lors de la réalisation d’un plan. Ces critères ont été inscrits sur une affiche de classe et seront progressivement travaillés dans les séances qui suivent.
En fin de séance 2, lors de l’annonce de l’objectif final en lien avec la nécessité de se confiner dans le cadre du plan Vigipirate, les élèves ont saisi l’enjeu du projet. Ce dernier a alors pris une place importance tant la nécessité de se cacher en cas d’éventuel danger est primordiale à leurs yeux.
Le bilan de cette première séquence a été très positif et a répondu à mes attentes.
Premièrement, mes élèves se sont investis avec un immense plaisir dans ce projet (aspect motivationnel). Deuxièmement, ces derniers ont saisi l’enjeu des situations de recherche (telle que celle de l’évaluation diagnostique) et ont accepté de se prêter au jeu sans avoir peur de se tromper : un climat de confiance où l’erreur est un moyen d’apprendre a été instauré dès la première séance. Dernièrement, l’évaluation diagnostique a eu l’effet escompté dans le sens où les représentations de notre classe sous la forme de plans illogiques et non-fonctionnels ont permis aux élèves de prendre conscience de la nature de leurs erreurs et donc de critères essentiels à la structuration d’un espace.
Analyse de la séquence 4
Cette quatrième et dernière séquence a permis, d’une part, de poursuivre la construction progressive de connaissances et compétences spatiales dans le méso-espace par l’utilisation du plan en réponse à des situations concrètes. D’autre part, elle a aussi permis le réinvestissement et l’évaluation de ces connaissances et compétences (acquises dans le méso-espace) dans le macro-espace.
Lors de cette séquence, les situations d’apprentissage proposées ont été l’occasion de réinvestir des connaissances et compétences spatiales acquises dans la construction du plan pour cette fois ci parvenir à sa lecture. Les opérations mentales à réaliser restaient les mêmes mais ne devaient pas être exécutées dans le même ordre. En effet, la lecture du plan débutait par une étape de macro-repérage qui comprenait la phase exploratoire, la phase de décodage et la phase de mise en correspondance. Elle se poursuivait par une étape d’orientation durant laquelle avait lieu la phase de mise en congruence. Enfin, elle se terminait par une étape de micro-repérage durant laquelle le lieu à atteindre était déterminé.
Lors de la première séance, durant la situation d’apprentissage de la « chasse aux trésors », le plan de l’école utilisé devait être celui réalisé avec les élèves lors de la séance précédente. Cependant, lors de cette dernière, les tracés de ce même plan avaient été tracés directement sur le socle en bois de la maquette. Ainsi, dans l’incapacité de reproduire ce plan sur une feuille de papier de la taille de la maquette afin de le photocopier pour chaque élève, les élèves ont réalisé la chasse aux trésors à l’aide du plan d’architecte fourni par la mairie en A4.
Cette chasse aux trésors a débuté par une phase « d’encodage » : chaque binôme jouait le rôle des pirates et se devait d’aller cacher dans la cour de récréation un trésor représenté sur le plan par un nombre écrit en rouge. Dans un second temps, durant la phase de « décodage », chaque binôme jouait alors le rôle d’aventuriers et se devait d’aller chercher un nouveau trésor représenté sur le même plan par un autre nombre écrit en rouge.
L’enjeu des trésors et le jeu de rôles pirates/aventuriers n’ont fait que renforcer l’engouement provoqué par cette situation. Par conséquent, trois binômes se sont laissés envahir par l’enjeu de la situation et, trop pressés de terminer les premiers, ont mal encodé leur trésor. Afin que ce type d’erreur ne se ressentent pas dans la phase de décodage, j’avais prévu avec chaque binôme un temps de verbalisation du lieu de la cachette afin de m’assurer de sa validité. Dans le cas où le trésor était mal caché, j’invalidais alors la proposition du groupe et lui permettait de repartir cacher correctement son trésor. Dès le deuxième essai, les trois groupes avaient corrigé leur erreur. Ce temps verbalisation était aussi pour moi l’occasion de réaliser une première évaluation formative des connaissances et compétences spatiales construites dans le méso-espace par le remplissage de grilles.
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Table des matières
Introduction
1 CADRE THÉORIQUE UTILISÉ DANS LE DOMAINE DE LA DIDACTIQUE DES MATHÉMATIQUES
1.1. Une classification des espaces selon l’évolution de la pensée chez l’enfant
Þ 1.1.1. Un espace, des espaces
Þ 1.1.2. Les différents types d’espace
1.2. Les stades de développement
Þ 1.2.1. À la découverte du vaste monde
Þ 1.2.2. Subir, vivre et percevoir avant de connaitre
1.3. Une classification des espaces en théorie des situations didactiques
Þ 1.3.1. Des conceptions différentes selon les milieux
Þ 1.3.2. La difficile structuration du macro-espace
1.4. Les références institutionnelles
1.5. La distinction des connaissances spatiales et géométriques
1.6. La construction de connaissances spatiales à l’école primaire : une piste méthodologique
Þ 1.6.1. L’association de deux systèmes de référence
Þ 1.6.2. Coordonner différentes représentations
Þ 1.6.3. Les différents types de représentations
Þ 1.6.4. Quelle(s) représentation(s) choisir ?
Þ 1.6.5. Les opérations mentales réalisées
Þ 1.6.6. Les situations didactiques et adidactiques
2 PRÉSENTATION DE LA PROBLÉMATIQUE ET DE LA MÉTHODOLOGIE
2.1. Le cadre de l’expérimentation
Þ 2.1.1. Contextualisation
Þ 2.1.2. Choix du méso-espace à structurer
2.2. Présentation de la problématique
2.3. Présentation de la méthodologie générale
2.4. Présentation des séquences
Þ 2.4.1. Présentation de la séquence 1
Þ 2.4.2. Présentation de la séquence 2
Þ 2.4.3. Présentation de la séquence 3
Þ 2.4.4. Présentation de la séquence 4
2.5. Analyse a priori de situations adidactiques
Þ 2.5.1. Analyse a priori de l’évaluation diagnostique réalisée en séquence 1, séance 1, phase 3 : réaliser le plan de la classe et y représenter un trajet
Þ 2.5.2. Analyse a priori des phases 6 et 7 de la séquence 2, séance 2 : classer des photographies et choisir des repères fixes
Þ 2.5.3. Analyse a priori de la phase 4 de la séquence 3, séance 1 : positionner les solides représentant nos repères fixes les uns par rapport aux autres
3 PRÉSENTATION ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
3.1. Analyse a posteriori des séquences
Þ 3.1.1. Analyse de la séquence 1
Þ 3.1.2. Analyse de la séquence 2
Þ 3.1.3. Analyse de la séquence 3
Þ 3.1.4. Analyse de la séquence 4
3.2. Analyse globale de la séquence
Conclusion
Bibliographie et sitographie
Annexes
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