Une analyse de l’enseignement de la numération

La numération : les problèmes spécifiques à la classe de cours préparatoire, le CP La numération décimale de position semble aller de soi, tant elle est naturalisée pour les adultes. Cependant des difficultés d’apprentissage sont à relever : Fischer (1990), DeBlois (1995, 1996), Fuson (1997), ou encore Masselot, Numa Bocage & Vinatier (2007). Ces difficultés se révèlent par exemple lorsque les élèves abordent les opérations ou les nombres décimaux, Parouty (2005), ou bien des décimaux et des fractions, Bednarz et Janvier (1982). Par ailleurs, Delaplace et Weil-Barais (2008) mettent en évidence le fait que les écritures chiffrées sont peu réinvesties dans des problèmes dans lesquelles elles sont pourtant efficaces, au profit de l’utilisation de stratégies de comptage qui s’appuient sur la numération parlée. Qu’en est-il réellement dans les classes ?

En France, la classe de cours préparatoire, le CP, concerne les enfants de 6-7 ans. Ces derniers ont été quasiment tous scolarisés en classe maternelle, la plupart de temps dès l’âge de 3 ans. Ainsi, entre 3 et 6 ans, les élèves ont suivi un enseignement prescrit par des programmes nationaux. Ils ont abordé les nombres via la comptine numérique, « un, deux, trois, etc. », qui est plus ou moins stable jusqu’à environ trente. Les problèmes mathématiques qu’ils rencontrent concernent a minima le champ numérique des nombres inférieurs à dix. Cependant, une grande variabilité est susceptible d’être rencontrée selon les élèves et les classes. Néanmoins, dans tous les cas, ce sont les interactions orales qui prédominent en classe. Les désignations chiffrées sont les traces écrites des désignations orales. Par exemple, une file numérique des écritures chiffrées, 1, 2, 3, etc., est le reflet de la comptine orale, un, deux, trois, etc. Le CP est en rupture avec cette situation. Les programmes officiels prescrivent d’utiliser les potentialités spécifiques des écritures chiffrées que permet le principe de position des chiffres.

Voici un exemple que nous avons relevé en classe de CP, en fin d’année, et qui donne un aperçu du problème . Chaque élève d’une classe a devant lui une feuille de papier sur laquelle est dessinée une collection de croix (la feuille est identique pour chaque élève et comporte quarante-sept croix). Le professeur demande : « écrivez combien il y a de croix ». Un premier élève énumère les croix en inscrivant au fur et à mesure en dessous de chaque croix les écritures chiffrées 1, 2, 3, …, 47 et en récitant simultanément la comptine numérique un, deux, trois, …, quarante sept. Un deuxième compte jusqu’à dix, en rayant dix croix, inscrit à côté « 10 », puis compte encore jusqu’à dix, inscrit encore « 10 », jusqu’à obtenir l’écriture « 10, 10, 10, 10, 7 ». Il énonce alors « dix, vingt, trente, quarante, quarante-sept », puis écrit « 47 ». Un troisième fait des paquets de dix croix en les entourant, puis compte le nombre de groupements et inscrit le chiffre 4, puis compte le nombre de croix restantes, et inscrit « 7 » à côté du 4, pour obtenir « 74 ». Un quatrième inscrit en toutes lettres « carante set » et un dernier « 30 ». Le professeur regarde le travail des deux premiers élèves, il signifie au premier qu’il a réussi et lui demande alors de communiquer sa réponse aux autres élèves. L’élève annonce « quarante-sept ». Le professeur indique que tous ceux qui ont écrit « quarante-sept » ont la bonne réponse et demande à ceux qui n’ont pas réussi de recommencer. Ceci illustre deux niveaux de difficulté, au niveau des apprentissages et au niveau de l’enseignement. Pour les apprentissages, la réussite de l’élève assure-t-elle que les connaissances visées aient été construites ? Plus précisément, qu’est-ce qui dans sa procédure peut être relié à des propriétés mathématiques de la numération écrite de position ? En effet, il semble que chacune des procédures utilise à un moment donné la numération parlée mais de manière différente. Du côté de l’enseignement, se pose le problème de la gestion des procédures en classe (celles qui sont exactes ne sont pas toujours celles qui servent le mieux l’objectif, en particulier du fait de la prédominance de la numération orale), de leur mode de diffusion, de leur mode de validation et finalement du savoir à institutionnaliser. Outre l’enjeu d’apprentissage, le temps qui leur est consacré, le nombre d’élèves, l’hétérogénéité de leurs connaissances, leurs habitudes de communication en classe (langagières entre autres) sont parmi les facteurs avec lesquels le professeur doit jouer.

Précisons le problème au niveau des notions mathématiques en jeu. L’enseignement de la numération écrite chiffrée est lié fortement à la compréhension d’une écriture. Or les écritures chiffrées et leur transcription orale en français ne font pas référence aux mêmes propriétés mathématiques des nombres entiers. Nous pensons notamment aux irrégularités de la numération orale jusqu’à cent, mais, nous allons le voir, ce n’est pas l’unique raison. Ainsi la désignation orale « quatre-vingt-deux », contrairement à la désignation chiffrée « 82 », ne renvoie pas a priori à une traduction symbolique de l’organisation d’une collection d’éléments en huit groupements de dix et deux unités. Dans la désignation des nombres, il n’y a pas congruence (au sens de Duval, 2006) entre le registre de l’oral et celui des écritures chiffrées des nombres : on ne peut pas traduire un mot par un chiffre. Certaines désignations sont cependant plus évocatrices. Ainsi l’oral « trente-quatre » peut être interprétable comme trente plus quatre, voire trois dizaines plus quatre. Pour autant, pour les élèves de début de CP, « trente-quatre » est utilisé pour indiquer le cardinal d’une collection essentiellement grâce à la comptine numérique des mots-nombres. Le nombre est très lié à un geste d’énumération un par un et ne peut être envisagé indépendamment de la dénomination de ses prédécesseurs. Ce n’est pas le cas de la désignation chiffrée « 34 » qui peut être associée immédiatement à une organisation globale de la quantité, sans passer par une désignation des nombres inférieurs. En outre, les problèmes abordés par la suite à l’école mettent en jeu des propriétés de l’écriture chiffrée qui ne se retrouvent pas dans les désignations parlées. C’est le cas des écritures des grands nombres, des opérations posées ou encore de l’extension des entiers aux décimaux. L’écriture chiffrée est donc vecteur de mathématiques spécifiques à apprendre et elle ne peut pas constituer une simple transcription écrite du langage oral. Or, en arrivant au CP, les élèves ont une approche des nombres essentiellement en lien avec leur désignation orale, associée le plus souvent à une activité de dénombrement un par un. Par ailleurs, les situations de classe requièrent des médiations gérées par l’enseignant qui ne peuvent faire abstraction des connaissances anciennes des élèves. Comme il semble inévitable de faire une séquence sur les nombres sans les nommer, se pose alors la question de la place des désignations orales dans l’apprentissage de la numération décimale de position : comment en faire une aide et non un obstacle ?

En résumé, tenir compte des désignations orales est incontournable pour l’enseignant. Se pose alors le problème de leur gestion en classe dans l’enseignement de la numération décimale de position, à la fois au niveau du contenu mathématique et des déroulements en classe. Dans l’exemple donné, nous avons vu que ces deux problèmes étaient liés et ne pouvaient être considérés sans des facteurs afférents aux conditions d’exercice.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I Présentation de la première partie de la thèse : le nombre et les numérations
Introduction
1. Les mathématiques dans notre numération écrite et orale : premières descriptions et questions soulevées
1.1 Descriptions de Bezout et Reynaud
1.2 Analyse comparative
1.3 Questions soulevées
2. Méthodologie d’analyse
2.1 Les emprunts à la sémiotique
2.2 Choix méthodologiques
3. Le nombre
3.1 Définition « pragmatique » du nombre
3.2 Définition de Peano : approche par la fonction successeur
3.3 Point de vue du cardinal : définition ensembliste
CHAPITRE II La numération écrite chiffrée
Introduction
1. Description : du nombre à la numération écrite chiffrée
2. Les mathématiques sous-jacentes vues par la théorie des langages
3. Un interprétant en deux parties
3.1 La décomposition dite polynomiale
3.2 Le système d’écritures chiffrées de position comme representamens
4. Les procédés concrets de mise en signes du cardinal d’une collection
4.1 Le premier procédé concret de mise en signes
4.2 Le deuxième procédé concret de mise en signes
4.3 Comparaison des deux procédés et lien avec les principes de base
5. Comparaison entre différents systèmes de numération utilisant la décomposition polynomiale
5.1 Privilégier les ordres
5.2 Utiliser les ordres et les coefficients
5.3 Analyse comparative
6. Conclusion sur la numération écrite chiffrée de position
6.1 Une définition en terme de processus
6.2 La première partie de l’interprétant : les principes mathématiques
6.3 La deuxième partie de l’interprétant : le choix du système d’écriture dans la mise en signes
6.4 Synthèse
CONCLUSION

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