Un inducteur tel que la mascotte améliore-t-il le langage oral des élèves de maternelle ?

Professeur des écoles stagiaire, j’effectue mon stage au sein d’une école maternelle du XVème arrondissement de Paris. L’école est composée de cinq classes et l’équipe éducative a choisi de ne faire que des double-niveaux pour cette année scolaire, en cause, l’arrivée de plus de soixante élèves de Petite Section pour centcinquante enfants dans l’école. Je suis à mi-temps avec ma binôme, elle aussi professeur des écoles stagiaire, sous le format trois semaines-trois semaines. Notre classe est à l’image de l’école, socialement mixte, elle compte vingt-sept élèves, douze Petits et quinze Moyens. La composition de la classe a beaucoup changé au cours de l’année puisque nous avons eu le départ d’une Petite Section en décembre et d’un élève de Moyenne Section en février. Nous avons également eu quatre arrivées, une Moyenne en octobre, un Moyen en novembre, un Petit en janvier et enfin une Moyenne en mars.

La maternelle est un monde à part dans la scolarité et nos souvenirs en tant qu’écolier sont maigres. Souvent menacée et discutée car « elle ne profite pas à tous de la même manière » , la maternelle a pourtant des objectifs fondamentaux, pour la vie scolaire d’un enfant, entre autres la socialisation des jeunes enfants, le devenir élève, le vivre ensemble et le langage dans toutes ses dimensions (oral, écrit, artistique et corporel). Ces différents objectifs doivent être travaillés tout au long de l’année scolaire, tout en gardant à l’esprit que nous sommes face à de très jeunes enfants, entre deux et cinq ans, en pleine découverte de la vie et de notre société, et dont la maternelle est la première expérience en tant qu’écoliers. Ce point est fondamental car il est de notre devoir de donner une image positive de l’école et des apprentissages ; ces premières années sont déterminantes pour la suite de la scolarité d’un enfant : « l’école maternelle est une école bienveillante, plus encore que les étapes ultérieures du parcours scolaire. Sa mission principale est de donner envie aux enfants d’aller à l’école pour apprendre, affirmer et épanouir leur personnalité ».

Dans ma classe, il ne faut bien sûr pas oublier que nous sommes face à de jeunes enfants, qui ont un univers bien à eux. En l’occurrence, entre trois et cinq ans, ils se trouvent dans l’âge des doudous : « le doudou, ‘objet transitionnel’ incontournable pour beaucoup de jeunes enfants occidentaux, fait maintenant partie de l’accueil à l’école maternelle française » . C’est la raison pour laquelle, dès que j’ai reçu mon affectation en maternelle, j’étais déjà persuadée de l’utilité d’une mascotte dans la classe. D’abord parce que les élèves ont un point de repère dans la classe et puis parce que de nombreux apprentissages peuvent se relier à ce personnage tant aimé des élèves. Avant même d’avoir ma première classe en responsabilité, j’étais déjà persuadée d’une chose sur les jeunes enfants et leur langage : il est sans filtre. Ils parlent comme ils pensent, à eux-mêmes, à leurs pairs et aux adultes. Drôles, touchants et cruels parfois, les mots des enfants sont toujours sincères.

Après avoir découvert ma classe, j’ai soulevé un problème auquel j’avais pourtant déjà réfléchi en préparant le concours mais sans en avoir décelé l’ampleur dans la réalité d’une classe : l’hétérogénéité entre les élèves, et notamment dans leur langage et leurs relations aux autres. Certains, dès le début de l’année, ont cherché à créer une relation avec leurs deux enseignantes, racontant quotidiennement des anecdotes de leur vie, répondant aux questions devant le groupe-classe au coin regroupement ; d’autres, plus timides, moins à l’aise avec la langue, n’ont pas parlé en classe pendant plusieurs jours sauf en cas de nécessité absolue ; d’autres encore, ne parlaient pas en classe mais étaient bien plus à l’aise dans des discussions plus authentiques, en récréation par exemple où nous partagions des expériences de vie. Après ce constat, j’ai décidé, en accord avec ma binôme, de mettre en place une mascotte dans notre classe et de créer de nombreux projets autour d’elle afin de donner du sens aux apprentissages et aux activités de nos élèves, en privilégiant tout de même des séances de langage oral.

Le langage : définitions et théories 

Définitions

Le concept de langage est difficile à déterminer et la distinction entre langue et langage tout aussi abstraite. Ferdinand de Saussure s’est risqué à distinguer les termes de langue, langage et parole et ses définitions restent utilisées et pertinentes encore aujourd’hui. Ainsi, le langage est la « faculté inhérente et universelle de l’humain de construire des langues (des codes) pour communiquer » , la langue est un « système de communication conventionnel particulier (…) un ensemble structuré composé d’éléments et de règles » . La parole est « une des composantes du langage qui consiste en l’utilisation de la langue » . Bénédicte Boysson-Bardies explique qu’« au cours de l’histoire de l’humanité, [le langage] a acquis la possibilité de se transmettre aussi par l’écrit ou pas des langues signées » , ce qui signifie que la langue orale et écrite est un outil permettant d’utiliser le langage.

Les « langues représentent différents modes d’association de représentation sémantiques ; elles reposent toutes sur des grammaires (…) elles réalisent en acte l’aptitude au langage. Les langues associent des sens à des sons » . Le langage « a un aspect physique, un aspect communicatif, un aspect cognitif et un aspect psychique. Nous parlons pour être entendus et compris, pour transmettre notre pensée et pour dire nos émotions » . Le langage est une notion difficile à appréhender et à apprécier, les recherches font une différence entre lexique de production et lexique de réception, les mots que l’on utilise et ceux que l’on comprend sans les utiliser au quotidien. Il est bien délicat de donner des chiffres sur ces deux formes de lexique, « si nous sommes assez cultivés, nous avons un lexique de production de 30 000 à 40 000 mots environ et (…) notre vocabulaire de réception atteint 60 000 mots.», ce qui est certain, c’est que « le vocabulaire de réception est bien plus étendu que celui qui sert à la production » . Complexe également de calculer une norme concernant l’acquisition du lexique et du langage, selon les individus, leur environnement et les interactions sociales, l’enfant « commence vers neuf mois à reconnaître des mots. La première année se développe aussi, plus lentement, la possibilité d’articuler des sons. Contrairement à l’oreille, le conduit vocal du bébé est immature à la naissance ». En revanche, « le bébé discrimine les caractéristiques phoniques et les combinaisons de signes des langues parlées et marque une préférence pour sa langue maternelle ainsi que pour la voix de sa mère ». S’il fallait donner une idée de norme, on peut dire qu’un enfant prononce ses premiers mots entre un an et dix-huit mois, suivent les phrases entre trois et quatre ans, d’ores et déjà la grammaire est globalement correcte . Cependant, « l’enfant ne peut apprendre que lorsqu’il possède une notion de ce qu’est un mot et le concept auquel il se réfère », or jamais dans la petite enfance, on n’apprend aux nourrissons ce qu’est un mot. « Lorsque les adultes parlent aux enfants, les mots qu’ils utilisent ne sont pas produits en concomitance directe avec l’objet. Souvent, la situation rend l’attribution du mot peu clair. De plus, beaucoup de mots n’ont pas de référents que l’on peut voir ou toucher : ‘beau’, ‘gentil’ » .

L’acquisition d’une langue et du langage est encore un point obscur pour la science bien qu’il soit « le moyen de communication central et spécifique de l’espèce humaine. C’est également notre instrument privilégié pour manipuler les représentations mentales, pour penser » . Pourtant, « personne ne peut encore à l’heure actuelle expliquer vraiment les dons qui permettent à l’enfant d’apprendre des mots et d’en apprendre même plusieurs centaines en l’espace de quelques mois » .

Théories sur l’acquisition du langage

Brièvement, nous revenons dans cette partie sur les principales théories de l’acquisition du langage qui se sont succédé et ont été débattues entre le XXème et le début du XXIème siècle, à savoir celles de Jean Piaget, Noam Chomsky et Lev Vygotski. Le seul aspect qui semble commun à toutes les théories évoquées ci-après est l’importance des interactions avec les adultes pour accroître le langage de l’enfant.

Le cognitivisme de Jean Piaget (1896-1980)
Au siècle dernier, Piaget a théorisé sa vision du langage et de son acquisition. Pour lui, le langage est le résultat d’un développement cognitif et des méthodes d’apprentissages disponibles dans l’environnement de l’enfant. Piaget est largement connu pour sa théorisation des quatre grandes périodes du développement psychologique de l’enfant. D’après lui, tous les enfants passent par quatre étapes nécessaires : c’est donc un apprentissage lent. De 0 à 2 ans, l’enfant est dans l’intelligence sensori-motrice, de 2 à 6-7 ans, c’est l’intelligence préopératoire, à partir de 6-7 ans et jusqu’à 10-12 ans, on entre dans l’intelligence opératoire, puis à l’entrée dans l’adolescence, l’enfant commence l’intelligence des opérations formelles. Entre 2 et 7 ans, lors de l’intelligence préopératoire donc, c’est là que se trouve, pour Piaget, le développement des capacités langagières, en plus de l’émergence d’une pensée symbolique. Ainsi les enfants jouent à faire « comme si » et utilisent le « on disait que j’étais… ». Dans tous les cas, Piaget insiste sur le fait que l’acquisition du langage se fait par étape et avec les interactions avec le monde extérieur, et notamment au sein de l’école. Pour lui, il n’y a que peu d’inné dans l’acquisition du langage, la faculté de langage est, pour Piaget, un sous-produit du développement de l’intelligence humaine.

L’innéisme inspiré de Noam Chomsky (1928 -) La linguistique ne fut que descriptive pendant longtemps et Chomsky a cherché à la mettre en lien avec l’esprit humain. L’intérêt pour des recherches sur l’acquisition du langage s’est particulièrement accru après Chomsky . Très controversé, il pense qu’il y a un organe dans notre appareil cognitif, appelé faculté du langage, « qui nous rend capables d’apprendre une langue humaine » , ainsi, « le langage fait (…) partie de l’équipement génétique de l’homme et représente alors un aspect de la génétique humaine » . L’acquisition du langage serait innée dans le cerveau du nourrisson dès la naissance et ce ne serait pas essentiellement un processus d’apprentissage. Il y a donc un aspect génétique d’après Chomsky, il s’inscrit dans la suite de Darwin, qui « parlait de ‘tendance instinctive à acquérir un art’ » . Pour justifier cet innéisme, Chomsky prend l’exemple de l’apprentissage des règles de grammaire ; pour lui, sont apprises à l’école uniquement les règles qui changent d’une langue à l’autre, or beaucoup d’autres règles ne sont jamais apprises et pourtant maîtrisées par les enfants. Il cite notamment la récursivité des phrases, c’est-à-dire qu’un enfant est capable de produire un nombre infini de phrases sans les avoir entendues avant, on peut également penser à l’ironie. Attention « Chomsky attribuait au nouveau-né une connaissance implicite des principes universels qui structurent les langues. Il ne voulait pas dire que le bébé connaît la grammaire, mais plus simplement que le cerveau humain est équipé de façon à extraire les règles qui sous-entendent la structure des langues » . Pour le linguiste, chaque enfant naît avec « l’instinct d’apprendre l’art du langage, mais l’écrit est un apprentissage ‘scolaire’ » .

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Table des matières

Introduction
I. Les enjeux du langage en maternelle
1. Le langage : définitions et théories
a. Définitions
b. Théories
Le cognitivisme de Jean Piaget
L’innéisme inspiré de Noam Chomsky
L’interactionnisme selon Lev Vygotski, Jerome Bruner et John L. Locke
2. Instructions officielles
II. L’intérêt des marionnettes en maternelle
1. Types de marionnettes
a. Terminologie
b. Forme de la marionnette
2. Doudou en maternelle
3. Marionnettes et enfant
a. Relations entre marionnette et enfant
b. Langage en situation
III. Introduire une mascotte dans sa classe
1. Achat ou fabrication ?
Graphique 1 : Pratique des enseignants pour l’introduction de leur mascotte
2. Arrivée de la mascotte
a. Multiples possibilités
b. Mon choix pédagogique
3. Exemples d’activités pédagogiques proposées
Graphique 2 : Utilisation de la mascotte
a. La frise du temps
b. Construction du nid de Pilou : travail sur la matière
c. Les vacances de Pilou : travail sur la chronologie
IV. Mascotte et langage oral : mise en œuvre, résultats et analyse
1. Mise en œuvre
a. Cadre général
b. Évaluations
2. Résultats et analyse
Graphique 3 : Les vacances racontés à l’enseignant et à la mascotte
Graphique 4 : Le récit de l’histoire des 3 petits cochons
Graphique 5 : Invention d’une histoire avec images
3. Limite de l’étude
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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