Le droit de la santé est défini de manière générale comme étant l’ensemble des règles juridiques applicables aux actions de santé. A cet effet, l’organisation mondiale de la santé (O.M.S.) a définie la santé en tête du préambule de sa constitution de 1946 en ces termes : « La santé est un état de complet bien être physique, mental et social… ». Cependant, cette notion de bien être est aussi contenue dans l’article 55 de la Charte de l’organisation des nations unies, et appliquée entre autres domaines, à celui de la santé en vue de créer les conditions de stabilité et de bien être nécessaire. Ainsi, cette définition donnée par l’O.M.S. de la notion de santé, nous permet d’opérer une distinction entre le droit de la santé et le droit à la santé. Concernant cette dernière, sa définition selon le professeur Bélanger est particulièrement délicate, tendant à lui faire dire que « certains ont été d’ailleurs jusqu’à nier l’existence de ce droit ». Dans ce cadre, les auteurs préfèrent, à juste titre retenir l’existence de droits fondamentaux, car selon le professeur Bélanger, le droit à la santé présente un aspect aussi bien individuel que collectif, en d’autres termes, c’est la reconnaissance de droits fondamentaux aux personnes que ces droits soient subjectifs ou objectifs.
Au plan des droit subjectifs, par exemple une décision de la Cour constitutionnelle italienne n°185 du 20 mai 1999 a considéré que le droit à la santé se traduit par le droit d’un malade ayant des » exigences thérapeutiques extrêmes, impérieuses, et sans autre réponse alternative « , d’avoir accès à des soins existants et dont l’efficacité est plausible. De même, la constitution sud-africaine pose dans son article
27-3, le principe selon lequel » il ne peut être refusé à personne un traitement médical d’urgence « . Ainsi, pour Bertrand Mathieu Professeur à l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne, le droit à la santé peut être invoqué directement par un intéressé pour obtenir la cessation d’une atteinte à ce droit. Par exemple, la Cour constitutionnelle espagnole a jugé que la libération conditionnelle d’un prisonnier souffrant d’une maladie grave et incurable aurait dû être accordée, alors que, la prison aggravait son état de santé. Par contre au plan des droits collectifs ou objectifs, le droit à la santé est profondément lié à des droits ou principes » consubstantiels » à l’homme : la dignité, l’égalité et la liberté. Par ailleurs, il entretient un rapport étroit avec le principe de responsabilité. En ce sens, le droit à la santé pourrait se traduire par un droit à la sécurité sanitaire dont le non respect, fautif ou non, serait susceptible d’engendrer un droit à réparation. C’est ce même lien qu’établit la Cour suprême indienne, en affirmant que » les hôpitaux publics gérés par l’Etat et le personnel soignant qui y est employé, sont dans l’obligation d’accorder une assistance médicale dans le but de préserver la vie. Le non respect, de la part d’un hôpital public, de l’obligation d’apporter à temps un traitement médical à une personne qui en a besoin viole son droit à la vie garanti par l’article 21 de la constitution ». Cela pousse le professeur Bélanger à dire que la définition moderne du droit à la santé est le droit à la sécurité sanitaire. A ce titre, au regard de la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001, l’expression de ces doits fondamentaux reconnus en matière de santé pourrait être identifiée au terme du titre II intitulé « Des libertés publiques et de la personne humaine, des droits économiques et sociaux, et des droits collectifs ».
Sous réserve de ces précisions, il faut dire que le droit de la santé peut être catégorisé en ensemble de deux règles, à savoir d’une part, les règles concernant les professionnels de santé, et d’ autre part, les règles concernant les établissements de santé publics ou privés. D’ailleurs, ces dernières règles font l’objet de notre étude même si on se limitera ici aux règles régissant les établissements de santé privés. A cet effet, l’existence de règles applicables aux établissements privés de santé, nous permet d’entrer dans le but de notre sujet, à savoir : Le régime juridique des cliniques privées au Sénégal.
UN REGIME DE DROIT PUBLIC APPLICABLE AUX CLINIQUES PRIVEES
Le droit public englobe l’ensemble des règles juridiques relatives aux institutions publiques et leur rapport avec les particuliers. La séparation entre droit public et le droit privé est naît en France, de la loi des 16 et 24 août 1790 (encore valide), qui interdit aux tribunaux judiciaires de « troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs »: en application de cette loi, les litiges avec l’administration relèvent de tribunaux administratifs. A cet effet, nous verrons que les règles juridiques régissant l’existence, le fonctionnement, ainsi que le contrôle des cliniques privées au Sénégal, émanent du droit public. Dans ce cadre, le domaine du droit public qui s’intéresse de manière spécifique aux cliniques privées, c’est le droit administratif. Toutefois ce régime de droit public n’est pas de source légal puisqu’il est de nature réglementaire . De plus, ce régime pose un certain nombre de problèmes, relativement à l’absence de détermination par le régime de droit public du statut des cliniques privées.
LES REGLES DE DROIT PUBLIC APPLICABLES AUX CLINIQUES PRIVEES
En l’absence de loi réglementant le secteur des cliniques privées au Sénégal, les autorités administratives dans le souci de mettre de l’ordre dans ce secteur, ont pris un certain nombre de mesures pour réglementer un temps soit peu l’activité des cliniques privées au Sénégal. C’est à ce titre, que nous verrons que le régime de droit public applicable aux cliniques privées, est institué par voie réglementaire (section I), nonobstant le fait, qu’on remarquera l’existence de régimes d’autorisation, instituées par voie d’arrêté ministériel .
Des règles de droit public instituées par voie réglementaire
Depuis 1977, il existe dans l’ordre juridique sénégalais le décret no 77-745 du 20 septembre 1997, portant réglementation des cliniques privées (paragraphe I). Toutefois, il convient de remarquer que la portée juridique du décret de 1977 portant réglementation des cliniques privées au Sénégal, n’est pas large, puisque le décret n’apporte qu’une réglementation très sommaire (Paragraphe II), en d’autre termes, il n’est pas allé au bout de son ambition.
Le décret n° 77-745 du 20 septembre 1977 portant réglementation des cliniques privées :
Le décret no 77-745 du 2O septembre 1977, portant réglementation des cliniques privées au Sénégal (Voir annexe 1, page 112), à travers son article premier, prévoit de s’appliquer à toutes les catégories de cliniques privées : mixtes, médicales, chirurgicales, et d’accouchement. Et à ce titre, comme le montre son rapport de présentation, il a pour objectif, de fixer le fonctionnement des cliniques en ce qui concerne l’équipement, le personnel, les catégories de chambre, l’intendance, et le contrôle technique. C’est dans ce cadre, qu’au regard du premier titre du décret intitulé « des chambres et de leurs équipements », il est procédé à une catégorisation des différents types de chambre que doivent disposer les cliniques, ainsi que l’équipement hôtelier devant ci trouver. C’est à ce titre, que le décret de 1997 à travers son article 2, distingue entre quatre catégories de chambres que sont: « les chambres de première catégorie, climatisée », « les chambres de deuxième catégorie », « les chambres de troisième catégorie », et « les chambres de quatrième catégorie ». Ainsi, en faisant une comparaison entre les différentes catégories de chambre, nous verrons bien que les équipements varient qualitativement d’une chambre à une autre, en fonction que le patient a les moyens d’être interné dans une catégorie de chambre de niveau supérieur. On peut remarquer qu’au delà des soins procurés par les cliniques, ces dernières exercent une activité d’hôtellerie au même titre, que les entreprises d’hôtellerie. De plus, le titre II du décret de 1977 établie l’équipement technique dont doit disposer les cliniques privées, tout en faisant une distinction entre les différentes catégories de cliniques. A ce titre, selon qu’on est en présence d’une clinique médicale, chirurgicale, d’accouchement, ou mixte l’équipement technique n’est pas le même. C’est dans ce cadre, que le décret de 1977 exige de chaque catégorie de cliniques, des locaux appropriés aux actes médicaux ou de soins, ainsi que des équipements minimaux, nécessaires à la bonne exécution des tâches. Toutefois, l’article 8 du décret n0 77-745 du 20 septembre 1977, portant réglementation des cliniques privées, institue des dispositions communes à toutes les catégories de clinique en ce qu’il considère en ces termes : «chaque clinique privée doit disposer en outre, d’une installation téléphonique, branchée sur le réseau, d’une cuisine avec office d’une chambre froide avec congélateur ou frigidaire, d’un ou plusieurs bureaux ». Par ailleurs, au terme du titre III du décret de 1977, intitulé «des médicaments et du matériel médico-chirurgical courant», l’article neuf dispose que : «la liste minimale des médicaments et du matériel médicochirurgical courants, ainsi que le stock minimal à détenir en permanence par chaque clinique privée, sont fixés par arrêté du Ministre chargé de la santé». En ce qui concerne le personnel devant être employé dans les cliniques, l’article 10 prévoit que chaque clinique doit disposer en permanence des effectifs minimaux en effectif. Dans ce cadre, le décret interdit formellement l’emploi d’agents de la fonction publique dans les cliniques privées. De plus, l’article 10 en parlant du personnel en clinique, fait une énumération des emplois pour chaque catégorie de cliniques. A ce titre, il faut rappeler que s’agissant des médecins devant opérer en clinique, ils sont soumis au respect des normes prévues par la loi n0 66-69 du 4 juillet 1966, relative à l’exercice de la médecine et à l’ordre des médecins. En effet, à travers le chapitre premier de la loi, relative à l’exercice de la médecine, il est clairement indiqué les conditions à remplir pour l’exercice de la médecine au Sénégal. C’est à ce titre, qu’aux termes de l’article 1 de la loi, le titulaire doit disposer soit d’un diplôme d’Etat sénégalais de docteur en médecine, ou bien être en possession d’un diplôme étranger reconnu, équivalent, en application des dispositions en vigueur en matière d’enseignement supérieur. En outre, le titulaire doit être de nationalité sénégalaise, ou être ressortissant d’un Etat qui a passé une convention avec le Sénégal, impliquant le droit d’établissement au Sénégal des médecins nationaux du dit Etat. C’est dans ce cadre que l’article 2 de la loi, dispose que « par dérogation aux dispositions de l’article précédent, peuvent être autorisés à exercer la médecine au Sénégal, à l’exclusion de toute activité privée de type libéral :
➤ les médecins étrangers ne remplissant pas les conditions prévues à l’aliéna 2 du dit article.
➤ Les médecins ne remplissant pas les conditions de nationalité prévues à l’aliéna 2 de l’article 1er, mais qui sont engagés par un contrat de travail, pour assurer le service médical d’entreprise commercial ou industrielle… ».
En tout état de cause, l’article 3 de la loi no 66-69 du 4 juillet 1966 relative à l’exercice de la médecine et à l’ordre des médecins, dispose que « Nul peut exercer à titre privé la profession de médecin au Sénégal, s’il ne remplit les conditions prévues à l’article 1er, et si en outre, il n’ y est autorisé par l’autorité administrative ». C’est dans ce même cadre, qu’en 2005, le Conseil des Ministres de l’Union économique monétaire ouest africaine (U.E.M.O.A.) à mis en vigueur la Directive no 06/CM/UEMOA (Voir Annexe 2, page 113), relative à la libre circulation et à l’établissement des médecins ressortissant de l’union au sein de l’espace UEMOA. Au termes de l’article 5 de cette directive, « Tout médecin ressortissant de l’Union, régulièrement inscrit à l’ordre National des Médecins d’un pays membre de l’U.E.M.O.A., peut librement exercer sa profession, à titre indépendant ou salarié, dans tout autre pays membre de l’Union, aux conditions fixées ci-après :
• être titulaire d’un diplôme de doctorat en médecine et en plus pour le spécialiste, du ou des diplômes ou certificats de spécialistes reconnus par le Conseil Africain et Malgache pour l’enseignement Supérieur (C.A.M.E.S.)
• être en possession d’une lettre d’introduction du Président du Conseil National de l’Ordre de Médecin du pays d’origine ou de provenance.
• être enregistré au Conseil National de l’ordre des Médecins du pays d’accueil ». Enfin, concernant toujours le personnel des cliniques, il faut dire que l’article prévoit des dispositions communes à toutes les cliniques, puisqu’il prévoit en ces termes que « les cliniques privées qui font appel à des médecins, à des spécialistes, ou à des chirurgiens vacataires passent des conventions avec ces médecins, spécialistes et chirurgiens. Ces conventions doivent être approuvées par Le Ministre chargé de la santé, après avis du conseil de l’ordre ».
D’un autre coté, le décret de 1977 donne une liste indicative des menus des repas, ainsi que de leurs composants au terme de l’article 13. En effet, que ce soit pour le petit déjeuner, le déjeuner ou le dîner, l’article 13 donne une liste exhaustive des repas et de leurs composants, tout en laissant une certaine marge de manœuvre au patient de chaque catégorie de chambre dans son choix. De toutes les manières, le décret recherche un certain équilibre dans l’alimentation des patients en adéquation avec le traitement qu’ils reçoivent. De sus, le décret de 1977 à travers l’article 14, exige la tenue dans toutes les cliniques des registres des consultations et des entrées et sorties. A ce titre, le décret propose un modèle pour chaque type de registre, toutefois, pour ce qui est des cliniques d’accouchement, le décret au regard de son article 15 établi un model particulier de registre. Audelà, le décret exige aussi la tenue par les cliniques des fiches cliniques, des archives, un cahier de protocole opératoire pouvant être présenté à toute réquisition. De même, le décret exige la tenue par les cliniques d’une comptabilité exempte de toute reproche, puisque l’article 17 dispose en ce sens, qu’ « il est tenu dans chaque clinique, un registre des recettes et des dépenses arrêté mensuellement, sur le modèle ci-après ou sur tout autre model donnant au minimum les mêmes renseignements. Dans ce cadre, l’article 18 exige même la tenue d’un facturier donnant les indications nécessaires pour le contrôle de la comptabilité tenue par les cliniques. Rappelons à cet effet, que les cliniques privées sont tenues au respect des règles de la concurrence.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : UN REGIME DE DROIT PUBLIC APPLICABLE AUX CLINIQUES PRIVEES
CHAPITRE I : LA NATURE DES REGLES DE DROIT PUBLIC APPLICABLES AUX CLINIQUES PRIVEES
CHAPITRE II : LES DIFFICULTES LIEES AU REGIME DE DROIT PUBLIC APPLICABLE AUX CLINIQUES PRIVEES
DEUXIEME PARTIE : LE REGIME DE DROIT PRIVE REGISSANT L’ACTIVITE DES CLINIQUES PRIVEES
CHAPITRE I : LA VARIETES DES CONTRATS AFFERENTS A L’ACTIVITE DES CLINIQUES PRIVEES
CHAPITRE II : LA REGLEMENTATION DE LA RESPONSABILITE CIVILE MEDICALE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLE DES MATIERES