D’après les dernières estimations de l’ONU, la population mondiale atteindrait 9.6 milliards de personnes à l’horizon 2050 (Raftery et al., 2012). Une partie de cet accroissement concernera les pays de l’OCDE, mais la majeure partie aura lieu dans les pays en voie de développement. En 2013, deux milliards de personnes, soit près du tiers de la population mondiale, souffraient d’une ou plusieurs carences en micronutriments (FAO, 2013).
En parallèle, le fonctionnement de la plupart des filières de production agricole est basé sur un système productiviste qui se définit comme « la valorisation de la croissance de la production des marchandises pour elle-même, indépendamment des satisfactions des acteurs et des conséquences institutionnelles ou naturelles » (Halbwachs, 1913). Autrement dit « produire abondamment et à tout prix » (Prével, 2008). Ce mode de fonctionnement, permis par l’utilisation d’engrais minéraux et de pesticides, l’amélioration génétique et les progrès technologiques de la mécanisation, connait déjà ses limites dans de nombreuses parties du globe à cause des problèmes environnementaux et sociaux qu’il engendre sur le long terme (Benhammou, 2009). Ils prennent des formes multiples à travers le monde depuis les plantations de coton transgénique impliquées dans l’appauvrissement des sols au Burkina Faso (Koné et al., 2009) jusqu’aux élevages bovins brésiliens impliqués dans la déforestation de l’Amazonie (Fearnside, 2005). La France n’est pas épargnée par ces conséquences environnementales. On peut citer par exemple le modèle agricole breton qui depuis 20 ans joue un rôle important dans la pollution et l’eutrophisation de certains cours d’eau. La sécurité alimentaire est en passe de devenir le problème majeur de la prochaine décennie (Paillard et al., 2010) alors que la durabilité des productions agricoles n’est encore qu’un objectif très lointain.
La demande en produit alimentaire est urgente, mais une façon plus durable de produire doit être repensée en conciliant l’environnement, l’homme et l’économie. Ce triptyque ou « triple bottom line » est l’approche incontournable pour opérationnaliser le concept de développement durable (UNCED, 1992b), du moins en théorie. Dans les faits, un grand nombre de disciplines se sont emparées de ce concept et l’ont façonné à leur manière et avec leurs objectifs (p.ex. économie, management stratégique, écologie). En résulte un concept élastique où la prise de décision est souvent limitée (Mebratu, 1998). De plus, de nombreux obstacles encore non résolues contribuent à laisser planer un doute sur la pertinence des évaluations de la durabilité. Par exemple, la construction d’indicateurs permettant d’évaluer ces trois dimensions de façon intégrée est toujours un challenge considérable (Morse et al., 2001). Pourtant l’importance de cette intégration est non négligeable, car les solutions en termes de développement durable sont souvent le résultat d’un compromis entre plusieurs objectifs conflictuels (Roy and Vincke, 1989). L’absence de fonctionnement synchrone des indicateurs est donc clairement un frein à la prise de décision. De même, d’une situation à l’autre, d’un territoire à l’autre, l’évaluation de la durabilité peut aborder des échelles temporelles et spatiales différentes et impliquer des panels de parties prenantes différentes (van Zeijl-Rozema et al., 2008). Par exemple, à l’échelle d’un territoire, la durabilité interne qui consiste à protéger son environnement direct et son cadre de vie, ne doit pas s’effectuer au détriment de territoires extérieurs par l’externalisation des problèmes (p.ex. transfert de pollution) (Zuindeau, 2002). La définition explicite des limites du système étudié reste cependant difficile à mettre en œuvre dans le cas de système complexe incluant par exemple les systèmes écologiques (Folke et al., 2002). Enfin, appliqué aux productions agricoles, le challenge s’intensifie encore à cause de l’aspect multifonctionnel de l’agriculture. Les méthodes d’évaluation actuelles prennent généralement en compte les impacts de l’agriculture sur l’environnement, mais peu les évaluent conjointement avec les services rendus par l’agriculture à l’environnement (c.-à-d. les services environnementaux ; p. ex. la prime à l’herbe) et à la société (Millennium Ecosystem Assessment, 2005). Evaluer le durable en agriculture revient donc à évaluer une activité comprenant autant de modes d’organisation différents que de spécificités locales, tout en composant avec l’ensemble de ces dynamiques et de ces parties prenantes. Néanmoins, cette élasticité présente un formidable terrain pour le développement et l’innovation.
Bien que de nombreuses études abordent l’évaluation de la durabilité des filières de production agricole, peu d’approches permettent de prendre en compte cette complexité tout en fournissant une évaluation quantitative et pertinente pour les décideurs à la tête de ces filières. La plupart se focalisent sur les aspects environnementaux, très peu prennent en compte le double principe d’équité inter et intra-générationnelle (Bertrand Zuindeau, 2006) et aucune ne relie l’ensemble de ces éléments dans une évaluation cohérente et opérationnelle. L’absence de cadre conceptuel limite grandement la prise d’initiative et la responsabilisation des acteurs de la chaine de production. La demande pour ce type de travaux est urgente.
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Table des matières
Introduction Générale
Objectifs de recherche
Structure de la thèse
Chapitre 1
Food chain sustainability assessment, Part I: a new
transdisciplinary and operational framework
1. Introduction
2. Principles of the approach
3. From the spatial scale of evaluation to the stakes
4. Identifying stakeholders
5. Drawing system boundaries: identifying interactions and cut-off criteria
6. Temporal scale and scenarios
7. Indicators and assessment methods
8. Transdisciplinarity and integration – achievements
9. Conclusion
Chapitre 2
Accounting for farm diversity in Life Cycle Assessment studies –
the case of poultry production in a tropical island
1. Introduction
2. Material and methods
3. Results
4. Discussion
5. Conclusion
Chapitre 3
Social sustainability of agricultural supply chains – a case study
on the effect of local poultry output on employment across
different regions
1. Introduction
2. Materials and Methods
3. Results
4. Discussion
5. Conclusion
Conclusion Générale
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