UN TRAIN DE RETARD FACE A L’EVOLUTION CONSTANTE DES MECANISMES DE FRAUDES
EN CAUSE : UNE APPROCHE QUI A DES LIMITES ET QUI EST INADAPTEE A LA COMPL EXITE DES FRAUDES
Il a été démontré que le constat fait sur la performance des CAC pour la détection des fraudes est insatisfaisant et que les NEP sont en partie responsables de ce constat. Elles le sont par leur interprétativisme et leur manque de contextualisation. Elles présentent également d’autres limites qui vont être présentées ici. Cependant les limites des NEP ne sont pas les seules responsables du manque de performance. Les mécanismes de fraudes et de blanchiment se font de plus en plus complexes ce qui les rend plus difficilement détectables.
Les NEP ne définissent pas certains éléments pourtant déterminants
-L’expérience de celui qui fait les travaux n’est pas imposée par les normes. C’est à l’auditeur de répartir au mieux les diligences à effectuer en tenant compte des compétences de ses collaborateurs. Et pourtant ce sont souvent les juniors qui s’attachent à la formalité du contrôle, les expérimentés supervisent juste.
-Les diligences spécifiques qui peuvent être mises en œuvre et dans quelles circonstances ne sont pas non plus définies. Le CAC peut être tenté de ne mettre en place que les diligences communément admises pour ne pas découvrir de fraude.
Les NEP définissent certains éléments qui vont dans le sens contraire de la détection des fraudes
-La diffusion du programme de travail à la direction avant le déroulement de la mission rend plus difficile la découverte d’un délit économique. En effet la direction connaissant ce programme peut plus aisément préparer l’arrivé de l’auditeur afin de camoufler davantage la triche.
-La méthode de sondage est inappropriée car certains postes ne sont pas audités. Par exemple la réalité des immobilisations ou des stocks n’est contrôlée qu’en partie, les confirmations de tiers ne sont réalisées que sur une partie des clients ou bien une partie des fournisseurs.
-Les circularisations sur une partie des créances ou des dettes sont inadaptées. La demande de confirmation de tiers passe obligatoirement par l’entité puisque le CAC n’a pas à interférer entre la relation que l’audité entretient avec les tiers. Par précaution la gestion des envois des lettres se fait par le cabinet GUIGARD-VEYRET par le biais des lettres à en-tête de l’audité et après signature du dirigeant. Cependant tous les cabinets ne prennent pas cette précaution, le comptable peut donc omettre volontairement d’envoyer les demandes ou par exemple transférer sa fausse facture et le paiement dont il a indûment bénéficié à un autre compte fournisseur qui ne fait pas l’objet de ces demandes. Dans le cas du cabinet GUIGARDVEYRET le risque est que le comptable fournisse des adresses incorrectes ou qu’il transfère également l’enregistrement de la fausse facture et du règlement qu’il s’est fait dans un autre tiers ne faisant pas l’objet de demande.
-La notion de seuil de signification est totalement inadaptée à la recherche de délits économiques. Les fraudes se font généralement sur de faibles montant s. Le coût si élevé provient du fait qu’elle s’étale sur la longueur (cf. supra). Le seuil de signification prive de contrôle les éléments où peuvent se cacher une fraude. Par exemple lors d’un contrôle sur pièces, les factures de faibles montants ne sont pas contrôlées. Et pourtant le comptable enregistrant une fausse facture ne le fait généralement pas sur une seule ni sur un gros montant. En effet les fraudeurs peuvent éclater leur délit en petits montants. C’est l’exemple de la fraude « salami » qui a été découverte dans les années 60. Pour exemple, en 2007 une fraude « salami » a été détectée, le comptable prélevait des centimes sur les bulletins de paie de chaque salarié tous les mois.
-Le barème horaire ne prend pas en compte les nouvelles diligences à mettre en œuvre. Trop pressé par le temps l’auditeur ne s’attache pas au détail mais à l’aspect général. C’est en accordant de l’importance au détail que les fraudes peuvent être découvertes. L’objectif lors des confirmations directes de tiers n’est pas de regarder uniquement si les soldes correspondent mais de contrôler si les mêmes mouvements apparaissent. Or en pratique si les soldes correspondent, les mouvements ne sont pas étudiés, certainement par manque de temps.
L’auditeur n’a pas pour mission de détecter les fraudes mais seulement de prendre en compte ce risque dans sa démarche d’audit.
La complexité des fraudes rend leur détection plus difficile
Les fraudes réalisées par les salariés font généralement l’objet de montages simples tels que le montre la figure en annexe 6. En revanche les fraudes orchestrées par les entités elles-mêmes (les dirigeants) se font parfois par des montages complexes. Cette complexité rend leur découverte difficile. Si l’on prend l’exemple de délits où plusieurs sociétés écrans entrent en scène, il est difficile pour l’auditeur d’avoir une vue d’ensemble des liens et opérations entre chacune des sociétés. Tout d’abord parce-que la mission d’audit légal est répartie entre différents collaborateurs mais aussi parce-que les sociétés n’ont pas nécessairement recours au même cabinet.
Les fraudes sont camouflées soit par des processus comptables soit par le fait qu’elles ne figurent même pas dans le grand livre. Voici quelques exemples :
– La non comptabilisation des ventes ne figure pas dans le grand livre. Elle est courante et peut être à l’origine du comptable (vol de l’encaissement appelé « écrémage ») ou du dirigeant (baisse d’IS et Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) collectée non déclarée). Ce mécanisme ne donne en effet naissance à aucun document.
– La surévaluation des achats est difficile à détecter. Exemple : Un responsable des achats d’une entreprise A facture plus cher à l’entreprise B sous la complicité du comptable B. A encaisse la vente au tarif normal tandis que B paie un tarif plus élevé. Les fraudeurs de A et de B partagent ensemble la différence de prix. Le camouflage passe par une augmentation progressive de prix qui les rend cohérents. La fraude aux achats d’une manière générale s’est développée ces dernières années du fait de la centralisation des pouvoirs de décisions selon une étude PWC, « 2014 Global CEO Survey ».
-Double enregistrement de factures : le fraudeur enregistre deux fois une facture et la paie deux fois. Il contacte alors le fournisseur pour lui faire part de l’erreur et en demande le remboursement. Le comptable détourne le remboursement et laisse la double écriture en comptabilité.
D’une manière générale le camouflage peut donc passer par des écritures comptables (comptabilisation d’avoirs, de factures fictives ou de double enregistrement de factures …) ainsi que par des actes ne laissant pas de traces en comptabilité (interception des relances clients et des réponses, paiement de la facture A avec le chèque de B, non comptabilisation des ventes..).
Les procédés sont donc nombreux et variés. Il est difficile pour l’auditeur de détecter des fraudes camouflées et complexes. La multiplication des cas de fraudes rend nécessaire l’accompagnement des auditeurs. La CNCC réagit à ce constat en élaborant des NEP et en les faisant évoluer.
PUBLICATIONS ET EVOLUTIONS DES NEP TARDIVES
La CNCC et le H3C réagissent à l’augmentation des cas de fraudes et au constat insatisfaisant de leur découverte. Cependant leur réponse peut être qualifiée d’extrêmement tardive. D’une manière générale, les premières NEP ont vu le jour en 2003 avec la création du H3C institué par la LSF de 2003. La première norme prenant en compte le risque de fraude est donc apparue en 2003, neuf ans après l’affaire ELF , deux ans après l’affaire Vivendi . La norme 2-105 de 2003 « Prise en considération de la possibilité de fraudes et d’erreurs lors de l’audit des comptes » s’attache à définir la fraude et ses facteurs, les acteurs pouvant en être à l’origine ainsi que le rôle du CAC. Elle met l’accent sur l’esprit critique de ce dernier et instaure un entretien avec la direction. L’auditeur sait désormais qu’il doit prendre en compte le risque de fraude dans la démarche d’audit. Même si cette norme est une grande avancée, elle ne constitue pas un guide d’application. La NEP 240 est venu remplacer cette norme en 2007. Elle s’applique spécifiquement aux « fraudes susceptibles d’entrainer des anomalies significatives » et non plus aux fraudes et aux erreurs et introduit une présomption de fraude sur les produits. Elle précise également des diligences obligatoires à mettre en œuvre telles que l’analyse des facteurs de risques de fraude. L’auditeur peut désormais interroger toute personne jugée utile et non plus se limiter à la direction et au gouvernement. Ces précisions ne suffisant pas, le H3C et la CNCC font évoluer la NEP 240 en 2010. De manière générale un effort est fourni par la CNCC pour clarifier les NEP et faciliter l’exercice de la mission d’audit légal. Par ailleurs, une nouvelle NEP pourrait prochainement être homologuée puisque la CNCC a élaboré une pratique professionnelle considérée comme une bonne pratique professionnelle par le H3C par décision du 14 avril 2014. Ce qui a donné lieu à une circulaire le 18 avril 2014. Cette dernière apporte des précisions :
-Les faits que le CAC doit révéler sont plus précisément définis. Les infractions « non comptables » telles que le harcèlement même si elles sont découvertes dans le cadre de sa mission ne doivent pas être révélées. De nombreux exemples sont donnés ainsi qu’une liste non exhaustive.
-Les faits antérieurs doivent être révélés s’ils n’ont pas fait l’objet de révélation ou si un fait nouveau apparaît. Les faits postérieurs n’ont pas à être révélés.
-Les cas d’infractions constatées lors de sa mission dans une entité tiers, contrôlée ou contrôlante. L’auditeur n’a pas à révéler pour une entité tiers ni pour une entité contrôlée ou contrôlante si celle-ci n’entre pas dans le périmètre de consolidation.
-L’auditeur n’a pas à donner de qualification pénale aux faits ni à apprécier la problématique de prescription ou d’amnistie. L’auditeur peut également communiquer avec le magistrat, la commission de liaison ou le procureur sur des questions de territorialités.
UNE SOLUTION POUR AMELIORER LES PERFORMANCES DE L’AUDITEUR : UN AUDIT DE FRAUDE
LA NECESSITE DE BOULEVERSER DES PRINCIPES
Cette sous-partie est fortement inspirée par Romain Duprat, Pansard&Associés, dans son article : La fraude et l’auditeur : le cadre conceptuel des nouvelles techniques de détection des détournements d’actif.
REDEFINITION DE L’OBJECTIF D’AUDIT
Une arme anti-fraude
Dans le petit livret « Commissaire aux comptes une obligation qui rapporte » publié en 2014, la CNCC utilise l’expression « l’arme anti-fraude » pour désigner les diligences du CAC. Et pourtant la seule obligation du CAC est de mettre en œuvre les diligences nécessaires afin d’obtenir l’assurance raisonnable qu’aucune anomalie significative n’est présente dans les comptes. La bonne pratique professionnelle précise même que le CAC n’a pas à mettre en œuvre de diligences spécifiques afin de rechercher une fraude. Nous sommes loin de l’arme anti-fraude. Néanmoins, comme le petit livret le précise, la mission annuelle de l’auditeur a tout de même un pouvoir de dissuasion.
Le pouvoir de dissuasion
Le pouvoir de dissuasion réside dans la simple présence du CAC dans l’entité. Etant donné que des contrôles vont être effectués sur les comptes annuels, les personnes mal intentionnées peuvent craindre d’être démasquées. Selon Bernad Colasse, la peur du CAC ressenti par ceux qui élaborent les comptes est un gage de confiance pour les utilisateurs des informations financières. Cependant cette crainte est atténuée pour un comptable ou un dirigeant qui a l’habitude chaque année de recevoir le CAC puisqu’il sait plus ou moins où vont porter les contrôles. Si ce pouvoir suffisait une entreprise sur deux ne serait pas victime de fraude. L’objectif de l’audit légal ainsi que la simple présence de l’auditeur ne suffisent donc pas à détecter ou à empêcher l’augmentation des cas de fraude.
Un audit de fraude
L’objectif doit donc évoluer vers celui d’un audit de fraude. C’est-à-dire que l’assurance raisonnable ne doit pas suffire. L’auditeur doit mettre en œuvre toutes les diligences possibles pour rechercher les délits économiques éventuels. L’obligation reste donc une obligation de moyen et non de résultat. Une obligation de résultat ne peut être imposée puisque la recherche de fraude par leur complexité et leur camouflage est une tâche difficile.
En ayant pour principal objectif la recherche, le rôle préventif évolue vers celui de la détection. La prévention passe par le pouvoir de dissuasion ainsi que par l’analyse que l’auditeur fait du contrôle interne de l’entité. C’est insuffisant pour lutter contre la fraude puisque les mesures de contrôle interne sont toujours contournables. Le fait d’évoluer vers la détection aura un double impact :
-La hausse des découvertes des cas de fraude qui aura pour conséquence l’arrêt de pertes financières.
-Le renforcement du pouvoir de dissuasion et donc du rôle préventif. L’auditeur augmentant ses performances, les fraudeurs auront donc plus à craindre de l’efficacité de ce dernier.
L’objectif de l’audit n’est pas le seul point à faire évoluer. Face aux critiques de l’approche de l’audit traditionnel, il convient de proposer d’autres éléments d’améliorations tels que la fin de la méthode du sondage.
FIN DU SONDAGE ET ATTENUATION DE L’APPUI DU CI
Fin de la méthode du sondage
La méthode du sondage a été vivement critiquée (cf. supra). Elle est justifiée par l’obligation de moyen de l’auditeur puisqu’il ne doit obtenir qu’une assurance raisonnable pour formuler son opinion. Cette méthode consiste en la réalisation des tests et des contrôles sur une partie seulement des mouvements d’un compte ou d’opérations. Les faiblesses de cette méthode résident essentiellement de la taille et de la sélection de l’échantillon définit par le jugement professionnel de l’auditeur. Elle ne permet donc pas de respecter l’objectif de recherche de fraude. Si on applique la méthode de sondage aux confirmations directes de tiers, le comptable peut donc décaler la facture fictive sur un autre tiers que celui audité. En contrôlant l’ensemble des fournisseurs ou des clients, ce transfert ne sera plus un obstacle à la détection. La méthode du sondage n’a donc pas sa place dans un audit de fraude.
Tests sur l’ensemble des comptes et des opérations
La recherche doit passer par des tests portant sur l’intégralité des opérations. Cette méthode va permettre d’écarter les risques liés au jugement professionnel, le risque de sélectionner un échantillon non représentatif ainsi que le risque d’un contrôle non fiable. Les tests et contrôles sur l’intégralité sont nécessaires dans une démarche de recherche. Les contrôles portant sur l’intégralité des comptes ne constituent pourtant pas une technique nouvelle. Avant la fin de l’entre-deux guerres le principe était de vérifier l’ensemble des écritures comptables. Cette technique était appelée « check-lists ». Jugée trop fastidieuse la méthode des sondages fit son apparition. L’audit de fraude remet donc à l’ordre du jour une technique connue au sein de la profession comptable.
Atténuation de l’appui du CI
Lorsque l’auditeur apprécie la qualité du CI, le but est de connaître les points forts sur lesquels appuyer ses contrôles. Des tests doivent être prévus sur les faiblesses du CI. L’audit de fraude atténue l’appui du CI pour déterminer les diligences à mettre en œuvre. En effet le fraudeur peut contourner les procédures de contrôle interne mises en place par l’entité. Il ne suffit pas qu’un risque soit mis sous contrôle pour que celui-ci disparaisse. Un contrôle interne de qualité est pour les auditeurs gage de sécurité quant aux risques de fraude.
Cependant il n’en apporte nullement la garantie de l’absence de délits économiques.
L’ensemble des risques inhérents devra donc être pris en compte dans les diligences du CAC.
L’évaluation du CI doit tout de même demeurer car ses procédures gardent toute leur utilité au sein de l’entité.
L’audit de fraude nécessite également que l’attention de l’auditeur soit portée sur des exceptions ainsi que sur des points de détail.
FOCUS SUR DES POINTS DE DETAIL
La fin du seuil de signification
Deux seuils de signification sont définis lors de l’audit légal. Le premier signifie que les montants des postes ou des opérations inférieurs à ce seuil ne seront pas testés. Le second signifie que les ajustements proposés par l’auditeur ne doivent pas être obligatoirement effectués par l’entité si la somme des régularisations proposées est inférieure au seuil. Il est évident que ce dernier ne s’applique qu’aux ajustements résultant d’erreurs ou d’inexactitudes involontaires. C’est donc le premier qui est remis en cause dans la mise en place d’un audit de fraude. En effet l’exemple de la fraude appelée « salami » a été donné pour illustrer l’inefficacité de cette technique. Les tests devront donc porter sur l’intégralité des comptes et des opérations quel qu’en soit leur montant. Une fraude est caractérisée par tout type d’infraction susceptible de recevoir une qualification pénale. Les infractions prévues par le code pénal ne sont pas soumises à des conditions minimales de valeur. Par conséquent toutes les fraudes doivent être recherchées. Pour cela tous les postes même d’un montant minime doivent faire l’objet de contrôles.
La fin de la notion d’anomalies significatives
L’auditeur doit obtenir l’assurance raisonnable de l’absence d’anomalies significatives dans les comptes. En mettant fin au seuil de signification, l’audit de fraude met également fin à la notion d’anomalies significatives. Toutes les fraudes doivent être révélées au procureur de la République. C’est pourquoi la recherche porte sur l’ensemble de celle-ci même sur de faibles montants. Cette démarche risque d’être compliquée à assimiler pour l’auditeur qui fait souvent balancer le poids du préjudice subi par l’entité et l’impact pour celle-ci de la révélation. Il est peu probable qu’un auditeur révèle un vol d’une centaine d’euros commis dans une entité si celle-ci n’en retire aucun préjudice. Le seuil de signification ainsi que la notion d’anomalies significatives doivent bien être abandonnés dans le but de découvrir l’ampleur de la fraude. En effet un vol d’une centaine d’euros n’est peut-être pas le seul ayant été commis.
La notion des points de détail
Le parallèle est souvent fait entre l’expert-comptable cherchant à cadrer les comptes au centime près et l’auditeur qui attache plus d’importance à la cohérence des comptes pris dans leur ensemble. Le CAC ne cherche donc pas à cadrer les comptes, certaines différences de valeurs ne le bloquent en aucun cas dans la continuité de sa mission. L’audit de fraude attache de l’importance à la notion de détail. Les écritures comptables doivent donc être analysées. Leur revue est importante puisque les fraudes sont souvent camouflées par le jeu d’écritures. L’étude de l’exception est également primordiale car à chaque exception il y a un fort risque de fraude.
Les nouveaux principes étant clairement établis, il convient de formuler une proposition de méthodologie d’un audit de fraude.
LES TESTS A METTRE EN PLACE ET LES OUTILS EXISTANTS AU SERVICE DE L’AUDIT DE FRAUDE
PROPOSITION D’UNE METHODOLOGIE
La cartographie des risques
Mohammed Nassiri propose de réaliser la cartographie des risques de l’entreprise. La cartographie se réalise en positionnant chaque risque identifié en fonction de sa fréquence (probabilité de survenance) et de son impact en matière de coût pour l’entité. Dans un premier temps une cartographie des processus doit être réalisée. Un processus est un ensemble de tâches. C’est en découpant le plus précisément possible les actions réalisées au sein de l’entité que l’auditeur peut identifier les risques. L’objet d’étude se concentre sur les fraudes internes.
Cependant un tel audit est généralement utilisé pour détecter les délits économiques de manière générale (internes et externes). Les cartographies prennent donc en compte les deux volets. Concomitamment à l’identification des risques, l’auditeur détermine si des actions de couvertures sont mises en œuvre, si l’entité possède un système d’alerte de type whistleblowing ou d’autres outils de détection. Le whistleblowing a été rendu obligatoire dans certaines entreprises aux Etats-Unis par la loi SOX. Ce dispositif prend la forme d’alerte informatique en fonction d’opérations inhabituelles par exemple mais également de dénonciation par les salariés témoins d’un acte frauduleux. Il est présent en France dans une certaine mesure. Ce système ne doit pas violer les droits des individus. L’analyse de données personnelles d’un salarié est donc exclue. Une fois que l’auditeur a pris connaissance des mesures de détection des fraudes mises en place, il peut déterminer le risque résiduel ainsi que les zones de non couverture.
La « Heat Map »
La carte de chaleur peut également être utilisée. Elle est basée sur la même méthodologie que la cartographie des risques. Elle est cependant plus visuelle puisqu’elle utilise des couleurs ainsi qu’un score traduisant la probabilité que l’événement se produise
L’APPORT DES LOGICIELS
Apport des logiciels
Certains logiciels, entrant dans la catégorie des « Business Assurance Analytics », peuvent traiter et analyser un grand nombre de données. Ils permettent ainsi à l’auditeur de n’écarter aucune écriture comptable dans ses travaux. La méthode de sondage est donc écartée. Malgré des travaux étendus, ces logiciels représentent un gain de temps pour le CAC.
Les travaux fournis par ces derniers sont vérifiables puisqu’il est possible de suivre le processus d’analyse réalisé. Selon Romain Duprat, les logiciels analysent les données au service de l’audit grâce à une analyse de corrélation, un contrôle de conformité, la sélection des enregistrements spécifiques, le rapprochement de données, la stratification, la comparaison de fichier et la recherche de doublons et de trous dans les séquences. Il ne s’agit pas de reprendre l’intégralité des éléments présentés par Romain Duprat, seulement quatre d’entre eux sont mis en avant :
Analyse de corrélation et contrôle de conformité
L’auditeur renseigne des variables liées. Par exemple il détermine le nombre de jours de déplacements du commercial et met cette variable en liaison avec le nombre de notes de restaurant. Le logiciel identifie toutes les variables, les met les unes en face des autres.
L’auditeur n’aura plus qu’à apprécier le caractère normal ou non de ces corrélations. Par ailleurs des liens attendus pourront être absents dans les comptes révélant une anomalie pouvant cacher une fraude.
Le contrôle de conformité apprécie si les règles et procédures établies au sein de l’entité sont respectées. Par exemple la comptable a le pouvoir d’émettre un virement d’un montant maximum de 5000€ sans autorisation préalable du DAF. Le logiciel signale tous les virements émis au-delà de ce montant. Il pourra même vérifier si l’autorisation a été donnée si celle-ci se fait informatiquement. Les opérations non conformes devront faire l’objet d’investigation de la part de l’auditeur afin de déterminer si elles représentent de simples erreurs ou des fraudes.
La recherche de doublons
La recherche de doublons permet de mettre en évidence de potentielles anomalies. Les doublons peuvent s’analyser sur les montants, les numéros de chèque, les fiches fournisseurs, les fiches salariés ainsi que sur les numéros de factures. Cette méthode peut mettre en évidence des factures, des fournisseurs ou des salariés fictifs. Romain Duprat propose également d’analyser les trous dans les séquences. Il est vrai que l’annulation de transactions peut résulter de fraudes. Cependant il est fréquent que des transactions soient annulées car elles résultaient d’une erreur. Leur analyse risque d’être fastidieuse et complexe.
La comparaison de fichier
La comparaison de fichier fait ressortir les données qu’ils ont en commun ou les données différentes. Il est, par exemple, possible de mettre en évidence un fournisseur qui n’est présent que sur une seule année. C’est à l’auditeur de découvrir pourquoi. Le volume de transaction avec chaque fournisseur peut être également comparé d’une année sur l’autre. Les procédures analytiques de l’audit traditionnel comparent la variation du volume 401 ou des charges donc la variation par poste comptable et non par compte auxiliaire. En effet cette analyse serait trop fastidieuse. Elle est maintenant possible grâce aux logiciels.
Certains logiciels utilisent la loi de Benford découverte en 1881 par Franck Benford et démontrée par Terence Hill en 1996. Elle peut être mise en œuvre en utilisant simplement Excel. L’utilisation par Microsoft est beaucoup plus longue que par les logiciels. La loi de Benford affirme que la probabilité que le nombre le plus à gauche d’un montant soit 1 est de 30%. Cette loi donne ainsi une probabilité pour les chiffres de 0 à 9. Le graphique ci-dessous compare la loi de Benford à la probabilité d’apparition des chiffres dans les écritures comptables.
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Table des matières
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION
PARTIE 1 : – DES NEP MISES EN ŒUVRE POUR L’EVALUATION ET LA DETECTION DES FRAUDES
1.1 LES NEP FORMALISENT LA DEMARCHE D’AUDIT
1.1.1 Les diligences préalables à la mission
1.1.2 Le déroulement de l’intervention
1.2 MAIS SONT CRITIQUABLES ET CONTRAIGNANTES
1.2.1 Processus interprétativiste des NEP
1.2.2 La gestion du temps et de la relation avec le client (dilemme éthique)
1.2.3 Des responsabilités pèsent sur les CAC
1.3 ET DONT ON DOUTE DE L’EFFICACITE
1.3.1 Constat général insatisfaisant sur la détection des fraudes par les cabinets
1.3.2 Cas du cabinet GUIGARD-VEYRET
PARTIE 2 – LES NEP FACE A DES ENVIRONNEMENTS DIFFERENTS ET EN CONSTANTE EVOLUTION
2.1 LES NEP FACE A DES ENVIRONNEMENTS DIFFERENTS
2.1.1 Particularités des formes de sociétés ou secteurs
2.1.2 Des similitudes dans la mise en pratique du cabinet GUIGARD-VEYRET
2.1.3 Des différences dans la mise en pratique du cabinet GUIGARD-VEYRET
2.2 UN TRAIN DE RETARD FACE A L’EVOLUTION CONSTANTE DES MECANISMES DE FRAUDES
2.2.1 En cause : une approche qui a des limites et qui est inadaptée à la complexité des fraudes
2.2.2 Publications et évolutions des NEP tardives
PARTIE 3 – UNE SOLUTION POUR AMELIORER LES PERFORMANCES DE L’AUDITEUR : UN AUDIT DE FRAUDE
3.1 LA NECESSITE DE BOULEVERSER DES PRINCIPES
3.1.1 Redéfinition de l’objectif d’audit
3.1.2 Fin du sondage et atténuation de l’appui du CI
3.1.3 Focus sur des points de détail
3.2 LES TESTS A METTRE EN PLACE ET LES OUTILS EXISTANTS AU SERVICE DE L’AUDIT DE FRAUDE
3.2.1 Proposition d’une méthodologie
3.2.2 L’apport des logiciels
3.3 L’ACCOMPAGNEMENT DE L’AUDITEUR DANS L’AUDIT DE FRAUDE
3.3.1 Le bouleversement des mécanismes de pensées et la compréhension/connaissance des mécanismes de fraude
3.3.2 La gestion des moyens à mettre en place
CONCLUSION
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