Un levier politique : vers une réforme de l’exercice du pouvoir ? 

La promotion du divertissement et d’un islam « tolérant »

Le divertissement, un secteur économique important

Le plan de réformes Vision 2030 prévoit de promouvoir la consommation du divertissement : une révolution sociétale, tournée vers les aspirations d’une jeunesse en attente, mais également dictée par un impératif de développement économique.

Une nouvelle politique publique dans le domaine culturel

L’Arabie saoudite souhaite se doter d’une véritable stratégie de politique publique dans le domaine culturel. En 2016, la création de l’Autorité Générale du Divertissement (GEA : General Entertainment Authority), souhaite répondre aux attentes des jeunes, mais aussi créer des emplois, diminuer la dépense des loisirs des ressortissants nationaux à l’étranger et attirer les investissements de partenaires internationaux.
Le 2 juin 2018, deux décrets royaux ont annoncé un remaniement ministériel majeur. Le premier dispose d’un dédoublement du Ministère de l’Information et de la Culture : un ministère de la Culture indépendant a été placé sous la direction du prince Badr bin Abdallah bin Farhan. Le deuxième introduit une nouvelle administration pour la création d’une commission historique, afin de valoriser la ville de Djeddah.
Ces décisions révèlent une nouvelle stratégie culturelle pour le royaume. En effet, le gouvernent souhaite augmenter la dépense des ménages dans le divertissement de 2,9 à 6% et de créer, d’ici 2030, 30 000 emplois directs, auxquels s’ajouteraient 130 000 emplois indirects. En ce sens, lors du lancement de Vision 2030, le 26 avril 2016, Mohammed ben Salman a déclaré vouloir promouvoir et subventionner le secteur par un ensemble de mesures : construction de bibliothèques, cinémas, musées, théâtres ; soutenir les écrivains et les cinéastes talentueux; subventionner le secteur privé ; lancer des partenariats internationaux, avec la France notamment dans le cadre du projet Al Ula (Madain Saleh) pour la préservation et la conservation du patrimoine du site archéologique de la région éponyme.
L’article publié dans Arab News, cité plus haut, présente ainsi le métier de maquilleuse à travers le portrait d’une jeune femme ne parvenant pas à trouver un emploi après l’obtention de sa licence. Elle a rejoint l’association saoudienne pour la culture et les arts, et de là un groupe d’acteurs et actrices, en tant que maquilleuse artistique. Durant son interview, la jeune femme aborde la question de son salaire, très attractif : elle gagnerait environ 186 dollars pour une séance d’une heure.

Le divertissement et la qualité de vie dans le royaume

Lors de l’inauguration de la saison culturelle de l’Autorité Générale du Divertissement (GEA), son actuel directeur Ahmed Al- Khatib déclare : « dans le cadre de Vision 2030 nous avons créé la GEA dans l’idée de répandre la joie et le bonheur, et de promouvoir le tourisme.
La promotion des activités sportives est une préoccupation majeure des autorités. Le prince héritier veut créer des installations et des équipements sportifs, en partenariat avec le secteur privé, et promouvoir l’excellence athlétique au niveau national mais aussi mondial. L’objectif pour 2030 est la création de 450 clubs, l’augmentation du sport amateur de 40% afin d’arriver à la pratique d’une activité sportive pour chacun une fois par semaine. Selon les statistiques officielles, 85% des adultes ne pratiqueraient pas d’activité sportive.

La promotion d’un islam « tolérant », ou les débats sur le port du voile et sur la transmission de la nationalité

Tradition ou religion, les controverses autour du port de l’abaya

Selon Amélie Le Renard, la promotion d’un certain modèle de féminité islamique a été rendu possible par l’outil juridique que représente la fatwa . De nombreuses fatwas ont le dessein de formaliser l’habit des femmes, conformément à l’orthodoxie islamique. Ces fatwas conseillent donc aux femmes de se couvrir le corps entièrement, chaque partie du corps étant considérée comme une partie sexuelle devant être cachée. Si certaines sont reprises et appliquées à travers l’exercice de la police religieuse, d’autres restent ignorées.
Les fatwas tendent à devenir plus rigoristes depuis la montée du mouvement islamiste de la Sahwa, dans les années 1980. Ainsi, la Muttawa, ou Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice, se voit étendre ses pouvoirs. Si, initialement, sa fonction était d’enjoindre les Saoudiens à aller prier, ses prérogatives concernent désormais l’encadrement du comportement des femmes en public, notamment sur le port de l’abaya.
A noter que selon une étude réalisée en 2015 par la fondation Tabah, fondation religieuse émirienne, seulement un jeune saoudien sur trois considère le grand mufti de son pays comme ayant le droit de déterminer ce qui est permis ou non en Islam, contrairement à 70% des jeunes marocains ou 61% en Egypte.
Si les partisans du port du voile appellent à la « préservation de la pudeur des femmes », un enseignant-chercheur en droit islamique déclare que cette notion de « pudeur » est subjective et qu’elle peut varier selon les contextes et les époques. Enfin, plusieurs prédicateurs s’étant prononcés contre le port obligatoire de l’abaya, ont rappelé qu’il était important de faire la différence entre la pudeur et l’abaya, les deux n’étant pas liés.
En outre, l’article met en exergue la dichotomie entre tradition et religion. Ainsi, le chercheur en droit islamique, Radwan Al-Radwan, insiste sur le fait qu’historiquement, la couleur noire a été imposée aux femmes dans les pays du Golfe, après que l’abaya noire ait été portée par les femmes des compagnons du Prophète. Ceci trouverait son origine dans la tradition, et non dans les textes religieux. Selon, Hatem Al-Aouni, professeur des hautes études islamiques, les fatwas qui imposent le port d’une abaya sont illicites : « ces fatwas sont malheureusement imposées à la société, malgré leur invalidité, et les personnes émettant des avis différents voient leur foi et leur savoir remis en cause. Je remercie donc le Cheikh Al-Mutlaq d’être sorti du discours dominant », conclut-il.
La série Al-Assouf («Le tourbillon »), diffusé sur la chaîne Middle East Broadcasting Center (MBC) pendant le mois de ramadan de juin 2018, se fait le relais de la philosophie dite libérale de Mohammed ben Salman. Le programme dépeint le quotidien d’une famille dans l’Arabie saoudite des années 1970, soit avant la révolution islamique d’Iran. Celle-ci, perçue comme une rupture, serait responsable selon le discours officiel d’un rigorisme religieux dans toute la région.
De vifs débats agitent la société à ce sujet, notamment au mois de mai 2018 comme en témoignent de nombreux articles et éditoriaux.
Le quotidien Okaz y consacre une chronique et revient sur le scénario qui « s’intéresse aux événements qui ont marqué les années 1970, tels que le cinéma, une activité importante pour les jeunes qui, par le passé, se retrouvaient ensemble pour des projections ».
Les religieux conservateurs ainsi que des activistes dénoncent la présentation de données historiques déformées. Le dignitaire religieux Abdelbasset Qari Al-Assouf a déclaré sur Youtube : « Dépeindre une communauté qui autorise le mélange des genres, l’adultère et les enfants hors mariage, est une catastrophe ». Par ailleurs, Abdel Rahmane al-Nassar, un prédicateur koweitien particulièrement suivi en Arabie saoudite, a dénoncé une « déformation de l’enfance » dans le royaume.
L’écrivain Turki al-Hamad, réputé proche de la politique du régime, se réjouit sur twitter qu’un programme télévisé dévoile : « … que notre société avait jadis été normale, avec tout ce que cela comporte d’aspects positifs et négatifs » . Relais de la philosophie développée par les autorités, la chaîne saoudienne Al-Arabiya diffusait une interview de l’intellectuel en 2017, également disponible sur YouTube . Dans cette allocution Turki al-Hamad défend l’idée d’une société autrefois « en paix avec les autres religions », et se félicite d’un nouveau souffle « libéral » en son sein, souffrante d’une « saturation religieuse ».

Le rôle et les droits de la femme saoudienne en débat : l’exemple de la transmission de la nationalité

Dans un contexte de revendications croissantes des droits des femmes en Arabie saoudite, la société semble prête pour les changements amorcés par les réformes du prince héritier, mais reste divisée sur certaines avancées, ouvrant le débat sur l’essence même de la nationalité.
Le statut de la femme saoudienne est caractérisé par celui de mineur, car sous l’autorité du mahram, tuteur légal de celle-ci. Le mahram est requis dans de nombreuses activités des femmes, notamment pour être employée, se marier, faire des études universitaires ou encore voyager à l’étranger. Le mahram est un parent masculin de la femme, relié par un lien de sang : père, frère ou oncle, à l’exception d’un cousin.
En ce sens, le problème de la transmission de la nationalité, aujourd’hui impossible pour les femmes, a été soulevé lors de l’examen d’une réforme, le 6 février 2018. Cette réforme, allant dans le sens de la transmission de la nationalité par la mère, divise la société, car elle remettrait en cause les fondements religieux du droit à la nationalité, et accorderait de plein droit l’accès aux emplois réservés aux nationaux.

Les règles de l’acquisition de la nationalité saoudienne

Les normes d’acquisition de la nationalité saoudienne sont régies par la loi du 23 septembre 1954. Elles reposent uniquement sur le droit du sang, par la filiation du père et non de la mère, dans le cas d’une naissance en Arabie saoudite ou à l’étranger.
Cette loi ne reconnaît pas la nationalité saoudienne aux enfants nés en Arabie saoudite de parents étrangers. Ainsi, si les mariages mixtes sont autorisés, les enfants issus de l’union d’une Saoudienne et d’un étranger n’acquièrent pas la nationalité saoudienne. Cependant, ils peuvent l’acquérir par décision du ministre de l’Intérieur s’ils sont nés en Arabie saoudite et en font la demande à leur majorité, sous plusieurs conditions : l’individu doit notamment être musulman, maîtriser l’arabe, posséder un permis de résidence et ne pas être atteint de maladie mentale.
La juridiction saoudienne répond à une conception religieuse de la nationalité, dans l’esprit de la vision de la famille portée par la Déclaration islamique universelle des droits de l’homme de 1981 : « L’Islam a donné à l’humanité un code idéal des droits de l’homme, il y a quatorze siècles. Ces droits ont pour objet de conférer honneur et dignité à l’humanité et d’éliminer l’exploitation, l’oppression et l’injustice ».
En ce sens, l’Arabie saoudite a émis des réserves au sujet de toutes les conventions internationales traitant de la nationalité. On peut, en particulier, relever certaines réserves à l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, qui consacre le droit à une nationalité.
Article 7 : L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. Les Etats parties veillent à mettre ces droits en œuvre conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier dans les cas où faute de cela l’enfant se trouverait apatride.
L’Arabie saoudite a notamment émis une réserve au sujet de l’article 9 de la Convention qui traite de l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, datant de 1979, et qui accorde des droits égaux aux femmes et aux hommes en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants. Le pays n’a pas suivi les réformes instituées par d’autres pays arabes, qui accordent à la mère, entre autres, le droit de transmettre sa nationalité. Il s’agit particulièrement des réformes du Code du statut personnel algérien et marocain, respectivement modifiés en 2005 et 2007.

La réforme du droit de la nationalité saoudienne en débat

La réforme du droit de la nationalité saoudienne est, depuis le 6 février 2018, à l’étude au sein de l’Assemblée consultative (Majlis al Choura). Elle pourrait désormais permettre aux femmes de transmettre automatiquement la nationalité à leur enfant.
Cette proposition a été déposée par cinq femmes membres du Majlis al Choura, assemblée qui compte 30 femmes pour 120 hommes, et dont les membres sont nommés par le roi pour un mandat de quatre ans renouvelable. La Commission de sécurité du Majlis, devrait remettre un rapport préalable en vue d’un vote de l’Assemblée, à valeur seulement consultative cependant.
Depuis plusieurs années, une partie de la presse locale appelle à une réforme du droit de la nationalité. Les arguments mobilisés relèvent d’une part du droit international, des droits de l’Homme, et d’autre part, d’une discrimination entre les sexes. Ainsi, un article publié dans le quotidien Arab News, de la chroniqueuse Sabria Jawhar, analyse l’historicité de la législation actuelle, comme une discrimination afin de « protéger les normes et les traditions saoudiennes » . Sabria Jawhar appelle à une réforme en profondeur, au nom d’une législation qui garantisse à chaque enfant « de sang saoudien » les mêmes droits. Certaines femmes mobilisent l’argument religieux : « On ne peut choisir ses parents ou sa famille, mais notre partenaire est quelqu’un que Dieu nous a donné la liberté de choisir ».
Au contraire, des membres de la Choura se sont exprimés contre le projet de réforme, comme le juriste Fahd al-Anzi : « le mariage d’une femme saoudienne à un non saoudien est son choix, donner la nationalité à son enfant ne l’est pas » . En outre, des personnes opposées à la réforme ont lancé l’hashtag ,retweeté par près de 200000 personnes:« #Les_membres_de_la_Choura_ne_nous_représentent_pas ». En effet, il semble qu’une partie de la société craint que ceux qui sont perçus comme n’étant pas de « vrais » Saoudiens viennent concurrencer les nationaux sur le marché du travail.
En conclusion, le programme économique Vision 2030 s’attache à faire le récit d’une société de traditions et d’histoire : « une société dynamique, une économie prospère et une nation ambitieuse » . Si le facteur religieux pouvait être auparavant le marqueur identitaire le plus fort (musulman puis saoudien), l’arrivée au pouvoir du nouveau prince héritier tend à mettre en exergue la nationalité comme premier facteur identitaire. Les femmes semblent jouer une place importante dans ce processus. Par ailleurs, les réformes du statut des femmes, provoquent de vifs débats au sein de la société qui exprime parfois son rejet, comme nous l’avons vu au sujet de la transmission de la nationalité par la mère. L’une des raisons, outre le conservatisme religieux, serait la transformation du modèle familial. Si les valeurs familiales semblent être très importantes en Arabie saoudite, il est aussi intéressant de consulter le nombre de divorces par an. En 2001, le royaume comptait 18 000 divorces pour 61 000 mariages, soit une séparation dans 29% des cas . En 2017, 40% des mariages se concluait par un divorce84 . A cet égard, un article du quotidien Saudi Gazette mettait en cause l’influence de la culture urbaine et des nouvelles technologies, mais aussi la montée du travail chez les femmes, pour expliquer ces chiffres .
En outre, l’introduction d’une nouvelle politique publique en matière de loisirs pose la question de l’injonction d’une nouvelle orthopraxie du divertissement et donc des limites de ses supports.
En outre, si nous considérons les deux définitions du terme « divertissement », celle d’un amusement ludique ou en revanche celle d’une activité frivole pour se détourner du réel, il semble que l’enjeu du divertissement soit au cœur de la problématique de la dépolitisation en Arabie saoudite. L’Autorité Générale du Divertissement fait du « bonheur » et du « bien-être » son objectif principal : pour maintenir ses sujets dans une douce fiction ? Pourtant, l’accès au divertissement pourrait également renforcer les inégalités : les exclus du monde du travail pourraient être également bannis de celui des loisirs. En effet, si les autorités n’ont pas apporté de réponse sur le coût des activités de divertissement, se pose la question de la véritable catégorie sociale destinataire de cette politique. Le renforcement des inégalités et la paupérisation d’une partie de la population sont à terme des facteurs de revendications.

Réformer la collégialité du pouvoir : vers l’instauration d’une monarchie autocratique ?

L’exercice du pouvoir en Arabie saoudite : un système collégial fragile

L’Arabie saoudite est une monarchie dynastique où le souverain est le premier de ses pairs. La famille royale, de même que dans les autres pays du CCG, domine l’ensemble des attributs du pouvoir, répartis entre différents clans. Après deux premières expériences étatiques, la première au milieu du XVIIIe siècle (1744-1818), la seconde au XIXe siècle (1823- 1891), ayant débouchées sur des guerres fratricides, la troisième séquence étatique du royaume, sous le règne d’Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud (1902 – 1953) fondateur du royaume saoudien moderne, s’est efforcée d’associer les différents clans dans la gestion du pouvoir. Le premier Etat saoudien était fondé sur une transmission agnatique du pouvoir, c’est à dire au plus proche parent masculin. Selon le politologue Nabil Mouline, cette modalité de transmission est en adéquation avec la sédentarité du clan Al Saoud. Le caractère tribal de la seconde expérience étatique se traduit par l’introduction d’une transmission horizontale du pouvoir selon le modèle adelphique, de frère en frère. Cependant, les luttes intestines entre les différents clans débouchent sur des instabilités répétées et des affrontements. L’Etat, comme entité indivisible, est alors fragilisé lors de chaque succession.
Durant la troisième période, le règne du roi Saoud (1953-1964) consacre les modalités de succession adelphique, avec la mise en place d’une multi-dominationrépartissant les pouvoirs entre les fils Abdelaziz. A la fin de son règne, le roi Saoud va chercher à privilégier ses fils dans la descendance. Mais l’émergence de différents mouvements d’opposition, notamment celui du projet constitutionnaliste dirigé par le prince Talal, met un terme à cette initiative. Grâce au soutien de ses frères, le roi Fayçal (1964-1975) parvient ensuite à imposer son autorité sur Saoud et le fait destituer. Fayçal s’appuie sur le clan des Soudayri, composé des sept fils de la quatorzième épouse du roi Abdelaziz, Hassa bint Ahmed al-Soudayri. Les membres de ce clan occupent les postes clés de l’administration royale : Sultan (1928-2011) se voit octroyer le ministère de la Défense, Salman (2015-) devient gouverneur de Riyad, tandis que le prince Nayef (1934-2012) occupe le poste de ministre de l’Intérieur. Nabil Mouline note que ce resserrement autour du clan Soudayri va constituer une asabiyya, un esprit de faction, définit par l’historien et philosophe Ibn Khaldoun (1332-1406) comme le cœur des relations de pouvoir et de domination.
Le roi Fahd (1982-2005) est le premier souverain saoudien à formaliser le processus de succession avec la proclamation de la Loi fondamentale en 1992. Elle marque la première mise à l’écrit de l’organisation des pouvoirs dans le royaume. Au moment de fortes divisions au sein de la famille royale et des revendications du groupe de la Sawha lors de la deuxième guerre du Golfe (1990-1991), le texte prévoit que seuls les fils du roi Abdelaziz Ibn Saoud et ses petits-fils, pourront accéder au pouvoir, sans préciser davantage l’ordre de succession. Créé en 2006 selon l’initiative du roi Abdallah (2005-2015), et, composé de fils et petits-fils d’Abdelaziz ibn Saoud, le Conseil d’Allégeance est chargé de préciser les modalités de succession et de désigner les héritiers au trône. Il s’agit d’œuvrer à rétablir le système de multidomination afin d’endiguer le pouvoir du clan Soudayri. Le Conseil d’Allégeance a donc pour dessein d’assurer le contrôle de la transmission du pouvoir, pour qu’elle ne favorise pas un clan familial en particulier et qu’elle ne perturbe pas le principe de collégialité du pouvoir, pensé par le fondateur du royaume Ibn Saoud comme une monarchie dynastique et non une monarchie absolue.

Le règne du roi Salman (2015-) ou la consécration de sa descendance

Né en 1935, le roi Salman ben Abdelaziz Al Saoud (2015-) est le 26e fils du fondateur du royaume, Ibn Saoud (1902-1953). Il succède à son demi-frère Abdallah le 23 janvier 2015. Le règne du roi Salman apparaît comme une rupture dans la gestion du pouvoir. Son organisation, après la mort d’Abdelaziz Ibn Saoud, en 1953, se répartit entre ses fils, prenant en compte leurs différentes factions. Les considérations sécuritaires et de défense étaient traditionnellement placées sous l’influence du clan Soudayri, tandis que le domaine de politique étrangère était dominé par le clan Al Fayçal. Outre la remise en cause de la gestion collégiale du pouvoir, le roi Salman privilégie sa propre descendance. Le début de son règne est marqué par le renvoi des fils et des alliés de son défunt frère : les princes Mutaïb et Turki, respectivement à la tête de la Garde Nationale et gouverneur de Riyad, sont écartés. Le prince Mohamed bin Nayef, fils du roi Nayef ben Abdelaziz al-Saoud (1933-2012) est désigné prince héritier. Il est par ailleurs nommé vice-premier ministre et conserve ses fonctions de ministre de l’Intérieur. Cette nomination, qui marque une transmission du pouvoir aux petits-fils d’Abdelaziz Al Saoud, va pourtant à l’encontre du décret royal de 2014. Avant sa mort, le roi Abdallah avait négocié avec les membres de la famille la nomination de Moqrin, plus jeune fils du roi Abdelaziz Ibn Saoud, comme prince héritier. Ce dernier avait gagné l’appui du Conseil d’Allégeance. Son éviction entre en conflit avec les attributions de cette dernière en matière de choix successoral et rompt avec une tradition de consensus.
Par ailleurs, Salman consacre l’ascension de son propre fils, Mohammed ben Salman qui est nommé vice-prince héritier, ministre de la Défense et président du Conseil des Affaires économiques et sociales en 2015.
Salman est également à l’origine de l’introduction de technocrates au sein du gouvernement. En ce sens, la nomination à la tête du ministère des Affaires étrangères (MOFA) d’Adel al Joubeir, le 19 avril 2015, en est un exemple significatif. Né à Al Majmaa, au nord de Riyad, Adel al Joubeir (1962-) n’est pas membre de la famille royale. Il étudie à l’université Georgetown aux Etats-Unis et devient ambassadeur à Washington en 1987.
La remise en cause des principes collégiaux et de succession adelphique pose la question d’un resserrement vertical du pouvoir autour de la propre descendance du roi, confirmée par l’éviction du prince héritier Mohammed ben Nayef, par le décret royal du 21 juin 2017, et signe la fulgurante ascension du fils du roi, Mohammed ben Salman.

L’ascension de Mohammed ben Salman ou le resserrement vertical du pouvoir

Surnommé le « prince bédouin », réputé « fils préféré du roi », Mohammed ben Salman est aussi décrit comme une personne aux puissantes connections tribales et doté d’un caractère impulsif . Il est le fils aîné de la troisième épouse du roi, Fahda bint Falah du clan des al-Hithalayn. Il s’agit du clan le plus influent de la grande tribu du Nedj des Ajman.
Il choisit de se mettre au service de son père, le roi Salman, alors gouverneur de la capitale et devient son conseiller particulier lorsque son père est nommé ministre de la Défense en novembre 2013.
Celui-ci étant nommé prince héritier en juin 2012, Mohammed ben Salman reste auprès de lui en temps que conseiller spécial, avant d’être promu chef de cabinet, le 2 mars 2013, en remplacement de Saoud bin Nayef Al Saoud. Le 24 avril 2014, Mohammed ben Salman est nommé ministre d’Etat.
Bien que sans portefeuille, sa nomination lui permet d’assister au Conseil des ministres.
Le 21 juin 2017, Mohamed ben Salman est nommé prince héritier par son père, devenu roi en 2015. A cette occasion, il est également nommé vice-premier ministre et garde ses fonctions de ministre de la Défense qu’il a acquis le 23 janvier 2015. Il préside par ailleurs le Conseil des Affaires économiques et de développement et prend en charge l’ensemble des dossiers économiques, dont la mise en œuvre du plan de réformes Vision 2030. En mai 2015, Mohammed ben Salman prend la tête du conseil de la compagnie nationale pétrolière Aramco.

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Table des matières
Remerciements
Abstract 
Table des matières
Introduction
Liste des acronymes
Partie I. Vision 2030 : l’identité saoudienne mise à l’épreuve
Chapitre 1. L’Etat providence sous tension
Chapitre 2. La saoudisation de l’emploi, un levier économique face à un défi démographique
Chapitre 3. La promotion du divertissement et d’un islam « tolérant »
Partie II. Un levier politique : vers une réforme de l’exercice du pouvoir ? 
Chapitre 1. Réformer la collégialité du pouvoir : vers l’instauration d’une monarchie autocratique ?
Chapitre 2. L’ascension de Mohammed ben Salman ou le resserrement vertical du pouvoir
Chapitre 3. Le pacte fondateur entre la famille Saoud et le clergé wahhabite : vers une évolution de l’idéologie religieuse ?
Conclusion 
Bibliographie et sources 
Annexes 1 : Données générales
Annexes 2 : Généalogie de la famille Al Saoud 
Annexes 3 : La presse saoudienne
Annexes 4 : Les « influenceuses » saoudiennes 
Annexes 5 : Les religieux saoudiens les plus influents sur les réseaux sociaux 

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