Un mésusage des CA pour le sport
Cette étude montre l’existence d’une population à risque de mésusage. Parmi les consommateurs de CA, 7 sportifs avaient au moins un antécédent de la liste de l’ANSES pour lesquels elle déconseille la prise de CA [3]. De même, 11 sportifs consommaient des CA alors qu’ils avaient un traitement régulier malgré un risque d’interaction.
– Pas de différence significative pour la présence d’un antécédent entre les sportifs CA+ et CA-. On aurait attendu une différence si les sportifs suivaient les recommandations de l’ANSES.
– Les moyens de se prémunir du dopage sont nettement méconnus des sportifs avec seulement 2 % des sportifs qui connaissent la norme AFNOR NF V 94-001 qui est la référence (logo en annexe n°9) et préfèrent s’appuyer sur les garanties du fabricant (27%). La majorité des sportifs déclarent qu’ils ne vérifient pas (51%) ou qu’ils ne savent pas (25%).
Identification de la population consommatrice en Martinique
Certaines caractéristiques des consommateurs de CA ont pu être identifiées et pourraient servir aux professionnels de santé et du sport à mieux les identifier pour mieux les informer. Les hommes consomment largement plus que les femmes. Le fait que les consommateurssont statistiquement plus grands que les CA- est certainement lié à cette différence en fonction du sexe. Les sportifs pratiquant les sports d’endurance sont proportionnellement plus consommateurs que ceux qui n’en pratiquent pas. Ceci est retrouvé dans de nombreuses autres études[12,13]. Or il parait inédit que les pratiquants de sports collectifs sont moins consommateurs que ceux qui n’en pratiquaient pas. Les sportifs ayant une pratique intensive (pratiquant de nombreuses heures d’entrainement) ou pratiquant le sport en compétition seraient volontiers plus consommateurs. Les motivations de la prise de CA sont le plus souvent la récupération, l’endurance, l’augmentation de la force et de la puissance. La consommation de CA pour le sport est aussi comparable dans ses objectifs à celle des CA de manière générale car 40% des consommateurs les utilisent pour rester en bonne santé. La prise de CA fait intervenir des facteurs psychosociaux. Les résultats de l’étude mettent en avant un profil de sportifs se déclarant plus souvent comme agressif, satisfait de leur apparence et à la recherche de sensations fortes. Les consommateurs décrivent aussi plus souvent le sport comme « le dépassement de soi, la performance », et « la prise de risque ». En résumant, il semble que les pratiquant de sports individuels, ayant un profil psychosocial plutôt autocentré, narcissique et en recherche de performance, de sensation forte seraient proportionnellement plus consommateurs de CA.
Source d’information des sportifs sur les CA
– Les sportifs s’étaient informés par eux même pour la moitié des cas : « recherche personnelle/internet ».
– Très peu déclaraient avoir reçu de conseils par les professionnels de santé : «nutritionniste/diététicien » 16% ; « pharmacien » 14% ; « médecin traitant » 11% et « autre médecin » 10%.
– Ils reçoivent plus d’information des « autres sportifs » 28% ; de leurs « entraineur/coach » 19%. Les sportifs ont donc reçu la majorité des informations sur les CA sur internet avec très peu d’informations de la part des professionnels du sport et de santé.
Les sportifs vont d’ailleurs acheter ces compléments sur internet pour 20% ce qui majore le risque de prendre un CA contaminé par des dopants ou de composition incertaine.
En revanche, selon les sportifs, le « nutritionniste/diététicien » (n=0.70) suivi du « médecin traitant » (n=0.49) puis des « médecins autres » (n=0.45) et du pharmacien (n=0.21) » étaient les plus à même pour les informer sur les CA pour le sport, ce qui est rassurant. Les sportifs ne reçoivent pas assez d’informations de la part des professionnels de la santé mais leur font largement confiance pour leur donner des informations sur les CA. La présence de certaines sources de conseil augmentait significativement avec la proportion de consommateur. Autrement dit, les sportifs ayant reçu des conseils de certains sources étaient proportionnellement plus consommateurs. Ces sources d’informations étaient le médecin autre que traitant, le pharmacien, le diététicien, internet/recherche personnelle, magazine et coach. Pas de différence significative pour ceux qui avaient reçu un conseil du médecin traitant et de la famille. Aucune source de conseil n’avait été associée avec une diminution de la proportion de consommateurs.
Il faudrait une étude prospective pour quantifier cette relation. La question qui se pose pour l’augmentation de la proportion de consommateur est : la prise de conseil est-elle la source ou la conséquence de la consommation ? Globalement, il semble que l’exposition à des conseils augmente la proportion de consommateurs. Les sources encouragent-elles la prise de CA et/ou s’agit-il plutôt d’un biais de confirmation ?
Pour les sources préférées, les consommateurs donnent significativement de meilleures notes que les non-consommateurs aux « diététiciens », « recherche personnelle/internet », « magazine », « autre sportif », « coach ». Pas de différence pour les autres (médecin traitant, famille, médecin non traitant et pharmacien).
Les consommateurs donnent donc plus de crédit aux sources d’information dont le contenu n’est pas le plus scientifique ou dénué de conflit d’intérêt que les non-consommateurs. Faitnotable, 100 % des sportifs ayant reçu un conseil du diététicien consomment des CA. Fait aussi retrouvé dans l’étude (Wardenaar, 2017) [14]. Les consommateurs accordent tout de même hiérarchiquement du crédit aux mêmes sources que les non-consommateurs si on compare les moyennes des notes.
Limites
Notre enquête avait pour objectif de décrire la prévalence et les caractéristiques de la consommation de CA, mais devant le taux de réponse insuffisant il n’est pas possible de généraliser nos conclusions à la population cible (les sportifs adultes de Martinique). Il existe un biais de sélection des répondants lié à leur intérêt variable pour le sujet mais aussi des différentes associations sportives qui ont transmis le mail. La participation est sur la base du volontariat. Un biais de sélection est aussi lié au recrutement par mail et au questionnaire en ligne. De plus, à cause du titre peut être trop explicite du questionnaire, il est vraisemblable que des personnes ne prenant pas de CA ne se soient pas senties concernées et n’ont pas participé. Certaines activités physiques ou sportives ne sont pas représentées par le Comité Olympique, notamment le fitness ou le culturisme, mais nous avons pu toucher cette population par le biais de ceux qui font plusieurs activité physique (exemple : fitness + sport d’endurance). Les personnes pratiquant le culturisme ou spécifiquement le fitness forment une population très spécifique qui,selon nous, mérite d’être d’étudiée à part, de même que les sportifs de haut niveau qui n’étaient pas présents dans notre étude. L’analyse des données quantitatives nous a montré une répartition non gaussienne sur le nombre d’heures pratiquées avec une sous population de sportif « intensif » qui étaient d’ailleurs proportionnellement plus consommateurs. Cette consommation est en pleine évolution car il apparait de nouveaux produits régulièrement et les sportifs adaptent leurs consommations à leurs pratiques sportives, à leurs niveau et objectifs qui varient chaque année .
Un biais de confusion serait dû à la définition du complément alimentaire, méconnue des sportifs, et qui n’est pas claire. On remarque des variances selon les pays car la notion de CA regroupe un vaste ensemble de produits alimentaires très hétérogène.
Aussi, le taux de réponse est difficile à calculer devant le nombre imprécis de la population cible, mais il est très probablement inférieur à 5%, malgré des relances par mail et par téléphone. Le questionnaire a été transmis aux licenciés selon le bon vouloir des ligues sportives et nous n’avons pas accès au nombre de personnes ayant reçu le mail mais seulement au nombre potentiel. Cependant, nous avons eu de bons taux de réponse intra-questionnaire malgré les questions à choix multiples et la quasiabsence de question à réponse obligatoire qui auraient pu entrainer des abondons du remplissage en cours de questionnaire. Comme l’a montré la méta analyse[12], les résultats sont difficilement comparables avec d’autres études devant les échantillons et des schémas d’étude très différents. Ceci est notamment lié à un manque d’homogénéité de la définition des compléments, des niveaux de performance des sportifs, une majorité d’étude sur les sportifs de haut niveau, des plages de temps « time frame » différentes qui contrastent avec une évolution permanente des sportifs et de leurs habitudes de consommation.
|
Table des matières
I. INTRODUCTION
II. MATERIEL ET METHODE
A. Type d’étude
B. Population étudiée
C. Recueil des données
D. Le questionnaire
E. Outils statistiques
III. RESULTATS
IV. DISCUSSION
A – Résultats clés
1. Un mésusage des CA pour le sport
2. Identification de la population consommatrice en Martinique .
3. Source d’information des sportifs sur les CA
B- Limites
C- Interprétation
D- Généralisation des résultats
Conclusions / perspectives de travail
V. ANNEXES