De l’intégration vers l’inclusion: naissance du métier d’AVS
Cette première partie est basée sur l’étude des textes officiels. Cet historique est nécessaire car la politique d’accompagnement est impactée par l’évolution des lois. Nous pourrons ainsi comprendre pourquoi l’accompagnement d’un enfant en situation de handicap nécessite forcément une articulation avec l’enseignant et l’AVS. Il est aussi primordial de fixer les fonctions et les missions de l’AVS pour appréhender ensuite les pratiques en classe.
De plus, notre étude se base sur la comparaison entre ce qui est dit dans les textes et ce qui est fait en pratique. Les travaux de Bourget, Toullec-Théry et Nédélec-Trohel nous y aideront.
Cette partie tente de mieux appréhender la complexité du rapport qui existe entre enseignant et AVS dans une classe.
Repères chronologiques
Politique de l’intégration: loi de 1975
L’intégration des enfants en situation de handicap commence à se mettre en place dans le système éducatif avec la loi d’orientation du30 juin 1975 (cf Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 « d’orientation en faveur des personnes handicapées »). L’article 4 de cette loi « en faveur des personnes handicapées » préconise en effet une éducation qui devrait s’effectuer de préférence dans le milieu ordinaire. Dans cet article, on trouve une manifestation d’une des dynamiques fondamentales, à savoir que l’entrée dans l’éducation spéciale s’effectue par rapport à la mesure de non-conformité scolaire. En effet, il est dit que tous les enfants reçoivent « soit une éducation ordinaire soit, à défaut, une éducation spéciale ».
Si cette loi annonce que l’enfant doit pouvoir être scolarisé dans le milieu ordinaire, il n’y est pas vraiment question d’y acquérir des connaissances institutionnelles. Il est plutôt mis l’accent sur le fait que l’enfant handicapé va, à l’école,entrer en contact avec la société de son âge et apprendre à vivre en groupe, donc être socialisé. On ne parle d’ailleurs pas d’accompagnant comme des AVS auprès des enfants.
Dans les années 1980 / 1990
Le personnel accompagnant scolaire des enfants en situation de handicap émerge dans le champ scolaire français au début des années 1980. On voit apparaître des « auxiliaires d’intégration scolaire» (AIS) dans les classes auprès des enfants handicapés. Cependant, ce poste n’est pas encore du ressort de l’éducation nationale. Ces AIS sont embauchés par des associations, voire aussi par des parents d’élèves, donc par des initiatives purement privées.
Même s’il n’est pas question d’aide humaine dans la loi, des parents se battent pour que leur enfant ait le meilleur accès possible au système éducatif.
Quelques années plus tard, en 1995, la Fédération Nationale Pour l’Accompagnement Scolaire des Elèves Présentant un Handicap naît : la FNASEPH. Elle rassemble de nombreuses associations parentales porteuses d’un projet d’aide à l’intégration scolaire.Elle affirme rapidement sa volonté de « F aire reconnaître le besoin d’un accompagnement individualisé, l’instauration d’un système, d’un cadre institutionnel pour la gestion de ce service, la mise en place de formations de qualité et la reconnaissance des auxiliaires d’intégration scolaire au moyen d’un statut professionnel » (cf http://www.fnaseph.fr).
En 1999, le plan dit « Handiscol’» (cf http://education.gouv.fr, rubrique « Handiscol’») voit le jour. Il est conduit par le ministère de l’éducation nationale en relation avec le ministère en charge des personnes handicapées, afin d’améliorer la capacité du système éducatif à scolariser les élèves en situation de handicap. Il relance la politique d’intégration, dont les effets tardent à se concrétiser.
La loi du 11 février 2005
La loi de 2005 dite « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » vient rénover celle de 1975 (et l’abroge) pour les enfants handicapés et leur situation face à l’école. Le Handicap est pour la première fois défini : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». L’accueil dans le milieu ordinaire des enfants en situation de handicap est fortement rappelé dans cette présente loi et met en place de nouvelles institutions pour y parvenir : « La loi crée une Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) dans chaque département sous la direction du Conseil général. Elle a une mission d’accueil, d’information, d’accompagnement et de conseil des personnes handicapées et de leur famille, ainsi que de sensibilisation de tous les citoyens au handicap. Chaque MDPH met en place une équipe pluridisciplinaire qui évalue les besoins de la personne handicapée, et une Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) qui prend les décisions relatives à l’ensemble des droits de la personne. »
Ainsi, l’accueil d’un enfant handicapé en milieu scolaire ne se réduit plus au simple processus de socialisation de l’élève maisappelle un processus d’inclusion et de scolarisation où il est donc question d’apprendre un savoir. Même si le terme d’inclusion n’est pas mentionné dans le texte de loi. Pour aller dans le sens d’une politique d’inclusion, il n’y a plus mention « d’éducation spéciale» pour ces élèves. Elle implique alors que « les écoles se transforment elles-mêmes en communautés scolaires où tous les apprenants sont accueillis sur la base d’un droit égal» (Armstrong, 1998, p.53, cité par Belmont, Plaisance, Vérillon, 2006, p 2).Cette loi repose donc sur des concepts clé de non discrimination, d’accessibilité généralisée « intégrant tous les handicaps qu’ils soient d’ordre physique, visuel, auditif ou mental» (cf Loi n°2005-102 du 11 février 2005) et de compensation des besoins pour tous.
Le principe de compensation est défini dans l’article 11 de la loi de 2005 ainsi : « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie ».Par cette accessibilité généralisée au milieu scolaire ordinaire, le métier d’AVS se trouve plus sollicité qu’avant et prend une véritable dimension dans les écoles.
L’introduction des principes inclusifs en France par cette loi provoque donc à l’école un « nouvel arrangement des choses et des gens » (Akrich, 2006, cité par Bourget, 2010, p 141) concernés par cette loi que ce soit les enseignants, les élèves, les accompagnants. Il y a donc la consécration en un droit de la scolarisation pour tout enfant en situation de handicap « dans l’école de son quartier» (cf Loi n°2005-102 du 11 février 2005).
Emergence du métier d’AVS
« Leur mission (des AVS) consiste à apporter une aide tout en se plaçant dans une perspective favorisant le développement de l’autonomie » (Belmont, Plaisance & Vérillon, 2006, p8). La fonction d’accompagnement scolaire comporte alors nécessairement une dimension de collaboration, « une concertation avec les uns et les autres, et des réajustements constants » (Ibid. 2006). Cette collaboration peut être complexe, elle se fait sur un territoire déjà occupé par l’enseignant même si ces deux personnes tendent vers un même objectif qui est celui d’accompagner l’élève dans sa scolarisation.
Compétences à développer pour les fonctions d’AVS
Les compétences que l’AVS doit développer à l’aide d’une formation pour remplir au mieux les fonctions qui lui sont dévolues sont définies par le cahier des charges pour la« Formation des assistants d’éducation exerçant les fonctions d’auxiliaires de vie scolaire » (Note DESCO B2 n° 2004-0270 du 29 mars 2004 et DESCO/MAIS/MC.C/ n° 2004-0135 du 3 mai 2004).
L’AVS doit développer des éléments de connaissances relatifs aux besoins des élèves handicapés et aux situations de handicap. Il doit avoir des connaissances sur le développement de l’enfant, sur la diversité des besoins en fonction du handicap, sur la représentation du handicap mais aussi sur la notion d’aide, d’autonomie et de risque de dépendance.
La collaboration AVS/Enseignant du point de vue socio-historique
Pour cette deuxième partie de mon mémoire de recherche, nous nous appuyons sur les travaux de Guillaume Bourget. En effet, il a effectué une recherche sur la collaboration entre AVS et enseignant à l’aide d’outils sociologiques. Ainsi, il a tenté de dresserun portrait de cette relation sur le terrain. Il a interrogé des néo et des anciens AVS recrutés pour faire son étude. Grâce à la catégorisation de l’accompagnant (Maëla Paul, 2004), je pourrais analyser comment l’AVS et l’enseignant se positionnent face à l’accompagnement et quelles sont les postures qu’ils utilisent pour aborder les situations d’enseignement-apprentissage.
Logique de concurrence de territoires
Un territoire d’action important à définir, des choix à effectuer dans le recueil de données
Guillaume Bourget (Ibid., 2010) a choisi d’analyser et d’observer des binômes AVS/Enseignant dans un milieu rural. C’est un critère qui me parait intéressant car les enseignants de milieux ruraux peuvent être amenés plus fréquemment à travailler avec un AVS. Il y a en effet moins de classes spécialisées comme les CLIS.
Les deux acteurs se partagent un même territoire pourtant « la formation professionnelle des enseignants, basée sur la connaissance des théories et des pratiques didactiques et pédagogiques, semble peu aborder l’exercice de ce métier avec les logiques de territoires » (Ibid., p31). L’enseignant n’est alors pas vraiment formé à partager sa classe avec un autre acteur. C’est une source de dysfonctionnements significatifs.
De plus, selon la DGESCO (Direction Générale de l’Enseignement Scolaire, 2009), près de 70% des élèves handicapés scolarisés le sont dans le premier degré –et plus des deux tiers de ces 70% le sont en maternelle. Ainsi, c’est l’école primaire pour les AVS-i qui constitue le cadre central et dominant de son environnement de travail.
Des propriétés du métier d’AVS entraînant des lacunes sur le territoire d’action
L’AVS et l’enseignant sont potentiellement en relation professionnelle avec une multiplicité d’« acteurs/agents » (élèves, directeur, inspection académique, ATSEM, parents…) lorsqu’il s’agit de la scolarisation d’enfants en situation de handicap (Mazereau, 1998, cité par Bourget, 2010, p 14) et avec des acteurs non humains (dispositifs didactiques et pédagogiques, le système d’enseignements, les lois…). Les textes mentionnant les missions de l’AVS énoncent les termes suivants : « aide » et « accompagnement» (cf Circulaire n°2003-093 du 11 Juin 2003 intitulée « Scolarisation des enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant : accompagnement par un auxiliaire de vie scolaire »), envisagés de manière strictement individuelle et individualisée. Mais cela n’est ni forcément pertinent ni facile à mettre en place sur le terrain sachant qu’enseignant et AVS ne sont pas formés à travailler ensemble.
De plus, apparaissent de véritables lacunes dans l’aide mise enplace car le poste d’AVS n’est pas dans une position stabilisée en termes de procédures de recrutement, de types de contrat, de durée d’occupation du poste, de formation. Les AVS sont encore trop souvent placés dans des situations d’emploisprécaires, avec faible revenus… L’AVS rencontre alors des difficultés pour s’intégrer dans le système éducatif, pour mener à bien la mission d’accompagnement. Cette position délicate semble ralentir le processus de collaboration entre l’enseignant et l’AVS. Pourtant, Ebersold (2003, cité par Belmont, Plaisance, Vérillon, 2006, p 7) déclare que « la qualité du travail d’accompagnement réside dans la cohérence des liens et des relations qui s’instaurent entre les différents acteurs ».
Des pratiques hétéroclites entre enseignant/AVS
Une posture d’accompagnant à déterminer
Les pratiques entre enseignants et AVS diffèrent d’une dyade à l’autre mais il est intéressant d’observer sur le terrain les différentes postures qui existent dans cette collaboration. Bourget tente de répondre à la question suivante : « Quelles sont, dans les pratiques développées entre AVS-i et enseignant, les parts respectivement prises par chacun, et au-delà des crispations induites par des défenses de principe de territoire professionnel, sur les deux pôles de la didactique et de la pédagogie ? »(Ibid., p275)
Pour cela, il reprend la catégorisation de Maëla Paul (2004, p108-109). Je pense réutiliser cette catégorisation pour caractériser la posture des AVS par rapport à l’enseignant et à la situation d’apprentissage. Tout d’abord, l’accompagnant (ici l’AVS) peut se placer en « pourvoyeur» en fournissant des diagnostics et des pronostics sur la marche à suivre pour accompagner l’élève. Il a donc ici un rôle d’expert et permet d’apporter une solution aux difficultés enseignantes. L’AVS peut aussi être défini comme un « intercesseur ». Il prend alors « part à une action, et tente d’influer sur le déroulement tout en se situant en extériorité ». Cette position d’accompagnement peut dériver vers une possible intrusion dans la relation d’apprentissage qui s’avère être néfaste pour l’accompagnement. L’AVS peut aussi se placer en tant qu’« interprète », il caractérise à la fois la séparation et la jonction entre l’élève et la situation d’apprentissage. C’est alors un traducteur pour l’enseignant. Il répète ce qu’ildit pour qu’une réalisation aitlieu et non un changement ou une évolution de stratégie de la part de l’élève. De nombreux AVS semblent adopter cette posture. Pour finir, l’accompagnant peut se placer en tant que « passeur » pour l’élève. Il tente ici de faire des opérations de médiation entre la savoir et l’élève mais ce dernier doit franchir certains caps seul et l’AVS en est conscient. L’AVS ouvre la voie pour l’élève en difficultéen lui donnant des indices pour résoudre la tâche mais ne lui donne pas la réponse.
La collaboration AVS/Enseignant du point de vue didactique
Pour cette troisième et dernière partie de mon mémoire de recherche, nous allons présenter l’une des visions possible de l’aspect didactique de la collaboration entre un AVS et un enseignant. Mon travail de Master 2 sera orienté vers une approche didactique de l’articulation Enseignant-AVS car l’AVS s’insère dans un processus d’enseignement apprentissage lorsqu’elle accompagne un enfant en milieu ordinaire. Pour cela, nous nous appuyons sur des travaux faits en didactique par Toullec-Théry et Nédélec-Trohel (2009,2010). .
La collaboration AVS/Enseignant vue par une approche didactique
Définition de l’entrée didactique
Brousseau définit le système didactique comme un système qui « s’occupe des conditions où une institution dite « enseignante » tente de modifier les connaissances d’une autre dite « enseignée » alors que cette dernière n’est pas en mesure de le faire de façon autonome et n’en ressent pas nécessairement le besoin » (Brousseau, 2003, p1, cité par Toullec-Théry et Nédélec-Trohel, 2008, p 6). Ainsi, il est nécessaire d’observer comment s’articulent les interventions des deux acteurs et de quelles manières ils agissent sur ce système didactique.
Ce système est aussi qualifié comme « conjoint» (Leroy, 2005, cité par Toullec-Théry et Nédélec-Trohel, 2008, p 6). En effet, il se voit modifier par la présence de l’AVS aux côtés de l’enfant handicapé. A partir d’une relation en binaire, il se construit une relation triangulaire entre l’AVS, l’enseignant et l’élève.
Ce système didactique initial, selon Toullec-Théry et Nédélec-Trohel, se trouve alors modifié et il devient un « système didactique bicéphale dissymétrique ». Un système bicéphale s’érige, constitué par un enseignant représentant « le système didactique principal » et l’AVS qui constitue « le système didactique auxiliaire ».Ce système est « dissymétrique puisque les fonctions des deux acteurs diffèrent : l’enseignant produit et gère la situation pédagogique globale tandis que l’AVS produit un accompagnement adapté pour un ou des élèves handicapés, l’objectif étant d’amener ces élèves à un gain d’autonomie». (ToullecThery & Nédhéléc-Trohel, 2010, p3)
Une situation d’enseignement-apprentissage à partager entre les deux acteurs
Une « organisation commune » mise en place ?
Pour que l’inclusion de l’élève en situation de handicap soit effective, les deux acteurs doivent se questionner sur le partage de ces situations. Ainsi, l’AVS doit comprendre les intentions et les enjeux d’apprentissage ainsi que le contrat didactique qui se met en place entre l’enseignant et l’élève. Se met alors en place une « organisation commune » entre l’AVS et le professeur (Toullec-Théry & Nédélec-Trohel, 2010, p9). En effet, l’un et l’autre ne peuvent pas travailler ensemble sans instaurer des règles pour chaque intervention. La recherche montre pourtant que cette organisation n’existe pas forcément au sein dubinôme à cause de différents paramètres. Elle ne répond pas à tous les problèmes qui se posent, particulièrement à ceux qui touchent le champ de la didactique.
Cette organisation commune est parfois parasitée par des idées préconçues de la part de l’enseignant sur le poste d’AVS. En effet, l’enseignant peut s’appuyer sur le fait que l’AVS a un déficit de formation qui peut l’empêcher decomprendre les intentions didactiques. Mais, d’un autre côté, l’enseignant peut attendre beaucoup de l’AVS : l’enseignant lui demande en effet souvent d’être très observateur en classe(ce qui nécessite des compétences très fines). Ainsi, l’AVS, même sans formation, devrait se présenter comme l’expert du handicap pour gérer au mieux les apprentissages d’un élève.
Un danger serait que l’accompagnement de l’élève à BEP se réduise à la présence d’un AVS. Il y aurait alors « une intégration des élèves à besoins éducatifs particuliers, faisant de ceux- ci des élèves qui sont « dans l’école », mais qui ne sont pas membres « de l’école » (Hégaty, 1993, cité par Ebersold, p. 71, 2009, cité par Toullec-Théry, 2010, p 5)
Le poste d’AVS-i à bout de souffle
Les AVS-i ont pour mission d’assurer un suivi individualisé des élèves handicapés dans des classes ordinaires. Elles sont donc en charge d’un seul élève pour lui apporter une aide individualisée.
Toullec-Théry et Nédélec-Trohel (2010) ont observé que la présence d’un AVS-i dans une classe ordinaire semble parfois poser problème pour l’inclusion effective de l’élève et son entrée dans l’apprentissage scolaire. En effet, l’AVS-i paraîttrop souvent être indispensable pour l’élève scolarisé. Il peut alors « faire écran à la relation didactique enseignant- AVS » (Toullec-Théry & Nédélec-Trohel, 2010, p 5). En effet, le professeur délègue trop souvent l’inclusion à l’AVS. Or la collaboration avec l’AVS ne doit pas être considérée comme « une façon de déléguer, mais comme la possibilité de s’ouvrir à différentes connaissances, en recueillant les aspects intéressants de réflexion pour l’action éducative » (De Anna, 2009, p.60, cité par Toullec-Théry et Nédélec-Trohel, 2010, p 5). Ce binôme ne semble pas véritablement se concerter avant chaque situation d’apprentissage, or à chaque situation didactique de nouvelles attentes sont formulées. Les enseignants et les AVS conviennent de la nature de leur tâche avec l’enseignant simplement en début d’année pour la plupart. L’aide individualisée n’est alors par réellement préparée par les deux acteurs. Au fil du temps, la répartition des tâches n’étant pas claire, le binôme agit parfois négativementsur la situation enseignement-apprentissage. Ainsi, le choix du système éducatif français d’attribuer des AVS individuels aux élèves a des effets sur les actions et les postures des deux acteurs.
Trop souvent, les AVS-i ne disposent pas d’un temps de travail conjoint avec l’enseignant.
En effet, les AVS n’ont pas de temps accordé qui leur est rétribué pour convenir de ces ajustements. Ainsi, les enjeux des situations d’aide individuelle restent implicites pour eux.
L’AVS doit alors faire preuve d’adaptation et parfois il développe des réponses précises comme : « s’immiscer sur le territoire de l’enseignant» ou « occuper toute la place » aux côtés de l’enseignant. L’apprentissage pour l’enfant semble alors totalement inexistant et les deux acteurs engendrent plutôt un phénomène de socialisation qui pourtant n’est pas le but primordial de l’inclusion, comme on a pu le voir dans les textes officiels. L’aide individualisée pose alors de nombreux problèmes dans la collaboration entre Enseignant / AVSsur le terrain. Il est important l’année prochaine que je puisse observer les deux types de binôme car le rôle de l’AVS-co s’avère être souvent plus bénéfique dans l’inclusion de l’élève en situation de handicap.
Le poste d’AVS-co à développer ?
Des auxiliaires de vie scolaire collectifs (AVS-co) ont pour mission d’apporter une aide à l’intégration pour des élèves handicapés dans les dispositifs collectifs (CLIS ou ULIS) ; ils apportent plutôt une aide orientée vers le groupe et le fonctionnement du dispositif collectif au sein de l’école.
Le poste d’AVS-co permet de pouvoir mieux comprendre les enjeux d’une aide collective.
En effet, cette personne chargée de l’accompagnement de l’élève peut par son statut d’aide collective aller d’un élève à l’autre et ainsi pouvoir laisser du temps didactique à l’élève pour qu’il acquiert une certaine autonomie. De plus, l’enseignant peut travailler avec certains élèves pendant que l’AVS accompagne d’autres élèves. Ainsi, le partage des tâches est plus facile à mettre en place et l’accompagnement paraît plus efficace. Chacun des deux acteurs trouvent plus facilement sa place.
Dans d’autres pays, il est mis en place un système d’enseignant de «soutien ». Il y a donc parfois deux enseignants dans la même classe. Le système de répartition des tâches et du territoire de chacun se pose donc au même titre que pour la dyade Enseignant-AVS.
Cependant, le système italien mis en place montre aussi que l’enseignant « de soutien » italien vient en appui au système d’enseignement et non directement à un élève (De Anna, 2009, cité par Toullec-Théry & Nédélec-Trohel, 2010, p 6). Il se présente donc comme une béquille pour le système didactique et non pour l’élève lui-même. Il permet simplement de rendre plus accessible un savoir à un certain moment où l’enseignant ne peut le faire seul. Le travail de l’AVS-co semble plus prendre appui sur le système italien que sur celui de l’AVS-i. Ainsi, l’aide apportée est plus efficace pour les situations d’enseignement-apprentissage.
Les deux chercheurs (Toullec-Théry & Nédélec-Trohel, 2010) ont observé dans les pratiques en aide collective que l’enseignant laisse à l’AVS un champ d’actions plus large qu’en aide individualisée. Trois registres d’actions sont alors délégués à l’AVS: un encadrement des tâches d’entraînement, une validation du travail pour réorienter l’élève en cas d’erreur, et une vérification des tâches des élèves et leur évaluation. Ainsi, le système didactique central est toujours détenu par l’enseignant mais le système didactique auxiliaire vient en appui à celui-ci (Ibid., 2010, p 7). Dans la collaboration AVS-co et Enseignant en classes spécialisées comme les CLIS, il y a une plus grande anticipation du travail entre les deux acteurs. Chacun dispose d’un territoire où les limites sont poreuses et l’un peut alorslaisser la place à l’autre quand cela s’avère utile. Le travail conjoint AVS -co-Enseignant permet alors de réunir plus facilement les conditions d’avancée du temps didactique pour l’élève.
Une enquête au cœur des relations
Le choix méthodologique
Pour mon recueil de données, j’ai décidé de faire des entretiens directifs auprès de dyades Enseignant / AVS que ce soit en milieu scolaire ordinaire (avec des AVS-i) et en milieu scolaire spécialisé (avec AVS-co) pour comparer les deux modes de fonctionnement et pouvoir ainsi mieux comprendre les dysfonctionnements explicités par les chercheurs. Les entretiens directifs ont permis de cibler les attentes que j’avais et de permettre aux interlocuteurs de répondre précisément aux thèmes que je voulais aborder avec eux. Par ce choix méthodologique, les réponses étaient ciblées même si je me suis rendu compte que lors d’échanges entre personnes le discours peut vite diverger vers autre chose, quand la question n’est pas comprise comme il le faudrait. Je me suis accordée la liberté d’ajouter des questions intermédiaires si les acteurs pointaient du doigt des aspects de la collaboration qui demandaient plus de précision.
Ces entretiens ont été dirigés à l’aide d’un questionnaire (cf annexe 2) autour de trois axes différents. Tout d’abord, mes deux premières parties avaient pour but de cibler le profil de mes binômes en abordant des thèmes précis avec l’AVS(contrat, formation, expérience, ressenti sur la relation avec l’enseignant, situation de handicap des élèves accompagnés…) et avec l’enseignant (formation, expérience avec AVS et première expérience, difficultés et avantages de la présence de l’AVS…). Par ces questions, j’ai esquisséun profil du binôme mais aussi j’ai vu comment les deux acteurs se plaçaient l’un par rapport à l’autre et quelle image ils avaient de leur dyade. La troisième partie s’est ensuite basée sur l’aspect didactique de cet accompagnement. En effet, j’ai centré mes questions sur le travail collaboratif du point de vue didactique qu’ils peuvent mettre en place lors de situation d’enseignementapprentissage. Cela a permis aux acteurs d’évoquer lepartage de territoire dans ces situations, de leur posture mais aussi de leur organisation et des outils qu’ils pouvaient avoir mis en place pour favoriser cette collaboration. Ainsi, j’ai repris les grands axes théoriques que je voulais utiliser pour mon analyse.
Les trois entretiens effectués se sont déroulés en présence de l’AVS et de l’enseignant à chaque fois pour des raisons pratiques évoquées par les deux acteurs de la dyade. J’ai sollicité les binômes au mois de décembre et chacun d’eux ont accepté de me rencontrer mais ensemble pour ne pas monopoliser trop de leur temps. Les questionner en présence de l’un et de l’autre a pu influencer les réponses au questionnaire. L’un n’a peut-être pas osé parler de son ressenti par peur de blesser, du regard de l’autre mais cependant je me suisaussi rendu compte que le binôme était capable de prendre beaucoup de recul sur leur collaboration et qu’il parvenait à évoquer des difficultés dans leur travail ou des dysfonctionnements. Ces
entretiens en duo ont aussi permis parfois de parler d’aspects de leur travail qu’ils n’avaient jamais évoqué ensemble auparavant.
Les profils des binômes interrogés
Pour respecter l’anonymat des différentes personnes interrogées, elles ont été rebaptisées. Ainsi, dans chacun de mes profils, j’aipris le soin de donner des prénoms fictifs aux AVS et aux enseignants. Cependant, je cite le type de milieu où ces personnes exercent car cela permet de se représenter au mieux les types de territoires d’activité comme le préconise Guillaume Bourget et comme je le cite dans la deuxième partie de mon mémoire.
Binôme n°1 : Enseignante spécialisée en CLIS et AVS-co
L’enseignante interrogée s’appelle Nicoleet elle a 52 ans. Elle exerce en CLIS de type 1 depuis 4 ans. Les élèves scolarisés n’ont pas « de handicap diagnostiqué [mais] des troubles du comportement (…) et des troubles d’apprentissages » comme le dit l’AVS (cf annexe 3 question 8). Nicole exerce son métier depuis 25 ans et dispose de deux options supplémentaires à son diplôme : l’option E (chargée de l’aide à dominante pédagogique dans le Réseau d’Aide Spécialisé aux Elèves en Difficulté) et l’option D (enseignante spécialisée).
Elle dispose de peu d’expérience de travail avec un AVS car « le métier d’AVS n’existait pas » (cf question 12) au début de sa carrière. L’AVS-co actuellement dans sa classe est la première personne avec laquelle elle a travaillé. Sa première expérience a été difficile pour elle car elle s’est retrouvée face àune classe et n’avait plus l’habitude d’être confrontée à un groupe. Elle qualifie donc cette première année de retour en CLIS comme étant « très difficile » pour elle. La présence de l’AVS a donc été « une sorte de soutien » pour dialoguer sur les difficultés rencontrées. Elles ont tout de suite tissé un lien qui expliquent par la suite leur vision de la collaboration.
L’AVS-co s’appelle Christine, elle a 43 ans. Elle dispose d’un contrat d’assistant d’éducation (CAE) qui est renouvelé chaque année depuis 6 ans. Elle a exercé durant 18 mois dans une autre CLIS et est depuis 5 ans dans la CLIS actuelle en milieu rural, à temps plein.
Elle a travaillé avec différents enseignants et a donc plusieurs expériences de collaboration en binôme. Elle n’a disposé d’aucune formation pour être AVS et n’a pas « de compétences en terme d’enseignement puisqu’avant [elle travaillait] dans l’habillement» (cf question 13 du questionnaire). Elle a « découvert le métier, enfin la fonction (…) comme ça sur le tas».
Christine qualifie sa relation avec l’enseignante comme constructive et composée de beaucoup d’échanges qui se font au jour le jour sur les enfants et la façon d’aborder les choses avec eux.
Ce binôme est donc fortement marqué par une habitude de travailler ensemble et une forte affinité entre elle, comme elle la nomme. En effet, le fait qu’elles aient commencé à travailler ensemble lors d’une année difficile pour l’enseignante a renforcé les liens entre elles. Les quatre années de pratique semblent donc être un atout pour leur collaboration lors de situation d’apprentissage, selon elles.
Binôme n°2 : Enseignante en Moyenne section et AVS-i
L’enseignante interrogée s’appelle Marion eta 33 ans. Elle est enseignante depuis 2005. Elle exerce donc son métier depuis 9 ans. Elle dispose de peu d’expérience de travail avec un AVS car c’est seulement l’année dernière qu’elle a connu ce travail en binôme au sein de sa classe. En effet, la seule expérience qu’elle a est avec l’AVS interrogée durant l’entretien. Lorsqu’elle évoque sa première expérience, elle dit que « c’est difficile (…) de travailler avec un autre adulte, d’avoir le regard dans sa classe de quelqu’un d’autre» (cf annexe question 12). Mais, elle a su dépasser cette difficulté car elle travaille depuis longtemps en maternelle et est donc « habituée à travailler avec une ATSEM» (Agent Territorial Spécialisé des Ecoles Maternelles). Elle a tout de suite vu la présence de l’AVS dans sa classe auprès de l’élève en situation de handicap « comme une aide ».
L’AVS-i s’appelle Cécile, elle a 25 ans. Elle dispose d’un contrat aidé d’une durée de deux ans. Cela fait un an déjà qu’elle est AVS. Elle accompagne une élève de moyenne section atteinte « d’un autisme léger ». Elle est présente 9h par semaine auprès de l’élève.
Elle n’a disposé d’aucune formation pour être AVS avant de commencer sa mission d’accompagnement. Mais, elle a eu « des stages pour mieux connaître les enfants autistes et handicapés (…), des sortes de réunions où [elle] pouvait participer». (cf annexe 4 question 5). Cécile exprime son regret de ne pas être assez bien formée à l’accompagnement d’un élève en situation de handicap. Parfois, elle avoue « que ce n’est pas évident de savoir comment expliquer l’exercice avec les mots adaptés ou les méthodes» et avoue même « peut-être que quelqu’un qui serait plus qualifié aurait plus sa place auprès de l’enfant». Cette réplique assez dure montre sa frustration de ne pas être bien formée et aussi ses doutes sur ses capacités à être la « bonne » personne pour l’élève. Les deux femmes du binôme ne parviennent pas, selon elle, à apporter toutes les aides nécessaires à l’enfant. Cécile qualifie sa relation avec l’enseignante comme bonne et cordiale car elles travaillent déjà depuis une année ensemble.
|
Table des matières
Introduction
1° Partie : De l’intégration vers l’inclusion, naissance du métier d’AVS
1. Repères chronologiques
1.1. Politique de l’intégration: loi de 1975
1.2. Dans les années 1980 / 1990
1.3. La loi du 11 février 2005
1.4. L’accompagnement, aujourd’hui
2. Emergence du métier d’AVS
2.1. Compétences à développer pour les fonctions d’AVS
2.2. Ses missions
2° Partie : La collaboration AVS/Enseignant du point de vue sociohistorique
1. Logique de concurrence de territoires
1.1. Un territoire d’action important à définir, des choix à effectuer dans le recueil de données
1.2. Des propriétés du métier d’AVS entraînant des lacunes sur le territoire d’action
2. Des pratiques relationnelles de l’AVS à analyser
2.1. Un rapport plutôt binaire à l’enseignant
2.2. Confrontation à des agents précis en milieu éducatif
3. Des pratiques hétéroclites entre enseignant/AVS
3.1. Une posture d’accompagnant à déterminer
3.2. Une dépendance possible à l’AVS de la part de l’enseignant
3° Partie : La collaboration AVS/Enseignant du point de vue didactique
1. La collaboration AVS/Enseignant vue d’une approche didactique
1.1. Définition de l’entrée didactique
1.2. Des concepts théoriques repris pour mes recherches
2. Une situation d’enseignement-apprentissage à partager entre les deux acteurs
2.1. Une « organisation commune » mise en place ?
2.2. Le partage du temps didactique souvent problématique
3. D’une aide individualisée qui pose problème à une aide collective
3.1. Le poste d’AVS-i à bout de souffle
3.2. Le poste d’AVS-co à développer ?
4° Partie : Un recueil de données au cœur des binômes «bicéphales dissymétriques » en milieu scolaire ordinaire et en CLIS
1. Une enquête au cœur des relations
1.1. Le choix méthodologique
1.2. Les profils des binômes interrogés
1.3. Relation du binôme influencée par différents facteurs
2. Une organisation du travail collaboratif analysée selon la catégorisation de Maëla Paul (cf annexe 1)
2.1. Des avis différents sur le travail de collaboration dans les binômes
2.2. Le regard d’expert de l’AVS-i indispensable pour l’enseignant
2.3. Une collaboration à double-sens et un partage du territoire distinct en CLIS, des AVS-co plutôt interprètes du discours professoral
3. Les outils envisageables pour rendre plus opérante la relation
3.1. Un cahier de liaison / d’observation
3.2. Le cahier journal
3.3. Des réunions par période
4. Synthèse de mon travail de recherche et d’analyse
4.1. Résumé des différents résultats
4.2. Apports de ce travail sur ma professionnalisation
Conclusion
Sources et références bibliographiques
Table des annexes
Annexes