Un littoral guyanais riche en biodiversité exemple des tortues marines

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Un littoral majoritairement vaseux

Le littoral guyanais est soumis à l’alternance de phases d’accumulation et d’érosion. L’arrivée d’un banc de vase est suivie d’une progradation de la côte de plusieurs centaines de mètres à plusieurs kilomètres, entraînant des variations complexes du trait de côte. Cette forte dynamique se traduit donc par des secteurs en accrétion, séparés les uns des autres par des espaces en reculs nommés «espaces inter-bancs» (Augustinus, 1978; Prost, 1986; Froidefond et al., 1988) (figure 1.4). Les bancs de vase migrent le long de la côte (Nord-Ouest) par l’érosion de la vase des parties distales donnant lieu à une accumulation vers les parties frontales (Augustinus, 1978). La vase fluide contenue dans la zone subtidale des bancs de vase, amortie considérablement la houle, protégeant ainsi les zones de bancs (Gratiot et al., 2007; Winterwerp et al., 2007). Cependant, l’arrière-banc n’est plus sous protection, de la zone subtidale, et connaît une érosion constante des vasières.
L’accumulation de sédiments fins à la côte provoque l’envasement des écosystèmes côtiers induisant une progradation du trait de côte, l’expansion de la mangrove de front de mer, la fossilisation des plages sableuses ou encore l’envasement des chenaux d’accès aux ports. Les zones inter-bancs quant à elles, sont des espaces sans protection et subissent l’attaque directe de la houle. La côte n’étant plus protégée, l’érosion de ces espaces est donc très rapide.

Composition d’un banc de vase

Un banc de vase se compose de quatre zones aux particularités fonctionnelles bien distinctes : une zone frontale en accrétion, une zone de colonisation, une zone d’érosion et une zone subtidale (figure 1.5). Les trois premières parties constituent la zone intertidale qui est soumise au régime de balancement des marées. Ces zones sont donc émergées à marée basse et peuvent s’étendre sur plusieurs kilomètres.

La zone intertidale

La zone frontale du banc de vase ou « avant-banc » constitue la zone d’accumulation de vase, fluide à molle (< 650 g.l-1), nouvellement arrivée à la côte. Les apports de vase fluide sur la zone intertidale de l’avant-banc provenant de la zone subtidale, accroit de façon perpétuel l’altitude de la vasière (Gardel et al., 2011, Gensac et al., 2011). Au fur et à mesure, ces apports vaseux entrainent une consolidation de la vasière (> 650 g.l-1). La consolidation peut être reliée à l’altitude du substrat vaseux. Des fentes de dessiccation se forment lorsque les conditions d’assèchement liées aux fréquences d’émersion et donc à l’altitude des vasières sont suffisantes. Ainsi, il a été observé que ces conditions étaient atteintes pour des altitudes supérieures à 2,4m (Fiot et Gratiot, 2006; Gensac, 2012). Ces fentes sont propices au piégeage des propagules lors de l’arrivée des graines au moment de la fructification des palétuviers (Gardel et al., 2009; Proisy et al., 2009; Gensac, 2012) (figure 1.6), ce qui permettra une expansion rapide de la mangrove (90% du banc colonisé en trois ans (pour des altitudes > 2,4 m), Gensac et al., 2011). Sur la bordure côtière guyanaise, on retrouve le palétuvier blanc ou bois de mèche Avicennia Germinans qui est quasi monospécifique et peut être accompagné secondairement par un second palétuvier blanc Languncularia Racemosa, alors que le palétuvier rouge Rhizophora Racemosa pousse le long des cours d’eau (Fromard et al., 1998).
En l’absence de protection subtidale, l’arrière du banc de vase ou «arrière-banc», formé de vase consolidée (> 700 g.l-1) et colonisé par la mangrove, est assujetti à une érosion marquée. Le démantèlement du banc de vase va entrainer le détachement de blocs de vase consolidée, qui roulés, vont se modeler en galets de vase puis de galets mous jusqu’à redevenir de la vase fluide (figure 1.7). Cette vase fluidifiée par l’action de la houle est par la suite transportée vers l’avant-banc.

La zone subtidale

A la différence des surfaces intertidales, l’extension subtidale des bancs de vase est en permanence immergée. Une pseudo-localisation de cette portion offshore peut être aisément détectée en utilisant l’amortissement de la houle sur la vase plus ou moins fluide (< 650 g.l-1) de la zone subtidale, mais encore, par mesures in-situ (Gratiot et al., 2007; Gensac, 2012). La zone subtidale constitue la partie la plus importante du banc de vase (> 80 %). La surface subtidale présente une zone avant arrondie qui s’étant vers le large, résultant de l’accumulation de vases fluides dans cette portion frontale du banc alors qu’en se rapprochant de l’arrière-banc la houle déferle au plus proche de la côte.

Dynamique de migration des bancs de vase

Les surfaces subtidales et intertidales sont interdépendantes. La sédimentation des zones intertidales est régie par les apports de vase stockée dans la zone subtidale. En premier lieu, des paquets de vases fluides s’accolent à la côte et le rivage présent se retrouve peu à peu envasé. Après de longues périodes de faibles conditions énergétiques (Hs < 1 m), correspondant à la fin de la saison sèche et aux marées de mortes eaux, les apports de vases fluides sont plus importants car mobilisés par les vagues d’énergies moyennes (Gratiot et al., 2007).
Deux processus de transports sédimentaires sont ainsi observés au sein de la partie subtidale (figure 1.8). La déformation des profils de houle, lors de leur amortissement à l’approche de l’extension subtidale (isobathe > 5m) (Wells et Coleman, 1981; Gardel et Gratiot, 2005), résulte en un transport transversal.
Cette vase fluide est alors transportée en direction de la côte et alimente les vasières intertidales (Gensac, 2012). Le second type de transport est longitudinal et est régi par les courants côtiers. La vase fluide migre donc parallèlement à la côte et concerne particulièrement la vase fluide au plus proche de la côte (isobathe < 5 m) (Gensac, 2012). A l’approche de l’extension subtidale, les houles sont rapidement amorties sur cette vase fluide (Wells & Coleman, 1981; Wells, 1983 ; Wells & Kemp, 1986; Winterwerp et al., 2007, 2012). La position des limites d’atténuation de la houle est fluctuante puisqu’elle dépend du niveau d’eau et de la concentration en vase de la zone (Wells & Kemp, 1986; Winterwerp et al., 2007, 2012).
La migration des bancs de vase commence par une accumulation de vases fluides à l’avant du banc résultant de l’érosion puis de la liquéfaction de la vase consolidée de l’arrière banc (Allison & Lee, 2004; Gensac, 2012 ; Anthony et al., 2013). Ce recyclage de vase de l’arrière vers l’avant est donc le moteur de la migration des bancs entrainant un perpétuel remaniement de la vase le long de la côte.
La houle est donc responsable de la remise en suspension des particules fines, alors que les courants de marée, et le courant des Guyanes, assurent la dispersion et migration de ces sédiments (Pujos et Froidefond, 1995). Au plus proche de la côte, le courant des Guyanes à peu d’effet et les courants majoritaires ressentis sont les courants de marées (Gensac, 2012).

Des côtes en érosion

Entre deux bancs de vase, on retrouve des zones en recul où l’érosion est conséquente : les espaces inter-bancs. Ces portions de côte, n’étant plus protégées par l’extension subtidale des bancs qui amortissaient la houle, connaissent une forte érosion due à l’attaque directe des vagues jusqu’à 200 m.an-1 (Gardel et Gratiot, 2006). Le remaniement périodique des côtes de Guyane provient du déplacement des zones de bancs et inter-bancs. Ainsi, en l’absence de banc de vase (suite à sa migration), la côte présente les reliquats d’une ancienne occupation par ce dernier, entrainant la disparition de la mangrove précédemment installée. Selon le stade d’érosion, ces espaces inter-bancs arborent de multiples faciès. La houle arrivant à la côte n’étant plus amortie, l’érosion s’intensifie et des croissants d’érosion (en dents de scie) se forment alors le long des mangroves érodées (figure 1.9). Cette érosion dans les zones inter-bancs peut entrainer la réactivation des plages (anciennement fossilisée par les vasières intertidales). Il peut également y avoir création de nouvelles formations sableuses lorsque les apports sableux sont localement disponibles. Sur ces zones inter-bancs, le profil de plage est légèrement convexe jusqu’à l’isobathe -15 m puis concave au-dessus de celle-ci. Le substrat du fond reste relativement vaseux (1450 kg.m-3) (Gratiot et al., 2007).

Le rôle des bancs de vase

Les bancs de vase assurent un rôle de protection du littoral guyanais en permettant l’atténuation de la houle avant leur arrivée sur la côte. Les zones de bancs sont donc régies par de faibles conditions hydrodynamiques contribuant à la mise en place de secteur en progradation. En période de banc, la côte est donc protégée et les habitations et infrastructures côtières sont épargnées. A l’échelle de la Guyane, des zones en constante accumulation vaseuses depuis ces dernières décennies sont identifiées notamment au niveau des caps sur la rive droite des embouchures de fleuves et notamment le secteur entre Sinnamary et Iracoubo où la pointe vaseuse à la sortie du fleuve s’épaissit sur plusieurs kilomètres.

…avec également quelques zones sableuses

Le long du littoral de Guyane, les littoraux sableux sont en interaction avec les dépôts vaseux d’origine amazonienne. Cette interaction provoque des variations spatio-temporelles du substrat sédimentaire, marquées par des alternances de vase et de sable sur les rares plages sableuses. Ces espaces sableux sont très instables dans le temps, du fait de la migration des bancs de vase, et ne représentent que 14 % du linéaire côtier. Ces littoraux sableux possèdent cependant des enjeux environnementaux et socio-économiques importants puisqu’ils servent de zones récréatives, de support aux infrastructures routières et constituent également des sites de nidification pour certaines espèces marines et notamment des sites de ponte pour les tortues marines.
Les littoraux sableux peuvent être distingués en trois types: plages sur socle rocheux, plage estuarienne et cordons sableux.

Plages sur socle rocheux

A l’échelle du littoral des Guyanes, c’est uniquement en Guyane française que l’on rencontre des affleurements du socle. On retrouve des plages sableuses, entre ces avancées rocheuses, dans la région de Cayenne et de Kourou (figure 1.10). Ces côtes sableuses constituent des plages fixes dont la dynamique est en relation directe avec la migration des bancs de vase (Anthony et al., 2002).
Anthony et Dolique (2004) proposent un cycle de rotation du stock sableux des plages de Cayenne (figure 1.11), en lien avec la migration des bancs avec quatre phases: banc, inter-banc et deux phases de transition.
L’installation d’un banc de vase résulte de l’arrivée successive de vase fluide à proximité des plages. L’envasement devient de plus en plus conséquent et isole le secteur sableux de la dynamique côtière. Lors d’épisodes d’envasement, les échanges sédimentaires de sable entre le domaine intertidal et subtidal ne peuvent plus avoir lieu puisque le sable est fossilisé par cette vase située en bas d’estran. Plusieurs kilomètres de vasière peuvent ainsi se déposer à l’avant d’une plage sableuse et être rapidement colonisées par de la mangrove pionnière.
Au fur et à mesure le banc migre, au cours de cette phase transitoire la dérive littorale est majoritaire ce implique une accrétion des sédiments sablo-vaseux au Nord-Ouest des anses.
En phase inter-banc, le banc de vase a migré et les processus de transports sédimentaires normaux se réinstallent. La dérive littorale de sens Nord-Ouest entrainent un transport des sables sur les flancs Nord-Ouest des anses au contraire des secteurs Sud-Est qui connaissent alors une érosion intensive.
La présence d’un banc de vase au large modifie le sens de la dérive et lors d’une phase de transition le transit sédimentaire de contre-dérive s’oriente vers le Sud-Est. Cette dynamique rééquilibre pendant une courte période les échanges sédimentaires le long des plages. Néanmoins, le secteur Nord-Ouest peut être fortement érodé lorsque cette contre-dérive est importante, au profit de la portion Sud-Est. Le stock sableux semble se balancer d’une plage à l’autre selon les phases d’inter-banc et de banc.

Plages estuariennes

Les rares plages guyanaises, souvent éphémères, sont assujetties à la localisation et à la dynamique des bancs de vase. Cependant, l’une des principales plages pérennes est localisée dans l’Ouest guyanais, à l’embouchure estuarienne du fleuve Maroni : la plage de Yalimapo (ou plage des Hattes). Depuis ces soixante dernières années, cette plage estuarienne n’a connu que très peu de fluctuations du trait de côte et ne semble pas avoir été envasée à la différence des autres plages de Guyane (voir Chapitre 3). Sa situation à la confluence des fleuves Maroni et Mana semble l’avoir préservée de tout envasement. Le débit du fleuve Maroni est le plus important de Guyane (Q > 1800 m3.s-1). Ce fleuve semble contribuer au démantèlement du banc de vase avant son arrivée sur la plage de Yalimapo. La plage des Hattes est marquée par la présence d’importants bancs de sables et, celle-ci bénéficie d’un double apport sableux. La première source de ces apports provient du fleuve Maroni (Augustinus, 1978) qui charrie des quantités importantes de sédiments sableux non quantifiés. Cette plage estuarienne, localisée à l’extrême Ouest de la Guyane, correspond à la limite guyanaise de la dérive littorale ce qui constitue une deuxième source d’alimentation.
A la sortie de l’embouchure de la rivière Cayenne, sur la rive gauche, la pointe Macouria est un secteur toujours ensablé qui peut néanmoins être périodiquement fossilisé par l’installation d’un banc de vase (figure 1.12B). La pérennité de cette bande sableuse est vraisemblablement liée à la proximité de l’Ile de Cayenne, qui va réfracter et diffracter la houle. Le contre-courant de dérive favorise ainsi l’accumulation sableuse dans le secteur.

Cheniers : les littoraux sableux des côtes vaseuses

La plaine côtière de Guyane est organisée en deux grandes unités morphologiques (Choubert, 1957, Boye, 1959; Turenne, 1978; Prost et Lointier, 1986): une plaine côtière récente (Holocène), composé de cheniers étroits et rectilignes parallèles à la ligne de rivage actuelle intercalés entre des substrats vaseux et une plaine côtière ancienne, (Pléistocène), avec des cheniers proches les uns des autres, qualifiés de barres pré-littorales. Selon Prost (1986), ces anciennes barres pré-littorales, orientées Sud-Est/Nord-Ouest, présentent un sédiment bien trié au contraire des sables holocènes.
En période inter-bancs, lorsque la mangrove est totalement érodée, la houle peut déferler et réactiver d’anciens cheniers. Le sable constituant ces anciens cheniers est donc remobilisé. Les cheniers sont essentiellement constitués de sables moyens à grossiers (0,1 à 1 mm) et de sables plus grossiers (1-2 mm) (Sourdat et Marius, 1964). Les cheniers sont retrouvés majoritairement dans l’Ouest guyanais particulièrement dans la zone du bassin de Mana à l’embouchure du Maroni (figure 1.13).
Les nouveaux cheniers résulteraient, sous l’action de la dérive littorale, de l’accumulation, des sables provenant de la dislocation ou du démantèlement des bancs de vase (Prost et Lointier, 1986). En effet, un stock de sable, provenant des apports des fleuves locaux plus ou moins ancien, est piégé dans les bancs de vase (Anthony et al., 2010). La vase continuerait ainsi sa migration alors que les sables nouvellement disponibles alimenteraient les plages et les cordons. Pujos et al. (2001) ont conclu que les particules sableuses étaient constituées d’un assemblage de minéraux lourds qui selon Anthony et al. (2012), pourraient avoir une origine locale.
D’autre part, ces cheniers peuvent être alimentés par des apports sableux provenant d’autres cheniers en érosion situés en amont. Le remaniement des sables d’origine fluviale par la houle peut également induire la formation d’un cordon sableux (figure 1.14). Les cordons de plage se développent au-dessus du niveau moyen des marées et leur crête peut être submergée par les plus hautes marées de vives eaux (Robelin et Farjanel, 1997). Deux types de cordons sableux sont décrits: des cordons internes et des cordons externes (Palvadeau, 1998). Les cordons internes, composés de sables fins et de particules argileuses (8 à 18%), indiquent leur formation dans un milieu régi par de faibles conditions énergétiques. Quant aux cordons externes, ils sont constitués de sables grossiers, signe de conditions hautement énergétiques. Ces sables grossiers sont transportés par les fleuves locaux, puis s’accumulent sous forme de cordons sous l’effet de la dérive littorale (Augustinus, 1989).
On distingue deux types de plaines côtières en Guyane avec à l’Ouest, des plages jalonnées de nombreux cordons sableux récents et holocènes, à la différence de l’Est guyanais qui ne comporte que des cheniers holocènes.
Très peu de travaux se sont intéressés à la question du stock sableux disponible sur le littoral ainsi qu’à son alimentation par les fleuves locaux. Les connaissances sur ce sujet sont nulles. Or l’importance de ce stock représente un enjeu majeur puisque celui-ci constitue d’une part une zone tampon de protection du littoral contre les attaques des fortes houles mais également une ressource importante pour la construction. De plus, dans un contexte de pénurie mondiale, le stock sableux s’amenuisant, les bandes sableuses servant de sites de nidification pour les tortues marines, deviennent très vulnérables.

UN LITTORAL GUYANAIS RICHE EN BIODIVERSITE : EXEMPLE DES TORTUES MARINES

Malgré le peu de plages sableuses en Guyane, celles-ci représentent toutefois des enjeux écologiques majeurs de la biodiversité marine. En effet, les plages guyanaises sont des sites majeurs de ponte pour les tortues marines.

Généralités

Le cycle de vie

Les tortues marines sont des espèces patrimoniales emblématiques de la biodiversité marine. Actuellement, sept espèces de tortues marines sont présentes dans les océans : la tortue luth (Dermochelys coriacea), la tortue verte (Chelonia mydas), la tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea), la tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata), la tortue de Kemp (Lepidochelys kempii), la tortue caouanne (Caretta caretta), et la tortue à dos plat (Natator depressus). Présent dans tous les océans, elles sont principalement distribuées sur la ceinture intertropicale (Pritchard, 1997). Les tortues marines passent majoritairement leur vie en mer (99 %) mais ont également une phase de vie terrestre. Tout comme les oiseaux et certains mammifères marins, celles-ci assurent leur reproduction sur le continent en venant pondre sur des plages de sable. Les tortues marines ont un cycle de vie comparable quel que soit l’espèce (figure 1.15) (Miller, 1997). Après une phase de vie en mer dans les zones d’alimentation, les femelles regagnent les sites de reproduction avec les mâles. L’accouplement est réalisé en mer à proximité des plages de nidification. A chaque nouvelle saison de ponte, les tortues reviennent généralement sur le même site, supposé être leur lieu de naissance (Miller, 1997). Chaque femelle reviendra pondre entre 5 à 10 fois selon l’espèce, avec un intervalle de ponte de 10 à 15 jours. Au cours de la période inter-ponte, les tortues marines restent à proximité des plages de ponte (Godfrey & Barreto, 1998). Pendant la saison de ponte, les femelles pondent dans la majorité des cas sur le même site, dans un périmètre de 0 à 5 km (Carr & Carr, 1972 ; Miller, 1997). En effet, il est rare qu’au cours d’une saison, les tortues aillent pondre à plus d’une centaine de kilomètres de leur plage de ponte initiale (Stoneburner & Ehrhart, 1981).
La période d’incubation des œufs, déposés par les femelles dépend du lieu de réalisation du nid et de la température, mais oscille entre 45 et 60 jours (plus rapide à haute température, Miller (1997)). Une fois en mer, les nouveau-nés appelés «émergences», vont entreprendre une longue phase de migration passive durant laquelle elles vont dériver et être dispersées, jusqu’à ce qu’elles atteignent les zones d’alimentations pélagiques. On suppose que leur temps de séjour sur ces zones dure 5 à 20 ans, jusqu’à ce qu’elles atteignent la taille adulte (Miller, 1997) puis se déplacent vers les sites d’alimentation benthique. Lorsqu’elles atteignent la maturité sexuelle, les femelles et mâles migrent vers les zones de reproduction (figure 1.15).

Succès à l’incubation et menaces

Le nombre de tortues atteignant la maturité sexuelle est estimé à 1 pour 1000. Cette faible proportion est liée d’une part au succès à l’incubation, mais également à de fort taux de prédation. Le succès à l’incubation peut grandement être influencé par les conditions environnementales, celles-ci accentuant les taux de mortalité embryonnaire (Bell et al., 2003). De plus, la dynamique érosive des plages de ponte, a un impact direct sur la destruction des nids, estimée entre 36 et 60 % pour les tortues luth (Mrosovsky, 1983; Eckert & Eckert, 1985) et donc sur le renouvellement des populations de tortues marines. Les émergences sont la proie de nombreux prédateurs tels que les chiens errants, les ratons-crabiers, les oiseaux (nocturnes et diurnes), les poissons, les crabes et les courtilières fréquentant le domaine littoral (Viseux, 2001).
Cependant, les causes du déclin des tortues marines résultent principalement des activités humaines telles que la pêcherie (filets et navires non-équipés de dispositif d’exclusion des tortues marines; Spotila et al., 1996; Eckert & Sarti, 1997; Fossette et al., 2014) le pillage des œufs sur les plages de ponte mais aussi la consommation de la chaire de tortues et le commerce des écailles. Face au déclin des populations, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) a listé cinq des sept espèces de tortues marines comme étant vulnérable voire en danger critique d’extinction. Cette classification a permis la mise en place de mesures de conservation à travers le monde. Les tortues sont ainsi toutes protégées par un arrêté ministériel en France (arrêté du 14 octobre 2005).

Ecologie de reproduction

Compte tenu de leur accessibilité lors de la ponte, les tortues marines sont des modèles d’études pertinents pour identifier les stratégies comportementales développées par les femelles venant pondre sur les plages. Les tortues marines pondent plusieurs fois dans une même saison (quelques mois), à de courts intervalles, ce qui en font des espèces idéales pour étudier la sélection des sites de ponte (Ali et al., 2005).
La ponte se fait en neuf phases qui peuvent durer entre 1h30 à 2h selon l’espèce. Ce processus est similaire pour toutes les espèces de tortues marines, avec un éthogramme commun (Hendrickson, 1958, 1981; Bustard & Greenham, 1969; Hailman & Elowson, 1992; Miller, 1997):
– (1) Approche du site de ponte
– (2) Sortie de l’eau
– (3) Montée sur le haut de plage
– (4) Premier balayage qui coïncide au choix de la future aire de ponte
– (5) Creusement du nid
– (6) Dépôt des œufs
– (7) Rebouchage du nid
– (8) Deuxième balayage qui correspond au camouflage du nid
– (9) Retour à l’eau
Les tortues marines sont thermo-dépendantes c’est-à-dire que la détermination du sexe est sensible aux conditions d’incubation, plus particulièrement au cours du second tiers de la période d’incubation (Mrosovsky & Yntema, 1980; Yntema & Mrosovsky, 1980). Les embryons exposés à des températures supérieures à la température pivot (29,5°C pour les luth et 28,26°C pour les tortues vertes) seront des femelles et ceux exposés à des températures inférieures à ce seuil seront des mâles (Mrosovsky & Yntema, 1980 ; Mrosovsky, 1994; Chan & Liew, 1995; Davenport, 1997 ; Ackerman, 1997). Ainsi, l’emplacement du nid (exposé ou non à l’ensoleillement, à l’humidité, végétation, sable nu, etc.) joue donc un rôle prépondérant dans la détermination du sex-ratio.
Chez les tortues marines, le choix du site de ponte s’opère à trois échelles spatio-temporelles (Carr, 1975). La première, appelée la philopatrie, intervient à macro-échelle, et désigne le retour sur le site présumé de naissance (Carr & Carr, 1972; Miller, 1997) ; avec un haut degré d’exactitude. Avens et al. (2003) et Lohmann et al. (2004) ont montré une réorientation des juvéniles vers leur site de naissance. Des travaux menés sur des tortues vertes, matures sexuellement, démontrent que des champs géomagnétiques et indices visuels orientent les femelles de tortues vertes (Chelonia mydas) vers leur site de ponte (Avens & Lohmann, 2003; Luschi et al., 2007 ; Benhamou et al., 2011). La fixité (méso-échelle) permet à ces espèces d’identifier un site particulier favorable à la ponte et au succès incubateur (Miller et al., 2003). Une fois arrivée à proximité de leur plage de ponte, l’existence de processus micro-échelle intervient; les tortues semblent s’aider des conditions environnementales. Elles doivent ainsi choisir le moment opportun d’émergence à terre. L’oviposition dans cet environnement terrestre expose les tortues marines, à un risque de prédation supplémentaire et à une grande dépense énergétique. Les femelles gravides tendent à minimiser leur exposition à un environnement terrestre non-favorable avant même leur sortie de l’eau (Pike, 2008). La prise de décision de sortie de l’eau peut être influencée d’une part par les paramètres océaniques tels que les hauteurs de marée corrélées au cycle lunaire, mais également les houles et les courants (Frazer, 1983; Fretey & Girondot, 1989). Les conditions météorologiques telles que la pluviométrie, le vent, la température de l’eau et de l’air peuvent intervenir également (Mazaris, 2005; Pike, 2008) (tableau 1.1.).
Les tortues marines n’assurent pas les soins parentaux aux juvéniles. Ainsi après la ponte, elles retournent en mer en abandonnent leur nid. Dans ce contexte, l’emplacement du nid pour les œufs des tortues marines constitue donc un facteur déterminant pour leur bon développement et leur survie (Kamel & Mrosovsky, 2005). La localisation du nid induit d’importantes variations sur le succès à l’incubation des œufs déposés (Fowler, 1979; Spotila et al., 1987; Horrocks & Scott, 1991). Le choix minutieux du site de ponte correspond donc au seul bénéfice apporté à leur descendance (Ali et al., 2005). La sélection du site de ponte ne se fait pas au hasard et semble être prédictible (Weishampel et al., 2003 ; Tiwari et al., 2005). En effet, les paramètres environnementaux ainsi que la dynamique de la plage influencent directement le succès reproducteur (Girondot et al., 2002).

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Table des matières

CHAPITRE 1. ETAT DES CONNAISSANCES
1. La zone littorale
Partie 2. Une dynamique morphosédimentaire très contrastée en Guyane
1. Contexte : géographique, climatique et hydrodynamique
1.1. Généralités
1.2. La Guyane française
2. Organisation de la côte
2.1. Un littoral majoritairement vaseux
2.1.1. Composition d’un banc de vase
2.1.1.1. La zone intertidale
2.1.1.2. La zone subtidale
2.1.2.Dynamique de migration des bancs de vase
2.1.3. Des côtes en érosion
2.1.4. Le rôle des bancs de vase
2.2. …avec également quelques zones sableuses
2.2.1. Plages sur socle rocheux
2.2.2. Plages estuariennes
2.2.3. Cheniers : les littoraux sableux des côtes vaseuses
Partie 3. Un littoral guyanais riche en biodiversité : exemple des tortues marines
1. Généralités
1.1. Le cycle de vie
1.2. Succès à l’incubation et menaces
1.3. Ecologie de reproduction
2. Les tortues marines en Guyane
3. Modèles biologiques
3.1. La tortue luth
3.2. La tortue verte
Partie 4. Les sites d’études
1. Littoral d’Awala-Yalimapo
2. Littoral de Kourou
Partie 5. Problématique et objectifs de l’étude
CHAPITRE 2.METHODOLOGIE
Partie 1
1. Mesures hydrodynamiques
1. Instrumentation
1.1. ADCP (Acoustic Doppler Current Profiler)
1.2. Courantomètre
1.3. Altus
1.4. Capteur de pression
1.5. GPS : courantologie
2. Modèles et autres données hydrologiques
2.1. Données ECMWF WAM ERA 40
2.2. Données CETMEF-CANDHIS
2.3. Données de l’Observatoire ORE-HYBAM
2.4. Données marégraphiques
Partie 2. Méthodologie du suivi morphosédimentaire
1. Suivis topographiques de la morphodynamique de la plage
1.1. Relevés topographiques
1.2. Traitement des données topographiques
2. Suivi de la dynamique sédimentaire à court terme
3. Mesures bathymétriques
3.1. Site d’Awala Yalimapo
3.2. Site de Kourou
Partie 3. La télédétection
1. Imagerie spatiale
2. Photographies aériennes
3. Analyse diachronique dans l’Ouest guyanais
4. Détection de la limite subtidale des bancs de vase
Partie 4. Sédimentologie
Partie 5. Les tortues marines
1. Suivi démographique à terre des tortues marines
2. Géolocalisation des nids et identification des habitats
3. Equipement GPS des tortues
4. Traitement des données
4.1. Tests statistiques
4.2. Représentation cartographique
Partie 6. Synthèse
CHAPITRE 3. MORPHODYNAMIQUE DU LITTORAL
Partie 1
1. Cadre dynamique: conditions hydrométéorologiques
1. Forçages météorologiques
2. Hydrologie sur la plage des Hattes et sur le littoral de Kourou
2.1. La plage des Hattes
2.1.1. Dynamique générale
2.1.2. Evènements exceptionnels
2.1.3. Circulation des masses d’eaux
2.2. Le littoral de Kourou
Partie 2. Evolution morphologique à moyen terme du littoral
1. Historique du trait de côte de l’Ouest guyanais
1.1. Evolution globale du trait de côte depuis 1950
1.2. Evolution entre 1950 et 1955 : Installation d’un banc de vase
1.3. Evolution entre 1955 et 1982 : Passage d’un banc de vase et érosion conséquente
1.4. Entre 1987 et 1999: ouverture d’une brèche à l’estuaire de la Mana
1.5. Evolution entre 2001 et 2012: Fortes interactions sable/vase
2. Cinétique de migration d’un banc sur le littoral de Kourou
2.1. Morphologie des bancs
2.2. Cinétique de migration des bancs sur le littoral de Kourou
2.3. Comportement du banc lors du franchissement de l’estuaire
2.4. Scénarios prédictifs
Partie 3. Variabilité morphosédimentaire de la plage d’Awala-Yalimapo
1. Evolution sédimentaire à très court-terme
2. Dynamique sédimentaire à l’échelle saisonnière
2.1. Dynamique morphosédimentaire en saison des pluies
2.2. Dynamique morphosédimentaire en saison sèche
3. Dynamique sédimentaire à l’échelle intra-annuelle
4. Dynamique morphosédimentaire de l’avant plage des Hattes
Partie 4. Dynamique des environnements hétérogènes : les interactions vase/sable
1. Interactions vase/sable à l’avant banc
1.1. Le cas d’Awala-Yalimapo
1.1.1. Contexte hydrodynamique du secteur
1.1.2. Dynamique morphosédimentaire à l’avant-banc
1.1.2.1. Gradient granulométrique
1.1.2.2. Evolution sédimentaire de l’avant banc à moyen terme
1.1.2.3. Interactions entre le haut et le bas de plage
1.2. L’avant-banc de la Malmanoury
2. Dynamique morphosédimentaire au départ d’un banc à Kourou
Partie 5. Synthèse
CHAPITRE 4. TORTUES MARINES ET PARAMETRES ENVIRONNEMENTAUX 
Partie 1
1. Activité de ponte des tortues marines sur le littoral guyanais
1. Cas des tortues luth
2. Cas des tortues vertes
Partie 2. L’activité de ponte sur la plage d’Awala-Yalimapo
1. Distribution spatio-temporelle des atterrissages
1.1. Influence de l’activité tidale et lunaire
1.1.1. Cas des tortues luth
1.1.2. Cas des tortues vertes
1.2. Répartition temporelle des atterrissages en fonction de la marée
1.2.1. Cas des tortues luth
1.2.2. Cas des tortues vertes
1.3. Distribution spatiale sur la plage
1.3.1. Cas des tortues luth
1.3.2. Cas des tortues vertes
2. Influence des déterminants environnementaux sur la distribution spatiale
2.1. Distribution en fonction du cycle tidal (Flot/Jusant)
2.1.1. Cas des tortues luth
2.1.2. Cas des tortues vertes
2.2. Spatialisation des atterrissages selon les hauteurs d’eau
2.2.1. Cas des tortues luth
2.2.2. Cas des tortues vertes
2.3. Influence du forçage du fleuve
2.3.1. Cas des tortues luth
2.3.2. Cas des tortues vertes
2.4. Dynamique morphosédimentaire et distribution spatiale des tortues
2.4.1. Distribution des pontes sur le profil de plage
2.4.1.1. Cas des tortues luth
2.4.1.2. Cas des tortues vertes
2.4.2. Substrat de ponte
2.4.3. Evolution de la plage et distribution des pontes
2.4.3.1. Cas des tortues luth
2.4.3.2. Cas des tortues vertes
2.4.4. Evolution du haut de plage et distribution des pontes
2.4.4.1. Cas des tortues luth
2.4.4.2. Cas des tortues vertes
2.4.5. Impact de la dynamique de plage sur les nids
2.4.5.1. Cas des tortues luth
2.4.5.2. Les tortues vertes
2.5. Les demi-tours
2.5.1. Cas des tortues luth
2.5.2. Cas des tortues vertes
3. Trajectoire en mer
3.1. Cas des tortues luth
3.2. Cas des tortues vertes
Partie 3. Synthèse
CHAPITRE 5.DICUSSION
Partie 1
1. Nature et dynamique des sites de ponte
1. Le littoral de Kourou
2. Les plages éphémères où la formation de sites de ponte potentiels
3. Les plages de poche de l’île de Cayenne : haut spot de ponte
4. La plage d’Awala-Yalimapo: une plage « pérenne » sur un littoral instable
5. Impacts économiques et écologiques de cette dynamique
Partie 2. Influence des tortues sur leur plage de ponte
Partie 3. Les pontes sur la plage d’Awala-Yalimapo
1. Conditions hydrodynamiques
2. Morphologie de l’avant-plage
3. Sélection du site de ponte en fonction de la morphologie et de la nature sédimentaire de la plage
Partie 4. Vulnérabilité des nids et enjeux de la conservation
Partie 5. Perspectives
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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