UN REGIME FISCAL INADAPTE AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION
Le régime fiscal en vigueur a été créé à une époque où il n’était question que du commerce traditionnel, ce qui explique l’intérêt particulier que porte le droit fiscal pour le critère de l’établissement stable. En effet, les règles de territorialité reposent essentiellement sur la présence matérielle de l’Etablissement stable de manière à ce qu’il constitue une condition majeure pour imposer les bénéfices des entreprises étrangères . Or, dans une économie numérique, où le virtuel s’impose de plus en plus, aucune présence physique ne se manifeste sur les territoires étrangers ce qui explique brièvement l’inadaptation de cette notion .
L’ETABLISSEMENT STABLE MATERIEL COMME FONDEMENT DU REGIME FISCAL DES IMPLANTATIONS INTERNATIONALES D’ENTREPRISES
Le régime fiscal des implantations internationales d’entreprises tel qu’il découle des conventions fiscales relatives aux doubles impositions se fonde essentiellement sur un critère territorial selon lequel « Les bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé » . La notion d’établissement stable revêt donc une importance particulière en matière conventionnelle car elle permet d’attribuer à un Etat contractant le droit d’imposer les bénéfices d’une entreprise de l’autre Etat contractant. En effet, un Etat ne peut taxer les bénéfices d’une entreprise résidente de l’autre Etat que si elle exerce ses activités par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans le premier Etat. Autrement dit, en l’absence de tout établissement stable aucune imposition n’est prévue pour l’entreprise étrangère à part celle de la retenue à la source .
Ce qui caractérise en revanche la notion d’établissement stable c’est sa forme matérielle. Une entreprise n’est imposable dans un autre Etat que si elle dispose d’une présence physique sur le territoire en question. Ainsi, l’étude de l’établissement stable portera, d’abord, sur l’objet de celui-ci qui consiste à remédier au problème du droit d’imposer, ensuite, sur sa forme matérielle.
L’objet de l’établissement stable
Le droit conventionnel a connu deux théories en matière de rattachement de la matière imposable à la souveraineté fiscale d’un Etat. Il s’agit de la théorie de la réalisation et la théorie de l’appartenance économique .
En se fondant sur la théorie de la réalisation, ne constituent un établissement stable que les installations permettant la réalisation d’un profit. Tel est le cas pour les usines, les ateliers de fabrication et des structures de distribution des biens et services commercialisés par l’entreprise (bureaux de vente). En revanche, sont exclues de cette notion, les installations ne permettant la réalisation d’aucun profit réel comme celles à usage de dépôt ou d’exposition de marchandise, ainsi que les installations ne permettant qu’indirectement la réalisation de bénéfices par exemple les installations utilisées aux fins de collecter des informations ou de publicité ou de recherche scientifique. Cela dit, cette théorie n’est pas à l’abri des critiques car elle exclue de ce fait même le siège de direction. En plus, il n’y a, a priori, aucune installation qui ne soit créée par une entreprise dans un but autre que celui de la recherche des profits économiques .
La théorie de l’appartenance économique quant à elle, considère comme établissement stable toute installation qui s’intègre à l’économie du pays. Ainsi, ce dernier a le droit d’imposer tous les bénéfices rattachés à un établissement stable installé sur son territoire .
Le Modèle de convention de l’OCDE dans son article 5, comme la plupart des conventions fiscales bilatérales signées par l’Algérie, retiennent la théorie de l’appartenance économique pour définir l’établissement stable comme étant « toute installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité ». Ainsi, selon les dispositions de la même convention, une entreprise est réputée avoir un établissement stable sur le territoire d’un autre Etat dès lors qu’il est démontré qu’elle y dispose « d’une installation fixe d’affaires » (Soussection 1). Le même article dans son paragraphe 5 ajoute qu’une entreprise est aussi réputée avoir un établissement stable si elle est représentée par « un agent dépendant » .
La détermination du droit d’imposer par la présence d’une installation fixe d’affaires
L’installation fixe d’affaires sur le territoire étranger, présente des caractéristiques qui permettent d’identifier les installations constituant ou pas un établissement stable .
Caractéristiques d’une installation fixe d’affaires
Ce qui caractérise la forme matérielle de l’établissement stable, c’est en premier lieu la présence d’une implantation physique sur le territoire d’un autre Etat. Il peut s’agir d’un local, d’un matériel, d’une machine ou de toute installation utilisée pour l’exercice des activités de l’entreprise, qu’il serve ou non exclusivement à cette fin .
Il importe peu que l’entreprise soit propriétaire ou locataire du local, du matériel ou de l’installation , ainsi, il pourrait y avoir un établissement stable même dans le cas où l’entreprise occupe illégalement un certain emplacement à partir duquel elle exerce son activité . Autrement dit, l’existence d’un droit formel d’utiliser un emplacement particulier ne saurait être une condition pour la constitution d’un établissement stable à l’étranger.
De plus, il peut y avoir une installation fixe d’affaires même si aucun local n’est disponible, ni nécessaire pour l’exercice des activités de l’entreprise et que celle-ci dispose simplement d’un certain emplacement sur le territoire en question. C’est le cas par exemple d’une installation constituée par une place sur un marché .
D’après la définition générale de l’établissement stable, il doit normalement exister un lien entre l’installation d’affaires et un point géographique déterminé. La fixité de l’installation pendant une durée déterminée reste une condition majeure pour déterminer le centre fiscal secondaire et constituer de ce fait un établissement stable de l’entreprise étrangère. Ceci dit, la période pendant laquelle une entreprise exerce son activité dans un autre Etat importe peu si ses opérations n’ont pas lieu dans un endroit précis, mais cela ne signifie pas que l’outillage constituant l’installation d’affaires doit être matériellement fixé au sol. Il suffit que l’outillage demeure dans un endroit particulier .
Pour constituer un établissement stable, l’installation fixe d’affaires doit également mener ses activités d’une manière régulière. Mais on est tenté de se demander à partir de quel moment on peut reconnaitre l’existence d’un établissement stable sur le territoire de son Etat d’implantation ? Selon le comité des affaires fiscales de l’OCDE, c’est à partir du moment où l’installation fixe d’affaires exerce son activité que l’établissement stable commence à exister. Autrement dit, le point de départ est fixé au début de la période de « préparation » des activités et non pas de « la mise en place » des installations . L’établissement stable cessera d’exister avec l’aliénation de l’installation ou avec la cessation de toute activité par son intermédiaire ; c’est-à-dire lorsque toutes les opérations et mesures liées aux anciennes activités de l’établissement stable sont terminées (liquidations des activités courantes, entretien et réparations des installations) .
Toutefois, une interruption temporaire ne signifie pas forcément une fermeture dès lors que cette installation possède les autres caractéristiques de l’établissement stable. De même lorsqu’une installation d’affaires donnée n’est utilisée que pendant une très courte période mais que cette utilisation intervient régulièrement sur de longues périodes, dans ce cas, il y a lieu de considérer cette installation comme étant un établissement stable. A l’opposé, une usine ou un atelier tout à fait désaffecté ne pourrait être considéré comme un établissement stable puisque on ne peut parler de l’exercice d’une véritable activité .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LE REGIME FISCAL DES IMPLANTATIONS
INTERNATIONALES D’ENTREPRISES, UN REGIME EN RETRAIT PAR RAPPORT A LA GLOBALISATION
Titre 1 : Un régime fiscal inadapté aux nouvelles technologies de l’information
Chapitre 1 : L’établissement stable matériel comme fondement du régime fiscal des implantations internationales d’entreprises
Chapitre 2 : La remise en cause du critère d’établissement stable face aux spécificités de l’économie numérique
Titre 2 : Un régime fiscal déjoué par les stratégies juridiques des sociétés multinationales, le transfert des bénéfices
Chapitre 1 : L’imposition des transferts directs de bénéfices selon les règles de territorialité
Chapitre 2 : Les prix de transfert, une technique de contournement du droit interne
DEUXIEME PARTIE : ESSAIS DE RECHERCHES SUR DE NOUVELLES SOLUTIONS D’IMPOSITION DES IMPLANTATIONS INTERNATIONALES D’ENTREPRISES
Titre I : Vers un réaménagement du système fiscal actuel
Chapitre 1 : Adapter le régime fiscal à la numérisation de l’économie
Chapitre 2 : Adapter le régime fiscal à l’internationalisation de l’économie, une adaptation à l’essai
Titre II : S’achemine-t-on vers un nouvel ordre fiscal international ?
Chapitre 1 : Le développement d’un droit fiscal international de type « soft law »
Chapitre 2 : Vers la transformation du soft law en droit contraignant ? Le cas des normes universelles sur l’échange de renseignements à des fins fiscales
CONCLUSION