Un rapprochement du parti Europe Écologie Les Verts et du Parti Socialiste

La reconnaissance de la diversité des modes d’habitat : une question juridique dont les acteurs se saisissent

Les acteurs présentés en première partie revendiquent, pour certains, la prise en compte de la diversité des habitats, l’habitat choisi. D’autres militent contre le mal-logement.
L’hétérogénéité de ces acteurs n’a pourtant pas empêché la constitution d’un réseau structuré. Tous estiment que chaque être humain à le droit d’habiter, quel que soit son mode de vie.
Ce chapitre consacre une première partie à l’étude des acteurs interrogés, leur diversité, leurs divergences. Nous observerons en quoi ces acteurs forment ou non, un tout cohérent. Quelle est leur représentativité dans le champ du logement et de l’habitat. Portent-ils la parole de tous les ménages concernés par une situation d’habitat alternatif ? Nous allons élaborer une typologie de ces acteurs, leurs organisations, comment ils se décrivent ainsi que la manière dont ils se perçoivent entre eux. Ces quelques éléments de présentation nous permettent de nous représenter le paysage des acteurs de l’habitat et du logement mobilisés au moment de la préparation de la loi ALUR. Ces constats nous interrogent sur la représentativité de ces acteurs. Dans un second temps, nous analyserons les activités pré décisionnelles des acteurs à la mise sur agenda de la reconnaissance de la diversité des modes d’habitats.

Les acteurs mobilisés pendant la préparation des articles 132 et 157 de la loi ALUR

Huit entretiens semi-directifs ont été menés. Ce nombre restreint reflète ce que nous avons pu recueillir comme informations concernant les acteurs mobilisés. En effet, pour les articles qui nous intéressent, très peu d’acteurs ont participé aux groupes de travail, réflexion ou débats. Toutefois, nous notons, malgré leur diversité, qu’ils réunissent des caractéristiques communes.

La DIHAL

Il nous est apparu incontournable d’interroger la DIHAL pour savoir comment s’est organisé la mise en place d’un réseau et de groupes de travail pour la préparation des articles 132 et 157 de la loi ALUR. Nous avons donc pu obtenir un entretien auprès d’A. Elmajeri, conseillère au délégué interministériel. L’intérêt de cet entretien résidait sur le fait que cette personne était, auparavant, conseillère de Cécile Duflot au moment de la préparation de la loi ALUR. A. Elmajeri nous présente la délégation comme une instance ayant évolué au fil des années pour élargir son champ d’action, toujours auprès des personnes en situation de mal logement :
« la DIHAL, c’est une délégation interministérielle qui a été créée pour rapprocher les acteurs qui étaient plus dans le monde du logement avec ceux qui étaient plus sur les questions sociales, notamment pour qu’il y ait une cohérence en termes de prise en compte du parcours de la rue jusqu’au logement. Ça, c’était la création d’origine et puis, au fur et à mesure, elle a eu d’autres missions qui lui ont été confiées, toujours dans le domaine du mal logement. »
Pour ce qui concerne la prise en compte de l’habitat alternatif et de ses différentes formes, elle reconnait que l’État n’a pas de connaissances spécifiques sur le sujet, d’où l’importance de la délégation, pour réunir les acteurs et mettre en place des groupes de travail sur le sujet, dans l’optique d’accéder à une meilleure connaissance du problème et de proposer une politique qui réponde aux besoins des personnes concernées.
« Au niveau de l’État, il n’y a pas de réflexion ou même de mutualisation d’informations, de compilations des éléments de connaissance sur ce volet-là de façon spécifique, en termes qualitatifs notamment.»
«La DIHAL, elle a pas un rôle, comment dire, elle a aucun juriste en son sein, elle a pas un rôle d’écriture justement législative, ni d’écriture réglementaire. Elle a plus un rôle d’animation et d’aide à faire produire les acteurs ensemble. C’est bien l’intérêt d’une délégation INTER – ministérielle. C’est de mettre autour de la table, différents ministères concernés, justement par ces sujets.» Pour A. Elmajeri toujours, la force de la DIHAL serait d’être une instance de participation pour l’élaboration et l’évaluation des politiques publiques : « Ça s’est vachement important d’avoir le point de vue de ceux qui sont sur le terrain, d’associations bien évidemment, mais de bailleurs aussi, et des représentants des usagers, ça c’est la force de la DIHAL qui fait la promotion justement, de la question de la participation des personnes elles-mêmes à l’élaboration et à l’évaluation des politiques publiques qui les concernent. »
Dès lors, nous saisissons l’importance des stratégies à mettre en place par les acteurs pour se rendre visibles à ce niveau de l’État. Attachons nous maintenant à décrypter les compétences qu’ils ont développées pour faire partie du cercle d’élaboration de la politique publique.
Quelle est la représentativité de ces acteurs ? Pour cela, nous avons fait le choix de vous présenter une typologie des acteurs sous forme de deux tableaux. Le premier tableau présente les divergences des acteurs, tandis que le second réunit les caractéristiques communes de ces derniers.
Ce premier tableau met en évidence la diversité des acteurs de l’habitat et du logement qui ont participé aux groupes de travail et réflexions sur la reconnaissance de la diversité des modes d’habitat. Ici, nous comprenons que deux tendances se dégagent. La première pointe la spécialisation des associations HALEM, ANGVC et RELIER. Nous constatons que l’habitat mobile ou démontable est au cœur de leurs préoccupations. Ce sont également eux, qui adoptent une posture très revendicative vis-à-vis de l’État. La deuxième tendance est celle des acteurs à vocation plus généraliste autour des questions du logement. De leur côté, nous repérons, au travers de leur témoignages, une habitude de travail en concertation avec l’État. Toutefois, chaque acteur, hormis la DIHAL, adoptent une posture d’interpellation des pouvoirs public. Cette posture est décrite soit dans leur plaquette de présentation soit dans au travers de leurs propos. Selon nous, les deux tendances sont révélatrices du fonctionnement très différencié des acteurs, qui se justifie certainement par l’enjeu à rendre visible « leur cause ». En effet, nous pouvons dire que la FAP, et l’ALPIL, plus anciennes dans le paysage associatif, ont acquis une habitude de travail avec les différents niveaux du gouvernement.
Leur champ d’action, plus élargi, participe à une certaine légitimité naturelle pour collaborer à la réflexion des politiques publiques dans le domaine du logement et de l’habitat. Néanmoins, dans une perspective historique, nous ne pouvons faire l’impasse sur l’origine de la création de la Fondation Abbé Pierre qui n’est pas sans rappeler qu’à l’époque déjà, il s’agissait de porter le logement comme une priorité nationale. La posture de la FAP était alors beaucoup plus revendicative vis-à-vis de l’État. Dès lors, nous pouvons supposer que ce fonctionnement différencié des acteurs est à nuancer. La création relativement récente de ces associations, en comparaison avec la FAP, ne nous permet pas de savoir comment leurs postures évolueront. En effet, la prise en compte de la reconnaissance de la diversité des habitats est une nouveauté. Il faut donc que les acteurs interpellent, notamment par des mises sous pression, l’État, tout comme le faisait la FAP à l’origine de sa création. De plus, ce propos reste à nuancer, car ces acteurs sont également sollicités par les instances ministérielles pour leur expertise.
Bien que certaines associations soient plus récentes que d’autres, les témoignages que nous avons recueillis démontrent l’importance d’acquérir le plus de connaissances possible sur le sujet. En effet, il semble que ce niveau de connaissance soit une condition nécessaire à la constitution d’un réseau d’acteurs. Le partage et l’échange de savoirs, le conseil aux personnes ou aux pairs, favorisent, selon nous, une meilleure visibilité de l’acteur. Cela produit un niveau d’interactions, nous le verrons plus loin, permettant le travail de réseautage.
Ici, nous avons voulu mettre en évidence que tous les acteurs interrogés signifient leur visibilité et la reconnaissance au niveau des instances nationales dont ils jouissent. Au-delà de sa reconnaissance au niveau de l’Etat, M. Beziat positionne l’ANGVC comme une association ayant beaucoup de poids auprès du pouvoir législatif. Ses propos reflètent une volonté de mettre l’ANGVC dans une forme de pouvoir, pouvoir probablement moins important que la réalité. L’ANGVC n’est sans doute pas à l’origine des arti cles 132 et 157 de la loi ALUR, bien qu’elle y ait certainement participé.
« On a été quand même à l’origine de la loi ALUR, de la modification de l’article 121.1 où justement on a fait étendre dans l’esprit du code de l’urbanisme effectivement, la prise en compte de tous les modes d’habitat, sans penser à quelque type que ce soit. »
RELIER a également organisé les rencontres nationales de l’habitat participatif à Marseille, ainsi que plusieurs colloques en France, notamment sur le sujet de l’habitat mobile et démontable.
Lors de la préparation de la loi ALUR, ils ont été en lien avec la DIHAL pour les uns, le cabinet du ministre pour les autres, le réseau RELIER bien qu’indirectement, a quand même participé aux débats. En effet, R. Jourjon précise que son réseau « a pu ouvrir un espace d’échanges et de dialogues, et c’est pas mal remonté au niveau des ateliers et débats jusqu’au ministère même si c’était pas forcément RELIER qui était invité en tant que tel. »
L’aspect militant de l’association HALEM est très marqué dans le discours de son représentant. La FAP est plus prudente dans sa posture vis-à-vis de la reconnaissance de tous les types d’habitat, elle reconnait ne pas traiter de cette question, pour autant, elle s’interroge sur les conséquences de la reconnaissance de tous les types d’habitat. « Ce champ de l’habitat léger et mobile n’est pas le nôtre, ça revient à dire, c’est quand même j’allais dire lobbying, c’est un gros mot mais c’est une question que se sont posé plutôt ce champ-là de ces réseaux autour de l’habitat léger et mobile, où genre type justement HALEM, FNASAT etc. FNASAT, HALEM et RELIER, eux, sont plus sur le champ promotion de l’habitat mobile et léger, donc c’est pas notre vision c’est pas forcément notre champ… »
« On procède de manière beaucoup moins poussée que les associations spécialisées, on intervient de manière un peu plus distante. On n’est pas au fait de tous les détails techniques et de toutes les exigences des occupants, mais on sait que sur le principe, c’est quelque chose à porter. »
R. Jourjon du réseau RELIER nous confiait également : « Nous on a pu faire remonter nos travaux via HALEM, en fait on avait aidé HALEM à prendre un petit peu de recul sur leur implication dans ce domaine-là, parce qu’ils ont une approche assez militante de la question, et nous on souhaitait associer des gens à la fois élus, techniciens de la construction, des gens directement concernés en tant qu’habitants, des riverains. »
Les propos recueillis nous permettent de distinguer deux formes de militantismes. Selon nous, certaines associations sont dans un militantisme que nous qualifierons de passif, en ce sens que les actions qu’elles engagent restent modérées. La FAP ne peut être considéré comme une association pratiquant le militantisme passif, toutefois pour la reconnaissance de la diversité des habitats, F. Huygues adopte un discours modéré, qui nous laisse supposer que la fondation n’est pas encore prête à porter la question au niveau national, comme une priorité. A l’inverse, les acteurs associatifs spécialisés sur la reconnaissance de l’habitat alternatif se montrent beaucoup plus actifs. En effet, par leur manière d’interpeller les pouvoirs publics, l’occupation de l’espace politique, associatif, médiatique pour parler de ce sujet, sont autant de moyens mis en œuvre pour défendre leur cause. Les postures militantes des différentes associations sont donc à la fois un point commun de chacune, mais nous avons également perçu qu’elles cristallisent un point de divergence en termes de stratégies.
Les pratiques lobbyistes des acteurs de la promotion de l’habitat léger, mobile, ou démontable, décrites par F. Huygues sont connotées négativement dans ses propos.
N. Derdeck, membre de jurislogement, mais également salariée de la FAP, a un discours plus nuancé que son collègue sur la question de la reconnaissance de l’habitat choisi. Pour elle, cette pratique existe, il faut donc la prendre en compte au niveau juridique tout en restant vigilant pour que cela ne mette pas en difficulté les plus démunis face au logement. Son collègue, de la FAP, reconnait également ces pratiques et l’importance de leur prise en compte mais ne va pas jusqu’à la question de la reconnaissance dans les textes de loi.

La représentativité des acteurs en présence au moment de la préparation des articles 132 et 157 de la loi ALUR en question

A ce stade de notre recherche, une question nous semble incontournable, ces acteurs sont-ils représentatifs de l’ensemble des ménages ou personnes qui vivent dans un habitat alternatif au logement ? Nous l’avons déjà évoqué, les situations sont multiples, des personnes en situation de précarité, contraintes de vivre dans un abri de fortune, une cabane, une caravane, une yourte ou un camion par exemple, à celles qui font le choix de vivre dans une forme d’habitat atypique pour des raisons idéalistes ou en lien avec leurs traditions. Sont-elles en accord avec ce que les associations ont défendu dans ce moment de la préparation de la loi ALUR ? Et pourquoi ces acteurs plus que d’autres ?
Nous n’avons pas fait le choix d’interroger des habitants contraints ou choisi, toutefois l’exploration de sites internet nous a permis de trouver quelques éléments de réponses.
S’agissant de l’habitat choisi, nous avons pu remarquer, lors de notre recherche, que la majorité des acteurs font référence aux gens du voyage en priorité. Nous savons que les habitants de yourtes ou de cabanes dans les bois ne représentent pas une grande partie de la population française, néanmoins, ce phénomène existe et se répartit sur plusieurs territoires en France. Il est évident qu’une association telle que l’ANGVC évoque l’habitat des gens du voyage. Toutefois, il nous apparait plus étonnant qu’ HALEM s’exprime ainsi : « Mais sous le vocable d’habitat léger, on englobe les cabanes même si ce qu’on défend c’est en particulier, l’habitat mobile, la question des gens du voyage, enfin les discriminations qu’ils subissent, les traveller’s, les habitants de roulottes enfin tout, tous les nomades.».
Le discours de P. Lacoste nous interpelle. En effet, nous observons un décalage avec ce qui est présenté sur le site de l’association. Nous interprétons cette posture en écho à l’actualité politique très abondante, notamment avec la préparation du projet de loi Raimbourg . Dès lors, nous pouvons supposer que les habitants de yourtes ou de cabanes, bien qu’ayant fait ce choix de vie ne sont pas forcément bien représentés par cette association, bien que P. Lacoste affirme que son association défend tous les types d’habitats autres que du logement.
Il existe un blog, Yurtao , qui fait partie de ces collectifs qui militent pour la promotion de l’habitat choisi, le blog publie les actualités de l’habitat et informe ses lecteurs des événements juridiques ou législatifs en lien avec l’habitat en yourte particulièrement. En cherchant à connaitre plus précisément Yurtao, nous avons découvert que la personne qui anime ce blog n’est pas en accord avec ce que propose la loi ALUR, et ne se reconnait pas dans les revendications qu’HALEM a portées au moment de la préparation de la loi. Elle va même jusqu’à accuser HALEM de se servir de la Yourte pour servir la cause d’autres habitats :
« Halem : « Le ministère a invité les assos, il leur a demandé leur avis d’expert… Nous avons travaillé dans l’hypothèse que nous serions peut-être entendus et nous avons participé à plusieurs réunions de mises à niveau de réflexions avec un groupe le plus élargi possible »
L’association nationale de yourteurs Cheyen/Yurtao n’a pourtant jamais été contactée, bien au contraire, nous avons été censurés. […]Cependant, je dois avouer que ce travail de médiation a été sapé par l’instrumentalisation de la yourte par certains activistes qui s’emploient à dénaturer nos tentes par un tour de passe-passe linguistique. En effet, la yourte assimilée à une caravane dans le projet de loi ALUR sous le vocable générique : « résidence démontable », entérine la confusion entre habitat mobile et tente, confusion contre laquelle je me bats depuis des années et qu’Halem utilise au dépend des yourteurs: « nous avons obtenu une petite avancée chère à Halem lorsque le mot « caravane » est remplacé par « résidence mobile démontable ». Bon, désormais la caravane serait démontable ( ???!!!), comme la yourte… Petit éclair de lucidité juste après quand même : « Les yourtes servent en quelques sortes d’écran de fumée. » Ha ! Enfin, on comprend comment la délégation autoproclamée d’Halem, composée de gens tous en maison, a instrumentalisé au ministère du logement la bonne image écologique des yourtes au profit d’autres causes pas du tout écologiques. »
Cet extrait démontre que tous les habitants choisis ne se reconnaissent pas au travers de ce que défend HALEM. Pour eux, il est dangereux de donner un statut juridique à la yourte, statut qui ferait entrer cet habitat dans le droit commun et de fait, dans la norme. Or, HALEM milite pour le droit commun. Nous pouvons alors aisément comprendre que l’Etat ait fait le choix de consulter une association militant pour le droit commun et l’entrée des différents modes d’habitat dans ce dernier. À ce sujet, N. Derdeck évoque la disparité des acteurs : entre « les petits collectifs pragmatiques de terrain » et « une association nationale qui prend la question au niveau de la société ».
L’extrait du blog de yurtao illustre le désaccord avec des associations reconnues par l’État, le ton employé par son auteur nous laisse supposer que l’association Cheyenn/yurtao est trop vindicative pour faire partie des acteurs avec lesquels l’État travaille. Nous notons l’importance du niveau des acteurs pour être entendus dans les plus hautes instances et faire partie des débats qui aboutiront sur une proposition de loi. En effet, une association nationale qui milite en faveur du droit commun ayant les ressources- niveau d’expertise reconnu- aura plus de chance de représenter une cause que certains collectifs militant pour le droit à la différence et refusant d’entrer dans la norme. Dès lors, nous comprenons que les acteurs en présence lors de la préparation des articles 132 et 157 de la loi ALUR étaient les associations nationales, représentant une partie des ménages vivant en habitats mobiles ou démontables. Ces associations sont souvent reconnues d’utilité publique et travaillent (ou revendiquent) régulièrement auprès de l’État ou en lien avec les administrations déconcentrées. Finalement, le point problématique réside dans le fait que les méthodes de l’État n’ont pas différé pour la consultation des acteurs de terrain dans le cadre de la loi ALUR. Le nombre restreint d’acteurs ayant participé aux groupes de réflexion et à la préparation des articles qui font l’objet de notre recherche confirme que ce moment politique n’a pas dérogé aux règles de l’élaboration des politiques publiques. Comme développé par plusieurs auteurs (Blondiaux, Caballero notamment), la représentation n’est-elle pas purement symbolique ? La représentation et la participation des acteurs de terrains sont discutables, dans la mesure où celles-ci se font très souvent dans un cercle bien défini, d’acteurs identifiés en capacité d’utiliser les discours politiques, de capitaliser le niveau d’expertise nécessaire et d’évoluer dans un réseau de partenaires ‘crédibles’. Les personnes ne réunissant pas toutes ces « compétences », sont écartées des instances de participation. De fait, tout comme Blondiaux , nous nous interrogeons, pour une part, sur la légitimité de la représentativité, il nous semble difficile de la mesurer. D’autre part, Blondiaux soulève également la question de l’égalité de la représentativité. N’y a-t-il pas un risque de créer une tension entre des acteurs habitués à cette pratique et les autres. Pour illustrer ces propos, la Fondation Abbé Pierre, qui travaille régulièrement avec l’État, peut être caution pour des petits porteurs de projets dans le cadre de la recherche de financement ou pour se faire entendre comme l’évoque F. Huygues :
« Je pense qu’il y a forcément un effet tampon, comme un timbre, je pense quand on met le tampon FAP, effectivement ça donne du crédit aux associations, à leur projet et elles peuvent s’en servir. Ça peut être un levier le fait que la fondation soit dans ses financements, parce qu’on sait que, en général, comme on a un statut un peu particulier qui est celui de fondation, on est indépendant donc ça donne aussi un poids pour un projet, une association qui voudrait se faire entendre. On va pas forcément à l’affrontement, comme ça ; mais effectivement ça donne un poids au projet. »
L’ANGVC, HALEM, l’ALPIL, Jurislogement, RELIER travaillent avec la Fondation Abbé Pierre, ils participent à des groupes de réflexion, à des ateliers, ils sont inscrits dans le réseau leur permettant, non pas d’avoir accès à l’État – ministères, DIHAL, cabinets des ministres, administrations déconcentrées – mais d’être reconnus comme des acteurs crédibles par celuici.
Nous pouvons conclure que la représentativité des acteurs présents lors de ce moment politique est relative. Elle correspond au modèle dominant de l’élaboration des politiques publiques. Afin d’approfondir ce point, nous allons décrire, à partir de l’exemple des articles 132 et 157 de la loi ALUR, les stratégies mises en place par les acteurs pour déployer toutes les conditions nécessaires à la reconnaissance de la diversité des modes d’habitat.

Les activités pré décisionnelles à la mise sur agenda de la reconnaissance de la diversité des modes d’habitat, des acteurs de l’habitat et du logement

Les activités pré décisionnelles sont la mise au format politique d’un fait social (Lascoumes et Le Galès ). Nous avons abordé, en première partie, la qualification juridique des résidences mobiles ou démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs. Nous posons l’hypothèse que cette nouvelle qualification juridique est issue du terme évolutif et mouvant de l’habitat alternatif. En effet, le flou qui réside dans cette notion a permis aux acteurs d’en saisir les interstices, pour inclure l’habitat démontable ou mobile dans l’habitat alternatif. Dès lors, la revendication de la reconnaissance de la diversité de l’habitat, en tant que fait social, pouvait faire l’objet d’un processus de mise sur agenda politique.
La ‘mise sur agenda’ désigne, selon une définition de P. Garraud « « l’ensemble des problèmes faisant l’objet d’un traitement, sous quelque forme que ce soit, de la part des autorités publiques et donc susceptibles de faire l’objet d’une ou plusieurs décisions ». Nous comprenons par l’emploi de l’expression, l’ensemble des problèmes, que tout problème peut faire l’objet d’une mise sur agenda. Un problème anecdotique peut donc faire l’objet d’une mise sur agenda. C’est le cas des différents types d’habitats. La question du droit d’habiter différemment et, de la prise en compte des différentes formes d’habitat, ne touche finalement qu’une faible proportion de la population française revendiquant une forme d’habitat choisi, nous l’avons déjà évoqué. Alors, comment cette question est devenue un problème public au point d’être mise sur l’agenda politique et inscrite dans une loi ?
La mise sur agenda nécessite la réunion de plusieurs facteurs : la qualification d’un problème politique public, des entrepreneurs de politiques publiques qui interagissent avec différents niveaux de l’État, la pratique du lobbying et la reconnaissance par l’État du statut d’expert de ces entrepreneurs. En nous appuyant sur les propos que nous avons recueillis lors de notre enquête, ainsi que sur des contenus numériques, nous avons procédé à l’analyse des stratégies développées par les acteurs pour réunir tous ces facteurs.

Le problème social devient problème politique.

Un fait anecdotique

Nous avons évoqué la communauté des gens du voyage en première partie, bien que regroupant des situations multiples, elle revendique un mode de vie empreint de traditions séculaires. Cependant, les gens du voyage restent une minorité au regard de la totalité de la population française. Plus récemment, des personnes inspirées, notamment, par un idéal écologique, revendiquent une forme d’habitat choisi. Nous pourrions qualifier cette revendication d’un fait anecdotique, si l’on considère exclusivement le nombre de personnes que cela concerne. Les propos recueillis auprès des acteurs ne nous contrediront pas. Une personne interrogée à la DIHAL nous confiait que :
« Les gens du voyage, franchement tout le monde s’en fiche un peu. C’est quand même une petite niche pour ces gens qui font de la réglementation à tour de bras dans l’ensemble de la politique du logement en France. »
Pour autant, il existe une mission spécifique au sein de la délégation pour les gens du voyage. Cette « niche » est donc entrée dans le domaine public, certainement pas en raison du nombre de personnes que cela concerne. Comme l’évoque P. Hassenteufel : « Aucun problème n’est intrinsèquement public, du fait de propriétés spécifiques. Il n’existe pas de seuil objectif, mesurable (correspondant, par exemple, à un chiffre n de personnes touchées), à partir duquel un problème devient un sujet de préoccupations collectives ».
Les tensions, souvent très médiatisées, liées à l’arrivée de grands groupes sur certaines communes, nous laissent penser que c’est l’une des motivations de l’État pour traiter de la question des besoins de la population gens du voyage.
Historiquement, mai 68 a laissé place dans les années 1970 à des mouvements communautaires anti institutionnels que D. Hervieu-Léger qualifiait « d’apocalyptiques » et « ultra minoritaires ». Ces groupes revendiquaient une vie économe et autonome, «qu’inspire un projet écologique radical de retour à une vie simple et proche de la nature » . Le faible nombre et « l’invisibilité » des ménages concernés par ce mode de vie ne posaient pas de problème du point de vue du droit de l’urbanisme. De plus, ces groupes ne semblaient pas porter activement de revendications au niveau de l’État.
Aujourd’hui, la diversité des modes d’habitat évolue et le phénomène prend une ampleur relative. M. Beziat de l’ANGVC nous le confirme : « Je pense que les modes d’habitat, les pratiques d’habitat ont énormément évolué, en tout cas elles se sont diversifiées, pas évolué mais en tout cas elles se sont diversifiées, voilà y a des publics qui se sont effectivement adonnés à un type d’habitat, je pense aux yourteux, à ceux qui sont en camions, que ce soit, oh les voyageurs, c’est peut-être plus ancien, que ce soit même les gens qui vivent dans les cabanes, dans les arbres… »

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Table des matières
Remerciements 
INTRODUCTION
Partie I – Vers une prise en compte de la reconnaissance de la diversité des modes d’habitat par l’évolution législative, en lien avec l’habitat alternatif
A- L’exemple des gens du voyage
a) Évolution du mode de vie et cadre législatif
b) Les lois Besson, un tournant dans la prise en compte de l’habitat des gens du voyage ?
B- Définitions et évolution juridique
1- Définitions
a) Ce que peut être l’habitat alternatif
b) Définition retenue
2- Cadre juridique
a) L’habitat alternatif défini par les textes de loi ?
b) Une évolution législative à nuancer
c) Les résidences démontables et les résidences mobiles : ce qu’en disent les acteurs
d) L’enjeu des articles 132 et 157, habitat choisi- habitat contraint
Partie II : La reconnaissance de la diversité des modes d’habitat : une question juridique dont les  acteurs se saisissent
A- Les acteurs mobilisés pendant la préparation des articles 132 et 157 de la loi ALUR
1) La DIHAL
2) Typologie des acteurs interrogés
3) La représentativité des acteurs en présence au moment de la préparation des articles 132 et 157 de la loi ALUR en question
B- Les activités pré décisionnelles à la mise sur agenda de la reconnaissance de la diversité des modes d’habitat, des acteurs de l’habitat et du logement
1) Le problème social devient problème politique
a) Un fait anecdotique
b) L’habitat alternatif en réponse à la crise du logement
c) La constitution d’un réseau associatif en réaction des lois sécuritaires
2) Les entrepreneurs de politiques publiques
a) Des liens de proximité avec les milieux médiatiques
b) Des liens de proximité avec le milieu politique
c) Des liens de proximité avec le milieu de la recherche
d) La pratique lobbyiste des acteurs
e) Un statut d’experts
PARTIE III : la reconnaissance de la diversité des modes d’habitat : un moment politique ordinaire qui interroge l’équilibre entre le droit au logement et le Droit d’habiter
A- La promulgation des articles 132 et 157 de la loi ALUR, un moment ordinaire de la politique en France
1) Les trois courants de Kingdon
a) Le courant des problèmes (problem stream)
b) Le courant des solutions (policy stream)
c) Le courant des politiques (political stream)
d) Le couplage au sens de Kingdon
2) La fenêtre d’opportunité (policy window)
a) La sensibilité du parti EELV à la reconnaissance des différentes formes d’habitat
b) Un rapprochement du parti Europe Écologie Les Verts et du Parti Socialiste
c) L’alternance politique
d) Le caractère normatif des politiques publiques
B- L’équilibre fragile entre le droit d’habiter et le droit au logement
1) L’élargissement de la norme : un glissement de la fonction du droit en tant que support, vers un moyen d’action ?
2) La normalisation de l’habitat : quelles conséquences pour le Droit au logement ?
3) Vers une possible reconnaissance du Droit d’habiter ?
a) La revendication du Droit d’habiter comme une opposition au système marchand
b) Le Droit d’habiter : une affirmation de soi
c) Le Droit d’habiter en opposition au droit à l’hébergement
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
LISTE DES SIGLE
ANNEXES 
ANNEXE I : grille d’entretien
ANNEXE II : retranscriptions intégrales
ANNEXE III : Présentation des acteurs
ANNEXE IV : tableau de B. MESINI
ANNEXE V : lettres ouvertes des associations aux élus
ANNEXE VI : blog de N. Mamère
ANNEXE VII : communication d’un maire sur invitation au cabinet ministériel

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