Un témoin important pour le climat : La température
La température est une variable clé dans de nombreux domaines liés à la météorologie, à la climatologie, à l’hydrologie, ou encore à l’écologie [Becker and Li, 1990; Duan et al., 2014; Wan, 2014]. La température moyenne d’une planète dépend de sa distance au soleil, des conditions à sa surface telles que sa topographie, la présence de glace, son inertie thermique, ou encore son albédo. Elle dépend également de la turbulence de son atmosphère ainsi que de sa composition, et de l’effet de serre qui en résulte.
La température de surface
La température de surface est la température à l’interface entre la surface de la terre et l’atmosphère. Hormis le flux solaire, tous les autres flux du bilan d’énergie en dépendent. C’est donc une variable clé à étudier si on s’intéresse au couplage entre la surface et l’atmosphère. Elle est plus généralement reliée aux propriétés à la surface en comparaison à la température de l’air. Comme il est en pratique difficile de mesurer la température de surface avec des mesures in situ, on utilise généralement des mesures issues de satellites [Beckera and Lia, 1995]. La température de l’air est quant à elle mesurée in situ dans des stations météorologiques, en général à une hauteur de référence de 2 m pour assurer l’intercomparabilité entre les mesures. Cependant, la température de l’air étant très sensible aux conditions à la surface, il est alors difficile de collecter des données de température de l’air tout en ayant une bonne estimation des hétérogénéités spatiales de cette variable, surtout dans les régions où la densité des stations météorologiques est très faible. Malgré tout, la mesure de la température de l’air étant plus directe, et les séries de données plus longues que celles de la température de surface, on utilise souvent la température de l’air plutôt que la température de surface pour évaluer les modèles, et quantifier les biais. Il est néanmoins important de garder présent à l’esprit le fait que bien que ces deux températures soient corrélées, elles sont cependant différentes, aussi bien en terme de valeur qu’en terme de processus physiques, ou de technique de mesure. Sur les surfaces continentales, cette différence dépend beaucoup du vent et de la rugosité de surface qui sont déterminés par le couvert végétal, l’état de la surface, la circulation de grande échelle ou encore l’état de la couche de surface [Jin and Dickinson, 1999]. Bien que le climat soit ressenti à une échelle locale, la température moyenne globale est une métrique intéressante pour l’étude du climat et de son évolution [Hansen et al., 2006]. C’est un diagnostic utilisé par de nombreux groupes de recherche [Hansen et al., 2010]. Les observations [Jones et al., 2012] et les reconstructions [Jungclaus et al., 2010] de l’évolution de la température globale révèlent un réchauffement important durant les dernières 150 années [GIEC, 2013] (figure 1.3). Au regard de l’importance de la température comme index d’évolution climatique, il est important de représenter correctement cette variable dans les modèles. Depuis quelques années, les modèles climatiques ont bien progressé. En effet, selon le rapport du GIEC [2013], les modèles parviennent à reproduire les structures spatiales et les tendances de la température au voisinage de la surface observées à l’échelle des continents sur de nombreuses décennies, y compris le réchauffement relativement rapide observé depuis le milieu du XXe siècle et le refroidissement suivant immédiatement les éruptions volcaniques majeures. Cependant, des biais de températures persistent, affectant d’une part les projections climatiques, et d’autre part la dispersion entre les modèles [Cheruy et al., 2014]. Cette dispersion réduit la confiance que l’on peut avoir dans les projections climatiques, et limite les utilités des études d’impacts du changement climatique. La bonne représentation de la température au voisinage de la surface par les modèles reste ainsi un défi.
Importance du cycle diurne de la température
L’analyse de la température peut se faire à plusieurs échelles de temps, allant des périodes décadaires à saisonnières en passant par l’inter-annuelle. Comme nous l’avons dit, l’étude de la température moyenne est un indicateur important de l’évolution du climat, cependant, l’étude de la variabilité de la température à des fréquences élevées telles que le cycle diurne est un complément très utile [Braganza and Arblaster, 2004]. Le cycle diurne résulte de la rotation d’une planète autour d’elle même. Cette rotation génère une oscillation du chauffage solaire près de la surface, qui produit à son tour une forte oscillation diurne de la température de surface. Cette oscillation régulière est un des signaux les plus prononcés du climat de la terre [Yang and Slingo, 2001]. Les informations concernant le cycle diurne de la température de surface sont importantes pour plusieurs applications météorologiques, climatologiques, hydrologiques et écologiques ([Aires et al., 2004; Jin and Dickinson, 1999; Wan, 2014; Zhan et al., 2012]). Dans le domaine du climat, le cycle diurne de la température permet de calculer plusieurs paramètres de surface tels que l’émissivité, l’inertie thermique ou encore l’humidité de surface dans le domaine de la télédétection par exemple [Cai et al., 2007; Jiang et al., 2006; Sobrino and El Kharraz, 1999; Sun and Pinker, 2003; Zhao et al., 2013]. Il joue également un rôle dans les événements extrêmes, tels que les vagues de froid et de chaleur. C’est aussi à cette échelle temporelle que les êtres vivants sont soumis aux plus fortes variations de températures, souvent caractérisées par : l’amplitude diurne (Diurnal Temperature Range, DTR), qui est la différence entre la température maximale journalière et la température minimale (DTR = Tmax − Tmin). Cette amplitude est également un indicateur important du changement climatique [Sun et al., 2006].
Dans ce contexte, la capacité des modèles à reproduire le cycle diurne de la température est un enjeu majeur [Rio et al., 2009]. Par ailleurs, l’analyse de la température à l’échelle diurne permet d’une part de comprendre les processus physiques qui la contrôlent, et d’autre part d’évaluer plusieurs aspects de la paramétrisation physique des modèles de climat, allant du transfert radiatif aux échanges d’énergie entre la surface et la couche limite, en passant par les nuages [Dai and Trenberth, 2004].
Durant les 50 dernières années, l’augmentation de la température a été associée à une augmentation plus élevée de la température journalière minimale (Tmin) par rapport à l’augmentation de la température maximale (Tmax) [Easterling et al., 1997; Karl et al., 1993; New and Jones, 2000]. Depuis 1979, le minimum de température a augmenté dans la plupart des régions, à l’exception de l’ouest de l’Australie, le sud de l’Argentine, et une part du nord de l’océan pacifique. La température maximale journalière a également augmenté dans la plupart des régions à l’exception du nord du Pérou et de l’Argentine du nord, et du nord ouest de l’Australie, et une part du nord de l’océan pacifique [Vose et al., 2005]. Une diminution de l’amplitude diurne sur les surfaces continentales a donc été constatée 1.4. Toutefois, cette diminution n’est uniforme ni dans les observations [Easterling et al., 1997], ni dans les modèles [Stone and Weaver, 2002], et elle a connu une atténuation durant les 20 dernières années [Vose et al., 2005]. Les nuages sont cités comme l’une des principales causes de la diminution observée de l’amplitude diurne de la température du fait de leur impact sur le rayonnement solaire incident [Dai and Trenberth, 1999; Kukla and Karl, 1993; Zhou et al., 2007]. Au delà des effets radiatifs, l’augmentation des nuages peut également entrainer une augmentation des précipitations et de l’humidité du sol, diminuant l’amplitude diurne de la température [Dai and Trenberth, 1999; Zhou et al., 2004] du fait de l’augmentation de l’évapotranspiration [Zhou et al., 2007]. Par ailleurs, d’autres mécanismes tels que les variations de la circulation atmosphérique, des aérosols, ou de l’utilisation des sols peuvent aussi contribuer à la diminution de l’amplitude diurne [Collatz et al., 2000; Hansen et al., 1995; Karl et al., 1993]. Mais en définitif, quelle que soit la cause de la réduction de l’amplitude diurne de la température (nuages, humidité du sol, gaz à effet de serre, aérosols…), elle résulte nécessairement de la dissymétrie diurne des mécanismes du couplage surface atmosphère [Zhou et al., 2009]. Les valeurs de la température maximale et de la température minimale ne sont pas contrôlées par les mêmes processus : la température minimale (Tmin) est beaucoup plus sensible au flux radiatif infrarouge alors que la température maximale (Tmax) est affectée par le chauffage solaire, et la répartition de l’énergie entre le flux sensible et le flux latent [Dai and Trenberth, 1999; Zhou et al., 2009]. Ainsi, dans le but de comprendre les processus contrôlant la température de surface moyenne et son amplitude diurne, il est important de bien séparer le jour, de la nuit lors de l’analyse du bilan d’énergie à la surface.
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Table des matières
Introduction générale
1 Contexte général
1.1 Modélisation climatique
1.1.1 Les modèles de climat
1.1.2 Enjeux de la modélisation dans le contexte du changement climatique
1.2 Bilan d’énergie à la surface
1.2.1 Les flux radiatifs
1.2.2 Flux de conduction thermique
1.2.3 Les flux turbulents
1.3 Un témoin important pour le climat : La température
1.3.1 La température de surface
1.3.2 Importance du cycle diurne de la température
1.4 Couplage entre l’humidité de surface et la température
1.5 Problématique générale
1.5.1 Contexte
1.5.2 Organisation de la thèse
2 Matériel et méthode
2.1 Modèle de sol : ORCHIDEE
2.1.1 Description de la surface
2.1.2 Discrétisation verticale
2.2 Modèle d’atmosphère LMDZ
2.2.1 La Physique Standard : « LMDZ5A »
2.2.2 La nouvelle physique « LMDZ5B »
2.2.3 Différence entre les deux physiques atmosphériques
2.3 Simulations 3D
2.3.1 Simulations de référence
2.3.2 Guidage en vent
2.4 Simulations 1D
2.4.1 Le cas DICE
2.4.2 Description du cas
2.4.3 Mise en place et évaluation
2.5 Conclusion
3 Rôle de l’inertie thermique du sol dans les régions semi-arides.
3.1 Température de surface dans le cas DICE
3.1.1 Modélisation du cycle diurne de la température
3.1.2 Rôle de l’inertie thermique
3.1.3 Contribution des flux turbulents
3.1.4 Dissymétrie entre le jour et la nuit de la sensibilité de la température à l’inertie thermique
3.2 Analyse du rôle de l’inertie thermique
3.2.1 Mise en place du modèle
3.2.2 Prise en compte de la dérive
3.2.3 Discussion
3.3 Extension à des simulations globales
3.3.1 Rôle de l’inertie thermique dans les différences entre ORC2 et ORC11
3.3.2 Rôle de l’inertie thermique à l’échelle globale dans les régions semi-arides
3.3.3 Extension aux modèles CMIP5
3.4 Conclusion
4 Origine de la dissymétrie entre le jour et la nuit de la réponse de la température de surface à l’inertie thermique.
4.1 Description du modèle
4.1.1 Processus de base
4.1.2 Équations de base du modèle
4.1.3 Configurations du modèle
4.1.4 Paramètres du modèle
4.2 Validité du modèle et sensibilité aux échanges atmosphériques
4.2.1 Modèle radiatif convectif
4.2.2 Modèle radiatif pur
4.2.3 Conclusion
4.3 Sensibilité à l’inertie thermique
4.3.1 Rôle de la non-linéarité des échanges turbulents
4.3.2 Rôle de la non-linéarité du flux infrarouge
4.3.3 Rôle de la forme du forçage solaire
Conclusion
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