Un savoir faible et peu orienté vers la question urbaine.

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Obtenir la parole sur des sensations liées aux ambiances : une entreprise difficile

La mise au point de la méthodologie permettant de tester les représentations sensibles du silence urbain fut un long processus itératif. La première expérience menée dans le cadre de ce travail concerne les conditions sonores de l’émergence du sentiment d’insécurité, thème abandonné par la suite. Elle fût l’occasion de réaliser les difficultés que l’on pouvait rencontrer dans ce type de méthodes.
Cette première expérience souhaitait (de manière analogue à l’expérience que nous avons menée pour ce travail) tester les imaginaires liés au sentiment d’insécurité et collecter des anecdotes. Pour ce faire, il était prévu de faire écouter aux participants un panel de huit extraits audio collectés à partir d’un corpus cinématographique. Pour collecter leurs ressentis, un questionnaire contenant une liste de douze binômes d’adjectifs (pour la plupart antonymes) était rempli pendant l’écoute des extraits sonores. Un entretien était ensuite réalisé pour connaître plus précisément les impressions des participants.
Les résultats furent très peu satisfaisants et l’exercice très difficile pour les personnes interrogées. Cela a toutefois permis de tirer plusieurs conclusions utiles pour la suite.
Dans un premier temps, il est apparu que l’absence d’image à relier au son provoquait une désorientation préjudiciable à la libération de la parole. En effet, les lieux imaginés à travers l’écoute des extraits n’avaient souvent rien à voir avec le contexte de base, ce qui est en soi un résultat intéressant. Toutefois, l’incertitude quant au contexte lié à l’émergence de l’ambiance sonore semblait causer un doute relatif à la valeur des propos exprimés.
Ceci nous a conforté dans l’idée qu’il n’était pas possible dans notre cas d’utiliser uniquement des enregistrements sonores pour identifier les ambiances.
Nous avons par ailleurs observé chez les interrogés une certaine réticence à évoquer des situations insécures liées aux ambiances. Il est en effet difficile d’avouer que l’on a peur de manière générale. Cela était d’autant plus complexe que les personnes interrogées avaient conscience des paradoxes qu’impliquent le sentiment d’insécurité dans un environnement urbain.
Cette première expérience peu concluante permit néanmoins d’établir plusieurs conclusions :
Dans un premier temps, il est apparu primordial d’utiliser un support pour stimuler la parole. Si l’on peut envisager collecter des anecdotes et impressions sur le silence au fil d’une discussion portant sur un autre sujet, il paraît très difficile voir impossible de mener un entretien entièrement verbal dont le sujet serait le silence en ville.
Dans un deuxième temps, cela a montré qu’il n’était pas nécessaire de poser des questions trop précises. La validité des résultats issus du questionnaire est ainsi très contestable tant les participants évoquèrent la difficulté qu’ils eurent à qualifier les ambiances décrites. Au final, tout ceci paraît assez logique : il est de certaines ambiances dont on ne sait pas vraiment si elles sont rassurantes ou angoissantes, habituelles ou inhabituelles, surtout lorsque nous sommes privés d’une partie du champ sensoriel.
Au final, lorsque l’on demande un jugement de valeur sur une ambiance à partir d’un enregistrement, on suppose que la personne interrogée va réussir à faire un effort d’abord de projection, puis de mémoire, pour finalement tenter de réinvestir le souvenir d’une perception. Si cette opération n’est pas impossible ni complètement absurde, elle demande un temps pour la réflexion qui peut sans aucun doute être aidé de mots, d’images et de sons.
Le cinéma

Expression sensible de l’expérience partagée

Il y a pour nous un double avantage à utiliser le cinéma comme outil privilégié. A l’instar de l’oeuvre littéraire, l’oeuvre cinématographique tend à une forme d’intersubjectivité entre le réalisateur, les personnages et le spectateur. Pour être compréhensible, il faut ainsi qu’elle puise dans un imaginaire commun rendant l’identification et l’empathie possibles. C’est ce point particulier qui donne toute sa légitimité à un corpus cinématographique ou littéraire dans l’étude des ambiances urbaines. Rien ne sert alors de prendre l’oeuvre cinématographique comme un morceau de réalité. Le cinéma constitue seulement un reflet déformé et esthétisé du réel en termes d’ambiances. L’intention du réalisateur dans la mise en scène d’un lieu silencieux nous donne toutefois beaucoup d’informations sur les éléments constitutifs d’une sensation passagère, que l’on connaît parfois sans trop pouvoir la qualifier.
Dans une moindre mesure, il est par ailleurs clair que nos perceptions de l’espace urbain sont influencées par un imaginaire sans cesse alimenté par le cinéma, la littérature, la télévision et l’actualité ainsi que toutes les formes de représentations du réel que l’on peut trouver sur internet.
Notre approche est ainsi quelque peu analogue à celle de Jean-Paul Thibaud dans son travail intitulé Les silences urbains dans le roman contemporain1. Celui-ci développe un argumentaire similaire quant au choix d’utiliser la littérature comme moyen détourné de sonder le réel. Il utilise ainsi une citation de Fernando Pessoa, que nous pensons applicable aux oeuvres cinématographiques :
«Comme nous le savons tous, même quand nous agissons sans le savoir, la vie est absolument irréelle dans la réalité directe : les champs, les villes, les idées, sont des choses totalement fictives, nées de notre sensation complexe de nous-mêmes; Toutes nos impressions sont incommunicables, sauf si nous en faisons de la littérature.»

L’extrait cinématographique comme support de parole

Au-delà du questionnement que l’on peut développer sur les liens entre réalité et fiction, il est apparu au fur et à mesure des entretiens que nous avons menés que le cinéma pouvait constituer un excellent support de parole, encourageant un point de vue analytique et le développement d’une pensée construite vis-à-vis de ses propres sensations. Ce fut par ailleurs un moyen efficace de faire émerger le souvenir chez les personnes interrogées.
Comme nous l’avons évoqué plus haut, il est complexe d’invoquer la mémoire de quelqu’un. Nous ne possédons aucune vision globale de la mémoire sémantique dont nous disposons et il est ainsi impossible de piocher dans ses souvenirs comme dans une bibliothèque bien organisée. Il semblerait ainsi que le seul moyen de réinvestir le souvenir d’un évènement soit de faciliter un cheminement intellectuel amenant progressivement à celui-ci. Les récits de situations vécues intervenaient alors soit pour étayer un discours en lien avec le visionnage de l’extrait, soit pour élargir et contredire la vision donnée par celui-ci. Nous avons ainsi cherché à créer l’anamnèse décrite par Jean-François Auguyard et Henri Torgue1 : un déclenchement involontaire de la mémoire par l’écoute.

Constitution du corpus

Pour mener à bien notre expérience, nous avons retenu huit extraits de films. Tous ces extraits évoquent une forme de silence que nous avons identifiée par nous-même. Les entretiens montrent toutefois que toutes les ambiances décrites par le corpus ne renvoient pas forcément au concept même de silence mais parfois d’avantage à des sens approchants (calme, quiétude, apaisement…).
Nous avons retenu un seul extrait qui ne décrit pas une situation urbaine dans l’optique de mettre en perspective les éléments constitutifs du sentiment de silence en ville. De manière analogue, un des extraits décrit une scène d’intérieur qui permettra éventuellement d’aborder les nuances pouvant être établies entre ces deux typologies d’espaces.
Le corpus rassemble des films venant de pays différents (États-Unis, France, Allemagne et Brésil) relevant tous d’une forme de culture occidentale. La nationalité de l’extrait ne fut pas un critère prépondérant dans le choix du corpus mais il paraissait important de proposer une certaine disparité des oeuvres cinématographiques, aussi bien concernant leur réalisateur que leur nationalité. L’objectif était ainsi de maintenir une certaine distance avec l’analyse purement cinématographique du contenu lors des entretiens.
Aucun extrait ne contient de musique surajoutée en fond sonore, l’idée étant de permettre aux personnes interrogées de se concentrer pleinement sur un environnement constitué de différents bruits relevant d’une ambiance sonore cohérente et non surréaliste.

Présentation des extraits retenus

La partie ci-après a pour objectif de retranscrire au mieux les extraits cinématographiques choisis, et ce de manière graphique. Une capture d’écran a ainsi été réalisée toutes les trois secondes pour chacun des extraits. La forme d’onde liée aux images a été extraite depuis le logiciel Sonic Visualiser1. Elle nous permet de rendre compte des occurrences en terme de niveaux d’intensités sonores ainsi que d’un niveau global approximatif. Cette dernière donnée porte toutefois une grande part d’arbitraire, le cinéma ne possédant pas de niveau d’intensité sonore de référence permettant de comparer réellement les bandes sons.
Les formes d’ondes sont légendées de manière à ce que les annotations placées au-dessus du graphique évoquent les occurrences sonores présentes dans l’extrait. Les annotations positionnées en-dessous décrivent ainsi les sons constituant un fond sonore, dont le repérage est plus difficile à définir.

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Table des matières

Définir le silence en ville ?
– L’inadéquation d’un modèle physique
– Une notion polysémique
– Un isolat sémantique
– Spontanéité de la perception
Un savoir faible et peu orienté vers la question urbaine.
Problématique
Sonder l’imaginaire et récolter la parole
Obtenir la parole sur des sensations liées aux ambiances : une entreprise difficile
Le cinéma
– L’expression sensible de l’expérience partagée
– L’extrait cinématographique comme support de parole
– Constitution du corpus
Présentation des extraits retenus
L’expérimentation
– Déroulé des entretiens
– Présentation des participants
– Un exercice complexe mais confortable
– Variété des perceptions
– Limites de la méthode
Les représentations sensibles du silence en ville.
Introduction
Les révélateurs de silence
Marqueurs temporels
Effets
Marqueurs spatiaux
Postface
Bibliographie

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