ATHENES A L’URBANISATION ANARCHIQUE
Athènes, mégalopole méditerranéenne de presque quatre millions d’habitants et capitale d’un pays de onze millions de résidents, est une ville au développement très récent pour une capitale européenne qui n’a jamais connu de véritable planification urbaine. Suite à la période de gloire durant l’Antiquité qui a forgé sa réputation symbolique très forte, Athènes était en réalité une simple bourgade jusqu’en 1830 lorsqu’elle fut désignée capitale hellénique du fait de son passé. Des plans d’aménagement se sont alors succédés sans réussir à donner forme à la capitale. Les événements rencontrésdurant le XXe siècle ont bouleversé son organisation et ont limité l’application de toutes tentatives d’aménagement du territoire : l’arrivée brutale de réfugiés d’Asie Mineure en 1922 (des expatriés grecs chassés par les Turcs de retour sur leur territoire d’origine), a marqué le début du développement anarchique de l’agglomération. Ce phénomène fut suivi jusqu’en 1970 d’un important exode rural.
Durant cette période, la croissance de constructions sommaires fut encouragée par un laisser-faire de la part de l’Etat concernant l’initiative privée en matière foncière, ainsi que par l’inexistence de politique de logement social. Le gouvernement ne pouvant assumer une gestion du logement efficace, il a permis le développement de l’habitat en périphériepour les plus démunis. L’extension de l’agglomération s’est donc poursuivi en dehors de tout plan d’aménagement des sols.
En parallèle de cette construction illégale, l’antiparokhi (contrepartie), est un système de financement de constructions qui s’adressait aux couches solvables de la population. Des promoteurs proposaient aux propriétaires, en compensation de leur terrain, la construction d’immeubles modernes avec plusieurs appartements ensuite partagés. Cette démarche a permis aux propriétaires fonciers d’acquérir un bien immobilier moderne et aux promoteurs d’acheter des terrains à bâtir à bon prix aumépris du patrimoine bâti existant.
Ces deux systèmes officiels et officieux ont entraîné un bouleversement de l’organisation d’Athènes. Dans un premier temps, l’augmentation de densité lui fait perdre le caractère rural de l’entre deux guerres et a favorisé un meilleur fonctionnement des transports publics , améliorant les conditions de vie des Athéniens. En effet, la concentration des activités dans le centre et le développement radio centrique des transports ont limité lesdéplacements qui s’effectuaient alors à pied(la voiture étant encore un luxe). La ville assurait son rôle social en tant que point de rencontre entre les habitants issus de différentes couches sociales. Elle optimisait les interactions entre les différentes sphères de l’économie. La concentration de la surface urbanisée grâce à ce mode de fonctionnement respectait le cadre de vieet sa qualité.
Il a fallu attendre les années 70 pour que les aspects négatifs de l’antiparohki apparaissent. L’automobile est devenue un objet de consommation de masse qui a envahit les rues étroites d’Athènes.
Très vite, le centre ville est congestionné, les moyens de transports en commun deviennent inefficaces suscitant ainsi des déplacements privés toujours plus nombreux. D’où des problèmes de pollution atmosphérique et de dégradation desconditions de vie en ville. Les couches les plus favorisées quittent alors le centre pour se rendre en banlieue et sur le littoral. Le cœur d’Athènes est ensuite investi par des ménages plus nombreux et moins aisés. Ce mouvement de décentralisation se fait de façon anarchique et renforce les problèmes de fonctionnement de la capitale grecque.
Le centre ville ne remplit plus ses fonctions économiques, sociales et culturelles. Or, Athènes concentre 40 % de la population grecque, la plupart de son industrie, de son administration et de ses commerces.
Ainsi, lorsque la capitale hellénique entre en phase de crise, c’est tout le développementéconomique du pays qui en subit lesconséquences.
COMMENT LA VILLE A T ELLE REAGIT JUSQU’A AUJOURD’HUI A L’IMMIGRATION?
Il s’agit ici de la synthèse de divers travaux du sociologue T. Maloutas sur les questions de mobilité sociale et ségrégation à Athènes.
Jusqu’à maintenant, contrairement aux grandes capitales de l’immigration de l’Europe de l’Ouest, il n’y a pas historiquement de quartiers ethniques, pas de ghettos dans la capitale grecque. Il s’agit là du fait le plus original des rapports entre l’espace athénien et les communautés étrangères qui y vivent.
La cause est à chercher dans la genèse de l’espace social athénien et ses caractéristiques. La ville est en effet, pour une capitale de pays industrialisé, étonnamment homogène et son tissu urbain ne semble pas avoir subi de puissant mouvement polarisateur. Les raisons de cette homogénéité sont multiples. Selon T. Maloutas , cette absence de grandes hétérogénéités est due à :
– la faible polarisation sociale de la société athénienne : la domination des critères de la classe moyenne dans la reproduction
sociale n’a pas entrainé de séparationnette entre couches moyennes et couches populaires.
– l’importante mixité dans l’usage du sol où se côtoient industries et zones d’habitation.
– les pratiques atypiques de l’espace favorisant des sociabilités de quartier faisant frein à la mobilité résidentielle : attachement au quartier familial des Athéniens lors du choix d’acquisition deslogements.
Cette suite de facteurs faisait de la ville un ensemble relativement homogène dans lequel les processus de ségrégation spatiale étaient peu avancés. Cependant la puissance des structures qui s’opposaient à la ségrégation ont commencé à s’effriter depuis les années 1970, suivant :
– la «commodification» (loi du marché) croissante de l’accès au logement
– les difficultés accrues dans la reproduction sociale des classes moyennes
– les mouvements de la population vers la banlieue
– la réalisation d’infrastructures de transport en commun considérables
– l’arrivée d’un grand nombre de travailleurs immigrés
La ségrégation a surgi dans les nouvelles banlieues des couches moyennes et supérieures et dans la consolidation progressive du caractère social d’espaces résidentiels où ces groupes étaient déjà prédominants aussi bien au centre-ville qu’en banlieue
En même temps, des formes de ségrégation plus originales et subtiles se sont développées dans les parties mixtes, et plus peuplées, de la ville. Une forme de séparatisme social « vertical» touchant les immeubles des quartiers sur-construits autour du centre est apparue massivement depuis la fin des années 1970 à la suite de leur dégradation, de leur délaissement progressif par les groupes affluents et de l’infiltration de groupes démunis dans les appartements les plus dépréciés desétages inférieurs et même des sous-sols.
La cohabitation sociale qui en a résulté est due aux afflux vers la banlieue des classes aisées et de la migration forcée des démunis en sens inverse vers les logements les plus abordables. Elle ne procède pas d’une recherche de la mixité sociale par les groupes en présence : les immigrés sont venus combler les vides laissés par les mouvements internes de la population athénienne. En matière de logement, ils n’ont jamais bénéficié d’aucune aide, ils représentent une immigration officiellement illégale qui se tourne vers la location dans le secteur privé. La majorité d’entre eux occupe les logements les moins enviables. Ces derniers sont situés dans les quartiers du centre ville engorgés, délaissés par les grecs, souffrant de mauvaises conditions de vie et de réputation.
Cette présence n’a pas fait surgir de nouvelles formes de ségrégation (il n’y a pas eu de ghettoïsation par exemple) mais elle a accentué la dépréciation qui se développait dans certaines parties du centre ville.
Pourtant, la proximité spatiale n’est pas la garantie de la proximité sociale. Les éparatisme social dans ce cas prend la forme de la ségrégation des services qui, dans la conjoncture de la reproduction de plus en plus incertaine du statut des classes moyennes, est surtout illustré par la ségrégation croissante des services scolaires ou de santé. Le séparatisme social peut prendre des formes différentes qui neutralisent aussi les effets bénéfiques escomptés de la mixité sociale : ce n’est pas la distance spatiale qui génère la distance sociale, elle est plutôt un moyen par lequel celle-ci se reproduit. Lesinégalités générées par cette ségrégation ne figurent cependant pas sur l’agenda politique athénien, qui a laissé la structure socio-spatiale traditionnelle de la ville se déliter progressivement avec les choix de localisation résidentielle des couches moyennes et supérieures. Cette transformation progressive de l’espace athénien paraît ainsi volontaire et en quelque sorte inévitable dans la mesure où l’absence d’une tradition d’intervention publique ne pose pas la question de sa régulation, ni celle du traitement de ses effets négatifs.
La polarisation progressive de certains quartiers, la dernière vague d’immigration ainsi que le contexte de crise actuelle amènent aussi à se poser la question de la réaction de la population native face à l’étranger. Ainsi quel regard pose les grecssur ces autres dans l’espace?
ETUDE D’UN QUARTIER ETHNIQUE METHODE
Outre ces apports principalement documentaires qui touchent à l’échelle globale de la ville, les recherches de ce mémoire s’appuient sur un important travail de terrain, à savoir l’observation du point de vue local d’un quartier du centre ville Athénien particulièrement hétérogène sur le plan ethnique et social.
Il s’agit ici de saisir par l’immersion : observation et interaction, les différents aspects de la vie du quartier Plathia Vathis. Des interactions ordinaires entre les habitants aux détails apparemment insignifiants de la vie de tous les jours qui sont pourtant porteurs de sens et montrent de nombreux aspects parfois ignorés de l’immigration. Ces multiples usages invisibles qui font l’ordinaire du lieu et qui éclairés, recoupés par les informations plus générales participent à éclairer l’écologieurbaine d’Athènes.
L’opinion générale a en effet tendance à s’attacher à l’exceptionnel, au sensationnel qui est le plus souvent négatif. La presse grecque relaye ainsi grèves de la faim, altercations, vols, meurtres liés aux immigrés mais ne s’attache jamais aux petits faits plus positifs qui sont pourtant bien plus constitutif du réel.
« Dans notre précipitation à mesurer l’historique, le significatif, le révélateur, ne laissons pas de côté l’essentiel : le véritablement intolérable, le vraiment inadmissible: le scandale, ce n’est pas le grisou, c’est le travail dans les mines.
Les « malaises sociaux « ne sont pas « préoccupants « en période de grève, ils sont intolérables vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cent soixante-cinq jours par an. »George Perec extrait de ‘L’Infraordinaire’ Le Seuil, 1989.
La place de mon ressenti personnel occupe ici une place importante puisque ces observations sont le fruit de mon seul regard, interprétation et également de ma propre pratique de l’espace d’étude. Cette subjectivité, est parfois exacerbée pour mieux la décrypter et éclairer ce qui est rapporté.
Une question méthodologique c’est imposée : comment organiser le panel des faits observés, la variété des genres des interviewés, la diversité des opinions, dans les discours respectifs récoltés… A l’image de la ville, le matériau de terrain semble chaotique. Il y a peut être dans ces observations un manque de rigueur scientifique, une absence de stratégie méthodologique précise, une envie de se laisser porter par ce qui pourrait advenir,faire sens, devenir remarquable.
J’ai pris Athènes comme elle venait et comme elle me convenait. Comme elle me plait et comme elle m’effraie. Anarchique, humaine, diverse, vivante, mouvante, mutante, désordonnée. Le résultat a été un amas de fragments de vie, d’événements, de faits d’une incroyable variété qui une fois mis en parallèle, remémorés, réécrits, recoupés, re dessinés, commencent à se cristalliser en, peut être, quelque chose d’autre. Peut-être les facettes diffractant un monde en une infinité d’images avec un dénominateur commun. Ou peut-être pas.
L’important, c’était de chercher.
HABITANTS, PASSANTS, question du visible et de l’invisible dans le quartier
Après avoir fréquenté un certain temps les rue du quartier, se pose rapidement une question très simple : les personnes majoritairement immigrés croisées dans l’espace public sont elles passantes ou habitantes ?
Cette première partie s’intéressera donc à ceux qui habitent le bâti du « quartier » selon cette définition de Georges Perec, dans « Espèce d’espaces » : « La portion de la ville dans laquelle on se déplace facilement à pied ou, pour dire la même chose sous la forme d’une lapalissade, la partie de la ville dans laquelle on n’a pas besoin de se rendre puisque précisément on y est ».
Espace bâti, ségrégation verticale et mixité complexe
Est d’abord interrogé la bâti : comment s’organise la vie derrière les façades ?
Petit point sur la typologie du quartier, typique de l’urbanisation de la capitale. Laversion grecque de l’habitat urbain est le«polykatoikia» (immeuble). Il s’agit d’une forme apparue dans les années 30 et qui a continué à être produite avec des règles similaires jusque dans les années 80. Il est construit sur les parcelles réduites des propriétés privées par des petites entreprises du bâtiment. Ils n’excédent généralement pas six étages et obéissent à une largeur et une forme typiques. Souvent construits avec des matériaux simples et par des ouvriers non qualifiés, ils ont la mesure de ce qui est à portée humaine : ce sont des plots issus des même besoins, agencéscôte à côte mais aux multiples variations.
Le schéma répété de ces unités compactes et peu hautes, bâties densément au gré de l’initiative privée forme le paysage urbain de la capitale grecque.
Espaces des vides, des marges, le passage
La particularité du quartier et plus généralement du centre ville Athénien est de présenter des formes de « résidences »et « d’habitats » qui s’écartent du logement traditionnel bâti pour se loger dans les vides et délaissés de la ville. On entre alors dans une difficulté de caractérisation de ces phénomènes flous qui se déroulent entre la sphère publique et privée. En effet l’espace public traditionnel (squares, places, rues) mais aussi les accidents de la ville au statut indéfini (friches ou parcelles en destruction ou construction caractéristiques du quartier d’étude) deviennent souvent aussi des lieux de vie. Il perdent alors de leur publicité et peuvent être analysés comme des espaceshabités.
Les squats, habitat marginal devenu banal
Les nombreux édifices abandonnés du quartier délaissé sont aisément investis par les sans-abris. De nombreuses formes d’occupation apparaissent, du bâtiment entier accueillant jusqu’à six cent clandestins, à l’ancienne bâtisse murée laissant passer un ou deux occupants illégaux. « J’habite là haut vers là bas, c’est une vieille maison, je suis tout seul mais je fais attention. Ya pas d’eau, ya pas d’électricité, ce n’est pas bon. J’ai une grosse couverture mais il fait froid. Je prends des douchesdans les hôtels ici, c’est 5 euros. […] » Yuniss, marocain Ces squats sont des lieux s’apparentant a des camps de réfugiés et ne sont en aucun cas des espaces de revendication et de production culturelle comme on peut aussi en trouver dans certains quartiers d’Athènes. Les conditions de vie et notamment la situation sanitaire y sont souvent dramatiques. Il s’agit d’abris d’urgence, de fortune, tolérés ou ignorés par les pouvoirs publics. Les habitants yrésident souvent de manière passagère à leur arrivée.
La ville fournie donc une hospitalité temporaire salvatrice. De vraies questions se posent toutefois quant à leur statut : non reconnus, les droits et devoirs citoyens et citadins ne s’appliquent pas aux squatteurs.
Ils peuvent alors être à même d’attaques de groupuscules d’extrême droite sans protection des forces de l’ordre ou de la justice mais aussi à l’origine de tension avec le voisinage qui voit d’un mauvais œil l’injustice de l’occupation gratuite.
COHABITATIONS EN ESPACE PUBLIC
La représentation courante que l’on a des populations issues de l’immigration dans le quartier résulte plus d’une perception de leur « visibilité » dans l’espace public au quotidien, que d’un constat avéré d’ordre quantitatif. La présence des étrangers, qu’ils soient individus, groupes ou communautés, est perçue tout d’abord dans les rues, les places ou les jardins publics, les lieux de rencontre, et encore dans les lieux de transports public. Nous avons déjà vu que la forte fréquentation de ces espaces résulte en partie des mauvaises conditions de logements et du mode d’accès aux ressources souvent marginal (mendicité, vol, trafic, vente sur trottoir, récupération) et est donc bien plus importante que celle des habitants entrant dans la « norme » qui possèdent revenus, logement, accès à la mobilité.
L’observation d’ espaces publics clefs permet de vérifier et de préciser ces usages et de dégager différents aspects de cette cohabitation multi ethnique. Leur description et analyse met aussi en exergue des ambiances successives de lieux qui coexistent de manière complexe. Trois espaces sont abordés, deux ponctuels définis et un troisième générique : – un parc pour enfants, enceinte sécuritaire et close où se mettent en place des codes sociaux, des solidarités et qui constitue un lieu d’interaction entre migrants.
LE PARC POUR ENFANT, LIEU D’INTERACTIONS
Le premier lieu au sein même du quartier est situé à quelques dizaines de mètre d’une école primaire. Il s’agit d’un petit square clos dessiné pour les enfants avec deux balançoires, un toboggan… Ce qui est intéressant ici, c’est la possibilité d’observer dans une atmosphère de confiance la grande diversité des personnes fréquentant cet espace et y restant ainsi que les nombreuses interactions entre les usagers.
Configuration spatiale et fréquentations
Le parc est entouré de barrières qui forment un espace clos au périmètre très défini. La présence de barbelés sur la limite mitoyenne au parking renforce cette impression d’espace fermé : il y a larue puis le parc et les deux entités sonttrès différentes. On y entre par un portail qui est symboliquement très important, dedans et dehors sont bien délimités : il y a la rue par laquelle on passe de manière relativement anonyme et le parc. On y entre volontairement, ce qui constitue en soi une arrivée en quelque sorte théâtralisée. Les parents assis sur les bancs tout autour du square ne peuvent que noter les nouveaux venus. L’impression d’être sur une scène est renforcée par les immeubles qui l’entourent : on peut surveiller depuis les fenêtres des appartements ce qui s’y passe.
Par cette configuration, le lieu perd de sa publicité pour devenir un espace familier, où on connaît les habitués. On y observe aussi la mise en place d’une série de codes régissant les usages de l’espace.
Phénomènes d’interactions lieu d’apparition de nouvelles manières de faire
Le parc pour enfant ne possède que quelques bancs à l’ombre et on observe de vraies stratégies de conquête de ces sièges par temps chaud. Quelques femmes éthiopiennes, sans enfant, se retrouvent ici pour discuter. Si les bancs sont pris, elles s’assoient en cercle à même le sol, au centre du parc et à l’ombre d’un arbre pour parler.
Une attitude inconcevable dans la culture européenne où en l’absence de siège libre, les nouveaux arrivants s’appuieront sur les rambardes inconfortables mais ne se mettront jamais à même le sol, symbole de position d’infériorité et du sale.
Ces femmes venues d’Afrique apportent une nouvelle manière de se faire place dans l’espace public, un bricolage qui permet de partager l’espace de manière harmonieuse, sans conflit et qui n’existait pas avant la présence d’usager d’autres culture. Cette occupation de l’espace est également révélatrice du rôle qu’opère ce parc pour ces femmes : il s’agit d’un lieu reconnu par les éthiopiennes comme hospitalier pour se retrouver, même sans enfants pour justifier leur présence.
LA RUE ET LES BRICOLAGES URBAINS
La rue est l’espace privilégié d’observation des micro-adaptations et appropriations des classes les moins aisées au sein du quartier.
Par le détournement , la transformation, l’invention, le re-usage, les migrants bricoleconstamment leur milieu de vie.
“Les usages sont appréhendés comme des pratiques inventives et créatives qui participent de «l’invention du quotidien». Michel De Certeau. Une «poïétique» (en grec poïen qui signifie créer) invisible, rusée et silencieuse. « Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées. Son univers instrumental est clos, et la règle de son enjeu est de toujours s’arranger avec les “moyens du bord”, c’est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, parce que la composition de l’ensemble n’est pas en rapport avec le projet du moment, ni d’ailleurs avec aucun projet particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d’enrichir le stock, ou de l’entretenir avec les résidus de constructionset de destructions antérieures » C.LéviStrauss
Boire une bière sur un banc
La culture méditerranéenne, c’est la culture de la terrasse, le café ou le verre servent de prétexte à de longues discussions en temps estival. Une véritable institution qui anime l’espace public et à laquelle de nombreux immigrés, surtout ceux arrivés depuis longtemps se sont convertis.
En ces temps de crises économique, on assiste à l’apparition de nouvelles pratiques : la simple consommation en terrasse ayant flambée, les athéniens et particulièrement les classes populaires les plus touchées par les difficultés économiques cherchent une parade. Un banc public, la bouteille de bière à bas prix du supermarché le plus proche, trois verres, et voilà l’improvisation d’une terrasse au milieu d’un square.
On assiste ainsi à un nouvel usage de l’espace public, une appropriation qui résiste à la rigueur ambiante.
Autre phénomène notable à travers la consommation de la boisson dans l’espace partagé, l’apparition d’hybridation des pratiques. Un pakistanais d’une quarantaine d’année m’explique : « Je n’ai pas de famille ici (sa femme et ses trois enfants sont restés au Pakistan, il leur envoie de l’argent et les appellent tous les jours)alors je bois un peu même si je suis musulman, mais juste de la bière. Là c’est deux mais avant c’était une.
Mais ça ne fait que 6 mois, avant jamais jamais ! Avant j’allais dans les terrasses mais maintenant c’est trop cher. J’achète la bière bon marché de carrefour et je la boislà, au soleil. »
|
Table des matières
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
I. COMPRENDRE LE CONTEXTE
A. Athènes à l’urbanisation anarchique
B. Une tradition de migration
C. Réaction urbaine à l’immigration
D. Regard grec vis à vis de l’Autre
II. ETUDE D’UN QUARTIER ETHNIQUE Méthode
A. Habitants, Passants, question du visible et de l’invisible
B. Cohabitation ethnique en espace public, interactions
C. Identité et représentations
III. UN QUARTIER MIROIR DES BOULEVERSEMENTS D’UNE METROPOLE ET DU MONDE
A. Un quartier témoin des mutations d’une ville
B. Une immigration témoin d’une problématique mondiale
C. Quelle gouvernance?
Autres
BIBLIOGRAPHIE